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28/06/2013 | FRANCE | N°11/20944

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15e chambre a, 28 juin 2013, 11/20944


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

15e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2013



N°2013/360













Rôle N° 11/20944







[O] [E]

[B] [T] épouse [E]





C/



COMMUNE DE [Localité 2]





































Grosse délivrée

le :

à : Me Paul GUEDJ



la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATO

RE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DIGNE- LES-BAINS en date du 23 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/652.





APPELANTS



Monsieur [O] [E]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Paul...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

15e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2013

N°2013/360

Rôle N° 11/20944

[O] [E]

[B] [T] épouse [E]

C/

COMMUNE DE [Localité 2]

Grosse délivrée

le :

à : Me Paul GUEDJ

la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DIGNE- LES-BAINS en date du 23 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/652.

APPELANTS

Monsieur [O] [E]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par la SCPA SAUL GUIBERT JEAN-PIERRE PRANDINI, avocats au barreau de GRENOBLE

Madame [B] [T] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par la SCPA SAUL GUIBERT JEAN-PIERRE PRANDINI, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIMEE

COMMUNE DE [Localité 2] prise en la personne de son Maire en exercice, demeurant [Adresse 3]

représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Michel BOULAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier COLENO, Président, et Madame Françoise BEL, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise BEL, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Olivier COLENO, Président

Monsieur Christian COUCHET, Conseiller

Madame Françoise BEL, Conseiller

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2013.

Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Commune de [Localité 2] propriétaire d'une passerelle en bois franchissant la rivière de l'Ubaye affectée à l'usage du public, notamment celui des vendeurs aux droits desquels viennent les époux [E] contractuellement tenus des réparations d'entretien alors que la commune doit les grosses réparations de l'ouvrage, a fait l'objet par arrêt du 17 février 2004, d'une injonction de procéder à des travaux de réparation de la structure et remise en état de la passerelle dans le délai d'un an à compter de la signification de l' arrêt , outre des dommages intérêts pour préjudice de jouissance résultant de la privation de l'accès à leur propriété.

Faute d'exécution dans le délai imparti, l'obligation a été assortie d'une astreinte de 200 € par jour de retard passé douze mois après la signification de la décision, ordonnée par arrêt du 14 mai 2009 signifié le 31 juillet 2009, lequel a écarté le devis de l'entreprise ER21 présenté par les époux [E] au motif que la solution retenue prévoyait un changement complet de l'ouvrage et entraînait une modification de l'arrêt du 17 février 2004.

Le 28 juillet 2010, le préfet a fait injonction à la commune de prendre sans délai toute mesure destinée à assurer définitivement la sécurité des personnes à cet endroit de la rivière, à la suite de laquelle la commune a procédé le lendemain à la destruction de la passerelle.

Par jugement du 23 novembre 2011, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Digne, saisi par assignation du 13 mai 2011 de la Commune de [Localité 2] d'une demande tendant à voir dire que l'exécution de l' obligation est impossible et supprimer l'astreinte a , considérant que la seule obligation de réparation à la charge de la commune faisait l'objet d'une impossibilité d'exécution résultant d'une cause étrangère à savoir le caractère irréparable d'un ouvrage dangereux et qu'il n'est pas démontré que l'inertie de la commune ait aggravé l' impossibilité d'exécution , supprimé l' astreinte et rejeté toute demande en liquidation ainsi que les demandes formées par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 25 avril 2013 les époux [O] [E] et [B] [T] appelants du jugement , contestant :

- l'impossibilité alléguée de réparer la passerelle, relevant le défaut de tous travaux antérieurement par la commune, et l'avis des services de l'Etat indiquant en 2004 le caractère réalisable des travaux,

- le rapport FEIN réalisé hors leur contradictoire et dès lors inopposable dont la commune a tiré argument pour faire détruire l'ouvrage en sorte de faire échec à l'exécution de l'arrêt, et dès lors insusceptible de caractériser une cause étrangère exonérant la commune,

concluent :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Vu l'article 36 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991;

Vu l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 mai 2009;

Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 novembre 2011 par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Digne les Bains,

Constater que la Commune de [Localité 2] refuse d'exécuter l'arrêt rendu par la cour d'appel de céans en date du 14 mai 2009;

Condamner la Commune de [Localité 2] à payer la somme de 190.600 € ( 953 jours X 200 € ) en liquidation d'astreinte à Monsieur et Madame [E]; somme arrêtée à la date du 22 mai 2013.

Reconduire l'astreinte prononcée par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence contre la commune de [Localité 2];

Dire et juger que la Commune de [Localité 2] devra remettre en état la passerelle du [Localité 3], sous astreinte de 400 € par jours de retard, à compter de six mois de la signification de l'arrêt à intervenir;

Condamner la Commune de [Localité 2] au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

ceux d'appel distraits au profit de SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ Avocats associés près la Cour d'Appel d'Aix en Provence qui en ont fait l'avance.

Avis du prononcé de la clôture a été donné aux parties le 26 février 2013 pour le 29 avril 2013 date à laquelle l'instruction a été déclarée close.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 25 avril 2012 la Commune de [Localité 2] faisant valoir la vétusté de l'ouvrage impossible à réparer ,la nécessité de démolir la passerelle dangereuse, constitutives d'une cause étrangère, conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, à voir dire et juger que l'exécution de l' obligation de réparation est impossible, supprimer l' astreinte dans sa totalité, dire et juger n'y avoir lieu à astreinte pour le futur en l'état d'une démolition qui interdit la réparation de l'ouvrage, condamner les appelants à 15OO € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction.

Avis du prononcé de la clôture a été donné aux parties le 26 février 2013 pour le 29 avril 2013 date à laquelle l'instruction a été déclarée close.

MOTIFS

Il est constant que par arrêt de la présente cour d'appel en date du 17 février 2004la commune de [Localité 2] a été déclarée responsable de l'inexécution de l'obligation contractuelle d'exécution des grosses réparations de la passerelle du MILAS mise à sa charge, et l'a condamnée à procéder aux travaux "de réparation de la structure et remise en état de la passerelle', et qu'à défaut d'exécution l'arrêt 14 mai 2009 a assorti cette obligation d'une astreinte.

Aucune impossibilité d'exécution n'était donc établie en 2004 et 2009.

Il appartenait en conséquence à la commune de mettre en oeuvre les réparations mentionnées en page 9 de l'arrêt de 2004 se rapportant expressément au rapport [I] déposé en suite de la mesure expertale instaurée en cause d'appel et analysé par la cour pour fonder sa décision de condamnation à exécuter et de s'y conformer.

Il n'est pas contestable, au vu des pièces produites ( courriers DDE des 11 septembre 1995 et 17 mai 1997, rapport [I] de 2002) , que la passerelle était depuis de nombreuses années en très mauvais état, qu'elle avait été érigée de façon non conforme aux règles de l'art présentant des désordres de structure et que sa réparation nécessitait la mise en oeuvre d'études techniques et de travaux spécialisés ( avis DDE du 13 septembre 2004 ) et que l'ouvrage présentait, dès 1995, une dangerosité pour les piétons et les amateurs de sports en eaux-vives, ces caractéristiques entraînant des frais élevés de réparation.

Il est mentionné au rapport [I] qu'avec le temps, à défaut d'entretien sur la structure, la résistance diminue et la passerelle cède sous l'action d'une surcharge. Or il n'est pas contesté qu'aucune réparation sur la structure n'a été réalisée par la commune depuis que celle-ci en est devenue propriétaire en 1960.

L'examen du rapport FEIN du 7 juillet 2010 ordonné sur requête du 3 juin 2010 produit par la commune n'apporte pas de constatations et de préconisations véritablement nouvelles, s'attachant à constater l'état de l'ouvrage et sa dangerosité et préconiser des travaux d'une telle ampleur qu'ils représentent non pas une réparation mais une ' réfection' de l'ouvrage, sauf que le technicien mentionne 'qu'en résumé, cette passerelle n'est pas réparable au sens commun car il ne pourrait s'agir que d'une réfection avec redimensionnement des éléments structurels et le remplacement de la quasi-totalité des éléments structurels, et seulement pour un usage piétonnier', et que la commune analyse ces mentions en une impossibilité de réparer constitutive d'une cause étrangère exonératoire.

