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10/10/2013 | FRANCE | N°13/04746

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 10 octobre 2013, 13/04746


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT

PROCÉDURE DES ARTICLES 7 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971 ET 142 ET SUIVANTS DU DÉCRET DU 27 NOVEMBRE 1991 (CONTRAT DE COLLABORATION ENTRE AVOCATS)



DU 10 OCTOBRE 2013

FG

N° 2013/571













Rôle N° 13/04746







[W] [P]





C/



SELARL [Z] ET ASSOCIES





















Grosse délivrée

le :

à :





Me Frédéric PICARD





Me Ronny KTORZA











Décision déférée à la Cour :





Décision de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats de MARSEILLE en date du 07 Février 2013.









APPELANT







Maître Ronny KTORZA

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1],

dem...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT

PROCÉDURE DES ARTICLES 7 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971 ET 142 ET SUIVANTS DU DÉCRET DU 27 NOVEMBRE 1991 (CONTRAT DE COLLABORATION ENTRE AVOCATS)

DU 10 OCTOBRE 2013

FG

N° 2013/571

Rôle N° 13/04746

[W] [P]

C/

SELARL [Z] ET ASSOCIES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Frédéric PICARD

Me Ronny KTORZA

Décision déférée à la Cour :

Décision de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats de MARSEILLE en date du 07 Février 2013.

APPELANT

Maître Ronny KTORZA

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

comparant en personne

INTIMEE

SELARL [Z] ET ASSOCIES,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

prise en la personne de son gérant Monsieur [X] [Z].

représentée par Me Frédéric PICARD avocat au barreau de VERSAILLES.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2013.

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M.[W] [P], né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1], avocat, a conclu le 21novembre 2011avec la Selarl [Z] & associés, avocats à [Localité 1], un contrat de collaboration.

Ce contrat était à effet immédiat. Il était prévu une rémunération mensuelle forfaitaire de 1.800€ HT.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 26 mars 2012, la Selarl [Z] & associés a mis fin au contrat de collaboration, avec préavis de trois mois.

M.[W] [P] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille en application des dispositions de l'article 142 du décret du 27 novembre 1991 en lui demandant de requalifier son contrat de collaboration en contrat de travail, subsidiairement dire que la rupture du contrat de collaboration a été abusive et dire que des arriérés de rétrocessions d'honoraires lui étaient dus.

Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille a rendu sa décision le 7 février 2013. Il a débouté M.[P] de ses demandes, dit que le contrat était bien un contrat de collaboration, que sa rupture avait été réalisée conformément au contrat et avec préavis, était justifiée par l'insatisfaction de la Selarl [Z], et que le fait que le bâtonnier n'en ait pas été avisé ne créait aucun droit pour M.[P]

Par déclaration remise le 6 mars 2013 au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, M.[W] [P] a relevé appel contre cette décision.

Les parties ont été avisées par lettres recommandées avec avis de réception reçues respectivement le 13 mars 2013 par la Selarl [Z] et associés, et le 19 mars 2013 que l'affaire serai examinée à l'audience du 5 septembre 2013.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 16 mai 2013, les parties ont été avisées de ce que l'audience était reportée au 11 septembre 2013.

A l'audience du 11 septembre 2013, M.[W] [P] était comparant en personne et la Selarl [Z] et associés était représentée par M°PICARD, avocat au barreau de Versailles.

M.[W] [P] a demandé, au visa des articles L.1232-2, L.1232-6, L.1235-2 et L.1235-5 du code du travail, des dispositions du décret du 12 juillet 2007 portant règlement intérieur national de la profession d'avocat, de la décision normative du Conseil National des Barreaux du 11 février 2005 de :

- infirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 1] en toutes ses dispositions,

- dire que la relation existant entre les parties n'était pas celle d'un contrat de collaboration libérale mais d'un contrat de travail, et ce du fait de :

- l'impossibilité pour M.[P] de développer sa clientèle personnelle, en assumant l'ensemble des tâches qui lui étaient demandées,

- l'existence d'un lien de subordination manifeste dans la façon dont la relation s'est développée,

- faire injonction, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à la Selarl [Z] & associés, de régulariser la situation du travailleur salarié, M.[W] [P], du 21 novembre 2011 au 6 juillet 2012 inclus,

- ordonner la remise des bulletins de salaire correspondant à la période concernée, avec certificat de travail et attestation Pôle Emploi,

- constater que le contrat de travail a pris fin aux termes d'une procédure irrégulière et qu'il y a lieu, sous réserve de l'appréciation du caractère réel et sérieux du motif de rupture, de condamner la Selarl [Z] & associés à lui payer la somme de 2.100 €,

- constater que le licenciement intervenu sans motif est abusif et ouvre droit à dommages et intérêts, de 15.000 €,

- condamner encore la Selarl [Z] & associés à lui payer :

- 6.300 € d'indemnité de préavis,

- 1.720 € d'indemnité de congés payés,

- 1 € de préjudice moral,

- 910 € de remboursement de cotisations versées aux organismes sociaux,

- 200 € au titre du remboursement de la prime d'assurance responsabilité,

- à titre subsidiaire :

- infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a débouté M.[P] de sa demande d'arriéré de rétrocession,

- constater les manquements déontologiques et contractuels de la Selarl [Z] & Associés,

- condamner la Selarl [Z] & associés à lui payer :

- 4.606,45 € au titre de l'arriéré de rétrocession,

- 1.761,29 € d'indemnité de repos compensateur,

- 4.000 € pour rupture brutale du contrat,

- en tout état de cause, condamner la Selarl [Z] & associés à lui payer la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

M.[P] expose avoir été recruté le 21 novembre 2011 par la Selarl [Z] & associés, selon un contrat de collaboration.

Il précise que la Selarl [Z] & associés y a mis fin par lettre du 22 mars 2012 avec préavis de trois mois, mais que de fait il a continué à travailler jusqu'au 6 juillet 2012, jour auquel une standardiste du cabinet lui a téléphoné alors qu'il plaidait pour le cabinet à [Localité 2], de ne pas se représenter au cabinet.

M.[P] fait valoir que la Selarl [Z] & associés s'était engagée à lui laisser un temps nécessaire au développement de sa clientèle personnelle. Il précise qu'il devait recevoir une rétrocessions d'honoraires de 1.800 € puis 2.100 €. Il estime que le volume de travail et le rythme étaient tels, avec l'obligation de se rendre à des audiences dans toutes la France pour soutenir des dossiers complexes qu'il ne connaissait pas forcément, qu'il ne disposait d'aucun temps personnel et que ce sont pas les quelques 33 heures de cours par an à l'université qui peuvent être considérées comme l'ayant distrait de son travail.

M.[P] fait observer que des instructions lui étaient données constamment pour effectuer des démarches, et assurer des liens avec les clients du cabinet et qu'il était en lien de subordination avec le cabinet.

La Selarl [Z] et associés demande, au visa de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, du règlement intérieur national de la profession d'avocat, de l'article 1315 du code civil, des articles 16 alinéas 1, 2 et 3 à 148, 150 à 152, 179-1, 179-4 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, de :

-confirmer la décision du bâtonnier en date du 7 février 2013,

-débouter M.[P] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la Selarl [Z],

-condamner M.[P] à lui payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La Selarl [Z] et associés rappelle que la rupture du contrat de collaboration libérale est libre et n'a pas à être motivée.

Elle fait valoir que la charge de travail de M.[P] lui laissait du temps personnel pour commencer de développer une clientèle, fait observer que M.[P] a trouvé le temps de rédiger 25 chroniques pendant son temps de collaboration et de dispenser des heures de cours.

Elle estime que le lien de subordination n'est pas établi.

MOTIFS,

Il n'est pas contesté que l'appel est recevable.

-I) Sur la nature du contrat :

M.[P] a signé le 21 novembre 2011 un contrat de collaboration avec la Selarl [Z] et associés.

Ce contrat est prévu pour une durée indéterminée à compter du 21 novembre 2011.

L'article 3 de ce contrat précise que M.[P] s'engage à consacrer une part de son activité aux affaires de la Selarl [Z] et associés.

Il est précisé qu'il s'agit bien d'un contrat de collaboration libérale et non salariée et que la Selarl [Z] et associés doit laisser à ce collaborateur le temps nécessaire au développement de sa clientèle personnelle.

M.[P] prétend que les conditions d'exercice du contrat l'empêchaient de trouver le temps nécessaire au développement d'une clientèle personnelle.

Il y a lieu d'observer que la relation professionnelle entre M.[P] et la Selarl [Z] et associés a été courte, du 21 novembre 2011 au 24 juin 2012 selon la Selarl [Z] et associés, et du 21 novembre 2011 au 6 juillet 2012 selon M.[P], soit de 7 mois et 3 jours à 7 mois et 15 jours, en tout cas à peine plus de sept mois, étant observé qu'un préavis avait été donné le 24 mars 2012, et qu'entre le début de l'activité et le préavis il ne s'était écoulé que quatre mois. En tout état de cause, une période de quatre mois correspond à une prise de connaissance du cabinet et ne permet pas sérieusement de développer une clientèle.

La prise de connaissance du cabinet entraîne nécessairement un effort important pendant les premiers mois et ce n'est qu'au bout de quelques mois qu'un collaborateur nouveau aura l'expérience suffisante pour développer une clientèle personnelle.

A cet égard M.[P] n'établit pas avoir subi une charge d'activité pour le cabinet disproportionnée avec un contrat de collaboration libérale. Il a eu le temps nécessaire à la rédaction de chroniques juridiques.

Il a pu consacrer du temps à la formation, comme il est prévu en ce type de contrat, par des cours.

L'article 14.1 du règlement intérieur national rappelle que le contrat de collaboration libérale est un mode d'exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination.

M.[P] estime avoir été dans un lien de subordination avec la Selarl [Z] et associés.

M.[P] fait état de quelques messages émanant de M.[Z] lui demandant de venir le voir ou de s'occuper de tel ou tel dossier ou tel ou tel client.

Les termes courts et paraissant impératifs sont révélateurs d'un certain agacement de M.[Z] envers son collaborateur mais c'est insuffisant pour en déduire un lien de subordination au sens du contrat de travail.

M.[P] devait, comme tout avocat, subir les contraintes des audiences tenues dans les dossiers qui lui étaient confiés. En dehors de ces contraintes inhérentes à sa profession d'avocat, il était libre d'organiser son temps de travail.

La décision du bâtonnier sera confirmée en ce qui concerne le rejet de la demande de requalification du contrat en contrat de travail.

-II) Sur la rupture du contrat :

M.[P] estime, à titre subsidiaire, que la rupture du contrat, considéré comme de collaboration, a été abusive et demande 4.000 € à titre de dommages et intérêts.

L'article 14 du règlement intérieur national dispose que sauf meilleur accord des parties, chaque partie peut mettre fin au contrat de collaboration en avisant l'autre au moins trois mois à l'avance.

Le contrat de collaboration signé entre M.[P] et la Selarl [Z] et associés reprend en son article 2 ce délai de droit commun de trois mois.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 22 mars 2012 , reçue le 26 mars 2012 par M.[P], M.[Z], gérant de la Selarl [Z] et associés, a écrit à M.[P] : Mon cher confrère, J'ai le regret de vous informer que j'ai décidé de mettre fin au contrat de collaboration qui vous lie à la Selarl [Z] et associés. Le préavis courra dès réception de ce courrier. Vous remerciant des diligences que vous avez accomplies dans l'intérêt de notre société, je vous prie de me croire votre bien dévoué confrère.$gt;$gt;

Cette rupture est annoncée seulement quatre mois après le début du contrat.

La rupture d'un contrat de collaboration libérale est libre. Chaque partie est libre d'y mettre fin sans à devoir en justifier les motifs.

M.[P] ne prouve que la Selarl [Z] et associés aurait commis un abus dans l'exercice de ce droit de rupture unilatérale du contrat, alors au surplus que cette rupture est intervenue seulement quelques mois après le début des relations entre les parties.

La décision du bâtonnier sera également confirmée sur ce point.

-III) Sur les autres demandes subsidiaires :

M.[P] demande encore de dire que son contrat s'est poursuivi de fait jusqu'au 6 juillet 2012, date à laquelle il plaidait encore une affaire du cabinet [Z].

Il demande 4.606,45 € d'arriéré de rétrocession et 1.761,29 € d'indemnité de repos compensateur.

M.[P] justifie en effet qu'à la date du 6 juillet 2012 il plaidait devant la cour d'appel de Paris un dossier de propriété intellectuelle en matière de brevet pour un client de la Selarl [Z] et associés. Son nom figure sur l'arrêt comme celui de l'avocat qui représentait la Selarl [Z] et associés.

La date de fin de contrat a été considérée par le bâtonnier comme étant le 24 juin 2012 à tort alors que le préavis se terminait le 26 juin et non le 24 juin 2012. Mais de fait la collaboration s'est effectivement poursuivie jusqu'au 6 juillet 2012 inclus.

Il n'est pas contesté que la rémunération de M.[P] était en juin 2012 de 2.100 € par mois. Il lui sera dû pour la période du 24 juin au 6 juillet soit 15 jours, la somme de 1.050 €.

M.[P] n'a pas bénéficié de congés alors que le contrat de collaboration libérale prévoyait cinq semaines par an.

Il lui sera versé pour sept mois et demi de collaboration, l'équivalent de trois cinquièmes d'une indemnité mensuelle soit 1.260 €.

Par équité chaque partie conservera ses frais irrépétibles.

La procédure est sans dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Vu l'article 7 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

Vu les articles 142 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat,

Déclare l'appel recevable,

Confirme la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille en ce qu'elle a débouté M.[W] [P] de sa demande de requalification de son contrat de collaboration signé le 21 novembre 2012 avec la Selarl [Z] et associés en contrat de travail et de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de ce contrat de collaboration,

Réformant et ajoutant sur les points suivants,

Dit que la collaboration s'est poursuivie jusqu'au 6 juillet 2012 inclus,

Condamne la Selarl [Z] et associés à payer à M.[W] [P] les sommes de mille cinquante euros (1.050 €) de rémunération pour la période du 24 juin au 6 juillet 2012, et de mille deux cent soixante euros (1.260 €) d'indemnité pour perte de congés,

Dit que chaque partie conservera ses frais irrépétibles,

Dit la procédure sans dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 13/04746
Date de la décision : 10/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°13/04746 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-10;13.04746 ?
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