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20/06/2013 | FRANCE | N°12/11710

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 20 juin 2013, 12/11710


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2013

om

N° 2013/269













Rôle N° 12/11710







S.C.I. B AND B





C/



[Y] [P] [S] [D]





















Grosse délivrée

le :

à :

la SCP JOURDAN - WATTECAMPS



Me JAUFFRES















Décision déférée à la Cou

r :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 31 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00493.





APPELANTE



S.C.I. B& B ancienne dénomination SCI LES CHENES représentée par son gérant Monsieur [F] [C] domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]



représentée par Me Jean-François J...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2013

om

N° 2013/269

Rôle N° 12/11710

S.C.I. B AND B

C/

[Y] [P] [S] [D]

Grosse délivrée

le :

à :

la SCP JOURDAN - WATTECAMPS

Me JAUFFRES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 31 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00493.

APPELANTE

S.C.I. B& B ancienne dénomination SCI LES CHENES représentée par son gérant Monsieur [F] [C] domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Jacques RANDON, avocat au barreau de NICE,

INTIME

Monsieur [Y] [P] [S] [D]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Philippe TEBOUL, avocat au barreau de NICE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Avril 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Odile MALLET, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2013,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 septembre 1986 les époux [J] ont procédé à la division de leur fonds situé commune de [Localité 1], vendu les parcelles AD [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 6] aux époux [H] et conservé les parcelles AD [Cadastre 5] et [Cadastre 3]. A cette occasion il a été créé une servitude de passage ainsi libellée :

'D'un commun accord, à titre de servitude réelle et perpétuelle, la parcelle présentement vendue cadastrée AD n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 6], est grevée d'un droit de passage pour tous véhicules, piétons et toute canalisation, au profit de la parcelle attenante restant appartenir au vendeur cadastrée section AD n° [Cadastre 5] et [Cadastre 3], tel qu'il est figuré dans un liseré bleu au plan ci-annexé. Les frais d'entretien et de réparation de ce passage se feront à frais communs,

fonds dominant AD [Cadastre 4] (sic)

fonds servant AD [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 6].'

Un plan dressé par Monsieur [N] a été annexé à l'acte.

Par acte du 6 juin 1996 les époux [H] ont vendu le fonds servant à la SCI B & B ( la SCI). La propriété [J], fonds dominant, a successivement été cédée à Madame [O] et aux époux [B] qui l'ont vendue en cours de procédure à Monsieur [Y] [D].

Par acte du 20 octobre 2010 la SCI a assigné Monsieur [B] aux fins de voir constater que le chemin de servitude prévu à l'acte du 11 septembre 1986 n'a pas été réalisé et en conséquence entendre interdire aux époux [B] de traverser la propriété de la SCI tant que ce chemin n'aura pas été construit.

Par jugement du 31 mai 2012 le tribunal de grande instance de Nice a :

reçu Monsieur [D], subrogé dans les droits des époux [B], en son intervention volontaire,

condamné la SCI à rétablir l'assiette de la servitude de passage spécifiée dans le titre notarié du 11 septembre 1986 et reportée dans les plans dressés par Monsieur [Q], géomètre expert, référencés 51529/1 et 51529/2 datés de mars 2011, en procédant à la démolition de tout ouvrage et obstacle se trouvant sur ledit tracé, sous astreinte de 2.000 € par jour de retard, passé un délai de trois mois à compter de la signification du jugement,

ordonné l'exécution provisoire du jugement,

condamné la SCI aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 4.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI a interjeté appel de ce jugement le 26 juin 2012.

Par ordonnance du 17 décembre 2012 le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'appel formée par Monsieur [D] sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2013 avant l'ouverture des débats.

POSITION DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions du 22 avril 2013 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCI demande à la cour, au visa des articles 690, 703, 704, 706, 707 et 1382 du code civil :

d'infirmer le jugement,

de constater que la servitude constituée suivant acte dressé par Maître [T] le 11 septembre 1986 s'est éteinte le jour même de sa constitution par l'effet de l'article 703 du code civil,

de condamner Monsieur [D] à faire procéder à la remise des lieux en leur état antérieur sous une astreinte de 2.000 € par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

de condamner Monsieur [D] à lui payer à titre de remboursement des frais d'exécution du jugement infirmé la somme de 9.031,01 € et 30.000 € à titre de dommages et intérêts,

de dire que le coût des trois constats et de la sommation de Maître [X] de 1.421,17 € sera inclus dans les dépens,

de condamner Monsieur [D] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures déposées et signifiées le 19 avril 2013 Monsieur [D] demande au contraire à la cour, au visa des articles 701 et 1382 du code civil:

de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

de confirmer le jugement,

y ajoutant, de condamner la SCI à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

de condamner la SCI aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* sur la servitude de passage

Aux termes de l'article 701 du code civil le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode. Ainsi il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

L'article 703 dispose que les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user.

Dans le cas présent l'acte du 11 septembre 1986 reçu par Maître [T] a institué une servitude de passage et de canalisations grevant les parcelles cadastrées commune de [Localité 1], section AD [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 6] au profit de celles cadastrées AD [Cadastre 5] et [Cadastre 3] et précise que l'assiette de la servitude est figurée dans un liseré bleu au plan annexé à l'acte. Le plan annexé à l'acte a été établi par Monsieur [V] [N].

Il ressort d'un plan des lieux dressé en mars 2011 par Monsieur [U] [Q] et il n'est pas contesté que le sentier existant permettant d'accéder aux parcelles AD [Cadastre 5] et [Cadastre 3] appartenant aujourd'hui à Monsieur [D] ne correspond pas à l'assiette de la servitude contractuellement définie à l'acte du 11 septembre 1986. En effet le droit de passage prévu à l'acte traverse en son milieu la parcelle AD [Cadastre 2] alors que le sentier existant se situe en bordure de la parcelle AD [Cadastre 2]. De plus le sentier existant est beaucoup plus étroit, plus long, il comporte des marches et ne permet qu'un passage piétonnier.

La SCI n'est pas fondée à soutenir que la servitude n'a jamais eu d'existence, n'a jamais été créée et qu'il s'agissait d'un simple projet alors que ladite servitude a été instituée aux termes de l'acte authentique du 11 septembre 1986 (vente [J]/[H]) régulièrement publié à la conservation des hypothèques volume 86 DP 3595. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que son titre ne contient pas rappel de cette servitude alors que l'acte du 6 juin 1996 (vente [H]/SCI) précise que la convention de servitude est littéralement rapportée en annexe.

La SCI soutient, au visa de l'article 703 du code civil, que la servitude n'a jamais été utilisée et se trouve éteinte puisque le tracé initialement prévu est irréalisable au regard de la topographie des lieux, d'une forte déclivité et du caractère inconstructible des fonds.

Toutefois il résulte de l'attestation rédigée par Madame [A] [O], qui a été propriétaire du fonds dominant du 19 octobre 1990 au 11 décembre 2009, que durant près de 20 ans elle a utilisé la servitude suivant le tracé bleu figurant à l'acte notarié qui coupait en diagonale la parcelle de la SCI. Elle précise avoir constaté après une visite chez les époux [B] que Monsieur [C] ( gérant de la SCI) s'est permis de modifier le tracé officiel. Cette attestation est confortée par celle rédigée par un voisin, Monsieur [G] [K], énonçant qu'avant la vente du terrain le chemin passait au milieu du terrain de Monsieur [C].

S'il ressort des procès-verbaux de constat que le chemin initial n'est plus praticable cette situation résulte des agissements de la SCI qui a édifié des ouvrages et implanté des obstacles sur l'assiette de la servitude.

La SCI qui ne saurait se prévaloir de ses agissements illicites sera déboutée de sa demande tendant à voir dire et juger que la servitude se trouve éteinte pour non-usage et impossibilité d'en user.

Aux termes de l'acte du 11 septembre 2006, qui est dépourvu d'ambiguïté, les parties ont créé une servitude de passage et de canalisations sans conditionner l'existence de cette charge au caractère constructible des terrains de sorte qu'il importe peu que le fonds de Monsieur [D] soit inconstructible. Pour les mêmes motifs la SCI n'est pas fondée à contester l'existence de la servitude au motif que son fonds serait lui-même enclavé.

Il est ainsi suffisamment démontré par le plan dressé par Monsieur [Q] et les différents procès-verbaux de constats versés aux débats que la SCI a violé les dispositions de l'article 701 du code civil en transportant, sans l'accord du propriétaire du fonds dominant, l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée et l'a rendue plus incommode.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné sous astreinte la SCI à rétablir l'assiette de la servitude de passage et de canalisations selon le tracé prévu à l'acte notarié du 11 septembre 1986 et au plan qui y est annexé en procédant à la démolition de tous les ouvrages implantés sur ledit tracé et elle sera déboutée de sa demande tendant à voir condamner sous astreinte Monsieur [D] à procéder à la remise en état des lieux.

* sur les demandes indemnitaires

Les obstacles apportés à l'exercice de la servitude de passage contraignent Monsieur [D] à utiliser un accès plus long, plus étroit, plus malcommode et purement piétonnier.

De plus, les procès-verbaux de constat versés aux débats, et notamment ceux établis les 25 octobre 2012 par Maître [R] et 28 janvier 2013 par Maître [E] apportent la preuve que le sentier d'accès à la propriété de Monsieur [D] est étroit, encombré par endroits de gravats et d'éboulements en provenance de murs de soutènement et d'une manière générale malcommode et dangereux.

En réparation du préjudice subi par Monsieur [D] à raison de l'impossibilité d'user de la servitude conventionnelle et du caractère malcommode et dangereux du sentier existant, la SCI sera condamnée à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

La SCI qui succombe en ses demandes ne justifie pas d'un préjudice indemnisable. Elle n'est pas fondée à réclamer le remboursement du coût des travaux qu'elle a engagés pour exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire, ni les frais de constat exposés. Elle sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

* sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Echouant en son recours, la SCI sera condamnée aux dépens d'appel et ne peut, de ce fait, prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée à payer à Monsieur [D] une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Déboute la SCI B&B de sa demande tendant à voir déclarer éteinte la servitude de passage et de canalisations grevant les parcelles cadastrées commune de [Localité 1], section AD n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 6] au profit des parcelles AD n° [Cadastre 5] et [Cadastre 3].

Condamne la SCI B&B à payer à Monsieur [Y] [D] une somme de cinq mille euros (5.000,00 €) à titre de dommages et intérêts.

Déboute la SCI B&B de sa demande de dommages et intérêts, et de ses demandes en remboursement des frais engagés pour exécuter le jugement et frais de constat d'huissier.

Déboute la SCI B&B de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à ce titre à Monsieur [D] une somme de deux mille euros (2.000,00 €).

Condamne la SCI B&B aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/11710
Date de la décision : 20/06/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°12/11710 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-20;12.11710 ?
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