COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 JUIN 2013
hg
N° 2013/265
Rôle N° 12/06085
[W] [S]
[A] [O] épouse [S]
C/
[V] [G]
[L] [E]
Grosse délivrée
le :
à :
Me André GATT
la SCP DESOMBRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 01 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 08/00418.
APPELANTS
Monsieur [W] [S]
né le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 18], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me André GATT, avocat au barreau de [Localité 18]
Madame [A] [Y] [O] épouse [S]
née le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 18], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me André GATT, avocat au barreau de [Localité 18]
INTIMES
Monsieur [V] [G]
né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 16], demeurant [Adresse 10]
représenté par la SCP DESOMBRE M & J, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Cédric PLANTAVIN, avocat au barreau de NICE
Madame [L] [E]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 19], demeurant [Adresse 10]
représentée par la SCP DESOMBRE M & J, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Cédric PLANTAVIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Avril 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[V] [G] et [L] [E] sont propriétaires de la parcelle de terrain cadastrée B 304, située sur la commune de [Localité 13], lieudit «'[Localité 17]'» (Alpes de Haute Provence) suivant acte d'achat du 18 avril 2001.
Cet acte comporte une mention suivant laquelle le hangar situé dans la partie est de la parcelle n'est actuellement accessible que par la parcelle B [Cadastre 7] appartenant à un tiers, sans pour autant bénéficier d'une servitude de passage.
[W] [S] et son épouse [A] [Y] [O] sont propriétaires des parcelles de terrain cadastrées B [Cadastre 6]p, [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] suivant acte d'achat du 30 décembre 1988.
Par assignation délivrée le 20 mars 2008, [V] [G] et [L] [E] ont sollicité l'octroi d'une servitude de passage sur les parcelles de terrain cadastrées B [Cadastre 6] et [Cadastre 7] en invoquant l'enclavement de leur parcelle sur sa façade est.
Par jugement avant dire droit du 16 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Digne a ordonné une expertise confiée à [D] [Z].
L'expert a déposé son rapport le 3 mars 2011.
Par jugement du 1 février 2012 le tribunal de grande instance de Digne a':
- constaté l'état d'enclave de l'appentis à usage de stockage et de hangar situé sur la parcelle cadastrée B 304,
- fixé l'assiette du chemin de désenclavement de ce local selon les modalités suivantes':
«' droit de passage pédestre et véhicule deux roues (vélo, cyclomoteurs, motos, motoculteur...), principal et continu par l'accès Sud de la parcelle cadastrée B 304 appartenant aux époux [S] et constituant le fonds servant mais à seule fin de stockage ou d'entrepôt ou de garage ou d'utilisation normale de l'appentis dans son emploi de hangar;
mise en place du droit de passage par marquage au sol et suppression de clôture, sauf les époux [S] à installer sur l'assiette du droit de passage des ouvrages de portail dont les clés seront impérativement remises aux bénéficiaires du droit de passage ;
maintien de l'ouverture du bâtiment libre en toute sa façade Est de tout obstacle dans toute sa largeur pour permettre les manoeuvres de stockage du bois ou de tous autres matériaux ou encombrants.
droit de passage occasionnel et de manoeuvre sur la partie Est de la parcelle B [Cadastre 7] pour véhicule à moteur avec remorque y accédant par l'accès Nord de ladite parcelle.'»
- Les époux [S] ont été condamnés à supprimer les clôtures et obstacles qui empêcheraient l'exercice de ce droit de passage aux lieux et fréquences arrêtées par le jugement, avec la réserve des ouvrages de portail citée plus haut, sous astreinte de 150 € par jour de retard et à compter de la première difficulté rencontrée dans l'exercice du droit de passage, y compris dans la remise d'éventuelles clés de portail, ladite difficulté emportant de plein droit mise en demeure de rétablir ce droit de passage ;
- ils ont été condamnés à payer aux consorts [G] [E] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les dépens de la procédure comprenant les frais d'expertise ont été partagés par moitié ;
- l'exécution provisoire de la décision a été ordonnée.
Le 30 mars 2012, les époux [S] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe le 14 février 2013 auxquelles il convient de se référer, les époux [S] sollicitent l'infirmation du jugement, et :
à titre principal:
- entendent voir dire que la parcelle de terrain cadastrée B 304 n'est pas en situation d'enclave'insoluble;
- le rejet des prétentions des consorts [G] [E] ;
à titre subsidiaire, qu'une nouvelle expertise soit ordonnée';
et, en toute hypothèse, ils sollicitent'la condamnation des intimés à leur payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils soutiennent notamment:
- qu'ils ne pouvaient être condamnés à retirer leur clôture autorisée par décision administrative, et découlant du droit'de se clôre;
- que le passage autorisé sur la partie Nord de la parcelle B [Cadastre 7] avec une remorque ne suffirait pas à permettre aux consorts [G] [E] d'accéder chez eux dans la mesure où ils devraient traverser d'autres parcelles dont les propriétaires n'ont pas été mis en cause';
- l'état d'enclave ne peut être reconnu dans la mesure où il résulte de la fermeture d'une ouverture ancienne sur le chemin communal';
- la possibilité d'ouverture est mentionnée dans l'acte d'acquisition du fonds par les consorts [G] [E]';
- contrairement à ce qu'a indiqué l'expert, elle est techniquement réalisable'par l'extérieur ;
elle est possible par l'intérieur également, sans que le souci de commodité de faire passer du bois par l'extérieur ait à être pris en compte';
- l'accès à la partie habitation et aux trois caves constituant le bâtiment principal par le chemin public, ne pose pas de problème';
Les consorts [G] [E] , par leurs dernières conclusions reçues au greffe et notifiées aux parties le 4 juillet 2012, auxquelles il convient de se référer, sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation des époux [S] à leur payer 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.
Pour eux':
- l'état d'enclave du hangar servant à entreposer des encombrants et du bois de chauffage est établi';
- aucune ouverture sur la façade sud ou par l'intérieur ne peut être réalisée du fait du classement de la bâtisse en zone de risque';
- le tracé de désenclavement retenu par le tribunal doit être confirmé.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'état d'enclave:
Aux termes de l'acte d'achat du 18 avril 2001 par lequel [V] [G] et [L] [E] sont devenus propriétaires de la parcelle de terrain cadastrée B 304, il est mentionné'que':
- le bien vendu est une "maison à usage d'habitation comprenant :
deux caves en entresol, deux pièces au rez-de-chaussée, deux pièces au premier étage, et greniers
Avec hangar et cave en dessous."
- puis, en page 7, au paragraphe "Servitudes":
"LE VENDEUR déclare qu'il n'a créé, ni laissé créer aucune servitude sur l'IMMEUBLE vendu, et qu'à sa connaissance il n'en existe pas d'autres que celles pouvant résulter de la situation des lieux, de la loi ou de l'urbanisme.
Il précise en outre que le hangar situé dans la partie est de l'immeuble B 304 n'est actuellement accessible que par la parcelle B [Cadastre 7] appartenant à un tiers, sans pour autant bénéficier d'une servitude, à défaut d'issue directe sur le chemin communal au Sud. Il appartiendra à l'acquéreur, qui l'accepte expressément, soit de créer cette issue directe par une ouverture dans le mur, soit de trouver avec le propriétaire de la parcelle B [Cadastre 7] les accommodements qui lui paraîtront satisfaisants pour pérenniser le passage actuel, le tout sans recours contre les vendeurs."
L'article 682 du code civil prévoit que «'le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.'»
En l'espèce, la parcelle B 304 sur laquelle est située le hangar pour lequel le désenclavement est sollicité, bénéficie d'un accès sur la voie publique par le chemin communal situé au sud de la propriété.
En revanche, le hangar attenant à la maison acquise par [V] [G] et [L] [E] ne dispose d'ouverture et n'est accessible que par la parcelle B [Cadastre 7].
L'expert note en page 12 de son rapport qu'une ouverture depuis l'intérieur en rez de chaussée est techniquement possible, mais qu'elle ne règlerait pas le problème d'accès depuis l'extérieur relatif à l'usage ( de stokage de bois).
Contrairement à ce que soutiennent [V] [G] et [L] [E], le courrier de la préfecture des Alpes de Haute Provence daté du 25 octobre 2000 et celui du maire de [Localité 13] daté du 19 novembre 2009 ne permettent pas d'établir qu'ils ne peuvent procéder à une ouverture par l'intérieur du fait du classement de la bâtisse en zone de risque';
tout au plus, ces courriers susceptibles de contestation, établieraient qu'ils ne peuvent procéder à une ouverture permettant l'accès au hangar'sur la façade sud.
Dès lors que la totalité de la parcelle n'est pas enclavée, qu'une ouverture peut être pratiquée qui donnerait accès par l'intérieur au bâtiment ayant traditionnellement servi de local à entreposer ou faire sécher du bois, et que la disposition des lieux acquis par [V] [G] et [L] [E] comprenant notamment une maison à usage d'habitation et deux caves peut être revue et redistribuée, le lieu de stockage déplacé ou le mode de chauffage modifié, l'état d'enclave n'est pas caractérisé, et la situation invoquée, de simple commodité, ne peut donner lieu aux servitudes de passage accordées en première instance.
Le jugement ayant constaté l'état d'enclave et prévu des servitudes de passage sera donc infirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,'
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la parcelle de terrain cadastrée commune de [Adresse 14] n'est pas enclavée,
Rejette les prétentions de [V] [G] et [L] [E] tendant à obtenir une servitude de passage sur les fonds cadastrés B [Cadastre 6] (devenue B [Cadastre 11]) et B [Cadastre 7],
Condamne [V] [G] et [L] [E] à payer'aux époux [S] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [V] [G] et [L] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de l'expertise, ces derniers étant distraits dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIERLE PRESIDENT