COUR D'APPEL D'[Localité 7]
6e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 07 FÉVRIER 2013
N° 2013/74
Rôle N° 11/18189
[E] [F]
C/
[K] [B] épouse [F]
MINISTÈRE PUBLIC
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAGNAN
Me JACQUIER
MP
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Mai 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/01296.
APPELANT
Monsieur [E] [F]
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 11] - ALGERIE
de nationalité Algérienne,
demeurant [Adresse 4] - ALGERIE
représenté par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Ayant Me Béatrice ZAVARRO, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Madame [K] [B] épouse [F]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2012/002588 du 23/02/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 10]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Bernard JACQUIER, avocat au barreau de MARSEILLE
MINISTÈRE PUBLIC [Localité 7],
demeurant [Adresse 13]
représenté par Mme I. POUEY; Avocat Général
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Décembre 2012 en Chambre du Conseil. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Arlette MEALLONNIER, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Arlette MEALLONNIER, Présidente
Monsieur Pascal GUICHARD, Conseiller
Madame Sylvie BLUME, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Valérie BERTOCCHIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2013.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2013.
Signé par Madame Arlette MEALLONNIER, Présidente et Madame Valérie BERTOCCHIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
.../...
OBJET SUCCINCT DU LITIGE - PRÉTENDIONS ET ARGUMENTS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 25 octobre 2011 par Monsieur [E] [F] à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 11 mai 2011,
Vu les conclusions de Monsieur [E] [F] du 25 janvier 2012,
Vu les conclusions de Madame [K] [B] du 16 mars 2012,
Vu les réquisitions du Ministère Public en date du 29 novembre 2012,
Vu l'ordonnance de clôture du 04 décembre 2012 pour l'affaire fixée à l'audience du 11 décembre 2012.
o0o0o0o
Monsieur [E] [F] et Madame [K] [B] se sont mariés devant l'officier d'état civil de la ville de [Localité 12] le [Date mariage 1] 2000 sans contrat préalable.
Soupçonnant son mari d'avoir une deuxième vie de famille en ALGÉRIE et de ne l'avoir épousée qu'afin d'obtenir un titre de séjour et la nationalité française, Madame [K] [B] s'est rendue en ALGÉRIE où elle a fait la connaissance de Madame [S] [U], se disant épouse de Monsieur [E] [F] et la mère de ses 7 filles dont trois seraient nées après le mariage des époux [B]/[F].
Madame [K] [B] a déposé plainte le 03 juillet 2008.
Une plainte a également été déposée en ALGÉRIE.
Madame [K] [B] a assigné Monsieur [E] [F] devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE par exploit du 28 novembre 2008 aux fins notamment de voir prononcer la nullité du mariage et voir condamner Monsieur [E] [F] à lui payer des dommages-intérêts.
Par jugement du 11 mai 2011 auquel il convient expressément de se référer pour le rappel des faits et de la procédure antérieure, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a :
- annulé le mariage célébré le [Date mariage 1] 2000 devant l'officier d'état civil de [Localité 12] entre Monsieur [E] [F] et Madame [K] [B] ;
- dit que la mention de cette annulation sera portée en marge de l'acte de mariage des époux ainsi qu'en marge de leurs actes de naissance respectifs, actes dont il ne pourra plus être délivré de copies ou d'extraits sans contenir la mention de la présente décision ;
.../...
.../...
- condamné Monsieur [E] [F] à verser à Madame [K] [B] les sommes de :
' 3000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
' 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- rejeté toute autre demande ;
- condamné Monsieur [E] [F] aux entiers dépens dont distraction.
Monsieur [E] [F] demande à la Cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à annulation du mariage [F]/[B] ;
- condamner Madame [K] [B] au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.
Monsieur [E] [F] prétend que le dol dont fait état Madame [K] [B] n'est pas caractérisé puisqu'elle était parfaitement au courant de la situation comme cela est établi par les attestations versées et par le constat d'huissier. Ce constat démontre que l'épouse a introduit une procédure non fondée. Le constat n'a pas été obtenu par fraude ou violence. Il est recevable.
Rien ne permet de dire en outre que l'état dépressif dont se prévaut Madame [K] [B] en 2009 est en relation avec le mariage célébré en 2000.
Madame [K] [B] demande à la cour de :
- débouter Monsieur [E] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- condamner Monsieur [E] [F] à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner Monsieur [E] [F] à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.
Madame [K] [B] fait observer qu'à aucun moment Monsieur [E] [F] n'a nié sa situation maritale réelle. La polygamie est contraire à l'ordre public français et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du mariage.
Madame [K] [B] conteste le procès-verbal de constat dont fait état Monsieur [E] [F]. Les attestations ne sont pas probantes. Monsieur [E] [F] a été condamné en ALGÉRIE pour délits de faux et usage de faux à 18 mois de prison fermes et 15 000 dinars d'amende outre des dommages-intérêts au profit de Madame [K] [B] pour
.../...
.../...
un montant de 100 000 dinars. Monsieur [E] [F] a été reconnu coupable d'avoir falsifié l'avis de divorce et utilisé ce document pour prouver son divorce auprès de la Mairie de [Localité 11] et se faire délivrer des certificats administratifs de non mariage et de non remariage présentés en FRANCE pour se marier avec Madame [K] [B]. La découverte de ce premier mariage a profondément affecté Madame [K] [B] et les dommages-intérêts demandés sont fondés.
Le Ministère Public a requis la confirmation du jugement entrepris, la bigamie étant une cause de nullité absolue en droit français.
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures ci-dessus visées.
SUR CE,
Le premier juge par des motifs pertinents que la Cour adopte expressément a exactement répondu à l'argumentation des parties laquelle est identique en cause d'appel.
Ainsi, Monsieur [E] [F] est de nationalité Algérienne et Madame [K] [B] est de nationalité française. Chaque époux est soumis à sa propre loi nationale (articles 3 et 171-1 du Code civil ).
La bigamie constitue une condition bilatérale rendant l'application des lois nationales des époux cumulatives ; les conditions de fond du mariage doivent être conformes aux exigences cumulées des lois personnelles de chacun des époux .
L'article 147 du Code civil français dispose que nul ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. La bigamie est une cause de nullité absolue en droit français.
En l'espèce, lors de la célébration du mariage entre Monsieur [E] [F] et Madame [K] [B] à [Localité 12] le [Date mariage 1] 2000, l'époux de nationalité algérienne était toujours dans les liens d'un précédent mariage célébré en ALGÉRIE le [Date mariage 3] 1989 avec Madame [S] [U].
Lors de la constitution du dossier de mariage, Monsieur [E] [F] a dissimulé la réalité de sa situation matrimoniale et a produit un extrait des registres des actes de naissance délivré le 09 septembre 2000 ne portant mention d'aucun mariage, ainsi qu'un certificat de non mariage et de non remariage en date du 28 mai 2000. Ce comportement est intentionnel et constitutif d'une fraude.
En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts, comme l'a souligné le premier juge, les pièces fournies par Monsieur [E] [F] ne permettent pas d'établir que Madame [K] [B] avait connaissance de la situation matrimoniale de son époux au moment où le mariage a été célébré, et ce d'autant plus qu'en fournissant des papiers falsifiés, il a agit volontairement en fraude. Le premier juge a fait une exacte appréciation du préjudice subi par Madame [K] [B].
.../...
.../...
En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Monsieur [E] [F] qui succombe sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et il sera condamné aux entiers dépens d'appel. Il serait inéquitable par ailleurs de laisser à la charge de Madame [K] [B] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû engager du fait de la procédure d'appel. Monsieur [E] [F] sera condamné à lui verser en cause d'appel la somme de 2000 €.
*
**
PAR CES MOTIFS /
LA COUR,
Statuant publiquement, le Ministère Public entendu, contradictoirement, après débats non publics ;
Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 11 mai 2011 en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
Déboute Monsieur [E] [F] de toutes ses demandes fins et conclusions,
Déboute Monsieur [E] [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [E] [F] à payer à Madame [K] [B] en cause d'appel la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [E] [F] aux entiers dépens d'appel et autorise l'avocat adverse à en recouvrer le montant aux conditions et formes de l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT