COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 10 JUILLET 2013
N°2013/283
Rôle N° 11/13532
[E] [L]
[S] [H] épouse [L]
SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD
C/
[D] [G]
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
Grosse délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 28 Juin 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/5433.
APPELANTS
Monsieur [E] [L]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2] (13), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de Me Laurent COHEN , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de la SCP MONIER TENDRAIEN MANENT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Madame [S] [H] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2] (13), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de Me Laurent COHEN , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de la SCP MONIER TENDRAIEN MANENT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD
[Adresse 3]
représenté par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de Me Laurent COHEN , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de la SCP MONIER TENDRAIEN MANENT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
INTIMES
Monsieur [D] [G]
né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 2] (13), demeurant 13 boulevard [Localité 1], bât. [Adresse 4]
représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me André FLOIRAS, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christiane BELIERES, Présidente, et Mme Jacqueline FAURE, Conseiller, chargées du rapport.
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller
Madame Corinne DESJARDINS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juillet 2013.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juillet 2013.
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 1er novembre 2009, à 13h30, à [Localité 2], une collision a eu lieu entre le véhicule automobile Toyota Yaris conduit par M. [E] [L] assuré auprès de CIC Assurances, et la motocyclette Yamaha conduite par M. [D] [G].
Par acte du 16 mars 2011, M. [G] a fait assigner à jour fixe M. et Mme [L], la société CIC Assurances et la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône pour voir reconnaître son droit à indemnisation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.
Par jugement en date du 24 mai 2011, le tribunal de grande instance de Marseille a :
- dit que Mme [L] et la société CIC Assurances doivent indemniser M. [G] des conséquences dommageables de l'accident du 1er novembre 2009,
- avant dire droit sur le préjudice, ordonné une expertise médicale confiée au docteur [R],
- condamner in solidum Mme [L] et la société CIC Assurances à payer à M. [G] la somme de 30'000 € à titre de provision,
- déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône,
- ordonné l'exécution provisoire,
- réservé toute autre demande.
Par acte en date du 28 juillet 2011, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM) IARD, venant aux droits de la CIC Assurances, M. [L] et Mme [S] [H] épouse [L] ont interjeté appel général de cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions en date du 3 mai 2012, les appelants demandent à la cour, au visa de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, de :
- juger qu'en circulant à une vitesse excessive eu égard aux conditions de circulation et en perdant le contrôle de sa motocyclette, M. [G] a commis des fautes excluant tout droit à indemnisation,
- juger qu'il ne peut se voir reconnaître aucun droit à indemnisation,
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, en tout état de cause, mettre hors de cause Mme [L], passager transporté du véhicule appartenant à son 'épouse',
subsidiairement,
- ordonner une expertise afin de déterminer, eu égard aux éléments du procès-verbal de police et des constatations matérielles sur les véhicules concernés, la vitesse de la moto au moment de l'accident,
très subsidiairement,
- si la cour estimait réduire le droit à indemnisation de M. [G], juger que celui-ci ne pourra se voir octroyer que 25 % du dommage par lui subi,
- condamner M. [G] à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [G] aux entiers dépens.
Les appelants font valoir que M. [G] circulait à une vitesse excessive et qu'il a ainsi perdu le contrôle de son véhicule, qui a glissé et ripé sur la chaussée avant de venir heurter le véhicule Toyota ; que contrairement aux motifs retenus par le tribunal, les mêmes causes produisent les mêmes effets et que l'excès de vitesse se déduit des dégâts observés sur les véhicules et de leur trajectoire après collision ; qu'en l'espèce, le rapport [K], tenant compte de ces éléments et fondé sur les résultats de différents crash-tests, établit que M. [G] circulait à vive allure ; que cet élément n'a pu être observé par M. [Z], qui n'a pas vu la moto avant le choc.
Par conclusions du 22 décembre 2011, M. [G] demande à la cour, au visa de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil et de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, plus particulièrement en ce qu'il désigne un expert médical et condamne les défendeurs à payer la somme de 30'000 € à titre de provision,
- condamner les appelants à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens
L'intimé souligne que M. [L], déclarant avoir repris sa progression après avoir été bloqué quelques instants, avoue ainsi son manque de précaution ; que le témoignage de M. [Z] révèle qu'il ne dit pas la vérité.
Il relève que la vitesse excessive qui lui est reprochée n'est pas établie ; qu'elle ne résulte pas du rapport non contradictoire de crash-test, que le tribunal a écarté par des motifs pertinents et alors que la taille et le poids du motard n'étaient pas identiques aux siens.
Il précise encore d'une part, que Mme [L] a été mise en cause en sa qualité de propriétaire du véhicule, d'autre part, que l'importance du préjudice subi justifie le montant de la provision allouée.
Par lettre du 18 février 2011, la CPAM des Bouches du Rhône, qui n'entend pas intervenir à l'instance, indique que le montant provisoire des prestations en nature prises en charge à l'occasion de l'accident s'élève à la somme de 272'703,96 €.
La CPAM, régulièrement assignée à personne habilitée par acte du 4 novembre 2011, n'ayant pas constitué avocat, il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
Motifs :
Attendu qu'en vertu de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur, a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation de ses dommages ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal établi par les agents du commissariat du 4ème arrondissement en patrouille sur le secteur et présents sur les lieux à 13h 35, que l'accident a eu lieu le 1er novembre 2009 à 13h 30 à [Localité 2] à l'intersection formée par le boulevard [T] [U] et le [Adresse 5], sur une route rectiligne à 6 voies, séparées par un terre plein central, avec vitesse limitée à 50 km/heure ; qu'au moment des faits, la visibilité était bonne sur une chaussée non obstruée et sèche, mais la circulation encombrée ; que le véhicule Toyota Yaris conduit par M. [L], qui transportait Mme [L], circulant sur le [Adresse 5], a été heurté à l'avant droit par la moto Yamaha conduite par M. [G] circulant sur le boulevard [T] [U] en direction de la Timone ;
Attendu que M. [L] entendu par les services de police, le jour des faits à 14h 50, indique qu'il venait de Salle [A] et se dirigeait [Adresse 6] en traversant le bd [T] [U] ; qu'il ajoute 'vu la circulation sur le bd [T] [U] je suis resté bloqué quelques instants, puis étant débloqué j'ai continué ma progression. Soudain une moto venant par ma droite est venue me percuter au niveau de la roue avant droite, je ne l'ai pas vue arriver. Je précise que les voitures des trois voies du bd [T] [U] se sont arrêtées pour me laisser passer, la moto doublait les véhicules par la gauche, sur la voie la plus à gauche. Je précise que la moto roulait très vite' ;
Attendu que Mme [L], passagère du véhicule conduit par son mari, entendue le même jour à 14h 52, indique 'passé le feu vert angle Foch, bd [T] [U], les voitures nous ont laissé passer, j'ai vu un motard arrivant de Plombière en direction de la Timone qui faisait un rouli, en circulant à fond, il nous a percuté de plein fouet' ;
Attendu que les policiers n'ont pu recueillir les déclaration de M. [G], transporté à l'hôpital [2] ;
Attendu que M. [Z], entendu sur les lieux de l'accident, à 14h 20, indique : 'j'attendais le tramway à l'arrêt Foch/[C], en direction de la Canebière. En regardant en direction de la gare de la [1], j'ai aperçu un véhicule Toyota circulant sur le bd [C] venant de la Timone. Ce véhicule suivait d'autres véhicules pour faire demi-tour à l'angle avec l'avenue Foch. En faisant sa manoeuvre, ce véhicule s'est retrouvé dans l'autre sens de circulation. C'est alors qu'une moto venant du Dome bd [T] [U], circulant sur la voie la plus à gauche, a percuté le véhicule sur la portière avant droite. La roue arrière de la moto a touché la roue avant droite du véhicule. Le chauffeur de la moto a tapé sa tête sur la portière arrière droite. Ce dernier s'est retrouvé un pied sous le véhicule et la tête derrière la roue arrière droite. Je ne sais pas à quelle allure allait la moto' ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments, que M. [G] a entrepris de traverser le boulevard Foch, alors qu'il y était autorisé par le feu vert, qui bénéficiaient aux véhicules circulant comme lui sur le boulevard [T] [U] en direction de la Timone ; que la vitesse excessive, qui lui est reprochée par la partie adverse, n'a pas été observée par M. [Z], dont il n'est pas démontré qu'il n'a pas eu une vision complète de l'accident ;
Attendu qu'une vitesse inadaptée ne peut davantage être retenue sur la base du rapport non contradictoire, établi par la SAS [K] à la demande de CIC Assurances, fondé sur des reconstitutions par 'crash-test dans des conditions de collision les plus proches possibles de celles de l'accident' selon la formule utilisée en page 22/44 de ce document ;
Attendu en effet que les 'crash- test' par lancer d'une motocyclette sans pilote, sur un obstacle fixe et indéformable, ou par lancer d'une motocyclette sur un véhicule en mouvement, visant à établir la vitesse de la motocyclette conduite par M. [G] à partir des dégâts relevés sur cet engin (rupture du cadre et traces de ripage) et sur le véhicule automobile (enfoncement avant-droit sur pare-choc en partie arraché sur la largeur, pneu roue avant-droite crevé et impact sur jante, portières droites enfoncées avec traces de griffures sur la portière avant et traces de peinture noires et bleues sur la portière arrière), sont toujours des simulations fondées sur des données partielles mettant en présence les seuls véhicules, qui ne peuvent en aucun cas rendre compte avec certitude des circonstances exactes d'un accident dans lequel sont également intervenus des conducteurs et ce, dans un contexte humain et technique plus général non intégré à la reconstitution ; que la formule apparemment démonstrative selon laquelle 'les mêmes causes produisent les mêmes effets'à la supposer scientifiquement reconnue, est ainsi inappropriée en l'espèce ;
Attendu que les seules déclarations subjectives des appelants ne peuvent constituer un élément de preuve de la vitesse inadaptée reprochée à M. [G] ;
Attendu qu'il n'est pas scientifiquement acquis que les causes d'un accident puissent être reconstituées avec suffisamment de certitude à partir des dégradations relevées sur des biens matériels, quant bien même seraient-elles complétées du témoignage d'un tiers et des déclarations de l'un des conducteurs dont le véhicule est impliqué dans la collision ; que la demande subsidiaire aux fins de voir instituer une expertise cinématique judiciaire sera en conséquence rejetée ;
Attendu qu'en définitive, les appelants ne rapportent pas la preuve d'une faute de M. [G] de nature à exclure ou à limiter son droit à indemnisation ; que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que le jour même de l'accident, M. [L] a déclaré conduire un véhicule qui appartient à son épouse, tandis que celle-ci a indiqué 'j'étais passagère à bord de mon véhicule Toyota Yaris' ; que les appelants ne produisent aucun document permettant de déterminer l'identité du propriétaire du véhicule impliqué dans l'accident ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence, de mettre hors de cause Mme [L], se présentant elle-même comme la propriétaire du véhicule en cause ;
Attendu que la SA ACM IARD et M. et Mme [L], qui succombent sur leur contestation du jugement, supporteront la charge des entiers dépens exposés en appel ; que M. [G] ayant été contraint d'exposer des frais pour assurer la défense de ses droits, il est équitable, en cause d'appel, de condamner in solidum la SA ACM IARD et M. et Mme [L] à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, complémentaire à celle allouée par le tribunal ;
Décision :
La cour,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu à expertise cinématique judiciaire ;
- Dit n'y avoir lieu à réduction du droit à indemnisation de M. [G] ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD et de M. et Mme [L] ;
- Condamne in solidum la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD et M. et Mme [L] à payer à M. [G] en cause d'appel, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD et M. et Mme [L] aux entiers dépens exposés en appel, dont le recouvrement aura lieu dans les conditions prescrites par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT