COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 04 JUILLET 2013
D.D-P
N° 2013/425
Rôle N° 12/11543
[A] [R] épouse [F]
C/
[D] [B]
[K] [T] épouse [O]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Juin 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00367.
APPELANTE
Madame [A] [R] épouse [F],
née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Béatrice GAGNE, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [D] [B]
née le [Date naissance 1] 1920 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Catherine COHEN SEAT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Jean-Pierre ANDREANI, avocat au barreau de NICE.
Madame [K] [T] épouse [O]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Catherine COHEN SEAT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Jean-Pierre ANDREANI, avocat au barreau de NICE.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Juin 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2013,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Q] [B] veuve [N], née le [Date naissance 4] 1918 a établi plusieurs testaments olographes dont les derniers en date sont les suivants :
' un testament du 10 février 2000 instituant sa nièce [A] comme légataire universelle, ' un testament du 16 octobre 2002 révoquant le précédent, et léguant l'ensemble de ses biens à sa nièce [A], «à l'exception de 200'000 F pour chacun de ses fils » ;
' et un dernier testament du 10 décembre 2006 par laquelle elle a déclaré annuler tous les testaments ayant pu être «établis à Mme [A] [F] ».
Mme [B] veuve [N] qui résidait en maison de retraite depuis 2004, a été placée sous sauvegarde de justice par ordonnance du juge des tutelles en date du 30 janvier 2007. Elle est décédée à [Localité 4] quelques jours plus tard, le 26 février 2007, à l'âge de 89 ans.
Par exploit en date du 22 juin 2007 M. [D] [B] et Mme [K] [T] épouse [O] ont fait assigner Mme [A] [R] aux fins de voir déclarer régulier le dernier testament établi le 10 décembre 2006 par Mme [Q] [B] veuve [N], soeur du premier et grand-tante de la seconde, aux fins de voir condamner cette dernière à rapporter à la succession une somme de 939'592,14 €, correspondant à l'actif identifié et aux fins de voir ordonner une expertise pour le surplus aux fins de vérifier les comptes de gestion du patrimoine de la défunte par [A] [R] de l'an 2000 jusqu'au décès de cette dernière, et de rechercher les destinataires des fonds retirés et des opérations d'assurance-vie souscrites, et d'évaluer le montant des retraits effectués par [A] [R] sur les comptes de sa tante à son profit personnel, de dire qu'il sera fait application des sanctions prévues en matière de recel successoral à [A] [R].
Par jugement en date du 5 juin 2012 le tribunal de grande instance de Nice a :
' déclaré valable le testament olographe de Mme [Q] [B] veuve [N] daté du 10 décembre 2006 par lequel celle-ci a révoqué ses dispositions testamentaires précédentes au profit de sa nièce, Mme [A] [R] ;
' dit que la succession doit être le cas en fonction de la dévolution légale ;
avant dire droit sur une éventuelle mesure d'expertise,
' ordonné la mise en cause de l'intégralité des successibles de Mme [Q] [B] veuve [N] et renvoyé l'affaire la mise en état
' et réservé le surplus des demandes.
Le tribunal énonce en ses motifs :
' que la preuve n'est pas rapportée de l'insanité d'esprit de Mme [B] veuve [N] à la date du testament du 10 décembre 2006, même si celle-ci a été placée sous sauvegarde de justice un mois après sa rédaction ;
' que le rapport d'expertise psychiatrique qui a donné lieu à cette mesure de protection fait état de signes de détérioration très importants de la mémoire, de la concentration et de l'attention et d'un mauvais état général, dus à son grand âge, sans mentionner de troubles mentaux altérant ses facultés de discernement ;
' qu'il est surtout fait état dans ce rapport de l'extrême perturbation de celle-ci du fait de la vente à son insu de son appartement sans qu'elle sache qu'il était advenu du prix de vente de 540'000 € ni de tous ses objets personnels, souvenirs et bijoux et des meubles s'y trouvant et de son désir d'être protégée de la pression de son entourage la conduisant à des actes préjudiciables à ses intérêts ;
' qu'il ne ressort d'aucun de ces éléments la preuve de l'insanité d'esprit de la testatrice au sens de l'article 901 du Code civil ;
' que Mme [A] [R], qui invoque l'insanité d'esprit de sa tante pour contester le dernier testament révoquant les dispositions antérieures la gratifiant, lui a fait signer des actes très important dans le courant de l'année 2006 ;
* le 11 avril 2006 le mandat pour la représenter devant notaire pour vendre son appartement .
* le 13 avril 2006 la souscription d'un contrat d'assurance-vie de 400'000 € auprès de la banque CAIXA HORIZON PATRIMOINE ;
' que dans la lettre adressée par Mme [R] au juge des tutelles 8 février 2007, celle-ci a rayé de sa main la mention 'altération des facultés mentales » pour ajouter de sa main que la demande était justifiée par 'les pertes de mémoire' de sa tante et ' la pression d'un membre de la famille' ;
' qu'elle-même estimait donc que sa tante, bien que très affaiblie, avait encore tout son discernement en 2006 ;
sur les moyens de nullité subsidiaire tirés de la violence morale et du dol,
' que Mme [A] [R] ne verse aux débats aucun élément de nature à corroborer ses accusations à l'encontre de [D] [B] de dol et de violence, le fait d'avoir conseillé à sa soeur de retirer la procuration donnée à Mme [A] [R], et à consulter un avocat pour savoir ce qu'était devenu le prix de vente de son bien immobilier, ne saurait être analysé comme des manoeuvres dolosives,
' et enfin que la testatrice n'était pas isolée, contrairement à ce qui est soutenu, puisqu'elle était hébergée en maison de retraite au moment de la rédaction de l'acte.
Par déclaration adressée au greffe de la cour le 22 juin 2012 Mme [A] [R] épouse [F] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 22 mai 2013 elle demande à la cour, au visa des articles 901 et suivants, 955 et 1046 et suivants du Code civil :
' d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
' d'annuler le testament olographe daté du 10 décembre 2006 ;
' de déclarer réguliers et devant recevoir pleine exécution les testaments établis par Mme [Q] [B] veuve [N] en date du 10 février 2000 et 16 octobre 2002 ;
' de condamner conjointement et solidairement M. [D] [B] et Mme [K] [T] épouse [O] à lui verser la somme de 15'000 € en réparation du préjudice moral subi et celle de 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour 'procédure abusive et obligation de plaider';
' et de les condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Mme [A] [R] invoque en substance les forts liens d'affection à son égard de la défunte qui n'en a jamais entretenu de tels avec les intimés ; que ceux-ci se prévalent d'un testament olographe du 10 décembre 2006 alors que Mme[B] veuve [N] a été placée sous sauvegarde de justice, après un examen médical soulignant l'altération de ses facultés, le 30 janvier 2007 ; que dans une lettre de reproches à l'égard de Mme [A] [R] datée du 7 novembre 2006, M. [B] reconnaissait lui-même, déjà à cette époque, que Mme [Q] [B] veuve [N] 'ne savait plus où elle était' et n'avait pas pu être d'accord avec la vente en avril 2006 n'étant plus lucide, alors qu'elle l'était parfaitement, et avait donné mandat à Mme [R] ;que c'est bien Mme [B] veuve [N] qui a écrit la lettre du 19 janvier 2007, établie après que l'appelante lui a fait part de la teneur du courrier de Me [H] du 21 décembre 2006 ; et que durant les derniers mois de sa vie la défunte, très affaiblie, a été la victime de manoeuvres dolosives et de violence morale de la part de son frère, lui répétant que l'appelante l'avait ruinée et abandonnée, ce qui l'a beaucoup perturbée , et en lui faisant signer des documents alors qu'elle était sous assistance respiratoire, ce qu'une infirmière atteste.
Par conclusions notifiées le 30 avril 2013 M. [D] [B] et Mme [K] [T] épouse [O] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à leur payer la somme de 2000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec distraction.
Ils soutiennent que l'appelante ne peut à la fois se prévaloir de la lucidité de la défunte lorsqu'elle lui a donné mandat de vendre et a rédigé des courriers pour gérer ses affaires, et soutenir qu'elle était insane lors de la rédaction entre-temps du testament.
Aucun élément ne vient corroborer les allégations de violence ou de dol.
MOTIFS :
Attendu que les parties se bornent à reprendre leurs prétentions et moyens de première instance;
Attendu que faute d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge a déjà répondu par des motifs développés pertinents qui méritent adoption et qu'il a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'aucun abus du droit d'ester en justice n'est à déplorer ; qu'il s'ensuit le rejet des demandes tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour procédure abusive présentées par l'appelante ;
Attendu que l'appelante succombant devra supporter la charge des dépens, et verser en équité la somme de 1500 € à chacun des intimés, soit 3000 € au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant lui-même prétendre au bénéfice de ce texte ;
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant
Déboute Mme [A] [R] épouse [F] de sa demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages et intérerêts,
Condamne Mme [A] [R] épouse [F] à payer à Mme [K] [T] épouse [O] et M. [D] [B] la somme de mille cinq cents euros (1500 €) chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. avec distraction.
LE GREFFIERLE PRESIDENT