COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 07 MARS 2013
N° 2013/
Rôle N° 11/07234
[V] [W] [X]
C/
[I] [E]
[U] [F]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
SCP LATIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 11 Avril 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 2009/7428.
APPELANT
Maître [V] [W] [X],
agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidtion judiciaire de la SARL BV CONSTRUCTIONS,
demeurant [Adresse 11]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de
la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués
plaidant par Me Laurence NARDINI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [I] [E]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 6] (YOUGOSLAVIE), demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [U] [F]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 9], demeurant [Adresse 10]
représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2013
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2013,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Sur assignation de l'URSSAF, le tribunal de commerce de Fréjus, par jugement du 20 octobre 2008, a ouvert à l'égard de la SARL BVA CONSTRUCTIONS une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire le 8 décembre 2008.
Par exploit du 14 décembre 2009, Me [X], , mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société BVA CONSTRUCTIONS, sur le fondement de l'article L 651-2 du code d e commerce, a fait assigner M. [U] [F], en qualité de gérant de droit, et M.[I] [E], en qualité de gérant de fait, en paiement de la somme de 810 000 € au titre de l'insuffisance d'actif.
Par jugement en date du 11 avril 2011, la tribunal de commerce de Fréjus a débouté Me [X],es-qualités, de toutes ses demandes et a condamné M.[F] à rembourser la somme de 6000 € correspondant au solde débiteur de son compte courant.
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 11 avril 2011 par le tribunal de Commerce de Fréjus,
Vu les conclusions déposées le 29 juin 2011 par Me [X], es-qualités, appelant ;
Vu les conclusions déposées le 26 août 2011 par M. [U] [F] et M.[I] [E], intimés ;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;
MOTIFS
Sur la gérance de fait
Attendu que M.[E] s'est porté caution de la SARL BVA CONSTRUCTIONS au profit de l'URSSAF à hauteur de 39 756,89 € selon acte de cautionnement du 30 novembre 2007, et qu'il est habilité à faire fonctionner les comptes de l'entreprise tenus au CIC; que si ces éléments , pris individuellement ne suffisent pas à caractériser la gestion de fait de M [E], il est toutefois établi et non contesté que M.[E] a également vendu les véhicules de la société IVECO et HUNDAYle 6 août et le 20 juin 2008, sans pour autant avoir reçu mandat pour le faire de la part du gérant de droit, résidant en Corse alors que ces ventes constituent des actes de disposition qui engagent la société;
Attendu que même si M.[E], associé de la SARL BVA CONSTRUCTIONS, bénéficiait d'un contrat de travail en qualité de responsable technique , il résulte des pièces versées aux débats et notamment de différents courriers qu'il est le seul interlocuteur des clients qui le désignent au liquidateur comme le gérant de la société et lui adressent leurs réclamations pour des malfaçons et des non conformités, alors que M.[F], gérant de droit, qui ne se présentait pas aux rendez-vous du mandataire judiciaire, déclarait lui-même qu'il était salarié en Corse et qu'il ne pouvait se déplacer fréquemment et ce, depuis le début de l'année 2007;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que M.[E] a accompli des actes de gestion qui dépassaient les prérogatives attachées à son contrat de travail et qu'en l'absence du dirigeant qui avait abandonné l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction depuis janvier 2007, il assurait de fait la gestion administrative et financière de la société ;
Sur les fautes de gestion
Attendu qu' en s'abstenant d'exercer les droits et devoirs attachés à sa fonction de gérant de droit qu'il avait acceptée, et notamment en s'abstenant d'exercer les pouvoirs de contrôle, de surveillance et direction, et de prendre en temps utile les mesures de redressement qui s'imposaient, M.[F] a choisi délibérément d'abandonner la gestion à M.[E], sans aucun contrôle de l'administration de la société ni des actes qu'il accomplissait; qu'il a commis une faute de gestion dont il doit assumer toutes les conséquences;
Attendu que Me [X] ,es-qualités, reproche aux dirigeants de ne pas avoir tenu de comptabilité entre janvier et octobre 2008; que l'arrêté d'un bilan au 31 décembre 2008 , certes postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, démontre toutefois que si les diligences comptables n'étaient pas effectuées, la comptabilité était néanmoins tenue et que les dirigeants disposaient des outils nécessaires au suivi de la situation financière de la société; que ce grief n'est pas fondé;
Attendu que le défaut de paiement du compte courant débiteur de M.[F] à hauteur de 6036€ constitue une faute de gestion; que s'agissant des cessions des deux véhicules, l'une a servi à régler une dette de la société à hauteur de 3348,80€, l'autre concernait un véhicule en panne ainsi qu'il résulte des pièces versées aux débats lesquelles ne démontrent pas que ces biens, y compris la parcelle de terrain aient été vendus à un prix inférieur à leur valeur, l'exposition du terrain à des risques d'inondation le rendant inconstructible pouvant justifier la baisse du prix en 4 années; qu'il n'est pas davantage établi que la vente du terrain ait permis à M.[E] de faire diminuer les dettes qu'il avait cautionnées; que ce grief n'est pas fondé;
Attendu en revanche qu'il est établi et non contesté que la société a cessé son activité en juin 2008 et que les salariés n'ont plus été payés à partir de juin 2008;que dès lors, les chantiers ont été abandonnés et ont donné lieu à plusieurs contentieux; que malgré les relances des clients, ni M.[F], salarié en Corse, ni M.[E], ne se sont préoccupés de la gestion de la société, l'absence de déclarations aux caisses entraînant des taxations d'office de la part de l'URSSAF; que la carence des gérants dans l'administration de la société, le suivi des chantiers et le sort tant des créanciers que des salariés constitue une faute de gestion ayant contribué à l'aggravation du passif que les problèmes de santé de M.[E] ne peuvent excuser;
Attendu qu'il résulte de l'attestation du comptable en date du 23/07/2010 que la société a respecté ses engagements fiscaux et sociaux jusqu'au mois de mai 2008; que les seuls défauts de paiement de la TVA, de la caisse de retraite PRO BTP et de l'URSSAF au cours du 4ème trimestre 2006 ou en 2007ne suffisent pas à caractériser un état de cessation des paiements à ces mêmes dates; que le liquidateur d'ailleurs ne fixe aucune date de l'état de cessation des paiements;
Attendu cependant qu'il est établi et non contesté que la société a fonctionné en ligne débitrice toute l'année 2008 et qu'à compter du mois de juin 2008, elle ne réglait plus ni les salaires, ni l'URSSAF depuis le 3ème trimestre 2008;que la procédure de redressement judiciaire a été ouverte sur assignation de l'URSSAF le 20 octobre 2008, convertie en liquidation judiciaire le 8 décembre 2008;qu'en ne déclarant pas la cessation des paiements dans le délai requis de 45 jours à compter du 1er juin 2008, les dirigeants ont également commis une faute de gestion ayant contribué à l'aggravation du passif;
Sur l'insuffisance d'actif
Attendu que le passif déclaré s'élève à 913 113,05€ et le passif accepté à 296 066,52 €; que la somme de 617 046,53 € correspond pour partie à des créances se rapportant à des malfaçons et à des non conformités faisant l'objet de litiges dont l'issue n'est pas connue à ce jour et ne présentent aucun caractère certain, et pour partie à des créances fiscales et sociales; que la créance de l'AGS de 52 542€ doit être comprise dans le calcul du passif, s'agissant d'une créance de salaires dont le fait générateur est antérieur au jugement d'ouverture;que M.[E] est caution des cotisations impayées à l'URSSAF laquelle a maintenu sa créance initialement déclarée à hauteur de 93 128€, qu'il a renoncé à sa créance de 55 341,49 € au titre de son compte courant d'associé et que la société a bénéficié d'un crédit de TVA à hauteur de 25 244,00€; que ces éléments justifient que le montant du passif à la charge des dirigeants et en relation avec les fautes de gestion soit ramené à la somme de 300 000€;
Attendu que M.[F] et M.[E] seront solidairement condamnés à verser à Me [X]es-qualités, la somme de 300 000,00€ au titre de l'insuffisance d'actif,
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu que M.[F] et M.[E] seront solidairement condamnés à verser à Me PELLIERes-qualités, une indemnité de 1000 € chacun à par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'ils seront condamnés aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière commerciale,
Infirme le jugement attaqué,
Et statuant à nouveau,
Dit que M.[F], en qualité de gérant de droit, et M.[E], en qualité de gérant de fait, ont commis des fautes de gestion,
Condamne M.[F] et M.[E] solidairement à payer à M.e [X]es-qualités, la somme de 300 000 € au titre de l'insuffisance d'actif,
Condamne M.[F] et M.[E] à payer à M.e [X]es-qualités, une indemnité de 1000 € chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M.[F] et M.[E] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT