COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 12 MARS 2013
jlg
N° 2013/118
Rôle N° 12/03000
[Z] [C]
[R] [P]
C/
[T] [L]
[N] [I]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Jeremy VIDAL
la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 16 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02755.
APPELANTS
Monsieur [Z] [C]
né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
Madame [R] [P] épouse [C]
née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Jeremy VIDAL, avocat au barreau de TOULON
INTIMES
Monsieur [T] [L]
né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 5] (31), demeurant [Adresse 1]
Madame [N] [I] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 2] (99), demeurant [Adresse 1]
représentés par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Catherine FONTAN-ISSALENE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, prétentions et moyens des parties :
M. [Z] [C] et Mme [R] [P], son épouse, sont propriétaires, pour l'avoir acquis en 1987, d'un fonds cadastré à [Localité 4] section AE n° [Cadastre 3] et [Cadastre 1], contigu au fonds cadastré AE [Cadastre 2] dont M. [T] [L] et Mme [N] [I], son épouse, sont propriétaires pour l'avoir acquis en 1981.
Par acte du 6 mai 2010, les époux [C] ont assigné les époux [L] afin qu'ils soient condamnés à démolir une extension de leur villa, telle que décrite dans des procès-verbaux des 24 octobre 1995 et 6 novembre 2009, et à leur payer des dommages et intérêts.
Par conclusions signifiées le 14 mars 2011, ils ont également demandé la condamnation des époux [L] à démolir un abri de jardin, tel que décrit dans les procès-verbaux des 24 octobre 1995 et 6 novembre 2009.
Les époux [L] ont reconventionnellement demandé la condamnation des époux [C] à leur payer des dommages et intérêts pour procédure abusive et à supprimer un exhaussement de terrain qui selon eux crée une vue irrégulière sur leur fonds.
Par jugement du 16 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Toulon a :
-débouté les époux [C] de toutes leurs prétentions,
-débouté les époux [L] de leur demande reconventionnelle en suppression d'une vue droite et en paiement de dommages et intérêts, et de « mise par avance de frais d'exécution à la charge du créancier »,
-condamné les époux [C] payer aux époux [L] la somme de 3 000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Les époux [C] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 février 2012.
Aux termes de la partie en forme de dispositif de leurs dernières conclusions remises au greffe le 11 janvier 2013 et auxquelles il convient de se référer, ils demandent à la cour :
-vu les articles 1143, 1382 et suivants du code civil,
-vu à titre subsidiaire, le principe général selon lequel nul de doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage,
-de réformer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles des époux [L],
-d'ordonner la démolition de l'extension de la villa et de l'abri de jardin construits sur la propriété des époux [L], tels que décrits dans les procès-verbaux des 24 octobre 1995 et 6 novembre 2009, et de les condamner à y procéder sous astreinte de 500 euros par jour de retard après l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
-de condamner les époux [L] à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice,
-de les condamner à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de dire et juger que l'ensemble des condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de l'acte introductif d'instance avec capitalisation annuelle dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
-de débouter les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes,
-de dire que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 septembre 1996 devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour justifier leur demande de démolition de l'extension litigieuse, ils invoquent principalement la violation des dispositions du POS de 1981, et subsidiairement le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.
Pour justifier leur demande de démolition de l'abri de jardin, ils invoquent principalement les dispositions de l'article 662 du code civil, et subsidiairement le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.
Aux termes de la partie en forme de dispositif de leurs dernières conclusions remises au greffe le 17 janvier 2012, les époux [L] demandent à la cour :
-de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [C] de leurs demandes,
-de le réformer pour le surplus,
-de condamner les époux [C] à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-vu l'article 678 du code civil,
-de condamner les époux [C] à supprimer l'exhaussement de plus d'un mètre réalisé en bordure de la limite nord de leur propriété, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de trois mois après la signification de la décision à intervenir,
-de condamner les époux [C] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
-de dire que dans l'hypothèse où le jugement devrait faire l'objet d'une exécution forcée par le ministère d'un huissier de justice, les sommes retenues par ce dernier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportées par le débiteur.
À l'audience, avant l'ouverture des débats, à la demande des époux [L] et avec l'accord des époux [C], l'ordonnance de clôture rendue le 15 janvier 2013 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.
Motifs de la décision :
Sur la demande de démolition de l'extension de la villa des époux [L] :
Il résulte, tant d'un procès-verbal dressé le 24 octobre 1995 par M. [Q] [J], technicien territorial des services techniques près la ville de [Localité 4], que d'un second procès-verbal dressé le 6 novembre 2009 par M. [O] [E], agent de maîtrise principal des services techniques auprès de cette même ville, qu'une extension de la maison des époux [L] a été réalisée à environ deux mètres de la limite séparant le fonds de ces derniers de celui des époux [C].
Les époux [L] qui reconnaissent avoir réalisé cette extension en 1982, se bornent à soutenir qu'elle ne méconnaît aucune règle d'urbanisme et qu'elle ne cause aucun préjudice aux époux [C].
Contrairement à ce qu'ils affirment, les époux [L] ont construit cette extension en méconnaissance de l'article UE 7 du POS applicable en 1982, lequel prévoyait que la distance comptée horizontalement de tout point d'un bâtiment (balcon non compris) au point le plus proche des limites séparatives du terrain, devait être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points sans pouvoir être inférieur à 4 mètres, et cette règle est reprise dans le plan local d'urbanisme actuellement en vigueur.
La méconnaissance de cette règle d'urbanisme causant au époux [C] un préjudice dans la mesure ou l'extension litigieuse comporte un fenêtre permettant d'exercer une vue sur leur fonds, les époux [L] seront condamnés à la démolir.
Sur la demande de démolition de l'abri de jardin des époux [L] :
Il résulte d'un procès-verbal de constat établi le 10 juin 2010 par l'huissier de justice [V] [M], que le toit de l'abri de jardin des époux [L] est appuyé sur le mur de clôture mitoyen séparant leur propriété de celle des époux [C].
Cet ouvrage ne causant toutefois aucune nuisance aux époux [C], ces derniers seront déboutés de leur demande tendant à sa suppression.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par les époux [C] :
Le préjudice que leur a causé la méconnaissance de la règle d'urbanisme relative à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives étant suffisamment réparé par la démolition de l'extension litigieuse et l'appui du toit de l'abri ne leur étant pas nuisible, les époux [C] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes reconventionnelles de époux [L] :
Les époux [L] produisent un rapport (pièce n° 21) établi le 3 avril 2012 par M. [K] [H], désigné en qualité d'expert selon jugement rendu le 8 juillet 2011 par le tribunal d'instance de Toulon dans le cadre d'une autre instance les opposant aux époux [C].
Contrairement à ce que soutiennent les époux [L], cet expert n'a pas constaté que les époux [C] avaient surélevé leur terrain sur une hauteur de 1,40 mètre avec de la terre provenant du creusement de leur piscine.
M. [H] indique en effet que pour soutenir les terres de déblais de leur piscine, les époux [C] ont construit, à proximité de la limite séparative, un mur de deux rangées de parpaings dont la hauteur est d'environ 40 centimètres, ce qui est confirmé par les photographies figurant à l'annexe 4 de son rapport, de même que par les photographies figurant dans le procès-verbal de constat que les époux [L] ont fait établir par l'huissier de justice [S] [X] le 8 octobre 2010.
Cet exhaussement de seulement 40 centimètres n'étant pas de nature à aggraver la vue que l'on peut naturellement exercer à partir du fonds des époux [C] sur le fonds des époux [L], c'est par une exacte appréciation que le premier juge a débouté ces derniers de leur demande reconventionnelle tendant à sa suppression.
Les demandes des époux [C] étant partiellement fondées, ces derniers n'ont commis aucune faute dans l'exercice de leur droit d'agir en justice.
*****
L'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, prévoit que lorsque les huissiers recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l'article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier, et aucune disposition ne permet de transférer cette charge au débiteur.
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté les époux [L] de leurs demandes reconventionnelles ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Condamne les époux [L] à démolir l'extension de leur villa édifiée à moins de quatre mètres de la limite séparative, telle que cette extension est décrite dans les procès-verbaux des 24 octobre 1995 et 6 novembre 2009, dans le délai de huit mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jour de retard pendant une durée de deux mois à l'expiration de laquelle il pourra à nouveau être statué ;
Déboute les époux [C] de leur demande tendant à la condamnation des époux [L] à démolir leur abri de jardin ;
Déboute les époux [C] de leur demande de dommages et intérêts ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Condamne les époux [L] aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés contre eux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dit que ces dépens ne comprendront pas le droit proportionnel dégressif que l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, met à la charge du créancier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT