COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2013
N°2013/384
Rôle N° 11/17600
[F] [G]
C/
CHAMBRE DE COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE DE MARSEILLE PROVENCE
DEFENSEUR DES DROITS (HALDE)
Grosse délivrée le :
à :
Me Catherine DEJEAN, avocat au barreau de TARASCON
Me Thierry CARRON, avocat au barreau de LYON
Me Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Septembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/819.
APPELANTE
Madame [F] [G], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assistée de Me Catherine DEJEAN, avocat au barreau de TARASCON
INTIMEES
CHAMBRE DE COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE DE MARSEILLE PROVENCE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Thierry CARRON, avocat au barreau de LYON
DEFENSEUR DES DROITS (HALDE), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Michel VANNIER, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2013 prorogé au 28 Mars 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2013
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par décision du président de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence (ci-après chambre de commerce) du 11 mars 2004, madame [G] a été engagée à compter du 24 mai 2004 en qualité de cadre stagiaire pour exercer les fonctions de directeur délégué des ressources humaines à l'aéroport de [1] et être affectée à la direction générale des concessions pour une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 3.746,87 euros sur 13 mois; par avenant du 29 avril 2005, la salariée était titularisée en qualité de cadre, directeur des ressources humaines ; les rapports des parties étaient régis par la convention collective des personnels des ports autonomes maritimes et des chambres de commerce et d'industrie concessionnaires dans les ports maritimes de commerce et de pêche ainsi que son avenant local du 3 juillet 2000.
Madame [G], qui a été licenciée pour faute grave le 11 août 2009, a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille d'une contestation de la légitimité de la rupture de son contrat de travail et de diverses demandes salariales et indemnitaires ; elle a régulièrement interjeté appel par lettre postée le 7 octobre 2011 du jugement rendu le 23 septembre 2011 qui a confirmé son licenciement pour faute grave et qui l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ; elle conclut à la réformation de cette décision en toutes ses dispositions, demande à la cour de juger que son licenciement est nul pour manquement par l'employeur de son obligation de sécurité et pour avoir dénoncé ou relaté des faits de harcèlement et de le juger subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ; elle sollicite la condamnation de la chambre de commerce à lui payer les sommes suivantes :
- 200.000,00 euros en réparation de l'intégralité de ses préjudices,
- 131.079,00 euros de rappel de salaire sur la base d'un coefficient 800 de mai 2005 à novembre 2009 et 21.800,00 euros au titre du véhicule de fonction,
- 6.600,00 euros de rappel de congés payés,
- 15.408,00 euros de rappel d'indemnité de licenciement ;
elle demande en outre le versement des indemnités de chômage à compter du 28 janvier 2010 sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard en fonction du coefficient applicable et 4.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le défenseur des droits a présenté ses observations en application de l'article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au défenseur des droits, du décret n° 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le défenseur des droits et du code du travail.
La chambre de commerce conclut à la confirmation du jugement déféré, au rejet de l'intégralité des demandes de madame [G] et à sa condamnation à lui payer la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées, oralement reprises à l'audience du 30 janvier 2013.
La cour devait rendre initialement son arrêt le 14 mars 2013 mais à cette date son délibéré a été prorogé au 28 mars 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
1 - sur la discrimination salariale :
Il résulte de l'article L. 1132-1 du code du travail, qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de qualification, de classification, de promotion professionnelle en raison de son sexe ; toutefois, selon l'article L. 1133-1 du même code, l'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ; enfin, l'article L. 1134-1 du même code prévoit que lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Madame [G], qui fait observer qu'elle était la première et seule femme des 7 membres du comité de direction et l'un des 5 cadres supérieurs directement rattachés au directeur général, reproche à son employeur de lui avoir attribué ce coefficient 600 qui est selon elle inférieur à celui de ses collègues masculins et de ne pas lui avoir affecté de véhicule de fonction alors que, toujours selon elle, tous les autres membres du comité de direction bénéficiait d'un tel avantage. C'est pourquoi elle revendique le coefficient 800 à compter du mois de mai 2005 et jusqu'au 17 novembre 2009 et présente une demande indemnitaire au titre de la privation de l'avantage en nature.
Cette revendication est soutenue par le défenseur des droits selon lequel madame [G] 'a fait l'objet dès sa titularisation en 2005 d'une différence de rémunération fondée sur le sexe, par rapport à ses collègues masculins membres du comité de direction et, à compter de 2008, par rapport à Monsieur [N]' qui, la cour le précise, a été recruté en contrat à durée déterminée pour suppléer l'absence de madame [G] en arrêt maladie à compter du 25 avril 2008, arrêt intervenu alors que l'entreprise s'était engagée dans la renégociation de la convention collective applicable en son sein.
Il résulte des pièces de la procédure les éléments suivants :
- madame [G] a été recrutée à compter du 24 mai 2004 comme directeur délégué des ressources humaines au salaire mensuel brut forfaitaire de 3.746,87 euros établi par référence au coefficient 550 de la grille des emplois en usage à la chambre de commerce et selon la formule des salaires en vigueur pour sa catégorie, sa note de valeur étant fixée à 14 pour l'année 2004 ;
- à compter du 1° juin 2004, elle a pris la responsabilité de la direction de ressources humaines qui venait d'être créée et à laquelle étaient rattachés le service des ressources humaines comprenant 2 personnes et le service administration du personnel de la concession comprenant 4 personnes ;
- à compter du 1° mai 2005, elle a été titularisée en qualité de directeur des ressources humaines, statut cadre au coefficient 550 avec une note de valeur fixée à 14 pour l'année 2005 et le point de départ des échelons d'ancienneté fixé au 1° mai 1998 ; cette nomination prévoit en outre qu'il lui sera versé une indemnité différentielle calculée entre son salaire actuel au coefficient 550 et le salaire afférent au coefficient 600 ;
- elle obtient par décision du 12 mai 2005, délégation de signature pour le recrutement du personnel vacataire, les conventions de stage non rémunérées ou dont l'indemnisation est plafonnée à 30 % du smic, les habilitations nécessaires à l'exercice des activités du personnel pour lesquelles la législation l'impose ;
- elle a été confirmée dans ses fonctions au coefficient 600 note 14 à compter du 1° juillet 2006, la date d'effet du coefficient étant ramenée au 1° mai 2005, décision confirmée le 5 juillet 2006.
L'employeur, qui reproche au défenseur des droits de n'avoir effectué aucune enquête contradictoire avant de déposer son avis près de deux années après sa saisine intervenue postérieurement à l'audience de conciliation du 3 juin 2010, prouve que ses décisions dans l'attribution du coefficient de madame [G] et donc dans la fixation du salaire qui en découle étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
De fait l'annexe 4 à l'accord du 8 octobre 1969 relatif au classement du personnel précise que le classement est déterminé uniquement par la définition de la fonction remplie et les nécessités de la hiérarchie, quel que soit la désignation habituellement donnée localement à l'agent qui remplit cette fonction ; ainsi :
- le groupe I concerne les ingénieurs et cadres supérieurs administratifs, techniques ou commerciaux ayant acquis, par une longue expérience professionnelle ou par des études généralement sanctionnées par un diplôme, une formation appuyée sur des connaissances générales leur permettant d'être chargés d'un Service ou d'une responsabilité équivalente et sont rattachés à ce groupe les ingénieurs et cadres supérieurs d'étude ou de recherche dont la fonction, indépendamment de leur valeur, peut ne pas être de commandement ; ils sont classée de 390 à 750 ;
- le groupe II concerne ceux qui assurent la direction de plusieurs services ou d'un service important, qui peuvent être dépourvus de commandement direct mais dont la compétence infuence les décisions prises au niveau des fonctions fondamentales de l'entreprise (fonctions de recherches, de conception, d'assistance etc...) : ils sont classés de 650 à 1000 :
- le groupe III concerne ceux qui occupent des fonctions de directeur ou directeur adjoint ou qui ont des responsabilités équivalentes ;
en conséquence, madame [G] qui a été recrutée à compter du 24 mai 2004 comme directeur délégué des ressources humaines et qui n'exerçait une fonction de commandement que sur un groupe restreint de 6 personnes s'est vue justement attribué un salaire mensuel brut forfaitaire de 3.746,87 euros sur 13 mois établi par référence au coefficient 550 de la grille des emplois en usage à la chambre de commerce.
Par ailleurs, l'employeur prouve que l'intéressée n'a pas été discriminée par rapport à ses collègues de travail, notamment par les éléments suivants qui ne sont pas utilement discutés par la salariée :
- le poste de directeur des ressources humaines délégué confié à madame [G] a été évalué selon la méthode international Hay qui :
* analyse 3 pôles : compétence/connaissance, initiative créatrice/cadre de la réflexion, finalité/liberté d'action, à chaque pôle correspondant une enveloppe de points conformément à une fiche d'évaluation dont la neutralité n'est pas discutable ;
* établit une cartographie de tous les postes par catégorie professionnelle et par direction, tableau qui permet de comparer le poids d'un poste par rapport aux autres ;
le travail réalisé par un consultant externe à l'entreprise est ensuite validé par un comité de lissage auquel participait madame [G] elle-même ce qui démontre qu'elle reconnaissait la transparence et l'objectivité de cette méthode d'évaluation, d'autant qu'elle fait écrire (page 23 de ses conclusions) que 'la méthode internationale du cabinet « Hay » est un outil très précis permettant de déterminer les rémunérations' ;
c'est donc sur la base de cette méthode - dans laquelle n'intervient aucune appréciation relative au sexe du salarié - que le poste de madame [G] a été 'pesé' à 677-III A ce qui correspondant aux coefficients 500-550 de la convention collective, alors par ailleurs que tous les autres membres du comité de direction de la concession avaient un coefficient inférieur à celui revendiqué par l'appelante à l'exclusion de monsieur [S] (voir ci-après) et du directeur de l'aéroport, monsieur [B] ;
- le tableau des évaluations des cadres de l'aéroport de Marseille et les comparaisons entre messieurs [D], [T], [I] et [S] excluent toute forme de discrimination ou de violation du principe 'à travail égal, salaire égal' au détriment de madame [G] ; en effet, l'employeur démontre ce qui suit :
* monsieur [D], directeur comptable, évalué aussi à 677 points Hay, est également entré dans l'entreprise au coefficient 550 mais il a du attendre 3 ans pour accéder au coefficient 600 contre un an pour madame [G] ;
* monsieur [T], dans l'entreprise depuis 1995, devenu directeur des opérations en 2000, s'est vu attribuer 500 points Hay, donc un coefficient inférieur à celui attribué à l'appelante dès son embauche ;
* monsieur [I], directeur marketing et communication, s'est vu attribuer le coefficient 600 et il devra attendre 4 ans pour bénéficier d'un coefficient supérieur ;
* monsieur [S], directeur technique de l'aéroport, a vu son poste pesé au coefficient 750 et lui également devra attendre 4 années pour accéder à un échelon supérieur ;
En conséquence, c'est de manière non sérieusement contestable que madame [G], qui ne dirigeait que le seul service des ressources humaines, qui n'était pas un service important contrairement à ce qu'elle soutient puisqu'elle n'avait sous ses ordres que 6 salariés, et qui n'avait elle-même aucune délégation de pouvoir importante puisqu'elle ne pouvait recruter que les stagiaires et vacataires, s'est vue attribuer le 5 juillet 2006 le coefficient 600, avec une date d'effet au 1° mai 2005, augmentation d'échelon qui a d'ailleurs étonné les représentants du personnel qui ont fait remarquer à la direction qu'elle n'était pas titulaire depuis deux années ;
enfin, madame [G] elle-même, qui a été absente pour maladie, congé pathologique et congé maternité du 22 juin 2005 au 11 août 2006, avait à son retour dans l'entreprise particulièrement apprécié l'attribution du coefficient qu'elle critique dorénavant puisqu'elle a adressé à son employeur le 31 août 2006 un message électronique ainsi libellé :
'Une nouvelle directive est parue hier au Journal Officiel des Communautés Européennes sur l'égalité homme-femme.
[Elle] stipule entre autre qu'est prohibé tout traitement discriminatoire à l'encontre d'une femme, lié à la grossesse ou au congé maternité.
L'attribution de mon avancement lors de la dernière commission est-elle une mesure..... 'discriminatoire'''''''
Bien sûr, je vous en remercie, car j'y vois une preuve de votre confiance, mais je suis également très génée que cela soit intervenu lors de ma si longue absence, alors que nous sommes tenus par les quotas.
Que dire d'autre que merci'.
Il reste que l'intéressée se compare plus utilement à monsieur [N] qui a été recruté en contrat à durée déterminée et au coefficient 800 pour la remplacer pendant son absence.
Mais là encore l'employeur prouve que sa décision est étrangère à toute notion de discrimination et de violation du principe d'égalité salariale ; en effet, il soutient à juste titre les éléments suivants :
- l'absence de madame [G] à compter du 28 avril 2008, alors qu'elle était notamment chargée, conformément à l'accord national du 6 février 2008, de renégocier avec les organisations syndicales l'application de la nouvelle convention collective du transport aérien et du personnel au sol, l'a contraint à lui rechercher un remplaçant temporaire en urgence en ayant recours à un cabinet de recrutement qui lui a proposé monsieur [N] ;
- monsieur [N] était à l'époque âgé de 55 ans - madame [G] avait 36 ans lors de son embauche - il était titulaire du diplôme de juriste conseil d'entreprise - madame [G] n'a pas cette formation - il avait occupé auparavant différentes fonctions de juriste et de directeur de la communication et des ressources humaines dans différentes sociétés nationales et internationale, notamment dans d'importantes entreprises telles que BP et Alcatel, grande expérience professionnelle que ne peut revendiquer madame [G] même si elle peut mettre en avant des diplômes que ne semble pas avoir monsieur [N].
Ainsi, monsieur [N] a été recruté dans l'urgence, sous contrat à durée déterminée pour une période de 15 mois, avec la mission particulièrement délicate et importante de négocier la mise en oeuvre d'une nouvelle convention collective dans l'entreprise ; il était donc en position de discuter voire d'imposer en partie ses revendications salariale ; la décision de l'employeur de lui attribuer le coefficient 800 repose bien sur des critères objectifs qui expliquent la différence de salaire entre les deux intéressés, différence qui n'avait pas à être comblée au retour de madame [G] dans l'entreprise.
Enfin, madame [G] n'apporte aucun élément sérieux au soutien de son affirmation selon laquelle les autres directeurs et monsieur [N] auraient bénéficié d'un véhicule de fonction, l'employeur soutenant sans être démenti qu'en réalité ils disposaient d'un véhicule de service pour un usage exclusivement professionnel.
La décision déférée qui a débouté de ces chefs madame [G] sera donc confirmée.
2 - sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, madame [G] verse aux débats un ensemble de documents - comptes rendus d'entretien avec son supérieur hiérarchique, certificats médicaux, attestations - qui, examinés dans leur ensemble permettent de présumer, mais seulement de présumer, l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; en outre, pour le Défenseur des droits, 'il semble que la CCIMP employeur n'ait pas suffisamment pris de mesures visant à prévenir et mettre fin aux faits de harcèlement moral dénoncés par Madame [G]'.
La chronologie des événements et l'ensemble des pièces du dossier font ressortir les éléments suivants :
1° - madame [G] a toujours été fort bien notée par son supérieur monsieur [B] qui avait reconnu son 'grand professionnalisme' lors de ses entretiens annuels et lui avait octroyé, alors même qu'elle était absente de l'entreprise depuis de longs mois, le coefficient 600 à l'étonnement des représentants du personnel ;
ce n'est donc pas sa longue absence pour une grossesse pathologique suivi d'un congé parental qui pourraient expliquer un harcèlement moral à son encontre ;
2° - le bilan d'évaluation au titre de l'année 2007, effectué le 11 février 2008, soit quelques semaines seulement avant les prétendues actes de harcèlement commis à son encontre, avait été particulièrement apprécié par la salariée qui l'avait annoté ainsi : 'très positif', 'pas de demande particulière' et, au final, 'très bon entretien' ;
3° - les comptes rendus des réunions rédigés par madame [G] à compter de celle du 17 mars 2008 - soit un mois seulement après le 'très bon entretien' susvisé - et sur lesquels elle s'appuie quasi exclusivement pour soutenir que monsieur [B], son directeur, a eu à partir de cette époque un comportemement anormal à son encontre, non seulement doivent être examinés avec les plus expresses réserves puisqu'ils émanent de l'intéressée elle-même, qu'ils ont été rédigés à une date incertaine et qu'ils n'ont pas été remis à son employeur avant le déclenchement de la présente procédure prud'homale mais encore parce qu'ils sont contredits par d'autres pièces du dossier, non seulement par les témoignages des personnes présentes à ces rencontres lorsqu'il y en avait mais également par les écrits même de la salariée ; ainsi :
- dans un courrier manuscrit du 20 mars 2008 madame [G], qui avait quitté brusquement le bureau de son directeur le 17 mars précédent, s'excuse en ces termes : 'Je vous prie de bien vouloir excuser ma sur-réaction lors de notre dernière réunion. Je suis moi-même encore surprise d'avoir perdu ainsi le contrôle, et tente de le comprendre...' , cette émotivité exacerbée expliquant qu'une secrétaire, madame [Y], puisse attester le 24/09/10 l'avoir vu sortir en pleurs à 3 reprises du bureau du directeur ;
- messieurs [T] et [E], présents lors de la réunion du 1°avril 2008, attestent, le premier, n'avoir 'aucun souvenir d'une quelconque attitude violente de Monsieur [B] à l'encontre de Madame [G]' et le second 'qu'à aucun moment... des menaces n'ont été proférées par [C] [B] à l'encontre de [F] [G]' ;
- monsieur [H], directeur de la chambre de commerce, non visé par les accusations de harcèlement, après s'être étonné à juste titre, à la lecture du compte rendu de la réunion du 2 avril 2008 de madame [G], 'd'une telle profusion de détails si longtemps après', rappelle qu'au cours de cette réunion de travail, 'à la deuxième question elle craque, se met en pleurs et annonce qu'elle ne pourra pas continuer à porter ce dossier' - celui de la négociation de la nouvelle convention collective - et il précise : 'Ni [C] [B], ni moi-même, n'avions une posture agressive. Aucune tension n'était apparente au cours de ce déjeuner. Aucun reproche, aucun propos désobligeant n'a été prononcé à l'égard d'[F] [G] ; il conclut enfin : 'A aucun moment, elle ne m'a informé des soi-disant tensions avec [C] [B] qu'elle aurait vécues la veille qui avait pour but de préparer 'une négociation importante avec les représentants du personnel, puisqu'elle concernait l'avenir du cadre social des 350 collaborateurs de l'aéroport' ;
-monsieur [T] atteste encore du calme des propos de monsieur [B] lors d'une réunion du 15 avril 2008.
Par ailleurs, aucune des personnes qui témoignent en faveur de madame [G] n'a été témoin direct des faits dénoncés par la salariée, la plupart se contentant de faire état de simples rumeurs sans citer aucun nom de collaborateurs concernés, à l'exception toutefois de monsieur [Z], ex cadre à la direction technique de la chambre de commerce, entre mai 72 et avril 2004, qui soutient que dans les réunions de travail, monsieur [B] devenait soudain très agressif et proférait des propos violents, son directeur l'ayant ainsi menacé en 2003 en pointant un doigt dans sa direction tout en lui disant à deux reprises 'vous êtes mort'; toutefois, outre l'ancienneté des faits relatés - plus de 5 ans avant ceux censés avoir été commis à l'encontre de madame [G] -, l'employeur verse aux débats le courriel que monsieur [Z] avait adressé à monsieur [B] le 5 mars 2004 dans lequel, après avoir rappelé que les derniers mois avaient été 'vraiment pénibles', il lui fait part néanmoins de son estime et le remercie de son invitation à la cérémonie de départ organisée en son honneur, courriel qui permet donc de relativiser l'attestation bien tardive de l'intéressé qui, au demeurant, n'a pas été témoin de faits censés avoir été commis au préjudice de madame [G].
Reste enfin les certificats médicaux produits aux débats par madame [G] qui sont ainsi rédigés :
- certificat du médecin du travail du 24 avril 2008 adressé au médecin traitant de la salariée :
'je vois ce jour Mme [F] [G] qui vit des moments très difficiles actuellement dans son travail, en particulier des difficultés qui semblent s'aggraver depuis quelques semaines en relation avec le comportement du responsable de l'entreprise.
Elle est 'à bout' et je crains qu'elle ne puisse assurer correctement ses fonctions (son état psychologique étant très perturbé) et que cela ait des conséquences graves pour elle.
J'émets ce jour un avis d'inaptitude temporaire pour la soustraire au milieu pathogène et la protéger....';
- avis d'arrêt de travail initial du 28 avril 2008 : 'DRH en inaptitude temporaire par le médecin du travail pour 'perturbarions psychologiques due au comportement du responsable de l'entreprise aux conséquences graves pour la patient' ;
toutefois, le médecin du travail attestera le 24 février 2011 que 'les origines de l'état psychologique [de madame [G]] indiquées dans [la lettre du 24 avril 2008] résultent des dires de la salariée' et l'employeur relève fort à propos que madame [G] a elle-même produit aux débats une ordonnance datée du 18 avril 2007 par laquelle le même médecin traitant que celui qui l'a mise un an plus tard en arrêt de travail, lui prescrivait alors un lourd traitement anti-dépresseur à base de Xanax 0,25 et de Prozac 20 ; l'état psychologique fragile de l'intéressée n'a donc pas été causé par son directeur dont aucun élément du dossier ne vient démontrer d'ailleurs qu'il a pu avoir connaissance d'un état de santé nécessitant un tel traitement médicamenteux.
Il ne résulte donc pas de ce qui précède que madame [G] a été victime de harcèlement moral ou que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité avant l'arrêt de travail de la salariée survenu le 28 avril 2008 alors que madame [G] n'avait encore formulé aucun reproche ni aucune accusation à l'encontre de son supérieur hiérarchique.
- sur la rupture du contrat de travail :
Madame [G], a repris son travail le jeudi 9 avril 2009. Elle a été mise à pied le 5 mai suivant et la lettre de licenciement du 7 juillet 2009 est motivée par sa défiance envers la hiérarchie et ses collaborateurs directs, généralement un comportement incompatible avec ses fonctions et une volonté manifeste de déstabiliser le service des ressources humaines portant atteine à la santé et à la dignité de ses collaborateurs.
Ces griefs concentrés sur une courte période de quelques semaines ne sont pas sérieux et ne peuvent donc légitimer le licenciement d'un salarié ayant plus de 5 années d'ancienneté et n'ayant repris son travail après un long arrêt maladie que depuis très peu de temps et dans des conditions qui n'ont pas favorisé un retour dans un climat serein.
En effet, s'il n'est pas contestable que lors de sa première rencontre avec monsieur [B] le jour-même de son retour, madame [G] a eu - malgré un avis d'aptitude à reprise - un comportement parfaitement inadapté en enregistrant leur entretien, comportement singulier qu'elle a poursuivi les jours suivant en ne prenant pas la peine d'aller à la rencontre de chacun de ses collaborateurs et en ne communiquant avec eux que par courriels, il demeure que l'employeur a quant à lui manifesté clairement sa volonté de mettre à l'écart son directeur des ressources humaines, volonté qui résulte en effet des éléments suivants :
- il n'a aucunement tenu compte du courrier que le médecin du travail a adressé le 10.12.2008 à monsieur [K] en vue de préparer la reprise d'activité de la salariée, courrier ainsi libellé :
Je viens de recevoir dans le cadre d'une visite de préreprise Madame [F] [G]...
'Vous avez... eu connaissance des difficultés relationnelles professionnelles qui ont été pour elle à l'origine de la dégradation de son état de santé.
J'ai fait le point avec elle sur l'évolution de son état de santé mais je sollicite votre aide et votre avis pour envisager au mieux sa reprise du travail' Que pensez-vous pouvoir faire dans ce sens'';
or, monsieur [K] s'est contenté de lui répondre un mois plus tard que madame [G] avait refusé en septembre 2008 une mobilité interne et qu'il n'avait aucun autre poste à lui proposer ;
de fait, aucun élément du dossier ne vient établir que l'employeur a anticipé et préparé le retour de madame [G] alors que les circonstances mêmes de son arrêt de travail imposaient une telle préparation ;
- alors qu'à son retour d'arrêt maladie le salarié déclaré apte à la reprise par la médecine du travail doit retrouver son emploi avec toutes ses prérogatives ou un emploi similaire, si madame [G] a bien réintégré son poste de directeur des ressources humaines, elle n'a pas retrouvé l'intégralité de ses attributions et principalement la responsabilité de la négociation sur l'application de la nouvelle convention collective puisque monsieur [N], qui avait pourtant été recruté le 11 juillet 2008 à durée déterminée 'pour le remplacement d'[F] [G]', est resté en charge de cet important dossier ; si son maintien à ce poste pouvait se concevoir compte tenu de son implication depuis de nombreux mois dans les négociations avec les organisations syndicales, il demeure que la directrice des ressources humaines aurait dû être étroitement associée à ces négociations importantes ce qui n'a pas été le cas ainsi que cela résulte des courriels de monsieur [B] des 27 et 30 avril 2009 et de monsieur [N] du 15 avril, ce dernier n'ayant pas même éprouvé la nécessité de lui rendre compte spontanément de l'état d'avancement du dossier ainsi qu'il le reconnaît dans son message électronique : 'compte tenu de la densité des chantiers en cours, j'ai oublié de vous en parler hier lors de notre entretien'.
Cette mise à l'écart, constitutive de harcèlement moral remarquée par certains délégués syndicaux et stigmatisée lors de la commission spécifique des cadres réunie le 6 août 2009 en vue de donner son avis sur le lienciement de la salariée, avait été dénoncée par madame [G] dans son message électronique du 30 avril 2009 adressé à monsieur [B] dans lequel elle notait que 'ces conditions ne sont pas des conditions de travail normales pour l'exercice de ma fonction de Directrice des Ressources Humaines'.
Il n'est dès lors pas contestable que le licenciement de madame [G], qui s'est vue remettre en main propre le 5 mai 2009 sa 1° lettre de convocation à entretien préalable datée du 4 mai, s'inscrit dans le contexte de dénonciation du harcèlement dont elle s'est estimée victime avant le 28 avril 2008 et est la conséquence directe de la dénonciation du harcèlement dont elle a effectivement été victime à partir du 9 avril 2009.
Le licenciement de l'intéressée est donc nul en application de l'article L. 1152-3 du code du travail.
Madame [G], née le [Date naissance 1] 1967, avait une ancienneté de plus de 5 annnées et percevait une rémunération moyenne mensuelle brute de 5.991,16 euros ; elle justifie avoir été indemnisée
par pôle emploi et ne pas avoir retrouvé d'activité professionnelle malgré des recherches actives d'emploi ; son préjudice, matériel et moral, sera intégralement réparé par l'octroi à titre de dommages et intérêts de la somme de 90.000,00 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en présence du Défenseur des droits,
Infirme le jugement déféré,
Déclare nul le licenciement de madame [G],
Condamne la chambre de commerce et de l'industrie de Marseille Provence à payer à madame [G] la somme de 90.000,00 euros toutes causes de préjudice confondues et celle de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la chambre de commerce et de l'industrie de Marseille Provence aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT