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03/07/2013 | FRANCE | N°11/18911

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 03 juillet 2013, 11/18911


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2013



N° 2013/270













Rôle N° 11/18911







[M] [P]

SA CLINIQUE VERT COTEAU





C/



SA SOCIETE D'EXPLOITATION DU RESEAU D'ASSAINISSEMENT

SA GAN EUROCOURTAGE

Société CARPIMKO RETRAITE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DES BOUCHES DU RHONE

MUTUELLE DE PROVENCE DES COMMERCANTS ET ARTISANS







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Grosse délivrée

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à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 08/09951.





APPELANT...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2013

N° 2013/270

Rôle N° 11/18911

[M] [P]

SA CLINIQUE VERT COTEAU

C/

SA SOCIETE D'EXPLOITATION DU RESEAU D'ASSAINISSEMENT

SA GAN EUROCOURTAGE

Société CARPIMKO RETRAITE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DES BOUCHES DU RHONE

MUTUELLE DE PROVENCE DES COMMERCANTS ET ARTISANS

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 08/09951.

APPELANTS

Madame [M] [P]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP DESOMBRE M & J, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Victor GIOIA, avocat au barreau de MARSEILLE

SA CLINIQUE VERT COTEAU poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice y domiciliés., [Adresse 7]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Jean-louis LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Philippe DE GOLBERY, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SA SOCIETE D'EXPLOITATION DU RESEAU D'ASSAINISSEMENT, [Adresse 3]

représentée par la SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Bernard LAURE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Nina NETTINGSMEIER, avocat au barreau de MARSEILLE

SA GAN EUROCOURTAGE, demeurant [Adresse 6]

représentée par la SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Bernard LAURE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Nina NETTINGSMEIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Société CARPIMKO RETRAITE agissant en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 5]

représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jean-louis BONNABEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Florence ITRAC, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 1]

représentée par Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de Me Jean-michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Mutuelle MUTUELLE DE PROVENCE DES COMMERCANTS ET ARTISANS prise en la personne de ses représentants légaux en exercice y domiciliés, [Adresse 4]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Corinne DESJARDINS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2013. Le 26 Juin 2013 le délibéré a été prorogé au 03 Juillet 2013.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2013,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Le 30 Juin 2003 Mme [M] [T] épouse [P] a fait une chute dans une bouche d'égout à la suite du basculement, lors de son passage, d'une plaque posée sur un regard, propriété de la Sarl Seram.

Elle a été blessée et a reçu des soins à la clinique Vert Coteau où une arthroscopie a été effectuée le 8 octobre 2003 et une seconde le 17 mars 2004.

Elle a été victime lors de cette dernière intervention d'une infection nosocomiale.

Elle a fait assigner la Sarl Seram et la Sa Clinique du Vert Coteau devant le président du tribunal de grande instance de Marseille qui, par ordonnance du 4 avril 2005, a prescrit une mesure d'expertise confiée au professeur [I] qui a déposé son rapport le 5 juin 2007.

Par actes du 30 juillet 2008 et 8 août 2008 elle a fait assigner la Sarl Seram et son assureur la Sa Gan Eurocourtage devant le tribunal de grande instance de Marseille en déclaration de responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil et en réparation des préjudices subis et a appelé en cause la Carpimko, la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône et la Mutuelle de Provence des Commerçants et des Artisans.

Par acte du 28 janvier 2009 la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage ont appelé en garantie la Sa Clinique du Vert Coteau.

Par jugement du 9 septembre 2011 cette juridiction a

- donné acte à la Sarl Seram et à la compagnie Gan de ce qu'ils ne contestent pas devoir indemniser [M] [P] des conséquences dommageables de l'accident du 30 juin 2003

- fixé le préjudice de [M] [P] à la somme de 169.525,21 €

- condamné in solidum la Sarl Seram et la Sa Gan Eurcourtage à payer à

* Mme [P] les sommes de

108.836,62 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite des provisions allouées

1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

* la Cpam la somme de 29.710,93 € au titre de ses débours

* la Carpimko la somme de 14.477,66 € au titre de ses débours

- condamné la Sa Clinique du Vert Coteau à relever et garantir la Sarl Seram des sommes mises à sa charge à hauteur de 159.025,21 €

- déclaré le jugement commun à la Cpam

- rejeté toute autre demande

- condamné in solidum la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage, la Sa Clinique du Vert Coteau aux entiers dépens.

Par actes du 4 novembre 2011 et du 8 novembre 2011 enregistrés au greffe sous les numéros 11/18911 et 11/19079, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Sa Clinique du Vert Coteau et Mme [P] ont respectivement interjeté appel général de la décision.

Par ordonnance du 14 mai 2012 la jonction de ces deux instances a été prescrite.

MOYENS DES PARTIES

Mme [P] dans ses conclusions du 24 avril 2013 demande d'infirmer le jugement et de

- condamner solidairement les succombants à l'indemniser des préjudices subis comme suit

préjudices patrimoniaux

* perte de clientèle : 520.200 €

* frais d'assistance à expertise : 500 €

préjudices extra patrimoniaux

* ITT : 25.000 €

* gène pendant la période de soins : 11.500 €

* déficit fonctionnel permanent : 9.000 €

* souffrances endurées : 12.000 €

* préjudice esthétique : 2.000 €

* préjudice d'agrément : 25.000 €

Total : 603.700 €, à déduire provisions versées : 16.500 €, soit un solde 588.700 €

- condamner solidairement les succombants à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner les succombants aux dépens.

Elle fait valoir que le préjudice corporel subi au niveau du genou est en lien de causalité direct avec sa chute accidentelle sur la voie publique, en l'absence de tout état antérieur.

Elle précise qu'elle exerçait lors de l'accident la profession libérale d'infirmière qu'elle n'a pu poursuivre avec comme conséquence une perte totale de clientèle, qu'en effet pour assurer la continuité des soins elle a confié ses patients à des confrères infirmiers qui, désormais, poursuivent les traitements en leur nom et pour leur compte, qu'âgée de 56 ans elle est en situation d'invalidité, a perçu de la Carpimko des indemnités journalières de 41,03 € par jour entre le 5 janvier et le 31 mai 2004 puis une pension d'invalidité pour la période du 7 octobre 2004 au 7 avril 2005 pour un montant de 2.797,50 € par trimestre.

Elle indique qu'au cours des trois années précédant l'accident elle a perçu un bénéfice de

41.539 € en 2001, 41.600 € en 2002, 57. 380 € en 2003 soit une perte de revenus nette annuelle de 30.000 € déduction faite des prestations invalidité perçues, soit après capitalisation selon le barème de l'euro de rente viagère pour une femme de 60 ans (indice de 17,434) une indemnité de 520.200 €.

Elle réclame réparation au titre d'un préjudice d'agrément à hauteur de 25.000 € résultant d'une perte de la qualité de la vie et estime n'avoir pas à justifier à s'adonner à des activités sportives ou de loisir autres que celles de la vie courante.

Elle sollicite la somme de 25.000 € pour la perte de revenus pendant les 10 mois de la période d'ITT sur la base de 2.500 € par mois et la somme de 11.500 € pour la gène éprouvée durant la période de soins de 33 mois entre l'accident et la consolidation sur la base d'une indemnité de 500 € par mois.

La Sarl Seram et la Sa Gan Eurcourtage demandent dans leurs conclusions du

de

- débouter Mme [P] et la Sa Clinique du Vert Coteau de leur appel

- confirmer le jugement

- condamner la Sa Clinique du Vert Coteau et Mme [P] à lui payer chacune la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens

Elles font valoir que les séquelles ne sont pas exclusivement imputables à la chute dont Mme [P] a été victime mais résultent, également, pour une grande partie des suites d'une infection nosocomiale contractée dans l'établissement de soins, non pas lors de l'intervention chirurgicale consécutive au traumatisme initial, mais lors du seconde intervention de confort réalisée plus de six mois plus tard le 17 mars 2004 et affirment qu'elles ne doivent réparer que ce qui est une suite immédiate et directe de la chute.

Elles indiquent que le rapport d'expertise a mis en évidence que Mme [P] souffrait déjà depuis au moins deux ans du genou droit avant sa chute du 30 juin 2003 et que les séquelles que présente actuellement cette patiente sont extrêmement réduites et uniquement caractérisées par une raideur modérée de son genou dont une grande partie est en relation avec l'infection nosocomiale.

Elles soulignent, sur la liquidation du préjudice corporel, que la quasi totalité du préjudice professionnel temporaire provient de l'infection nosocomiale (10 mois sur les 12 retenus au titre de l'ITT), que Mme [P] ne démontre en quoi ses séquelles l'empêchaient de poursuivre son activité professionnelle, l'expert l'ayant déclarée parfaitement apte à la reprendre et que si cet arrêt devait être retenu il est uniquement imputable à l'infection nosocomiale à l'origine de la raideur du genou.

Elles offrent les sommes respectives de

* 1.000 € au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la période de deux mois en relation avec la seule chute

* 4.000 € au titre du déficit fonctionnel permanent

* 6.000 € au titre des souffrances endurées, en grande partie liées à l'infection nosocomiale

* le rejet du préjudice d'agrément en l'absence de justificatifs de l'impossibilité ou de la limitation de la pratique des ses activités antérieures de sport ou de loisir

Elles font remarquer que les prestations versées par la Cpam des Bouches du Rhône pour la période du 27 mars 2004 au 15 avril 2004 sont exclusivement liées à l'infection nosocomiale

et que seules les indemnités versées par la Carpimko jusqu'au 17 mars 2004 pourront être mises à leur charge finale soit 2.954,16 €.

La Sa Clinique du Vert Coteau sollicite dans ses conclusions du 13 avril 2012 de

- débouter Mme [P] de son appel principal

- réformer le jugement en ce qu'il

* a reconnu l'existence d'un préjudice professionnel

* l'a condamné à relever intégralement indemne la Sarl Seram et la Sa Gan Eurcourtage des condamnations prononcées à leur encontre au profit de Mme [P] au titre du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent, au profit de la Carpimko au titre des indemnités journalières

- dire qu'elle ne peut être tenue d'indemniser que les seuls postes de préjudice en lien direct certain et exclusif avec l'infection nosocomiale soit ITT de 10 mois, souffrances endurées de 3/7, un taux d'IPP de 5 %

- confirmer les évaluations du tribunal pour ces trois postes et pour la répartition de l'indemnisation entre la Sarl Seram et la Sa Gan Eurcourtage d'une part et elle-même d'autre part

- exclure toute autre condamnation à son encontre au titre des autres chefs de dommages qui pourraient être retenus

A titre subsidiaire sur le préjudice professionnel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un calcul basé sur l'euro de rente à titre temporaire jusqu' 65 ans

- condamner toute succombant aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'elle ne conteste pas que Mme [P] ait été victime d'une infection nosocomiale mais soutient qu'il appartient néanmoins à la Sarl Seram, en raison de son entière responsabilité dans la survenance de la chute, de prendre en charge l'entier préjudice consécutif à celle ci et aux soins rendus nécessaires pour palier ses conséquences.

Elle ajoute que seules les conséquences directes, certaines et exclusives de l'infection nosocomiale peuvent donner lieu à une action récursoire du responsable de l'accident à l'encontre de l'établissement de soins, qu'il ressort du rapport d'expertise qu'elle n'a nécessité que trois mois d'antibiothérapie, avec une évolution tout à fait favorable, la raideur modérée du genou étant celle attendue chez tout porteur d'une prothèse, et en déduit que le seul préjudice susceptible d'être mis à sa charge est une ITT de 10 mois, un pretium doloris de 3/7, une partie non prépondérante de l'AIPP de 5 % .

Elle soutient que la perte alléguée de clientèle n'est nullement établie, d'autant que l'expert a estimé que Mme [P] était apte à reprendre son activité professionnelle antérieure dans les mêmes conditions de sorte que malgré la longueur de son arrêt de travail elle n'aurait eu aucune difficulté à reconstituer une clientèle voire exercer à titre salarié et que cette situation ne peut être imputée ni à la chute ni à l'infection.

Elle souligne que l'intégralité des indemnités journalières versées par la Carpimko ne peut être mise à sa charge car elles ont commencé à être versées dès le 5 janvier 2004 soit avant la survenue de l'infection nosocomiale et que l'intervention du 17 mars 2004 aurait, en toute hypothèse, généré une période d'arrêt de travail.

Elle conclut à l'absence de tout préjudice d'agrément démontré et lié à l'infection nosocomiale.

La Carpimko Retraite demande dans ses conclusions du 6 avril 2012 de

- confirmer le jugement

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Sarl Seram et la Sa Gan Eurcourtage seraient uniquement condamnés à lui payer la somme de 2.954,16 € correspondant aux indemnités journalières versées du 5 janvier 2004 au 17 mars 2004

- condamner la Sa Clinique du Vert Coteau à lui payer la somme de 11.523,50 € avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Elle expose que, dans le cadre du régime invalidité-décès géré par ses soins, elle a été amenée à verser à Mme [P] des prestations en réparation du préjudice temporaire soit 11.324,28 € à titre d'indemnités journalières du 5 janvier au 6 octobre 2004, 2.615,05 € au titre de la rente invalidité du 7 octobre 2004 au 31 décembre 2004, 538,33 € au titre d'une rente invalidité du 1er janvier au 17 janvier 2005 soit au total une créance définitive de 14.477,66 € et se trouve subrogée dans les droits de la victime en vertu de l'article 32 de ses statuts et de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

La Cpam des Bouches du Rhone sollicite dans ses conclusions du 1er mars 2012 de confirmer le jugement et de condamner tout succombant aux entiers dépens.

La Mutuelle de Provence des Commerçants et Artisans assignée par Mme [P] par acte du 5 mars 2012 délivré suivant procès-verbal de recherches infructueuses et contenant dénonce de l'appel et de ses conclusions n'a pas constitué avocat.

L'arrêt rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'action principale de Mme [P] à l'encontre de la Sarl Seram

La Sarl Seram ne conteste pas avoir engagé sa responsabilité vis à vis de Mme [P] et la Sa Gan Eurcourtage admet être tenue de garantir son assurée ; seule l'évaluation du dommage corporel de Mme [P] reste discutée.

Sur l'expertise

La lecture du rapport d'expertise de M. [I] révèle que Mme [P] a présenté à la suite de la chute du 30 juin 2003 un traumatisme de la hanche droite, du genou droit, de la cheville droite, de la région sacro coccygienne qui a entraîné une dolorisation du genou droit ayant nécessité une exploration et une intervention chirurgicale par arthroscopie suivie de séances de rééducation puis une deuxième intervention réalisée sous arthroscopie le 17 mars 2004 pour dissection des adhérences cicatricielles latéro rotuliennes à la suite de laquelle une infection nosocomiale (staphylocoque doré) est apparu qui a nécessité un traitement chirurgical et une antibiothérapie, qui a été suivie d'une algodystrophie réactionelle en relation avec l'infection nosocomiale et dont il ne persiste que des séquelles modérées.

Il conclut à

- une ITT de deux mois en relation directe et certaine avec le traumatisme du 30 juin 2003

- une ITT de 10 mois en relation directe et certaine avec l'infection nosocomiale faisant suite à l'intervention du 17 mars 2004

- une consolidation au 17 mars 2006

- des souffrances endurées de 4,5/7 dont 3/7 entraînées à elles seules par l'infection nosocomiale

- un déficit fonctionnel permanent de 5 % sans pouvoir définir la part imputable à l'évolution naturelle du genou traumatisé et celle imputable à l'infection, cette dernière n'étant pas cependant prépondérante car il n'y a pas eu aggravation radiologique

- le préjudice d'agrément est possible et léger pour les sports nécessitant l'intégrité des membres inférieurs et doit être documenté

- un préjudice esthétique de 1/7 en relation avec le traumatisme de 2003 et l'absence de préjudice esthétique en relation avec l'infection nosocomiale

- la victime est apte à reprendre son métier d'infirmière.

Son rapport, contre lequel aucune critique médicalement fondée ne peut être retenue, constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi.

Sur l'indemnisation du préjudice corporel

La Sarl Seram est tenue vis à vis de Mme [P] de réparer l'intégralité du dommage corporel subi en ce compris celui résultant de l'infection nosocomiale qui est une conséquence certaine du traumatisme initial car il trouve sa cause première dans les blessures occasionnées qui ont rendu nécessaires l'hospitalisation et l'intervention chirurgicale au cours de laquelle elle a été contractée ; or, dès que plusieurs causes produites successivement ont été les conditions nécessaires du dommage, toutes en sont les causes de la première à la dernière.

Peu importe que l'expert ait pu qualifier la seconde intervention chirurgicale d'intervention de 'confort' dès lors qu'il note parallèlement que la première arthroscopie effectuée en juin 2003 à la suite de la dolorisation du genou droit n'ayant pas apporté une amélioration suffisante, Mme [P] a bénéficié d'une seconde intervention réalisée le 17 mars 2004 et qu'il précise 'qu'elle est en relation directe et certaine avec la dolorisation faisant suite au traumatisme du 30 juin 2003" (page 14 du rapport).