Le recours à une mesure, certes judiciaire mais non contradictoire, a conduit la commune, après soumission au préfet de ce rapport fondant l'injonction à la commune le 28 juillet 2010 de prendre sans délai toute mesure destinée à assurer définitivement la sécurité des personnes, à procéder à la destruction de la passerelle intervenue le 29 juillet 2010, soit deux jours avant le point de départ de l' astreinte.

La commune a eu recours à un procédé déloyal mais insuffisant à lui seul à administrer la preuve d'une cause étrangère, les époux [E] faisant la démonstration que les difficultés d'exécution ne résultent pas de la vétusté normale de l'ouvrage ou des difficultés techniques d'exécution, pré-existantes à l'arrêt au fond, mais de la seule carence de la commune dans l'obligation contractuelle d'exécution des grosses réparations comprenant des travaux sur la structure représentant des frais élevés de réparation, aggravée par l'écoulement du temps depuis l'acquisition de l'ouvrage.

Le rapport FEIN préconisant lui-même le remplacement des éléments structurels s'inscrit dans l' obligation posée par l' arrêt de 2004 la commune devait entreprendre les travaux correspondants.

En l'absence de preuve d'une cause étrangère le jugement dont appel est infirmé en toutes ses dispositions.

La commune a fait détruire l'ouvrage le 29 juillet 2010 avant le point de départ de l' astreinte arguant de l'imperium du préfet en ses courriers des 23 et 28 juillet 2010.

Ces courriers font suite à l'arrêté municipal du 23 juillet interdisant la circulation sur l'Ubaye dans sa portion située sous la passerelle et la délibération du conseil municipal du 26 juillet décidant de retirer l'ouvrage et chargeant le maire de faire enlever la passerelle.

La destruction de l'ouvrage a donc été décidée par le conseil municipal et le préfet n'a fait qu'enjoindre au maire d'exécuter la délibération.

La commune ne produit aucune proposition autre qu'une destruction, comme un dispositif de mise en sécurité de l'ouvrage.

La cour ne peut que relever que la commune a créé elle-même les conditions conduisant à la destruction en se procurant un rapport hors le contradictoire des créanciers de l'obligation, dans un temps très proche, quelques semaines, du point de départ de l' astreinte, en fin du délai de douze mois pour exécuter.

La perte de l'objet de l'obligation ne résultant pas d'une cause étrangère, du fait d'un tiers ou d'une faute du créancier mais étant le fait du débiteur de l'obligation lui-même, l'obligation de réparer demeure de sorte que l'astreinte n'est pas supprimée et doit être liquidée.

La liquidation de l' astreinte est opérée pour la période de référence du 1ER août 2010 jusqu'au 22 mai 2013, compte tenu des circonstances de l'espèce, à la somme de 80.000 €.

La liquidation de l'astreinte provisoire ne met pas un terme au cours de celle-ci, de sorte que la Cour n'a pas à la reconduire. L'augmentation de son montant n'est pas justifiée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la commune de [Localité 2] ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère,

Dit que la perte de l'objet de l'obligation par le fait du débiteur de l'obligation n'entraîne pas la suppression de l' astreinte,

Prononce la liquidation de l'astreinte jusqu'au 22 mai 2013 à la somme de 80.000 €,

Condamne la commune de [Localité 2] à payer aux époux [E] la somme de 80.000 € ( quatre vingt mille euros ),

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la commune de [Localité 2] à payer aux époux [E] la somme de 3000 € ( trois mille euros ),

Rejette toute autre demande,

Condamne la commune de [Localité 2] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 15e chambre a
Numéro d'arrêt : 11/20944
Date de la décision : 28/06/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°11/20944 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-28;11.20944 ?
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