COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 17 OCTOBRE 2013
om
N°2013/364
Rôle N° 12/15742
SARL LA THOMINIERE
C/
[Q] [O]
[C] [O]
[J] [Z]
[U] [B]
[N] [H]
[L] [Y]
[G] [Y]
[P] [D]
[F] [X] épouse [A]
[M] [S]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Philippe HAGE
SCP LIZEE PETIT TARLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 13 Juillet 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 10/01949.
APPELANTE
SARL LA THOMINIERE , demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe HAGE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
Monsieur [Q] [O]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [C] [O]
née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [J] [Z]
né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 3], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [U] [B]
née le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [N] [H]
née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [L] [Y]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [G] [Y], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [P] [D]
née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [F] [X] épouse [A], demeurant [Adresse 2]
défaillante
Monsieur [M] [S], demeurant [Adresse 1]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Odile MALLET, Président, et Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Odile MALLET, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2013.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2013.
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL La Thominière (la SARL), qui a pour objet social la promotion immobilière, a obtenu le 17 juin 2010 un permis de construire deux bâtiments logistiques d'une superficie de 77.133 m² sur un terrain dont elle est propriétaire à [Localité 6].
Monsieur [Q] [O], Madame [C] [O], Monsieur [J] [Z], Madame [U] [B], Madame [N] [H], Monsieur [L] [Y], Madame [G] [Y], Madame [P] [D], Madame [F] [X] épouse [A], Monsieur [M] [S] (les intimés) ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'un recours en annulation du permis de construire délivré à la SARL.
Estimant que le recours ainsi exercé était constitutif d'un abus de droit, par actes des 5 et 11 octobre 2010 la SARL a assigné Madame [X] et Monsieur [S] aux fins de les entendre condamner conjointement et solidairement à lui payer une somme de 3.763.447€ à titre de dommages et intérêts.
Par actes du 4 novembre 2010 elle a assigné les autres intimés, sur le même fondement, aux fins de les entendre condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 4.926.894 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 13 juillet 2012 le tribunal de grande instance de Tarascon a :
dit que les recours exercés par les riverains ne présentent aucun caractère abusif et ne constituent pas une faute au sens de l'article 1382 du code civil,
constaté que le préjudice dont il est demandé réparation a pour cause le seul comportement de la SARL qui a reporté son projet nonobstant la délivrance du permis de construire,
débouté la SARL de l'ensemble de ses demandes,
reçu les riverains en leurs demandes reconventionnelles et condamné la SARL à payer à chacun d'eux une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice personnel et moral,
condamné la SARL à payer une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des riverains, (4.000,00 € aux époux [O] et 4.000 € aux époux [Y]),
condamné la SARL au paiement d'une amende civile de 2.000 € en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,
condamné la SARL aux entiers dépens.
La SARL a interjeté appel de ce jugement le 17 août 2012.
Par ordonnance du 26 février 2013 le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité des appels dirigés à l'encontre de Madame [X] et Monsieur [S].
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2013 avant l'ouverture des débats.
POSITION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date 3 septembre 2013 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la SARL demande à la cour, au visa des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile :
de rejeter le moyen tiré de la caducité de l'appel,
de rejeter les demandes des intimés tendant à voir écarter des débats les conclusions récapitulatives qu'elle a notifiées le 23 août 2013,
de dire et juger que l'action introduite par la SARL pour voir sanctionner le recours engagé par les intimés à l'encontre du permis de construire qui lui avait été accordé n'a pas un caractère abusif,
en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli la demande reconventionnelle des intimés en paiement d'une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et condamné la SARL à une amende civile,
subsidiairement, de ramener les sommes allouées à chacun des intimés à de plus justes proportions,
de débouter les intimés de toutes leurs demandes,
de ramener les sommes allouées aux intimés en application de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,
de condamner conjointement et solidairement les intimés aux entiers dépens et à lui payer une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures en date du 3 septembre 2013 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, les intimés demandent à la cour :
au vu de la décision du 26 février 2013, constater la caducité de la déclaration d'appel dans son ensemble,
d'écarter des débats les dernières écritures de la SARL pour violation du principe du contradictoire et absence de loyauté des débats puisqu'elles contiennent une nouvelle argumentation et de nouvelles demandes,
en tout état de cause, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter la SARL de toutes ses demandes,
de condamner la SARL aux entiers dépens et à payer à chacun d'eux une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur les incidents de procédure
Suivant avis de fixation du 27 mars 2013 les parties ont été avisées que l'ordonnance de clôture interviendrait le 3 septembre 2013.
