COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 03 MAI 2013
N° 2013/250
Rôle N° 11/04118
[C] [K]
C/
[L] [X]
SARL SOCIETE FERMIERE DU NOUVEAU PORT DE [Localité 2]
SA NOUVEAU PORT DE [Localité 2]
COMMUNE DE [Localité 2]
Grosse délivrée
le :
à : SCP BOISSONNET
SCP ERMENEUX
SCP MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 Janvier 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02183.
APPELANTE ET INTIMEE
Madame [C] [K]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 11/7764 du 01/07/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU, avoués
plaidant par Me Pierre CHAMI, avocat au barreau de NICE substituant Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
INTIME ET APPELANT
Monsieur [L] [X]
né le [Date naissance 2] 1944
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués
plaidant par Me David REBIBOU, avocat au barreau de NICE
INTIMES
SARL SOCIETE FERMIERE DU NOUVEAU PORT DE [Localité 2], poursuites et diligences de son gérant,
dont le siège social est [Adresse 5]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de SCP MAGNAN, avoués
plaidant par Me Jean-Albert DEMARCHI, avocat au barreau de NICE
SA NOUVEAU PORT DE [Localité 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal,
dont le siège social est [Adresse 4]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de SCP MAGNAN, avoués
plaidant par Me Jean-Albert DEMARCHI, avocat au barreau de NICE
COMMUNE DE [Localité 2], agissant poursuites et diligences de son Maire,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de SCP MAGNAN, avoués
plaidant par Me Jean-Albert DEMARCHI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mr ISOUARD, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2013,
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par arrêté du 2 août 1971, le préfet des Alpes-Maritimes a concédé à la société du nouveau port de [Localité 2] la construction et l'exploitation d'un port de plaisance, celle-ci a sous concédé une partie du terrain, objet de la concession, à la société fermière du nouveau port de [Localité 2] qui y a édifié des constructions dont elle a cédé les droits de jouissance et notamment pour les cellules 22 et 57 à un tiers aux droits duquel s'est trouvée Madame [K] qui y a exploité une activité de restauration.
Le 15 juin 1990 Madame [K] a vendu à Monsieur [X] son fonds de commerce et a conclu avec effet au 1er juin précédent un bail commercial portant sur les deux cellules.
Reprochant à Monsieur [X] un défaut de paiement du loyer, Madame [K] l'a poursuivi ainsi que la société fermière du nouveau port de [Localité 2], la société du nouveau port de [Localité 2] et la commune de [Localité 2] devant le tribunal de grande instance de Nice qui, par jugement du 17 janvier 2011, a :
- constaté que Monsieur [X] est occupant précaire des cellules 22 et 57 situé sur le domaine public,
- constaté que Madame [K] est déchue de tout droit de jouissance sur ces cellules,
- débouté Madame [K] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté Monsieur [X] de ses demandes en paiement d'un indu et concernant son engagement à l'acquisition du droit de jouissance,
- donné acte à la société fermière du nouveau port de [Localité 2] et la société du nouveau port de [Localité 2] de ce qu'elles se réservent à l'issue de la présente procédure de saisir le tribunal administratif pour faire ordonner l'expulsion de Monsieur [X],
- condamné Madame [K] à payer à Monsieur [X], à la société fermière du nouveau port de [Localité 2], à la société du nouveau port de [Localité 2] et à la commune de [Localité 2] la somme de 1 000 euros à chacun.
Le 7 mars 2011, Madame [K] a interjeté appel de cette décision. Tout d'abord elle soulève la nullité du jugement au motif qu'il ne précise pas la composition du tribunal à l'audience du 15 novembre 2010, ni en délibéré et qui mentionne la présence du greffier. Elle invoque également la violation des articles 4, 5 et 12 du Code de procédure civile, les premiers juges ne pouvant annuler le bail commercial alors que cela n'était pas demandé.
Elle prétend que le bail commercial doit être qualifié en convention d'occupation précaire qui continue à faire la loi des parties et oblige Monsieur [X] à l'exécuter en payant une indemnité qui doit être égale au loyer, ce qu'il n'a pas fait et justifie la résiliation de cette convention et son expulsion. Elle invoque à titre subsidiaire l'enrichissement sans cause.
Elle stigmatise également la position de la commune de [Localité 2], de la société fermière du nouveau port de [Localité 2] et de la société du nouveau port de [Localité 2] qui invoquent des règles qu'elles ont elles-mêmes méconnues et lui ont imposé d'occuper les deux cellules litigieuses alors que la présence de Monsieur [X] rendait impossible la réalisation de cette condition.
Elle demande qu'il soit constaté que Monsieur [X] est occupant sans droit ni titre, que son expulsion soit ordonnée sous astreinte de 500 euros par jour de retard, qu'il soit condamné à remettre les lieux en l'état et à lui payer une indemnité d'occupation de 3 820 euros par trimestre à compter du 1er janvier 2005 avec intérêts capitalisés ainsi que la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [X] conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [K] et la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 180 684,93 euros représentant les loyers indûment payés outre celle de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il expose qu'il est titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public que lui a concédée la société fermière du nouveau port de [Localité 2] pour laquelle il règle une redevance et que Madame [K] ne dispose d'aucun droit sur les locaux pour lesquels elle réclame son expulsion.
La commune de [Localité 2] demande sa mise hors de cause n'étant plus l'autorité concédante.
La société fermière du nouveau port de [Localité 2] et la société du nouveau port de [Localité 2] concluent à la confirmation du jugement et à la condamnation de Madame [K] à leur payer ainsi qu'à la commune de [Localité 2] la somme de 3 000 euros à chacune en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elles exposent qu'il a été demandé à Madame [K] de régulariser sa situation en justifiant être bénéficiaire d'un droit de jouissance et d'occuper les cellules ou de céder son droit de jouissance à l'actuel occupant, qu'elle n'a pas déféré à cette demande et dispose d'aucun titre d'occupation ; elles ajoutent qu'elle ne peut requérir l'expulsion de Monsieur [X] qui occupe le domaine public.
* * * * * * *
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nullité du jugement :
L'article 454 du Code de procédure civile édicte notamment que le jugement doit contenir le nom des juges qui en ont délibéré, sa date et le nom du secrétaire.
L'examen du jugement prononcé le 17 janvier 2011 par mise à disposition au greffe montre qu'il satisfait à toutes ces conditions.
Il indique en effet le nom des trois magistrats composant le tribunal lors des débats qui sont présumés être sauf indication contraire, ceux qui en ont délibéré. Rien dans cette décision ne laisse supposer que le greffier aurait assisté au délibéré.
Ce jugement est également signé par le président et le greffier.
Il ne présente aucune irrégularité et sa demande d'annulation doit être rejetée.
Sur la demande de mise hors de cause de la commune de [Localité 2] :
La commune de [Localité 2] a été l'autorité concédante jusqu'au 1er janvier 2009 ; tous les actes concernés par le litige ont été établis antérieurement à cette date et elle doit être maintenue en la cause.
Sur les demandes de Madame [K] :
Madame [K] et Monsieur [X] ont conclu le 15 juin 1990 un bail commercial portant sur les deux cellules 22 et 57 pour une durée de neuf années à destination exclusive de bar-restaurant.
Madame [K] sollicite la requalification de cet accord en convention d'occupation précaire. Cette demande provient qu'elle n'était pas propriétaire des murs situés sur le domaine public ce qui empêchait la conclusion d'un bail commercial ; elle résulte de l'irrégularité de ce bail et Madame [K] ne peut reprocher aux premiers juges d'avoir de manière implicite déclaré nul ce bail alors que cela était le fondement implicite de sa prétention.
Madame [K] reconnaît que les cellules objet du litige se trouvent sur le domaine public. Il lui appartient de justifier qu'elle possède un titre d'occupation.
La convention de cession de droits locatifs du 7 septembre 1983 au profit de Madame [K] ni même la convention de jouissance par la société fermière du nouveau port de [Localité 2] ne saurait constituer un titre d'occupation, seule une autorisation d'occupation temporaire permettant l'occupation du domaine public.
Le 20 mars 2006 la société fermière du nouveau port de [Localité 2] et la société du nouveau port de [Localité 2] ont sommé Madame [K] de justifier de sa qualité de bénéficiaire d'un droit de jouissance et de régulariser sa situation soit en occupant les locaux soit en cédant la jouissance à l'actuel occupant. Madame [K] n'a pas répondu à cette sommation et ces deux sociétés lui ont notifié le 4 mai 2006 qu'elles la considéraient comme ayant renoncé à tout titre d'occupation et qu'elles se réservaient d'en disposer librement et notamment de régulariser la situation de l'actuel occupant.
Il n'est pas inutile de constater que lors de discussion entre Madame [K] et Monsieur [X] pour essayer de résoudre les difficultés nées d'une occupation illicite, celui-ci lui a proposé un arrangement en lui versant une somme de 36 000 euros, offre qu'elle a déclinée.
Après les actes des 20 mars et 4 mai 2006, une autorisation d'occupation temporaire a été donnée à Monsieur [X] par l'autorité concédante tout d'abord pour une durée d'une année et ensuite pour une durée d'un mois renouvelable.
Vainement Madame [K] invoque-t-elle l'enrichissement sans cause. En effet d'une part son appauvrissement n'est pas sans cause mais ressort de l'illicéité de sa situation par rapport aux règles d'occupation du domaine public. D'autre part Monsieur [X] qui a acquis d'elle un fonds de commerce avec un bail commercial alors qu'il ne pouvait pas bénéficier des avantages assortissant un tel contrat ne s'est nullement enrichi
Ainsi Madame [K] ne justifie d'aucun droit sur les cellules 22 et 57. Elle ne peut exiger de Monsieur [X] le paiement d'une indemnité d'occupation et son expulsion.
La fin de cette convention d'occupation précaire doit être fixée au 31 décembre 2004 ; en effet jusqu'à cette date par la suite d'une certaine tolérance ou errements des pouvoirs publics qui s'étaient éloignés des principes gouvernant l'occupation du domaine public, Monsieur [X] occupait les deux cellules en vertu de la convention qui le liait à Madame [K] et ce n'est qu'après cette date que les règles de droit ont été appliquées.
Elle ne peut qu'être déboutée de ses demandes tant en résiliation d'une convention d'occupation précaire qui n'existe plus qu'en expulsion.
Sur la demande de Monsieur [X] en restitution des loyers :
Comme le reconnaît elle-même Madame [K] la convention liant les parties ne peut être qualifiée de bail commercial mais constitue une convention d'occupation précaire qui ne permet pas à Monsieur [X] de bénéficier du statut des baux commerciaux et notamment de la durée du bail, du droit au renouvellement et de sa cession à l'acquéreur de son fonds de commerce.
Le prix de cette occupation est évidemment moindre que celle d'un bail commercial et il convient de fixer la redevance due à 80 % de la valeur locative payées par Monsieur [X] à Madame [K].
La cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour calculer cette restitution, Monsieur [X] réclamant la somme de 180 684,93 euros sans produire aucun document si ce n'est deux quittances de loyer de novembre et décembre 2004, ni aucun décompte permettant de vérifier cette somme.
Il convient donc d'inviter les parties à liquider leurs droits sur cette base du 1er juin 1990 au 31 décembre 2004 et à saisir la cour en cas de difficultés.
Succombant à la procédure Madame [K] doit être condamnée à payer à chacun de ses quatre adversaires par elle intimés la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement du 17 janvier 2011 du tribunal de grande instance de Nice sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de sa demande en paiement de l'indu ;
Statuant de nouveau de ce chef :
Dit que Monsieur [X] est redevable du 1er juin 1990 au 31 décembre 2004 d'une indemnité d'occupation égale à 80 % du loyer payée ;
Invite les parties à liquider leurs comptes sur cette base et les autorise en saisir la cour en cas de difficultés ;
Condamne Madame [K] à payer à Monsieur [X], à la société fermière du nouveau port de [Localité 2], à la société du nouveau port de [Localité 2] et à la commune de [Localité 2] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à chacun d'eux ;
Condamne Madame [K] aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT