COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 11 JUILLET 2013
FG
N°2013/442
Rôle N° 12/14231
[J] [Z]
SCP [Z]
C/
[D] [X]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Juin 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/07880.
APPELANTS
Maître [J] [Z]
né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 3], notaire
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Pascale KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
SCP [Z]
SCP de notaires
dont le siège social est sis [Adresse 2], poursuites et diligences de son représentant légal en
exercice y domicilié.
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Pascale KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
INTIMEE
Madame [D] [X] [T]
née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 3].
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par la SELARL RENARD & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Laurianne RIBES, avocat au barreau de MARSEILLE.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2013.
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Par acte authentique reçu le 21 novembre 2003 par M°[J] [Z], notaire associé à [Localité 1] (Bouches-du-Rhône), la SCI Arizona a vendu à Mme [D] [X] un appartement et un parking correspondant aux lots 2 et 6d'un ensemble immobilier en copropriété sis [Adresse 4]) moyennant le prix de 144.521 €. Il s'agissait d'une vente en l'état futur d'achèvement.
La vente était conclue sous la condition suspensive de la justification par la venderesse de l'obtention dans un délai indiqué d'une garantie intrinsèque d'achèvement.
Cette condition suspensive a été constatée comme levée par acte subséquent de M°[Z].
Des difficultés sont apparues en raison de la défaillance de la SCI Arizona à terminer l'immeuble et à respecter le délai de livraison.
Mme [X] a demandé la résolution de la vente et mis en cause la responsabilité du notaire, M°[J] [Z] et la SCP [Z].
Par jugement en date du 5 juillet 2007, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé la résolution de la vente, condamné la SCI Arizona à restituer à Mme [X] la somme de 129.912 €, retenu une faute du notaire et condamné in solidum la SCI Arizona, M°[J] [Z] et la SCP [Z] à payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts à Mme [X].
Sur appel de Mme [X] limité à l'égard de M°[J] [Z] et la SCP [Z] seulement, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre A, a confirmé le jugement.
La SCI Arizona a fait l'objet d'une procédure collective, avec liquidation judiciaire.
Mme [X] a tenté de recouvrer la somme de 129.912 € dans le cadre de la procédure collective. Mais le liquidateur, M°[Q] a établi le 1er juillet 2010 un certificat d'irrecouvrabilité de cette somme.
Compte tenu de l'insolvabilité de la SCI Arizona, Mme [X] a fait assigner M°[Z] et sa SCP le 1er décembre 2010 devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins de les voir condamner à leur payer la somme de 129.912 € avec intérêts aux taux légal depuis le 26 mai 2005, plus 5.000 € de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 7 juin 2012, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :
- condamné M°[J] [Z] et la SCP [Z] à payer à Mme [D] [X] la somme de 129.912 € avec intérêts aux taux légal à compter du 1er décembre 2010,
- rejeté la demande de dommages et intérêts,
- condamné M°[J] [Z] et la SCP [Z] à payer à Mme [D] [X] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les demandes de M°[J] [Z] et la SCP [Z],
- condamné M°[J] [Z] et la SCP [Z] aux dépens,
- autorisé M°[I] [U] à faire application de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration de M°[R] [N], avocat au barreau d'Aix-en-Provence, en date du 23 juillet 2012, M°[J] [Z] et la SCP [Z] ont relevé appel de ce jugement.
Par leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 13 mai 2013, M°[J] [Z] et la SCP [Z] demandent à la cour d'appel de :
- dire que le notaire ne saurait être tenu de restituer un prix de vente qu'il n'a pas perçu,
- dire que le préjudice indemnisable ne peut être équivalent au prix de vente, même en cas d'insolvabilité du débiteur,
- dire que Mme [X] ne justifie pas de son préjudice,
- dire que Mme [X] ne justifie pas d'un lien de causalité direct entre la faute et le préjudice qu'elle invoque,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement,
- débouter Mme [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement Mme [X] à leur payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [X] aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Hervé COHEN, Laurent COHEN, Paul GUEDJ, Jean-Philippe MONTERO et Maud DAVAL-GUEDJ, avocats.
M°[Z] et sa SCP font observer qu'ils ne peuvent être condamnés à payer un prix de vente qu'ils n'ont pas perçu, qu'ils ont déjà été condamnés à payer 10.000 € à titre de dommages et intérêts. Ils font observer qu'il n'y a pas de lien entre la faute du notaire et les sommes réclamées, alors que les travaux ont été interrompus non pas faute de financement mais pour le non respect de règles d'urbanisme et qu'il n'est pas certain que l'immeuble aurait été achevé si la garantie intrinsèque d'achèvement avait existé.
Par leurs conclusions, notifiées et déposées le 21 novembre 2012, Mme [D] [X] demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement,
- y ajoutant la condamnation solidaire des appelants à lui payer 4.000 € pour procédure abusive,
- condamner solidairement M°[J] [Z] et la SCP [Z] à lui payer la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M°[J] [Z] et la SCP [Z] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de M°[G].
Mme [X] se prévaut de ce qui a été jugé par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 5 juillet 2007, jugement précisant dans ses motifs que le notaire ne peut être que garant de la restitution des sommes perçues en cas d'insolvabilité du vendeur, ce qui a été confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 novembre 2008.
Elle fait observer que les circonstances de fait ont changé depuis le jugement alors que l'insolvabilité de la venderesse est apparue avec la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 16 mai 2013.
MOTIFS,
Par arrêt du 18 novembre 2008 la cour d'appel a confirmé le principe de la faute commise par M°[Z] consistant à avoir manqué son obligation d'assurer l'efficacité et la sécurité juridique de l'acte en affirmant de façon erronée que les conditions de la garantie intrinsèque d'achèvement étaient réunies.
Sur le préjudice en découlant pour l'acquéreur, la cour d'appel , confirmant le jugement, a évalué celui-ci à 5.000 €.
L'autorité de chose jugée concerne les dispositions de cet arrêt contenues dans le dispositif de celui-ci, soutenues par les motifs qui en sont le fondement nécessaire.
Le dispositif de l'arrêt se borne à confirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.
Le dispositif du jugement est : rejette la demande de sursis à statuer, prononce la résolution de la vente, condamne la SCI Arizona à restituer la somme reçue, condamne in solidum la SCI Arizona, le notaire et sa SCP à payer 5.000 € à titre de dommages et intérêts.
Les motifs fondant la condamnation du notaire et de sa SCP sont ceux qui disent que le notaire a commis une faute. Il y a autorité de chose jugée à ce sujet. Ce n'est pas contesté.
Quant aux motifs qui sous-tendent l'évaluation du préjudice et du lien de causalité, ils se rattachent à la condamnation par le dispositif à un montant de 5.000 €.
Le tribunal et la cour ont estimé le préjudice subi à ce montant. Ils ne pouvaient se prononcer sur un préjudice éventuel.
Le tribunal et la cour n'ont pu motiver une condamnation éventuelle à venir sur un événement improbable.
La cour est en conséquence saisie du point de savoir si la circonstance nouvelle survenue depuis cet arrêt, de l'absence de restitution des sommes dues en vertu de l'arrêt, est de nature à former une évaluation d'un préjudice complémentaire, subi depuis le précédent arrêt, qui serait en lien de causalité avec la faute du notaire.
Ce préjudice est lié à l'insuffisance d'actif de la SCI Arizona, et à la clôture pour cette raison de la liquidation judiciaire. Mme [X] n'a pu obtenir le paiement des sommes dues à la suite de la résolution de la vente, malgré sa déclaration de créance.
Le préjudice causé par la faute du notaire est la perte de chance d'avoir pu renoncer à l'acquisition.
Compte tenu de la perspective de restitution des sommes versées, cette perte de chance entraînait un préjudice limité.
La circonstance nouvelle de l'absence prouvée de restitution des sommes versées autorise l'acquéreur à former un demande d'indemnisation complémentaire de son préjudice pour perte de chance mais non pas à voir condamner le notaire à se substituer au vendeur dans l'obligation de restituer le prix, obligation qui est personnelle au vendeur.
Son montant ne peut pour autant pas se confondre avec celui correspondant aux sommes dues par la SCI Arizona, dont le notaire ne peut être considéré comme le garant.
Ce préjudice complémentaire survenu depuis l'arrêt du 18 novembre 2008, pouvait être de nature à justifier une condamnation à dommages et intérêts supplémentaires. Mais sur ce point, Mme [X], déboutée de cette demande par le jugement, n'a émis aucune contestation, se bornant à demander la confirmation du jugement, confirmation que la cour ne peut que prononcer sur ce point puisque toutes les parties ont acquiescé à ce sujet.
La procédure n'est pas abusive et aucune condamnation à dommages et intérêts ne sera prononcée de ce chef.
Le jugement sera infirmé.
Par équité, chaque partie conservera ses dépens et ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 7 juin 2012, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, sauf en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de M°[J] [Z] et la SCP [Z],
Constate que Mme [D] [X] a demandé la confirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, et en conséquence confirme le jugement sur ce point,
Statuant à nouveau sur le surplus,
Déboute Mme [D] [X] de sa demande de condamnation de M°[J] [Z] et de la SCP [Z] à payer le montant correspondant à la partie du prix reçue par la SCI Arizona et non restituée suite à la résolution de la vente,
Dit n'y avoir lieu à condamnation à dommages et intérêts pour procédure abusive,
Dit que chaque partie conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT