COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2013
hg
N° 2013/101
Rôle N° 12/01844
[X] [D]
C/
Association JARDINS FAMILIAUX ET COINS DE REPOS DE LA COUROUNA DE
Grosse délivrée
le :
à :
la ASS GESTAT DE GARAMBE RAFFIN- PISTONE
Me Hélène ABOUDARAM-COHEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01982.
APPELANT
Monsieur [X] [D]
né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 12], demeurant [Adresse 11]
représenté par l' ASS GESTAT DE GARAMBE - RAFFIN- PISTONE, avocats au barreau de TOULON, plaidant par Me Franck PEREZ, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Association LES JARDINS FAMILIAUX ET COINS DE REPOS DE LA COUROUNADE, demeurant [Adresse 10]
représentée par Me Hélène ABOUDARAM-COHEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Janvier 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE:
[X] [D] occupe la parcelle n° [Cadastre 1] en vertu des actes sous seings privés des 5 avril et 5 mai 1990.
L'acte du 5 avril 1990 intitulé «'attestation de changement de sociétaire attributaire'»le lie à l'Association des jardins familiaux et coins de repos de la Courounade en qualité de nouveau sociétaire attributaire de cette parcelle de 514 m² représentant 453/100 millièmes de la superficie totale des jardins familiaux.
L'acte du 5 mai 1990 le lie à [K] [C] qui lui a cèdé une parcelle n° [Cadastre 1] située aux jardins familiaux «'[Adresse 9] pour la somme de 120 000 francs.
Par jugement du tribunal de grande instance d'Aix en Provence du 15/12/2011,
- l'exclusion de [X] [D] de l'Association des jardins familiaux a été constatée,
- il a été dit qu'il devrait quitter la parcelle n° [Cadastre 1] sous astreinte passé le délai de 15 jours, de 50 euros par jour de retard ;
- son expulsion a été ordonnée ;
- l'Association des jardins familiaux a été déboutée de sa demande de remise en état des lieux;
[X] [D] a été condamné à payer 1 000 € à l'Association des jardins familiaux au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les parties ont été déboutées de toute autre demande;
- l'exécution provisoire a été ordonnée.
Le 1/2/2012, [X] [D] a interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7/1/2013.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 21/1/2013.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 31/12/2012 auxquelles il convient de se référer, [X] [D] sollicite:
- à titre principal, qu'il soit dit et jugé qu'il est propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 1],
- subsidiairement, que soit constaté son absence d'exclusion, rejetée la demande d'expulsion, et condamnée l'Association des jardins familiaux à lui payer 100 € par jour pour perte de jouissance de ses droits et 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Il soutient que:
- il est propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 1] en vertu de l'acte sous seings privés du 5 mai 1990 conclu avec Monsieur [C] à qui il a payé 120 000 francs pour 514 m² de terrain à vocation naturelle, et s'est acquitté des taxes foncières et d'équipements relatives à ce terrain ;
- il ne peut être expulsé de cette parcelle en l'absence d'infraction au plan d'occupation des sols constatée ;
- à défaut de preuve d'une infraction au droit de l'urbanisme, aucune exclusion ne peut être prononcée ;
- des dommages et intérêts doivent lui être alloués pour avoir été injustement sanctionné.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 15/1/2013, l'Association des jardins familiaux conclut :
- principalement, au rejet des pièces et conclusions signifiées par [X] [D] le 31/12/2012, et de toutes ses demandes ;
- subsidiairement, au rabat de l'ordonnance de clôture,
- au rejet de l'attestation de Monsieur [U], irrégulière en la forme,
- à la confirmation du jugement, et à la condamnation de [X] [D] à lui payer
3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que:
- l'article 7Ba des statuts prévoit l'exclusion en cas d'infraction au droit de l'urbanisme,
- en l'espèce, suivant constat du 21/2/2009, il apparaît que [X] [D] a implanté un cabanon de 24,21 m² avec une véranda de 16,92 m² sur sa parcelle en infraction aux statuts de l'Association des jardins familiaux et aux règles d'urbanisme;
- l'exclusion entraîne la perte du droit d'usage de la parcelle (art 6 des statuts );
- elle est propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 1] intégrée dans le bien immobilier cadastré section KO [Cadastre 3] d'une superficie de 11 hectares 45 ares 52 centiares, qu'elle a acquis par acte des 1 et 27/7/1979; aucune terre lui appartenant n'a pu être valablement transférée par Monsieur [C];
- elle est régie par l'article L 561-2 du code rural sur les jardins familiaux ;
- seul le non respect des règles contractuelles justifie ses demandes à l'égard de [X] [D] ( et non une infraction pénale aux règles de l'urbanisme );
Par conclusions de procédure déposées au greffe le 16/1/2013, l'Association des jardins familiaux sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture en raison de l'hospitalisation et de l'arrêt maladie de son conseil du 18/11/2012 au 6/1/2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le rabat de l'ordonnance de clôture :
Les parties étant d'accord sur le rabat de l'ordonnance de clôture, il convient de faire droit à cette demande, et en conséquence de prononcer la clôture des débats au jour de l'audience et d'accueillir les conclusions déposées le 15/1/2013.
Sur le rejet de l'attestation de Monsieur [U]':
L'irrégularité de l'attestation au regard des exigences de l'article 202 du code de procédure civile est incontestable alors même que Monsieur [U] mentionne sa qualité d'adjoint spécial délégué à la mairie [Localité 6].
Il n'y a cependant pas lieu de l'écarter des débats, mais de l'examiner en tenant compte de cette irrégularité.
Sur le droit de propriété':
Aux termes d'un acte notarié daté des 1er et 27 juillet 1979, l'Association des jardins familiaux a acquis le bien immobilier situé à [Localité 4], quartier «'les Milles'», cadastré section KO [Cadastre 3], lieudit «' la Courounade'» d'une superficie de 11 hectares 45 ares 52 centiares.
Ladite association relevant de la loi du 1er juillet 1901 est déclarée en préfecture des Bouches du Rhône pour créer et organiser des jardins familiaux, selon publication au journal officiel du 19 avril 1978.
Elle est régie par les dispositions de l'article L 561-2 du code rural.
L'article 7 de ses statuts prévoit les conditions de transmission du droit de jouissance d'un adhérent à un tiers, et notamment la nécessité d'un acte tripartite.
L'acte sous seings privés signé le 5 avril 1990 par [X] [D], [K] [C] et le représentant de l'Association des jardins familiaux, intitulé «'attestation de changement de sociétaire attributaire'» met en évidence que [K] [C] était l'ancien attributaire de la parcelle n° [Cadastre 1] de 514 m² représentant 453/100 millièmes de la superficie totale des jardins familiaux, et qu'il l'a remise à [X] [D], devenu nouveau sociétaire attributaire de cette parcelle.
Aux termes de ces actes, la qualité d'attributaire confère donc un droit de jouissance sur une parcelle et non un droit de propriété.
Pour soutenir l'inverse, [X] [D] se prévaut':
- d'une version du règlement intérieur de l'Association des jardins familiaux différente de celle produite par celle ci et qui mentionne en son article 1 que «'les jardins familiaux sont cédés aux membres actifs de l'Association'»
- d'un document constituant sa pièce n°7 qui aurait été remis à chaque membre actif de l'Association des jardins familiaux et qui comporte une mention en bas de page suivant laquelle': «'il est précisé que le versement de la cotisation d'entrée entrainera la propriété du ou des lots par le cotisant, ainsi que la copropriété des chemins d'accès'»
Aucune de ces pièces n'est commentée par la partie adverse, mais':
- la cession visée dans le règlement intérieur produit est envisagée d'une manière bien générale, ne signifie pas nécessairement transfert de propriété, cet effet étant contredit par l'acte tripartite précité qui fait la loi des parties, s'agissant d'un document contractuel'; de plus, la version du règlement intérieur produit par l'Association des jardins familiaux, adoptée lors de l'assemblée générale du 8 avril 1995, prévoit en son article 1 que «'la jouissance des lots à usage de jardins familiaux est concédée aux membres actifs de l'Association'»
- la mention figurant sur la pièce n°7 est rajoutée sur un document que personne n'a signé, en sorte que sa valeur de preuve d'un transfert de propriété immobilière est nulle.
Ces deux pièces ne sauraient primer sur l'acte contractuel faisant la loi des parties en application de l'article 1134 du code civil.
L'acte du 5 mai 1990 par lequel [K] [C] indique avoir cédé une parcelle n° [Cadastre 1] située aux jardins familiaux «'[Adresse 9] pour la somme de 120 000 francs n'est pas opposable à l'Association des jardins familiaux qui était tiers à ce contrat, et ne saurait valoir vente d'un bien n'appartenant pas à [K] [C], eu égard à l'imprécision de la notion de cession, à l'effet relatif des contrats et à la nullité de la vente de la chose d'autrui découlant des dispositions des articles 1165 et 1599 du code civil.
C'est donc en vain que [X] [D] se prétend propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 1], et le fait qu'il justifie s'être vu réclamer les taxes foncières afférentes à cette parcelle pour les années 1994 et 1995 ne suffit pas à établir ce droit de propriété.
Sur la demande d'exclusion:
L'article 7 B des statuts de l'Association des jardins familiaux, modifiés lors de l'assemblée générale du 11 septembre 2004, prévoit une exclusion de plein droit en cas de «'constatation d'une infraction aux règles de l'urbanisme, notamment au Plan d'Occupation des Sols, (qui) peut entraîner l'exclusion de plein droit de l'Association du membre attributaire de la jouissance de la parcelle sur laquelle est édifiée ladite construction dans le cas suivant : lorsque la mise en demeure délivrée à la requête de l'Association de se mettre en conformité avec les règles de l'urbanisme, notamment du Plan d'Occupation des Sols, demeure infructueuse dans un délai d'un mois à compter de sa signification.
L'exclusion du membre adhérent lui sera notifiée par acte extra-judiciaire par l'association.'»
Il est établi que le plan d'occupation des sols de la commune d'[Localité 4], dans ses versions en vigueur le 31 octobre 1984 ou le 9 décembre 2009, interdit d'édifier sur chaque lot de terrain, des abris de plus de 12 m².
Cette interdiction figure également à l'article 11 du règlement intérieur de l'Association.
Suivant l'acte de vérification effectuée le 21 février 2009, le cabanon de [X] [D] a une superficie de 24,21 m², et une véranda de 16,92m².
Cet acte est signé par [X] [D], et n'est contredit par aucun document rapportant la preuve inverse. La superficie mentionnée sera donc tenue pour établie.
Il n'y a pas lieu, s'agissant d'une sanction civile que le constat de l'infraction soit fait dans les conditions prévues en matière pénale.
Peu importe, comme l'indique Monsieur [U] dans le document produit, que le cabanon ait été déjà construit dans la dimension où il se trouve lorsque [X] [D] est devenu l'occupant de la parcelle, ou qu'il ait déjà été le même avant l'adoption de la sanction d'exclusion, s'agissant d'un fait continu.
[X] [D] a été mis en demeure de mettre son cabanon en conformité avec la réglementation par lettres recommandées avec accusés de réception des 2 avril 2009 et 21 juillet 2009, puis le 25 novembre 2009 par acte d'huissier lui rappelant la clause d'exclusion de plein droit au delà du délai d'un mois suivant cet acte demeuré infructueux.
Son exclusion lui a alors été notifiée le 4 janvier 2010 par acte d'huissier.
La procédure prévue par les statuts a été respectée, et [X] [D], qui a été avisé par deux lettres recommandées des faits à l'origine de la sanction applicable de plein droit, ne peut valablement prétendre qu'il n'a pas pu se défendre, ou que seule l'assemblée générale était habilitée à décider son exclusion.
Le constat d'exclusion sera confirmé.
Sur la demande d'expulsion :
Par la combinaison des articles 1 du règlement intérieur de l'Association et 6 des statuts, l'exclusion fait perdre la qualité de membre actif de l'Association des jardins familiaux, et dès lors la jouissance des lots attribués.
[X] [D] se trouve donc dans cette situation d'occupant sans droit ni titre depuis le 4 janvier 2010, et son expulsion doit être confirmée, l'astreinte étant ramenée à 30 € par jour de retard pendant 3 mois, au delà de huit jours après la signification de l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire
Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture,
Prononce la clôture des débats au jour de l'audience et accueille les conclusions déposées le 15/1/2013,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats l'attestation de Monsieur [U],
Confirme le jugement entrepris, sauf à modifier l'astreinte prononcée,
La fixe à 30 € par jour de retard pendant 3 mois, au delà de huit jours après la signification de l'arrêt,
y ajoutant,
Dit que [X] [D] n'est pas propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 1],
Le condamne à payer 2 000 euros à l'Association des jardins familiaux en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT