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22/03/2013 | FRANCE | N°11/20432

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 22 mars 2013, 11/20432


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 22 MARS 2013



N°2013/ 176















Rôle N° 11/20432







[L] [J] épouse [Z]





C/



DOCTEURS [C] ET [V]



























Grosse délivrée le :



à :



-Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON



- Me Nicolas BLANCO, avocat a

u barreau D'AVIGNON





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 23 Novembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/729.





APPELANTE



Madame [L] [J] épouse [Z], demeurant [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 22 MARS 2013

N°2013/ 176

Rôle N° 11/20432

[L] [J] épouse [Z]

C/

DOCTEURS [C] ET [V]

Grosse délivrée le :

à :

-Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

- Me Nicolas BLANCO, avocat au barreau D'AVIGNON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 23 Novembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/729.

APPELANTE

Madame [L] [J] épouse [Z], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

DOCTEURS [C] ET [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nicolas BLANCO, avocat au barreau D'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine VINDREAU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre

Monsieur Michel VANNIER, Président de Chambre

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2013

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2013

Signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[L] [Z] a été embauchée par les docteurs [I] [C] et [K] [V], médecins généralistes, homéopathes et gériatres à [Localité 1], à compter du 11 juillet 2005 en qualité de réceptionniste.

Au dernier état de la relation contractuelle, la rémunération mensuelle brute d'[L] [Z] était de 1418,73 € (prime d'ancienneté incluse).

La relation de travail s'est déroulée sans difficulté majeure jusqu'à la fin de l'été 2009.

Le 8 septembre 2009, [L] [Z] s'est fait délivrer un certificat médical de son médecin traitant suite à une agression physique qu'elle a dit avoir subie le 3 septembre précédent de la part du docteur [V](coup de poing sur la bouche). Le médecin consulté n'a toutefois constaté aucune lésion cliniquement décelable et n'a fixé aucune ITT.

[L] [Z] a alors été en arrêt maladie du 4 au 13 septembre 2009.

Par courrier du 21 septembre 2009, les Docteurs [C] et [V] ont convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de la mise en place d'une procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, que [L] [Z] a refusé.

Dès lors, l'employeur a convoqué [L] [Z] à un entretien préalable, en vue d'une mesure de licenciement, fixé au 15 octobre 2009, ce, avec mise à pied à titre conservatoire.

[L] [Z] s'est vu notifier son licenciement pour faute lourde, le 21 octobre 2009.

*

Le 16 novembre 2009, [L] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'ARLES pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement des sommes dues.

Par jugement en date du 23 novembre 2011, le conseil de prud'hommes d'ARLES a, retenant la faute grave et non lourde :

- débouté [L] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les docteurs [C] et [V] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

[L] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 29 novembre 2011.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, elle demande de :

Vu les dispositions des articles L1232-1 et L1235-3 du code du travail,

- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse,

-en conséquence, condamner conjointement et solidairement les docteurs [C] et [V] au paiement des sommes suivantes :

- 2.837,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire,

- 283,75 € à titre d'incidence congés payés sur préavis,

- 1.271,18 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 893,22 € à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied,

- 89,32 € à titre d'incidence congés payés,

- 1.518,04 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

-15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 9.000 € à titre de dommages pour licenciement vexatoire,

- ordonner la remise d'un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI qui devront mentionner la période de préavis qu'elle aurait dû exécuter sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- condamner conjointement et solidairement les docteurs [C] et [V] au paiement de la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du du code de procédure civile

- les condamner aux entiers dépens.

En réplique, au visa de leurs conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , les docteurs [C] et [V] demandent de :

- confirmer le jugement de 1ère instance,

- débouter [L] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement en date du 21 octobre 2009 qui fixe les limites du litige est libellée en ces termes :

'Nous vous avons fait part lors de notre entretien du 15 octobre dernier, d'agissements de votre part d'une particulière gravité. Mettant en cause la sécurité médicale de nos patients et compromettant irrémédiablement notre réputation professionnelle, ils sont constitutifs d'une faute lourde.

Vous avez été engagée en qualité de réceptionniste. Nous vous rappelons que ce poste est très important dans l'organisation d'un cabinet médical.

En effet à partir du 11 septembre dernier, nous avons été informées de votre comportement envers les patients :

- Vous vous êtes substituée au médecin pour prendre une décision qui n'est pas de votre ressort pour les rendez-vous d'urgence.

- Vous n'avez pas communiqué des appels concernant les patients du DR [C], demandant un rendez vous urgent:

-' Danger de mort' : la patiente a tenté sept fois de nous joindre. Je vous en ai informé, vous avez affirmé m'avoir passé cette communication alors le ni la patiente ni moi-même ne nous sommes parlées ce jour-là. Vous nous avez traitées de ' folles'.

-' Hyperalgie' : Les patients ont tenté deux fois de me joindre sans succès. Une semaine plus tard, ils ont laissé un mot dans la boîte aux lettres demandant à récupérer les dossiers familiaux (au nombre de cinq). Quand je vous ai demandé de les appeler pour m'enquérir de leurs raisons, vous m'avez affirmé l'avoir fait à deux reprises et même avoir laissé un message sur le répondeur. Ils affirment le contraire. Et c'est en leur remettant en mains propres leurs dossiers que j'ai appris le 11 septembre votre attitude à leur égard. En conséquence des patients ont voulu changer de médecin, certains envisageant même de porter plainte pour ' non-assistance à personne en danger'

- Les patients se sont plaints de votre attitude désagréable voir grossière lors de leur appel. (....).

- Vous continuez à commettre des erreurs itératives sur la prise des rendez-vous ( ...).

- D'autre part, l'organisation et la gestion des dossiers n'étaient pas correctement effectué (...).

Dans notre relation employée /employeurs:

- Nous vous rappelons que le personnel salarié est placé sous l'autorité de l'employeur, alors que vous ne teniez pas compte des remarques ou des conseils qui vous ont été donnés.

- Votre attitude est désinvolte, irrespectueuse et grossière.

Ce comportement ne peut être toléré dans un cabinet médical. Cette attitude désorganise complètement la bonne marche du cabinet. (...).'

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis.

La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur.

La faute commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur est une faute lourde.

Il appartient à ce dernier de démontrer l'intention de nuire.

Les docteurs [C] et [V] versent aux débats plus de quarante témoignages (courriers, attestations )de patients se plaignant de façon concordante de l'attitude désagréable voire grossière de [L] [Z] à leur encontre.

Certaines attestations font état de faits non datés ( [O]...), certains courriers ne sont pas datés de sorte qu'ils ne permettent pas d'en connaître la date de réception par les médecins.

Il n'en demeure pas moins que les docteurs [C] et [V] ont en outre reçu, courant septembre/octobre 2009, soit moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, plusieurs courriers de patients faisant état de leur mécontentement à l'égard de [L] [Z], filtrage intempestif, manque de tact, comportement insolent au téléphone ([B], [M] [N], [F]...), les consorts [G] indiquant 'c'est la première fois parmi mon état de santé problématique que je trouve une secrétaire qui détruits les relations humaines entre le médecin et ses patients', madame [Y] 'elle préjugeait après un interrogatoire médical complètement déplacé de la pertinence ou non d'accorder un rendez-vous'.

D'autres patients comme madame [P] font état d'erreurs de rendez-vous.

[T] [X] dans un courrier en date du 4 septembre 2009 informe le docteur [C] qu'il a quitté son cabinet pour rejoindre un autre médecin, non par manque de qualité de soins, mais en raison de l'accueil détestable de sa secrétaire : ' agressivité, impolitesse et incompétence récurrente ont fini par me convaincre de muter vers un autre médecin'.

D'autres patients comme mesdames [Q] ou [W] confirment avoir du pour les mêmes raisons changer de médecin.

Une autre patiente, [U] [A] a adressé au médecin un courrier en date du 9 octobre 2009, dans lequel elle fait état, du refus catégorique de [L] [Z] de lui fixer un rendez-vous en urgence le 24 août précédent après une violente crise d'hyperalgie.

Elle ajoute qu'elle trouve ce comportement anormal et inadmissible et qu'elle tenait à la mettre au courant de ce qui 'l'avait fait sortir de ses gonds'.

[D] [S] témoigne quant à elle qu'enceinte de 7 mois et étant souffrante, elle est arrivée au cabinet avant l'heure de son rendez-vous, alors qu'elle se sentait mal et que les autres patients présents dans la salle d'attente étaient d'accord pour la laisser passer, [L] [Z] a refusé d'avertir le médecin de sa présence et de la faire passer au milieu des rendez-vous.

Elle indique qu'elle a fini par partir pour se rendre chez un autre médecin.

Elle ajoute qu'avisée de la situation, le docteur [C] l'a contactée téléphoniquement pour qu'elle soit vue en urgence.

La belle- mère de la jeune femme confirme cette version des faits ajoutant que sa belle-fille en avait été très choquée.

[L] [Z] ne donne pas de véritable explication quant au faits qui lui sont reprochés.

Elle expose qu'elle était contrainte de 'jongler'constamment entre la nécessité de laisser les médecins recevoir leur patient en toute sérénité et l'insistance de ceux qui ne sollicitent qu'un entretien téléphonique avec leur médecin et qu'il n'est donc pas étonnant que les patients éconduits cristallisent leur mécontentement sur la secrétaire.

Elle tente toutefois de détourner le débat en invoquant l'agression dont elle dit avoir été victime le 3 septembre 2009 de la part du docteur [V] et pour laquelle elle a déposé plainte à la gendarmerie.

La cour relève, comme le conseil de prud'hommes , qu'alors que [L] [Z] accuse le médecin de lui avoir porté un coup de poing à la bouche, le praticien consulté par la salariée n'a toutefois constaté aucune lésion cliniquement décelable et n'a fixé aucune ITT.

La plainte n'a en outre donné lieu à aucune suite pénale.

Les attestations produites par la salariée louant ses qualités humaines sont insuffisantes pour combattre les témoignages précédemment évoqués et fait, que des patients ont déserté le cabinet des docteurs [C] et [V] du fait de son attitude.

Il s'évince de ces développements que le comportement inadapté et désagréable de la salariée est à lui seul constitutif d'une faute de nature à justifier une mesure de licenciement, tout spécialement dans un cabinet médical, lieu qui reçoit des personnes en état de souffrance ou de stress.

Ces comportements fautifs qui ont eu notamment pour conséquence la désertion du cabinet par un certain nombre de patients rendaient impossible, à partir du moment où les docteurs [C] et [V] ont pris connaissance de leur ampleur, le maintien de la salariée au cabinet durant la durée du préavis.

La cour, comme les premiers juges, n'estime pas établie l'intention de nuire à l'employeur de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de [L] [Z] reposait sur une faute grave et non sur une faute lourde.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappel de salaire

Au regard de la solution apportée au litige, du fait qu'il n'est pas démontré que la mesure de licenciement a présenté un quelconque caractère abusif ou vexatoire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté [L] [Z] de l'intégralité de ses demandes.

Sur les autres demandes des parties

L'équité commande de confirmer le jugement en ses dispositions sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, de condamner [L] [Z] à payer aux Docteurs [C] et [V] la somme de 500 euros sur ce même fondement en cause d'appel et de la débouter de sa demande de ce chef.

[L] [Z], qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu le 23 novembre 2011 par le conseil de prud'hommes d'ARLES,

Y ajoutant,

Condamne [L] [Z] à payer aux Docteurs [C] et [V] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,

La déboute de sa demande de ce chef,

Condamne [L] [Z] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 11/20432
Date de la décision : 22/03/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°11/20432 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-22;11.20432 ?
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