Peu importe, également, que le traumatisme du 30 juin 2003 se soit ou non produit sur un état antérieur existant, à savoir 'une condensation sous chondrale externe en rapport avec son genou valgum' (page 13 du rapport) ; si le compte rendu de consultation du chirurgien mentionne que Mme [P] souffrait du genou droit depuis deux ans alors que le certificat de son médecin traitant note qu'elle n'avait jamais consulté pour un problème de genou avant le 30 juin 2003, l'expert considère 'qu'aucun élément ne permet de dire que cet état préexistant était symptomatique' (page 14 du rapport) ; dès lors que cette prédisposition pathologique était asymptomatique et que l'affection n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable, elle n'autorise pas, en droit, à réduire la réparation de la victime.

Au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (née le [Date naissance 1] 1947), de son activité (infirmière libérale), de la date de consolidation, la cour possède les éléments suffisants d'appréciation pour déterminer son préjudice corporel en vue d'assurer sa réparation intégrale.

Il devra être tenu compte, conformément à l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge

Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles29.710,93 €

Ce poste correspond aux frais d'hospitalisation pris en charge par la CPAM du 27/03/2004 au 15/10/2004, la victime n'invoquant aucun frais médicaux ou assimilés restés à sa charge.

- Perte de gains professionnels actuels25.000,00 €

Ce chef de préjudice vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime.

Mme [P] demande réparation pour une période de dix mois (page 7 de ses conclusions) consécutive à l'intervention chirurgicale du 17 mars 2004 soit de cette date au 17 janvier 2005 sur la base d'un revenu de 2.500 € par mois pour son activité d'infirmière libérale percevant des bénéfices moyens de 30.000 € par an selon ses propres dires confirmés par ses déclarations fiscales pour les années 2000 à 2003 versées aux débats, qui servent de base à sa réclamation.

La Carpimko a versé au titre de l'incapacité ou de l'invalidité temporaire des prestations de durée limitée qualifiées d'indemnités journalières puis de rente d'un montant respectif de 11.324,28 € et 3.153,38 € soit au total 14.477,66 € qui s'imputent sur ce poste qu'elles ont vocation à réparer de sorte que l'indemnité revenant à la victime s'établit à 10.522,34 €

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs178.750,00 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Au moment de l'accident, Mme [P] était infirmière et percevait des bénéfices moyens de 30.000 € par an selon ses propres dires, confirmés par ses déclarations fiscales pour les années 2001 à 2007 versées aux débats, qui sert de base à sa réclamation.

La longue interruption d'activité médicalement justifiée puisqu'elle a duré près d'un an a nécessairement eu des incidences et induit une perte de clientèle d'autant que la raideur persistante du genou constituait une gêne à la montée et la descente des escaliers, fréquente dans cette profession et que la reconstitution d'un niveau d'activité était illusoire, notamment eu égard à son âge, ce qui l'a conduit à ne pas reprendre son activité, étant souligné que la consolidation n'est intervenue que deux ans après la 2ème intervention et près de trois ans après la chute.

L'accident est ainsi à l'origine d'une perte certaine et chiffrable de gains professionnels pour l'avenir, sur la base de 30.000 € par an jusqu'à 65 ans, âge prévu pour son départ à la retraite à taux plein, ce qui donne une indemnité de 178.750 € (30.000 €/12 x 71,5) pour la période de 71,5 mois de la consolidation du 17 mars 2006 au 27 février 2012.

Préjudices extra patrimoniaux

Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire6.000,00 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément pendant l'incapacité temporaire.

La gène a duré de l'accident du 30 juin 2003 à la consolidation du 17 mars 2006 soit durant 33 mois dont Mme [P] retranche la période d'incapacité temporaire totale de dix mois pour ne solliciter réparation que durant la période de soins restante de 23 mois (page 7 de ses conclusions) qui est en réalité respectivement de 32,5 et de 22,5 mois sur la base de 500 € par mois ; le déficit n'étant que partiel durant toute cette période, l'indemnité a été à juste titre fixée par le premier juge à 6.000 €

- Souffrances endurées12.000,00 €

somme demandée par la victime, eu égard à la qualification de 4,5/7 retenue par l'expert et non discutée.

Préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent (5 %)6.000, 00 €

caractérisé par une raideur modérée du genou droit pour une femme âgée de 59 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique (1/7) 2.000,00 €

montant alloué par le tribunal et non critiqué en cause d'appel

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Mme [P] ne justifiant pas s'adonner, avant l'accident, à une activité de cette nature sollicitant l'intégrité de ses membres inférieurs, seule de nature selon l'expert à constituer une impossibilité ou une limitation, doit être déboutée de toute demande à ce titre.

Le préjudice corporel global subi par Mme [P] s'établit ainsi à la somme de 259.460,93 € revenant à la Cpam à hauteur de 29.710,93 €, à la Carpimko à hauteur de 14.477,66 € et à Mme [P] à hauteur de 215.272,34 €, sauf à déduire les provisions versées.

Sur l'action récursoire de la Sarl Seram à l'encontre de la Sa Clinique Vert Coteau

La Sarl Seram tenue à indemnisation intégrale du dommage vis à vis de Mme [P] dispose, sur le fondement de l'article 1382 du code civil en l'absence de tout lien contractuel entre eux, d'une action récursoire à l'encontre de la Sa Clinique Vert Coteau qui est seule à l'origine de l'infection nosocomiale qui a accru les conséquences dommageables de la chute initiale.

Cet établissement de soins ne discute pas avoir engagé sa responsabilité au titre de cette infection nosocomiale mais entend voir limiter les chefs de dommage qui lui sont imputables.

L'expert judiciaire a donné quelques indications permettant de définir la part du dommage global à laquelle a participé l'infection nosocomiale ; il a écarté toute contribution au préjudice esthétique et aux deux mois supplémentaires d'ITT liés au seul traumatisme initial directement consécutif à la chute ; il a

estimé sa quote-part à 10 mois au titre de l'incapacité temporaire totale, à 3/7 au titre des souffrances endurées, et l'a qualifiée de non prépondérante pour le déficit fonctionnel permanent.

La Sa Clinique du Vert Coteau doit, ainsi, supporter la charge finale de la réparation à hauteur de la somme totale de 246.460,93 € à savoir :

- dépenses de santé actuelles 29.710,93 €

qui, en raison de leur date, se rapportent exclusivement à l'hospitalisation de 2004

- perte de gains professionnels actuels 25.000,00 €

- perte de gains professionnels futurs178.750,00 €

comme liée à la durée de l'incapacité temporaire consécutive à la seule intervention de mars 2004

- déficit fonctionnel temporaire 4.000,00 €

- souffrances endurées 7.000,00 €

- déficit fonctionnel permanent 2.000,00 €

Sur les demandes annexes

Les dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise, conformément à l'article 695 4° du code de procédure civile seront supportés par la Sarl Seram et par la Sa Gan Eurocourtage qui succombent et sont tenues à indemnisation et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elles en seront relevées indemnes par la Sa Clinique Vert Coteau à hauteur de 95 %, proportionnellement à sa part dans la charge finale du dommage (100 /259.460,93 € x 246.460,93 €).

Il en va de même pour les frais irrépétibles alloués par le tribunal à Mme [P] dont le montant de 1.200 € doit être confirmé ; une indemnité complémentaire de 1.500 € lui sera accordée pour ceux exposés en cause d'appel et une somme de 600 € à la Carpimko à ce même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement

hormis sur le montant du préjudice corporel de Mme [P] et des sommes lui revenant, sur le montant de l'action récursoire, sur le sort des dépens et sur la charge finale des frais irrépétibles.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de Mme [M] [P] à la somme de 259.460,93 €.

- Dit que l'indemnité revenant à Mme [M] [P] s'établit à 215.272,34 €.

- Condamne in solidum la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage à payer à Mme [M] [P] la somme de 215.272,34 € sauf à déduire les provisions versées.

- Dit que la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage seront relevées indemnes par la Sa Clinique du Vert Coteau de l'ensemble des condamnations prononcées par la cour au profit de la victime et par le tribunal au profit des tiers payeurs à hauteur de la somme globale de 246.460,93 €.

- Condamne in solidum la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de référés et d'expertise conformément à l'article 695 4° du code de procédure civile.

- Dit que la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage seront relevées indemnes de cette condamnation aux dépens ainsi que de celle de 1.200 € prononcée par le tribunal au profit de Mme

[M] [P] au titre des frais irrépétibles par la Sa Clinique du Vert Coteau à hauteur de 95 %.

Y ajoutant,

- Condamne in solidum la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage à payer à

* Mme [P] la somme de 1.200 €

* la Carpimko Retraite la somme de 600 €

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Condamne in solidum la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

- Dit que la Sarl Seram et la Sa Gan Eurocourtage seront relevées indemnes de cette condamnation aux frais irrépétibles et dépens d'appel par la Sa Clinique du Vert Coteau à hauteur de 95 %.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 11/18911
Date de la décision : 03/07/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°11/18911 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-03;11.18911 ?
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