COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 14 FEVRIER 2013
N° 2013/96
Rôle N° 12/10757
[J] [D]
C/
[N] [M]
Grosse délivrée
le :
à : CHERFILS
BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 23 Février 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 10-2742.
APPELANTE
Madame [J] [D]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/9562 du 02/09/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS, avoués
plaidant par Me Yannick LE LANDAIS de la SCP LESTOURNELLE- LE LANDAIS, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [N] [M]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués
plaidant par Me Cécile FAIVRE D'ARCIER, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Janvier 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne CAMUGLI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre
Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller
Mme Anne CAMUGLI, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Février 2013
Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE.
Mme [J] [D] réside depuis novembre 1975 dans un appartement qui lui a été donné en location suivant bail verbal par Mme [K] [P], décédée, le bail verbal ayant été repris par M. [N] [M].
Par acte du 17 décembre 2009, M. [N] [M] a fait délivrer à Mme [J] [D] un congé pour reprise pour la date du 23 juin 2010.
Par acte du 2 juillet 2010, M. [M] a fait assigner Mme [J] [D] devant le tribunal d'instance de Marseille aux fins d'entendre valider le congé délivré le 7 décembre 2009, ordonner l'expulsion de Mme [J] [D] ainsi que celle de tous occupants de son chef avec au besoin, concours de la force publique et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, ordonner la séquestration du mobilier se trouvant dans les lieux occupés, entendre Mme [J] [D] condamnée à lui payer une indemnité mensuelle d'occupation de 148,12 euros jusqu'à la complète libération des lieux, la somme de 4500 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 23 février 2011, le tribunal d'instance de Marseille a :
-Déclaré valable le congé délivré le 17 décembre 2009 et constaté que celui-ci a mis fin au bail conclu entre les parties.
-Constaté que Mme [J] [D] est occupant sans droit ni titre depuis le 24 juin 2010.
-Accordé à Mme [J] [D] un délai de six mois pour quitter les lieux et ordonné en conséquence, à l'issue de ce délai, son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef du logement.
-Condamné Mme [J] [D] à payer à M. [N] [M] la somme de 148,12 euros à titre d' indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier loyer échu charges en sus jusqu'à la restitution effective des lieux.
-Débouté M. [N] [M] de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande tendant au prononcé d'une astreinte, de sa demande de séquestre des meubles de Mme [J] [D].
-Rejeté les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-Ordonné l'exécution provisoire.
-Condamné Mme [J] [D] aux dépens.
Mme [J] [D] a relevé appel de la décision le 18 avril 2011.
Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 18 octobre 2011, elle fait valoir que le bail verbal conclu en 1975 entre les parties est soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 n'ont pas vocation à régir les relations entre un bailleur et son locataire, que le congé pour reprise délivré le 17 décembre 2009 doit donc être jugé nul et de nul effet par voie de réformation partielle, le jugement déféré devant être confirmé en ce qu'il a rejeté les autres demandes de M. [N] [M].
Elle a sollicité la condamnation de M. [N] [M] au paiement des frais irrépétibles recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 14 décembre 2011 M. [N] [M] sollicite à titre principal la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré valable le congé délivré le 17 décembre 2009, constaté que celui-ci a mis fin au bail conclu entre les parties, constaté que Mme [J] [D] est occupant sans droit ni titre depuis le 24 juin 2010,
ordonné l'expulsion de cette dernière ainsi que celle de tous occupants de son chef, ordonné la séquestration des meubles, condamné Mme [J] [D] à payer la somme de « 148,12 euros à titre d'indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier loyer en sus » jusqu'à la restitution effective des lieux.
Il a conclu à l'infirmation du jugement en ce qu'il a octroyé à Mme [J] [D] un délai de six mois pour quitter les lieux et l'a débouté de sa demande d'astreinte et de dommages et intérêts.
Il a sollicité que faute pour Mme [J] [D] d'avoir quitté les lieux dans le délai de deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux visé par l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991, celle-ci soit jugée redevable d'une astreinte de 500 € par jour de retard et qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 4500 € à titre de dommages et intérêts.
À titre subsidiaire il sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de Mme [J] [D] à lui payer la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Il fait valoir que les relations contractuelles entre les parties sont régies par la loi du 6 juillet 1989 de sorte que le congé délivré conformément aux dispositions de l'article 15 de ladite loi n'encourt pas l'invalidation.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 décembre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et la procédure ne révèle aucune irrégularité susceptible d'être relevée d'office.
Sur le fond.
Compte tenu de sa situation, [Adresse 4], de la date d'achèvement de sa construction, 1850, et de son affectation à l'usage d'habitation , le logement loué par Mme [J] [D] relève, comme l'a retenu le premier juge, de la loi du 1er septembre 1948.
Le jugement déféré sera en revanche réformé en ce qu'il a conclu de l'article 25 II de la loi du 6 juillet 1989 que l'article 15 de celle-ci s'appliquait au contrat litigieux en tant que « contrat en cours » à la date de publication de la loi dès lors qu'en son article 40 II, cette dernière dispose :
« Les dispositions des articles 3, 8 à 20, du premier alinéa de l'article 22 et de l'article 24 ne sont pas applicables aux logements dont le loyer est fixé en application des dispositions du chapitre III de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée ».
Si l'article 1 du Décret n°75-803 du 26 août 1975 portant application des dispositions de l'article 1er (dernier alinéa) de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 modifiée et complétée écarte des dispositions de cette loi, les locaux d'habitation ou à usage professionnel classés dans la sous-catégorie A de la 2ème catégorie prévue par l'article 2 du décret n° 48-1881 du 10 décembre 1948 modifié, l'intimé ne démontre pas que le logement loué à Mme [J] [D] relève de la catégorie considérée, le montant du loyer acquitté le faisant plutôt relever de la catégorie IIB.
Les conditions de reprise définies à l'article 18 de la loi du 1er septembre 1948 imposait dès lors au bailleur de proposer à sa locataire un logement équivalent à celui objet de la reprise sauf à justifier se trouver dans une des situations dérogatoires définies à l'article 19 de la même loi, ce que M. [N] [M] n'allègue au demeurant pas.
Faute pour le bailleur d'avoir respecté sur l'article 18 de la loi du 1er septembre 1948, le congé délivré à Mme [J] [D] doit être déclaré nul.
Le jugement déféré sera dès lors infirmé en ce qu'il a validé ledit congé et M. [N] [M] verra l'intégralité de ses demandes consécutivement rejetées.
Il n'apparaît pas enfin équitable de faire application en l'espèce de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
la cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a validé le congé pour reprise délivré à Mme [J] [D] le 17 décembre 2009 et ordonné l'expulsion de cette dernière.
Statuant à nouveau :
Déclare nul et de nul effet le congé ainsi délivré.
Déboute M. [N] [M] de l'intégralité de ses demandes.
Rejette toute autre demande.
Condamne M. [N] [M] aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Blanc-Cherfils.
LE GREFFIER LE PRESIDENT