COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 04 JUILLET 2013
N°2013/ 398
Rôle N° 11/16064
[T] [M]
C/
S.A. ID SUD
SA AXA FRANCE IARD
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
SELARL BOULAN
Arrêt en date du 04 Juillet 2013 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8/12/2009 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 26/06/2008 par la Cour d'Appel d' AIX-EN PROVENCE (8ème CH C)
DEMANDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
Monsieur [T] [M]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 2] (TUNISIE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Catherine VISY, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
S.A. ID SUD,
venant aux droits de la SA CHANGE DE LA BOURSE,
dont le siége social est [Adresse 3]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués,
plaidant par Me Alban RAIS, avocat au barreau de PARIS
SA AXA FRANCE IARD,
anciennement dénommée AXA ASSURANCES IARD,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués ,
ayant Me Christian DUREUIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Mai 2013 en audience publique .Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la Cour composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président,
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2013
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 19 février 2001 par le tribunal de commerce de Marseille ;
Vu l'arrêt infirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 28 octobre 2004 cassé en toutes ses dispositions par la Cour de Cassation le 4 juillet 2006 ;
Vu, sur renvoi, l'arrêt pour l'essentiel confirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 26 juin 2008 cassé partiellement par la Cour de Cassation le 8 décembre 2009;
Vu, après une nouvelle saisine de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, cour de renvoi, les conclusions déposées le 20 octobre 2010 par la société ID SUD venant aux droits de la société CHANGE DE LA BOURSE, appelante ;
Vu l'arrêt en date du 7 septembre 2011 ayant ordonné le retrait de l'affaire du rôle à la demande de l'ensemble des parties ;
Vu les conclusions déposées le 15 décembre 2011 par la compagnie d'assurances AXA FRANCE, assureur de la société ID SUD, intimée ;
Vu les conclusions déposées le 9 novembre 2012 par [T] [M], intimé;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;
Attendu qu'[T] [M] (le client) était titulaire d'un compte titres auprès de la société CHANGE DE LA BOURSE aux droits de laquelle vient la société ID SUD (la société de bourse) assurée auprès de la compagnie AXA FRANCE; que, constatant une diminution importante de la valeur de son portefeuille, il l'a transféré à la société BARCLAY'S France puis obtenu la désignation d'un expert en référé ; qu'au vu du rapport déposé il a assigné la société de bourse devant le tribunal de commerce de Marseille en paiement d'une somme de 6'389'856 F correspondant au montant estimé de ses pertes ; que par jugement en date du 19 février 2000 le tribunal saisi a fait droit à la demande ; que ce jugement a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 28 octobre 2004 qui a rejeté l'ensemble des demandes du client en relevant pour l'essentiel que ce dernier, spécialiste en la matière et entouré de conseillers qualifiés, avait géré son portefeuille personnellement ; que cet arrêt a été cassé par la Cour de Cassation le 4 juillet 2006 au motif que la cour d'appel n'avait pas recherché, en premier lieu si les relevés de comptes adressés au client n'étaient pas affectés d'erreurs et de lacunes ayant privé celui-ci d'informations exactes quant à la situation de son portefeuille, et en second lieu si le client avait, lors de l'ouverture de son compte, une connaissance suffisante des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme dispensant la société de bourse de son obligation de mise en garde ou si les opérations génératrices de pertes étaient intervenues après que le client ait acquis une telle connaissance ;
Attendu que, statuant sur renvoi, la même cour d'appel, par arrêt en date du 26 juin 2008, considérant qu'aucune preuve n'était rapportée de la gestion de fait du portefeuille du client par la société de bourse, que les erreurs affectant les avis d'opéré et les extraits de compte réceptionnés par le client ne permettaient pas à ce dernier d'avoir une connaissance exacte et précise de la situation de son portefeuille, qu'aucune preuve n'était administrée de ce qu'il avait des connaissances intimes suffisantes du fonctionnement des marchés boursiers à risque et que la société de bourse avait dès lors failli à son obligation de mise en garde, mais que le préjudice en découlant se limitait à une perte de chance pouvant être évaluée à 60'000 € au vu des constatations de l'expert qui démontraient que les extraits et relevés réceptionnés évaluaient la valeur du portefeuille à un montant inférieur au montant réel, a condamné la société de bourse à payer cette somme au client et condamné la compagnie AXA FRANCE à garantie ; que cet arrêt a été à nouveau cassé, quant au montant des dommages-intérêts uniquement, au motif que la cour d'appel n'avait pas répondu aux conclusions dans lesquelles le client soutenait que la société de bourse avait engagé sa responsabilité en exécutant des ordres qui lui avaient été transmis par un intermédiaire, Monsieur [K], en violation des limites de son mandat;
Attendu que le client réclame à la société de bourse 8 001 099 € et 200'000 € au titre des frais irrépétibles; que la société de bourse conclut au rejet des demandes du client, sollicite subsidiairement la garantie de la compagnie AXA et réclame une somme de 100'000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 100'000 € au titre des frais irrépétibles; que la compagnie AXA conclut au rejet des demandes du client, subsidiairement à la limitation de sa garantie à 304'898,03 €uros, et à la condamnation du client au paiement d'une somme de 5'000 € au titre des frais irrépétibles;
.
SUR CE,
Sur la portée de la cassation.
Attendu qu'encore que le jugement attaqué et le dernier arrêt d'appel partiellement cassé ne comportent qu'un chef de dispositif unique condamnant la société de bourse au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt de la cour de cassation du 8 décembre 2009 laisse subsister le principe de la condamnation et par voie de conséquence celui de la responsabilité de la société de bourse ; que, la cassation étant totale quant au quantum des dommages-intérêts, celui-ci, par application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile, doit être à nouveau apprécié en considération des fautes commises par la société de bourse et de l'étendue de la perte de chance subie par le client, sans que l'appréciation puisse être limitée à l'incidence du dépassement de mandat éventuellement commis par le dénommé [K] ;
Sur le préjudice subi par [T] [M].
Attendu que le client a ouvert des comptes non gérés ; que la société de bourse, mandataire tenue d'une obligation de mise en garde, d'information et de conseil, avait dès l'ouverture l'obligation de s'assurer qu'il connaissait de manière suffisante les risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme la dispensant de cette obligation ; qu'il lui appartient de prouver par quels moyens elle s'est assurée que le client était un spéculateur initié ou, le cas échéant, à quelle date il l'est devenu en cours de fonctionnement du compte ; qu'elle ne rapporte pas la preuve positive des renseignements et précautions qu'elle a pris à cet égard et ne peut, pour s'exonérer des conséquences de sa carence, se prévaloir des fonctions de dirigeant d'entreprise exercées à l'époque par le client dont il n'est pas établi qu'il était titulaire d'un diplôme ou bénéficiaire d'une formation dont auraient pu être déduites des connaissances suffisantes dans le domaine considéré ;
Attendu que le client, qui dirigeait à l'époque au moins six société et était administrateur d'une septième, a ouvert le 4 février 1993 un compte personnel non géré et un compte associé auprès de la société de bourse, confiant à cette dernière une mission de tenue de compte à l'exclusion de toute gestion des opérations dont il se voyait reconnaître l'entière maîtrise ; qu'il a ouvert à la même époque pour deux des sociétés qu'il dirigeait deux autres comptes également non gérés et pourvus chacun d'un compte associé et a, aux termes des constatations de l'expert judiciaire, effectué en trois ans 682 opérations pour un montant total de 390'086'266 francs correspondant à une rotation de 45 fois la valeur de départ des portefeuilles , soit un mouvement par jour de bourse d'un montant moyen de 571'900 francs dont 80 % pour son compte personnel sur 47 supports correspondant à 80 % au règlement mensuel sur actions, bons de souscription et warrants;
Attendu que l'expert judiciaire, qui n'est pas critiqué sur ce point, a clairement mis en évidence le caractère particulièrement risqué des opérations à terme auxquelles se livrait le client, notamment de celles afférentes au règlement mensuel sur warrants ou options qui nécessitent une technicité particulière et une surveillance des cours de tous les instants quasiment à la portée des seuls professionnels ainsi que l'obligation, en cas de perte à la date de règlement prévue, d'effectuer des reports onéreux sans garantie de les effacer en cas d'orientation durablement baissière du titre ; qu'alors qu'elle n'avait pas pris la peine de vérifier les compétences du client à l'occasion de l'ouverture des comptes, la société de bourse devait dans ces conditions à tout le moins s'en inquiéter ultérieurement à l'occasion de l'exécution des ordres et de l'enregistrement des pertes qui mettaient clairement en relief sa carence initiale;
Attendu que l'expert judiciaire a relevé que quatre événements significatifs avaient affecté le fonctionnement des comptes; qu'il a constaté en premier lieu qu'un certain [K] s'était vu confier par le client le 29 octobre 1993 le mandat de ' traiter à sa place toute option sur devises à hauteur de 2 millions de francs de prime' et s'est interrogé à juste titre sur le point de savoir quelle interprétation il convenait de donner à ce pouvoir quant à la cadence, la périodicité, la nature et le montant des transactions ; qu'il est démontré à cet égard que le montant global des opérations traitées par ce mandataire par jour a dépassé la somme de 2 millions de francs à trois reprises, le 31 octobre, le 17 novembre et 1er décembre 1993 ; que pour autant aucun préjudice spécifique engendré par ces dépassements n'est caractérisé, aucune preuve n'étant rapportée de ce que les opérations effectuées par le mandataire ont été globalement déficitaires ; que, aucun renseignement précis sur ce mandataire ne figurant au dossier, il peut simplement être reproché à la société de bourse, qui déjà n'avait pas vérifié les aptitudes du client, de ne pas s'être inquiétée davantage, avant de lui laisser le champ libre, de celles d'un intermédiaire qui ne lui était pas connu; qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions d'évaluer séparément et spécifiquement un préjudice particulier engendré par cette imprudence ;
Attendu que l'expert judiciaire a également mis en évidence des erreurs affectant six relevés de comptes transmis au client entre le 6 février et le 4 décembre 1995, la valeur totale du portefeuille et celle des liquidités étant erronées ; que ces erreurs aboutissent cependant systématiquement à une sous-évaluation dont il n'est pas établi qu'elle a eu la moindre influence sur les choix d'investissement effectués par le client qui ne soutient pas que compte tenu de la baisse apparente de son portefeuille plus importante qu'elle ne l'était en réalité, il s'est laissé aller à des opérations spéculatives plus risquées encore que celles qu'il a choisies, ou que le montant des placements décidés en fonction de ces informations en a été affecté, de sorte que là encore, faute de lien de causalité spécifique, aucun décompte particulier de préjudice ne s'impose ;
Attendu que par télécopie en date du 18 juillet 1995 le client a donné l'ordre à la société de bourse de bloquer son compte pour une durée de durée de 13 mois, la cause de n'en étant pas clairement établie dès lors que l'expert n'a abouti à aucune conclusion certaine, que le client soutient qu'il avait simplement en vue le transfert de son portefeuille à un autre établissement, et que la banque affirme que le blocage était destiné à garantir une opération spéculative conseillée par un escroc qui en définitive a échoué grâce aux vérifications qu'elle a effectuées mais dont l'expert n'a retrouvé aucune trace; qu'il faut simplement relever que la thèse du client paraît improbable dès lors qu'il n'a donné l'ordre de transfert de son portefeuille que le 4 décembre 1995, ce délai excédant très largement celui qui était nécessaire;
Attendu que l'expert judiciaire a dénombré 177 mouvements de portefeuilles postérieurs à l'ordre de blocage, un expert privé rapportant que 120 opérations ont été effectuées sur le compte personnel du client pour un montant de 116 millions de francs jusqu'au 4 décembre 1995 ; que contre l'évidence le client affirme que ces opérations ont été décidées par la société de bourse seule sans ordre de sa part, la seule absence de traces de ces ordres, essentiellement passés par téléphone selon l'expert judiciaire, ne pouvant valoir preuve alors qu'aucun des relevés d'opérations y afférents n'a été contesté dans le délai contractuel d'un mois et même ultérieurement avant l'introduction de la procédure, et que les seuls mouvements qui selon l'expert n'ont pas fait l'objet de relevés correspondent à des versements de coupons, des prélèvements de droits de garde et des virements de sorte qu'aucun ordre n'a été omis ; qu'il faut dès lors considérer que, comme suggéré par l'expert judiciaire, le client a bien renoncé au blocage sans trace écrite et qu'aucun préjudice spécifique n'a été engendré par les opérations postérieures ;
Attendu que le 4 décembre 1995 le client a donné l'ordre à la société de bourse 'de transférer sous quinzaine, soit d'ici le vendredi 15 décembre 1995, la totalité des obligations, actions, emprunts d'État à la société BARCLAY'S à [Localité 1]' ; que, le compte ayant été débiteur à la date de l'ordre de transfert compte tenu des opérations non encore dénouées, et le solde ayant été garanti conventionnellement par les titres en portefeuille, la société de bourse a liquidé d'abord les titres échus, ensuite un certain nombre de positions à terme le 31 décembre 1995, dernier jour du mois boursier, jusqu'à obtention d'un solde créditeur de 2196 €, seuls des titres d'une valeur de 3'080'546 € ayant en définitive été transférés à la société BARCLAY'S ;
Attendu que l'expert judiciaire a estimé la valeur du portefeuille à la date d'ouverture du compte à 8'565'077 F, l'exactitude de cette estimation étant mise en doute par la société de bourse sans démonstration de sa fausseté; qu'un expert privé a retenu le même chiffre mais ajouté, pour parvenir au montant total investi par le client chiffré à 12'179'989 d'€uros, des versement supplémentaires de 3'614'911 €; que ces versements, qui apparaissent sur les relevés du compte associé au compte personnel du client, seront intégrés au calcul, de sorte que, après déduction de la valeur du portefeuille transféré à la société BARCLAY'S, la perte est bien du montant de 9'099'443 F avancé par l'expert privé et non de 8'266'499 F retenu par l'expert judiciaire ; que le préjudice du client n'est cependant pas équivalent à cette perte mais correspond à la valeur de la chance dont il a été privé de ne pas effectuer les opérations perdantes s'il avait été renseigné par la société de bourse selon les principes et la déontologie qui s'imposaient à cette dernière ;
Attendu que le client, à la tête de nombreuses sociétés et détenteur à l'évidence d'un important patrimoine, a refusé de participer à l'expertise et de fournir tous renseignements sur l'origine de ce patrimoine dont la cour souhaitait s'inspirer, aux termes de la mission confiée à l'expert judiciaire, pour l'appréciation de sa maîtrise des opérations boursières au cas où il aurait été établi qu'elle provenait en tout ou partie de spéculations personnelles antérieures sur les marchés à terme ; qu'alors qu'il ne peut avoir ignoré qu'il n'avait pas ouvert un compte géré, et qu'à l'évidence la réception sans protestation des avis d'opéré et des relevés de compte démontre qu'il a personnellement donné les ordres exécutés par la société de bourse, il a persisté à soutenir qu'il n'en avait donné aucun et que son compte avait en fait été géré par cette société ; qu'il importe peu à cet égard que, comme affirmé dans des certificats médicaux, il ait à l'époque été atteint de dépression en conséquence notamment d'un accident vasculaire cérébral, rien ne démontrant que son comportement le révélait et la banque n'étant pas coupable dès lors de ne pas l'avoir décelé ;
Attendu que la perte de chance doit être évaluée en considération des aléas et incertitudes affectant le lien de causalité entre les pertes enregistrées et les fautes de la société de bourse mises en évidence; que, n'étant pas exclu compte tenu du refus du client de collaborer à l'expertise, d'une part que la fortune de ce dernier provient pour partie de gains spéculatifs habituels antérieurs, d'autre part que la griserie de la richesse et la surestimation de soi qui résultent fréquemment de gains réalisés trop facilement, aient été le facteur déterminant de la décision d'ouvrir un compte non géré, il est loin d'être certain que des renseignements adaptés fournis par la société de bourse auraient conduit l'intéressé à choisir une autre solution, la décision prise ultérieurement de n'ouvrir que des comptes gérés en considération peut-être de la catastrophe engendrée par la gestion directe, n'étant d'aucun enseignement à cet égard ; que ce constat, abstraction faite de la charge de la preuve, mérite néanmoins d'être nuancé par le fait que la société de bourse ne prouve pas qu'elle a fourni ou réclamé un quelconque renseignement avant la demande de transfert, à l'occasion des prises de position sur le marché à terme ou des reports de positions multiples qui, cumulés, ont abouti à une importante perte lors de la liquidation du 31 décembre 1995;
Attendu que l'expert privé a considéré que la perte pouvait être évaluée à la fin de l'année 2011 à la somme de 18'111'531,83 F obtenue en appliquant à celle de 9'099'443 F le taux de rendement des OAT à 10 ans ; que ce raisonnement ne peut être suivi en raison des incertitudes relevées ci-dessus auxquelles s'ajoute le fait que le client s'abstient de justifier du rendement de ses placements auprès d'autres établissements auxquels il a fait confiance, notamment de la société BARCLAY'S qui a réceptionné les valeurs transférées en 1995 ; que le préjudice néanmoins important du client, apprécié à la date du présent arrêt, sera dans ces conditions indemnisé toutes causes confondues par l'octroi d'une somme de 1,5 million d'€uros à titre de dommages-intérêts;
Sur la garantie de la compagnie AXA
Attendu qu'il est pas contesté que la compagnie AXA n'assure la société de bourse qu'à concurrence de 304'898,03 €uros ; qu'elle sera condamnée à payer cette somme à son assurée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de la cassation,
Condamne la société ID SUD à payer [T] [M] à titre de dommages-intérêts une somme de 1,5 million d'€uros avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel nés de sa mise en cause et de son intimation, y compris les frais d'expertise.
La condamne à payer à [T] [M] une somme de 80'000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Condamne la compagnie AXA à garantir la société ID SUD à concurrence de 304'898,03 €uros.
La condamne à payer à la société ID SUD une somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel nés de sa mise en cause et de son intimation.
Accorde aux représentants des parties bénéficiaires de condamnations aux dépens le privilège de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président