COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 21 MARS 2013
N° 2013/308
Rôle N° 11/02172
[L] [Y]
C/
GRAND CONSEIL DE LA MUTUALITE
[S] [K]
[P] [J]
ASSOCIATION CGEA [Localité 1]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Laurence DUPERIER-BERTHONavocat au barreau de MARSEILLE
par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Janvier 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1686.
APPELANT
Monsieur [L] [Y], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Carole GONZALEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
GRAND CONSEIL DE LA MUTUALITE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Monsieur [D] [O], directeur général, Mme [U], employée au service ressources humaines et Me Laurence DUPERIER-BERTHON, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [S] [K], en sa qualité de mandataire judiciaire de GRAND CONSEIL DE LA MUTUALITE, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laurence DUPERIER-BERTHON, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [P] [J] es qualité d'administrateur judiciaire de GRAND CONSEIL DE LA MUTUALITE, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Laurence DUPERIER-BERTHON, avocat au barreau de MARSEILLE
ASSOCIATION CGEA [Localité 1], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Colette AIMINO-MORIN, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2013.
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 4 février 2011, monsieur [Y] a régulièrement interjeté appel du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Marseille le 21 janvier 2011qui l'a débtouté de ses demandes à l'encontre du Grand conseil de la mutualité.
***
Monsieur [Y] a été embauché en qualité de médecin vacataire gynécologue le 1er septembre 1977 par l'Union des mutuelles des travailleurs (UMT), laquelle a été absorbée par le Grand conseil de la mutualité.
Les contrats de travail des salariés de l'UMT ont été transférés au Grand conseil de la mutualité à compter du 1°janvier 2003.
Par jugement du 9 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard du Grand conseil de la mutualit et désigné Maître [K] en qualité de mandataire judiciaire ainsi que Maître [J] en qualité d'administrateur judiciaire.
***
Monsieur [Y] expose que l'UMT n' appliquait pas le même régime de cotisation pour la retraite complémentaire aux médecins vacataires et aux médecins dits exclusifs.
A la suite de l'absorption de l'UMT par le Grand conseil de la mutualité, ce dernier a harmonisé les régimes de retraites de ces salariés, à compter du 1° janvier 2005.
Monsieur [Y] soutient, pour la période antérieure à cette date, que la différence de traitement des médecins vacataires et des médecins exclusifs, ne reposant pas sur des raisons objectives et vérifiables, constitue une discrimination ou porte atteinte au principe «à travail égal, salaire égal», dés lors que tous les médecins sont liés par un contrat de travail au Grand conseil de la mutualité, tenus aux mêmes obligations et que toute différence de traitement entre salariés à temps plein et salariés à temps partiel est prohibée.
Il évalue le préjudice qu'il a subi en prenant pour base de calcul un départ à la retraite à 65 ans, l'espérance de vie résultant des données de l'INSEE et le taux de cotisation appliqué par l'UMT aux médecins exclusifs. Il chiffre ainsi son préjudice à la somme de 10.442,61 euros.
Il sollicite enfin la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Grand conseil de la mutualité expose que lors de la création des centres de santé de l'UMT, des médecins généralistes ont été embauchés à titre exclusif en qualité de salariés et des médecins spécialistes venaient ponctuellement dans les centres effectuer des vacations rémunérées sous forme d'honoraires.
En 1976, l'URSSAF a imposé à l'UMT d'affilier les médecins vacataires au régime général de la sécurité sociale.
L'UMT et les médecins vacataires sont alors convenus d'une affiliation, pour le régime de retraite complémentaire, à une catégorie particulière, la catégorie 82, afin de minorer le montant des cotisations, les médecins vacataires exerçant à titre principal un activité de médecine libérale et cotisant à ce titre auprès de la caisse de retraite des médecins de France.
Il indique que les médecins vacataires étaient parfaitement informés de cette situation, puisqu'ils recevaient annuellement les relevés de points de retraite se référant à la catégorie 82.
Cependant soixante et quinze d'entre eux ont saisi le conseil des prud'hommes de demandes relatives à leur retraite complémentaire. Ils ont tous été déboutés par le conseil des prud'hommes qui a statué en des formations différentes.
Le Grand conseil de la mutualité conclut que le jugement ayant débouté le salarié doit être confirmé en faisant valoir les moyens et arguments suivants :
L'UMT étant un organisme mutualiste régi par le code de la mutualité, la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ne lui était pas applicable de plein droit. Elle n'aurait été soumise à la généralisation des régimes de retraite que sous condition de convention particulière. La seule caisse ayant conclu, en 1979, un accord avec l'AGIRC pour les personnels des organismes de la mutualité est la CPM . L'UMT n'ayant jamais adhéré à la CPM n'était pas tenue d'adhérer au régime complémentaire AGIRC.
L'UMT et le Grand conseil de la mutualité étaient deux entreprises différentes assurant de manière autonome leur organisation et leur gestion, et la règle «à travail égal, salaire égal» ne s'applique pas lorsque les salariés appartiennent à des entreprises différentes.
A la suite de la fusion entre l'UMT et le Grand conseil de la mutualité, les régimes de retraite ont été harmonisés à compter du 1° janvier 2005.
Il existaient trois catégories de médecins : les médecins exclusifs et les médecins à temps partiel, à la fonction, qui relevaient de la catégorie 22 pour les cotisations de retraite complémentaire et les médecins vacataires qui relevaient d' un régime particulier parce que leur fonction était différente de celle des précédents.
En effet, l 'activité des médecins vacataires se limite à des consultations sans aucune autre participation à la vie de l'entreprise, leurs conditions de rémunération sont distinctes puisqu'ils sont rémunérés en fonction du nombre d'actes réalisés, le taux de leur rémunération est différent car ils perçoivent un pourcentage du coût de leurs actes dont le tarif est fixé par la sécurité sociale, ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les médecins à la fonction et ils exercent parallèlement une activité libérale ou en milieu hospitalier et cotisent donc à la caisse de retraite des médecins de France.
A titre subsidiaire, le Grand conseil de la mutualité fait valoir que les demandes portant sur les cotisations de retraites complémentaires constituent des demandes de nature salariale, soumises à la prescription quinquennale et que par application des dispositions de l'article L 2224 du code civil auquel se réfère l'article L 3245-1 du code du travail, l'action de monsieur [Y] se prescrit par 5 ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer : monsieur [Y] indiquant avoir eu connaissance des faits en 2000, son action est prescrite.
Par ailleurs, le Grand conseil de la mutualité conclut que la somme réclamée par le salarié, dont le montant a été modifié à la baisse quatre fois, ne tient pas compte des cotisations qu'il aurait du verser.
A titre infiniment subsidiaire, il soutient qu'une condamnation ne pourrait prendre effet qu'à la date de prise effective de sa retraite par monsieur [Y] et que la condamnation devrait être prononcée sous forme de rente mensuelle ou trimestrielle.
Le Grand conseil de la mutualité chiffre ses frais irrépétibles à 2000 euros.
Maître [K] et Maître [J] reprennent à leur compte les conclusions du Grand conseil de la mutualité.
Le centre de gestion et d'étude AGS de [Localité 1] fait de même et fait valoir, titre subsidiaire, que les sommes réclamées n'entrent pas dans le champ de sa garantie, défini par l'article L3253-6 du code du travail.
MOTIFS
Il n'y a pas lieu de mettre en cause la qualité de salarié des médecins vacataires. Ceux ci sont dans la subordination du Grand conseil de la mutualité et leur statut de statut de salarié n'est pas contestable.
Aux termes de l'article L1132-1 du code du travail, la discrimination suppose une différence de traitement d'un salarié en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non -appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Le salarié n'invoque au soutien de sa demande la prise en considération par l'employeur d'aucune de ces caractéristiques. Toute discrimination est donc à écarter.
Selon le principe «à travail égal, salaire égal», l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salarié, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique.
En l'espèce, il est incontesté que les médecins vacataires sont des médecins spécialistes et les médecins à la fonction sont des médecins généralistes.
Les tâches des médecins vacataires exigent des diplômes et une technicité dont ne disposent pas les médecins à la fonction. La compétence professionnelle propre aux premiers n'est pas la même que celle des deuxièmes.
La différence de leurs tâches se manifestent dans la différence de leur mode de rémunération étant souligné que la rémunération de vacataires à l'acte, rapporté à la durée de leur vacation, est très supérieure à celle, fixe, perçue par les médecins à la fonction.
De surcroît, monsieur [Y] n'est pas tenu d' assurer des gardes ou des visites à domicile alors que le Grand conseil de la mutualité, affirme sans contestation, que les médecins à la fonction remplissent de telles obligations.
Les médecins vacataires ne se trouvant pas dans une situation identique à celle des médecins à la fonction, aucun violation du principe «à travail égal , salaire égal»ne peut être reprochée à l'employeur.
Il ne s'agit pas de salariés effectuant les mêmes tâches les uns à temps plein les autres à temps partiel: l'inégalité de traitement ne peut donc être valablement invoquée à ce titre.
En conséquence monsieur [Y] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
Confirme le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront supportés par monsieur [Y].
LE GREFFIERLE PRESIDENT