Les intimés demandent à la cour de rejeter des débats les conclusions communiquées le 23 août 2013 par l'appelante. Toutefois ces écritures ne contenaient aucune demande nouvelle. De plus les intimés ont été en mesure d'en prendre connaissance en temps utile puisqu'ils y ont répliqué par écritures du 3 septembre 2013, de sorte que le principe du contradictoire a été respecté.
En conséquence il ne sera pas accédé à la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions de l'appelante.
* sur la caducité de l'appel
Par ordonnance du 26 février 2013 le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de Madame [X] et de Monsieur [S] qui n'ont pas constitué avocat, faute par l'appelante de leur avoir signifié ses conclusions dans le délai et selon les modalités prévues à l'article 911 du code de procédure civile.
Les autres intimés ne sont pas fondés à soutenir que la déclaration d'appel serait également caduque en ce qui les concerne alors que le conseiller de la mise en état n'a constaté la caducité qu'à l'égard de Madame [X] et Monsieur [S], à l'exclusion des autres intimés qui avaient régulièrement constitué avocat.
* sur l'abus de droit reproché aux intimés
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL de sa demande tendant à voir constater que les intimés se sont rendus coupables d'un abus de droit, cette disposition n'étant pas critiquée.
* sur l'abus de droit reproché à la sarl
L'exercice d'une action en justice ne peut dégénérer en abus et engager la responsabilité quasi-délictuelle que s'il révèle de la part de son auteur une intention de nuire, une malveillance, une mauvaise foi, une légèreté blâmable, une témérité ou encore une erreur grossière équivalente à un dol.
Dans le cas présent les intimés ont exercé des recours en annulation du permis de construire délivré à la SARL devant le tribunal administratif de Marseille. La SARL a saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir dire et juger que les recours ainsi exercés étaient abusifs. Le premier juge a débouté la SARL de ses demandes et, considérant que l'action engagée par cette dernière révélait une mauvaise foi évidente et constituait un moyen de pression tendant à intimider et déstabiliser les intimés, a fait droit aux demandes reconventionnelles, déclaré la SARL coupable d'un abus de droit et l'a condamnée à indemniser chacun des intimés.
S'il est indéniable que le montant particulièrement élevé des dommages et intérêts réclamés était de nature à déstabiliser les intimés, voire à faire pression sur eux, il n'en reste pas moins que la SARL pouvait légitimement considérer que les recours en annulation dirigés contre son permis de construire ne reposaient sur aucun moyen sérieux, n'avaient pour objet que de lui nuire et retarder la mise en oeuvre de son projet immobilier puisqu'il ressort de la lecture du jugement rendu le 22 avril 2013 par le tribunal administratif de Marseille qu'un seul des très nombreux moyens soulevés a été jugé recevable et bien fondé.
Il ne saurait donc être reproché à la SARL d'avoir fait preuve de légèreté blâmable, de témérité ou encore d'avoir commis une erreur grossière.
Il convient encore de relever que, dans la mesure où la SARL considérait être victime d'un abus de droit, elle n'avait pas d'autre choix que de saisir les tribunaux de l'ordre judiciaire, seuls compétents pour connaître de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par ailleurs la résistance de la SARL à exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire n'est pas de nature à rendre rétroactivement abusive sa demande en justice.
Enfin le maintien de la procédure d'appel malgré la caducité prononcée contre deux des dix intimés pour manque de diligence procédurale ne saurait suffire à démontrer que la SARL avait acquiescé au jugement et qu'elle n'a poursuivi l'instance d'appel que par malveillance et dans le but de nuire aux huit intimés qui avaient régulièrement constitué avocat.
En conséquence, la discussion instaurée ne révélant aucun abus de la part de la SARL dans l'exercice de son droit d'agir en justice, le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer des dommages et intérêts à chacun des intimés, outre une amende civile.
* sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions déposées le 23 août 2013 par la SARL La Thominière.
Constate que la déclaration d'appel n'est caduque qu'à l'encontre de Madame [F] [X] épouse [A] et Monsieur [M] [S].
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SARL La Thominière à payer à Messieurs [O], [Z], [Y] et à Mesdames [O], [B], [H], [Y] et [D] une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SARL La Thominière à payer une amende civile de 2.000 €.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute Messieurs [O], [Z], [Y] et Mesdames [O], [B], [H], [Y] et [D] de leurs demandes de dommages et intérêt pour procédure abusive.
Dit n'y avoir lieu de prononcer une amende civile à l'encontre de la SARL La Thominière.
Confirme le jugement en ses autres dispositions.
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles d'appel.
le greffier le président