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20/06/2013 | FRANCE | N°12/18151

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 20 juin 2013, 12/18151


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2013



N°2013/641















Rôle N° 12/18151







[X] [C]





C/



SA SNCM SOCIETE NATIONALE MARITIME CORSE MEDITERRANEE























Grosse délivrée le :

à :

Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE



SCP PEROL, RAYMOND, KHANNA & ASSOCIES, avocats au ba

rreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1731.





APPELANT



Monsieur [X] ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2013

N°2013/641

Rôle N° 12/18151

[X] [C]

C/

SA SNCM SOCIETE NATIONALE MARITIME CORSE MEDITERRANEE

Grosse délivrée le :

à :

Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE

SCP PEROL, RAYMOND, KHANNA & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1731.

APPELANT

Monsieur [X] [C], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA SNCM SOCIETE NATIONALE MARITIME CORSE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP PEROL, RAYMOND, KHANNA & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Camille LEENHARDT, avocat au barreau de PARIS

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 Avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure ROCHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2013

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 28 septembre 2009, monsieur [X] [C] a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 17 septembre 2009 par le conseil des prud'hommes de Marseille qui l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la société nationale maritime corse méditerranée(SNCM).

***

Monsieur [C] a été embauché par la SNCM, le 18 février 1985,en qualité de contrôleur de manutention et de maintenance . Il a été promu, 1°mai 2002, chef de travaux aux services généraux.

Il expose que son travail consistait essentiellement à gérer la maintenance des bâtiments de la SNCM, d'une surface totale de 30000 mètres carrés répartie en 5 sites : à la suite de l'achat de la SNCM par la société Veolia, en 2007,les effectifs ont été réduits et alors qu'il dirigeait une équipe de 5 personnes ,il a dû remplir ses tâches avec le concours d'un seul salarié à temps partiel. Il devait en outre remplacer son supérieur hiérarchique, parti à la retraite .

Il indique que le salarié qui travaillait avec lui , a été absent pour raison médicale du mois de mai au mois de septembre 2009, période durant laquelle il s'est retrouvé seul pour assurer le fonctionnement du service et ses supérieurs ont exercé une pression croissante sur lui .

Il est tombé malade et a été en arrêt de travail pendant plus de 3 mois.

En janvier 2010, il a repris son poste à mi-temps thérapeutique.

Alors qu'il n'aspirait qu'à reprendre son poste, l'employeur lui a proposé une modification de son contrat de travail consistant à le placer dans la dépendance du salarié, employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, qui avait repris ses fonctions, son bureau ,son portable et sa messagerie durant son absence.

Il fait valoir que l'employeur a manifesté sa volonté de mettre en cause sa compétence et de l'évincer en raison de son état de santé et de son activité syndicale , ainsi qu'en attestent des courriers de l'employeur et des délégués du CHSCT.

Il ajoute qu'il n'a suivi aucune formation de 2007 à avril 2010 et que l'employeur l'a à tort accusé de vol.

Il conclut que la surcharge de travail qui lui a été imposée et les méthodes managériales de l'employeur constituent un harcèlement moral qui a eu pour conséquence la dégradation de son état de santé.

Il réclame des dommages et intérêts de 80000 euros .

Il chiffre ses frais irrépétibles à 1500 euros .

La SNCM réplique qu'à la suite d'un réorganisation de la section entretien , il n'a plus été demandé à monsieur [C] d'intervenir directement sur le ouvrages commandés qui ont été confiés à des prestataires extérieurs.

Il soutient que cette réorganisation justifie la baisse des effectifs du service de l'intéressé et n'a été accompagnée d'aucune diminution des responsabilités de ce dernier, qui était en charge d'établir un diagnostic, de prendre contact avec les prestataires et de superviser les travaux à effectuer .

Il conclut que le poste occupé par monsieur [C] n'étant pas compatible avec un temps partiel , il lui a été confié une mission temporaire durant son mi-temps thérapeutique, à l'issue duquel il a retrouvé , le 14 avril 2010, son poste à temps plein .

Il ajoute qu'il a toujours été attentif à l'état de santé et à l'évolution professionnelle de monsieur [C], conteste la surcharge de travail et les pressions alléguées, en des termes imprécis et non étayées, par ce denier .

La SNCM conclut que le jugement déféré doit être confirmé et réclame la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Aux termes de l'article L1154-1 du code du travail , il appartient à monsieur [C] d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral.

Monsieur [C] ne conteste pas que la réorganisation opérée au sein de l'entreprise a eu pour effet l' attribution de travaux précédemment réalisés en interne à de prestataires extérieurs. Des documents relatifs à son travail font référence à l'entreprise Dalkia, citée par l'employeur comme l'un de ces prestataires. La réduction des effectifs de son service est donc justifiée.

Il n'étaye aucunement son affirmation selon laquelle il aurait dû remplacer son supérieur hiérarchique .

Il produit quatre courriels, adressés au chef d'atelier, par monsieur [Y], salarié qui travaillait à temps partiel avec lui, dont certains font état de la surcharge de travail de ce salarié en l'absence de monsieur [C] .Le chef d'atelier lui a répondu : « concernant le nombre de personnes affectées au SG , il est inutile de le répéter dans chacun de vos mails ,nous connaissons chacun la situation et les éléments qui ont conduit à ces décisions.»

Si l' arrêt de travail de monsieur [Y] ( qui ne paraît pas avoir duré du mois de mai au mois de septembre comme monsieur [C] le prétend puisque l'un des courriels de l' intéressé est en date du 28 juin) a pu entraîner des désagréments pour monsieur [C] , il est à noter qu'il ne fournit aucun élément de nature à justifier qu'il aurait lui même signalé, ainsi qu'il le prétend, à maintes reprises, une surcharge de travail à l'employeur, que l'absence du salarié à temps partiel a été nécessairement moins lourde de conséquences pour monsieur [C], que la sienne pour monsieur [Y] et que les éléments produits ne concernent qu'une période de courte durée.

Le 15 janvier 2010, lors de sa reprise à mi temps thérapeutique, monsieur [C] a signé un avenant à son contrat de travail lui confiant, jusqu'au 14 avril 2010, en raison de la reprise de son activité à temps partiel incompatible avec la tenue de son poste de chef de travaux, la mission ainsi définie : prise en charge l'ensemble du travail préparatoire relatif à la mise en place du contrat multi- technique et tout autre mission visant à structurer et optimiser l'activité des services généraux .

L'employeur a recruté monsieur [V],dans le cadre d'un contrat à durée déterminée , pour remplacer monsieur [C], jusqu'au 14 avril 2010.

Par courrier du 14 avril 2010, le directeur des ressources humaines lui a écrit que le bilan effectué le 9 avril ayant confirmé un manque de méthodologie et d'organisation dans son travail , il lui adressait un nouvel avenant indiquant qu 'il reprenait son poste , et que jusqu'au 30 septembre 2010, « compte tenu d'une nécessaire adaptation pour son retour au poste de superviseur des services généraux »il serait rattaché au chef de mission des services généraux.

L'organigramme de la société montre que monsieur [V], qui a quitté l'entreprise au mois d'octobre 2010, était alors chargé de mission services généraux.

Monsieur [C] a répondu le 3 mai , qu'il regrettait qu'on lui propose de reprendre son poste sous la tutelle d'un CDD, que ses 27 ans d'ancienneté soit un handicap , que deux réunions aient été à la limite du conseil de discipline et qu'il refusait de signer l'avenant proposé le 14 avril.

Il produit par ailleurs deux courriels qu'il a adressés au CHSCT dans des termes voisins et qualifiant l'attitude de l'employeur de campagne de déstabilisation . Il est à noter que le CHSCT n'a pas donné suite à ces courriers.

Le directeur des ressources humaines lui a écrit le 17 mai qu'il regrettait qu'il ait vécu comme une agression le fait d'avoir été reçu à plusieurs reprises par sa hiérarchie pour évoquer les conditions de son retour après une longue absence pour maladie , qu'il est du rôle de l' employeur d'évaluer ses compétences, de lui fixer des objectifs et de lui donner les moyens de les réaliser , d'autant que sa mission a évolué suite à la réorganisation de l'entreprise.Il ajoute que son ancienneté n'est pas un handicap mais n'est pas non plus synonyme de perfection, que monsieur [V], embauché pour le remplacer durant son arrêt de travail, a su amener des compétences acquises par une expérience différente de la sienne et que le fait qu'il considère dévalorisant de travailler sous ses ordres est injustement méprisant à son égard .

Le 4 juin 2010, le directeur général de la SNCM , faisant suite à un entretien qui s'est déroulé le 24 mai, lui a écrit qu'il l'a écouté et a mesuré les difficultés qu'il rencontre dans son adaptation à un nouveau contexte professionnel , qu'il regrette qu'il ressente une telle défiance vis à vis de plusieurs de ses supérieurs. Il ajoute que son rattachement provisoire à monsieur [V] lui semble pertinent , qu' il a compris que monsieur [C] ressent symboliquement ce rattachement comme «dégradant», même si telle n'était pas l'intention de la direction , et qu'en conséquence il demande au chef d'ateliers de le conserver en ligne hiérarchique directe .

Enfin , monsieur [C] produit un courriel du chef d'ateliers , en date du 4 juin 2010,ayant pour objet: «contrat maintenance multi-technique »lui demandant de contacter , durant ses congés jusqu'au 14 juin , monsieur [V] pour les services généraux et monsieur [G] pour les ateliers. Ce bref courriel n'est pas suffisamment explicite pour être significatif de la déstabilisation alléguée par monsieur [C] .

Il en est de même de deux courriels du CHSCT , de mois de janvier 2011 et 2012 , qui font état d'ouvriers avertis à plusieurs reprises alors que les cadres ne le sont pas et des doléances d'un salarié , monsieur [S], quant au comportement du directeur technique adjoint, qui ne concernent pas monsieur [C] .

Celui-ci produit également un document intitulé diagnostic SNCM, comité de pilotage 29 novembre 2010, qui fait état d'une violence interne au sein de l'entreprise qui se caractérise par des rapports de force, des intimidations et des hiérarchies implicites .

Ce même document préconise notamment de construire un plan d'action violences externes (rapports avec la clientèle), d'agir sur les violences internes (insultes , menaces , agressions ,vols , comportements addictifs, acceptation comme une fatalité de ce qui serait intolérable dans certains milieux, culture conflictuelle , pas de communication sur le sujet, peu de décisions disciplinaires) , de mettre en place des groupes d'analyses des pratiques de management ( difficultés d'exercice de la fonction managériale en raison par exemple du poids syndical et de la résistance au changement, sentiment de faible autonomie , déficit de régulation: mode de résolution des conflits, des problèmes de comportement , clarté des répartitions des activités et de leur charge, pratiques très variables) et de développer un dispositif de prévention des risques sur la santé et psychosociaux(thématique des conditions de travail sensible au regard des caractéristiques de la population vieillissante, une diversité des métiers et des situations exposantes , à terre comme à bord, une faible prise en compte par les salariés eux mêmes : méconnaissance de procédures d'intervention , fort taux d'accidents du travail , usure psychologique liée au rapport de force permanent.)

Si ce document met en évidence des difficultés concernant le fonctionnement de l'entreprise ,il ne permet pas, en l'absence de tout élément objectif concernant personnellement monsieur [C] , de présumer un agissement constitutif de harcèlement moral de ce dernier.

Par ailleurs , l' affirmation de monsieur [C] selon laquelle il aurait été accusé de vol , ne peut être retenue: en effet,il ne fournit au soutien de celle-ci qu'un courriel qu'il a rédigé, le 30 septembre 2008, en réponse à une demande inconnue, dans lequel il compare le fuel commandé et consommé , et certifie qu'il n'y a pas eu « une déperdition comme on a pu le lui souffler».Son interlocuteur lui a répondu le lendemain en le remerciant de ces informations .

Il résulte des courriels échangés entre les parties que la messagerie nominative de monsieur [C], a été transformée , comme pour d'autres salariés , en messagerie professionnelle (superviseur et non plus F.[C]), et qu'il disposait d'un téléphone portable. Monsieur [C] ne saurait valablement se plaindre que, durant son absence, son remplaçant ait utilisé son bureau et son matériel professionnel.

Enfin, monsieur [C] a suivi régulièrement des formations jusqu'au mois de décembre 2007,puis à compter du mois de mars 2010, notamment sur les thèmes de la sous traitance en maintenance et des techniques et outils des résolutions de problèmes, conformément au souhait indiqué lors de son entretien professionnel 2010 (participation à une formation permettant d'évoluer dans l'appréhension et la résolution des problématiques et favoriser la prise de hauteur et de recul dans l'exercice du poste). Il n'a pas eu de formation entre décembre 2007 et mars 2010:il n'indique pas les raisons de cette carence .

En tout état de cause ,ce seul élément ne peut caractériser un agissement susceptible de constituer un harcèlement moral .

Il en est de même des documents médicaux établissant qu 'il a été suivi régulièrement par un psychiatre .

En conclusion , l'employeur n'a pas outrepassé les limites de son pouvoir de direction en modifiant les conditions de travail de monsieur [C], ni en lui proposant une modification de ce contrat. C 'est à tort qu'il impute à l'employeur une technique managériale destinée à casser l'estime de soi alors que celui- ci a pris en compte ses doléances et n'a fait qu'exercer normalement son pouvoir de direction en lui indiquant qu'il devait progresser sur certains points dans l'exercice de ses tâches.

Monsieur [C] conclut que le comportement de l'employeur serait lié à son état de santé: cette affirmation non explicitée ni étayée, ne peut être accueillie.

De même, il justifie de sa désignation, depuis plusieurs années, en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, pour évoquer une discrimination syndicale qui ne saurait être retenue faute de démonstration d 'une atteinte au principe d'égalité de traitement .

Monsieur [C] sera donc débouté de ses demandes et condamné à verser à la SNCM la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe

Vu l'article 696 du code de procédure civile

Confirme le jugement déféré

Déboute monsieur [C] de ses demandes

Le condamne à verser à la société nationale maritime corse méditerranée la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les dépens seront supportés par monsieur [C].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/18151
Date de la décision : 20/06/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°12/18151 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-20;12.18151 ?
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