COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 01 FEVRIER 2013
N°2013/ 67
Rôle N° 11/18947
[F] [U]
C/
SARL RACAMIER
Grosse délivrée le :
à :
-Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON
- Me Patrice PASCAL, avocat au barreau de TARASCON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 18 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/386.
APPELANT
Monsieur [F] [U]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/13931 du 16/12/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON
INTIMEE
SARL RACAMIER, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Patrice PASCAL, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine VINDREAU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre
Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2013
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2013
Signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL RACAMIER spécialisée dans l'arboriculture a signé une suite de contrats dits 'OMI ' avec [F] [U] entre 1993 et 2009.
Le dernier contrat OMI a trouvé son terme le 6 septembre 2009.
Le 30 juillet 2010, [F] [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'ARLES pour réclamer le bénéfice d'une prime d'ancienneté, la requalification des contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ,des indemnités de rupture.
Par jugement en date du 18 octobre 2011, le conseil de prud'hommes d'ARLES a :
- dit que chaque contrat OMI à durée déterminée produit ses propres effets qui se terminent avec le terme du contrat,
- dit n'y avoir lieu à requalification des différents contrats en contrat à durée indéterminée
- débouté [F] [U] de ses différentes demandes relatives à une requalification à savoir :
- indemnité de requalification,
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
- préavis et de congés payés afférents et ancienneté sur préavis,
- indemnité de licenciement,
- documents y afférents: certificat de travail et attestation Pôle Emploi,
- sur le SURPLUS DES DEMANDES, en particulier paiement d'une prime d'ancienneté et application de l'article 700 du code de procédure civile à titre principal et reconventionnel, s'est déclaré en partage de voix et a renvoyé de ces chefs, la cause et les parties devant le Conseil en formation de jugement présidé par le Juge Départiteur désigné à cet effet par ordonnance de la Première Présidente de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE,
- réservé les dépens.
*
[F] [U] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 4 novembre 2011.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , [F] [U] demande de :
SUR LA PRIME D'ANCIENNETE
Vu les dispositions de l'article 36 de la convention collective des exploitations agricoles des Bouches du Rhône ;
Vu les dispositions des articles L1242-14 et L1244-2 du code du travail ;
- condamner la SARL RACAMIER au paiement de la somme de 4 592,54 € à titre de prime d'ancienneté, outre la somme de 459, 25 € à titre d'incidence congés payés
SUR LA REQUALIFICATION DES CONTRATS
AU PRINCIPAL
Vu les dispositions de l'article L1242-1 et R314-7-2 ancien du code du travail,
- requalifier les contrats de travail à durée déterminée conclus en un contrat de travail à durée indéterminée,
- en conséquence, condamner la SARL RACAMIER au paiement de la somme de 1 891,88 € à titre d'indemnité de requalification au visa de l'article L1245-2 du code du travail
- dire et juger que la rupture des relations contractuelles de travail au terme du dernier contrat OMI s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- en conséquence, condamner la SARL RACAMIER au paiement des sommes suivantes :
- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
- 3 783,76 € d'indemnité compensatrice de préavis
- 378,38 € de congés payés afférents
- 3 783,76 € à titre d'indemnité de licenciement
- ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir
SUBSIDIAIREMENT
- dire que le Tribunal Administratif de Marseille sera saisi de la question préjudicielle suivante :
'Les autorisations de prorogation des contrats accordées par l'inspection du travail sont elles légales au regard des dispositions de l'article R341-7-2, en ce que :
- elles doivent revêtir un caractère exceptionnel
- les contrats auxquelles elles se rapportent doivent concerner des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques
- l'employeur intéressé doit apporter la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main d''uvre déjà présente sur le territoire national.'
- en ce cas, surseoir à statuer sur les prétentions du concluant tendant à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- condamner la SARL RACAMIER au paiement de la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la SARL RACAMIER aux entiers dépens.
[F] [U] n'a plus soutenu en cause d'appel ses demandes relatives à un rappel de salaire au titre du coefficient 145.
En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , la SARL RACAMIER demande de :
Statuant sur la prime d'ancienneté,
Vu le code du travail , son article L.3245-1
Vu la saisine du conseil de prud'hommes le 30 juillet 2010, déclarer l'appelant irrecevable en toutes prétentions au titre de cette prime antérieure au 30 juillet 2005,
Statuant sur la période postérieure,
Vu l'article 36 de la convention collective,
Vu ensemble les dispositions du code civil, ses articles 2, 1157 et suivants,
Vu du code du travail ancien, ses articles L.121-1 et suivants, et R. 3417-2 en vigueur,
- débouter [F] [U] de toutes ses prétentions au titre de la prime d'ancienneté,
Subsidiairement
Vu la loi du 23 février 2005 et si la cour excluait la condition impérative de la clause de reconduction, constatant qu'à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, le seuil ne s'est pas trouvé atteint, en conséquence débouter [F] [U] de sa prétention à ce titre,
Statuant sur la demande de requalification des contrats OMI, ANAEM ou OFII en un contrat à durée indéterminée,
- passer outre la question préjudicielle invoquée par l'appelant,
Vu le code du travail, ses article L.1242-1, et suivants et son article R 341-7-2 alors applicable aux rapports des parties,
- confirmant le jugement entrepris, débouter [F] [U] de l'intégralité de ses demandes relatives à la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée,
Subsidiairement,
- statuer ce que de droit sur l'indemnité de requalification ainsi que sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'incidence congés payés,
- dire que l'indemnité de licenciement ne saurait excéder la somme de 1 108,64 €
- dire et juger que les dommages et intérêts pour licenciement ne saurait excéder la somme de 500 €,
- donner acte en cette hypothèse très subsidiaire au concluant de qu'il remettra certificat de travail, attestation POLE EMPLOI conforme au dispositif du jugement à intervenir et dire n'y avoir lieu à astreinte,
- en toute hypothèse débouter [F] [U] de sa demande tendant à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- le condamner à lui payer la somme de 2.000 € de ce chef,
- le condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prime d'ancienneté
[F] [U] considérant bénéficier d'une ancienneté cumulée de 10 ans, sollicite, sous réserve de la prescription quinquennale, la condamnation de la SARL RACAMIER à lui payer un rappel de prime d'ancienneté sur le fondement des dispositions de l'article 36 de la convention collective des ouvriers des exploitations agricoles des Bouches du Rhône .
Aux termes de cet article, une prime d'ancienneté est attribuée aux salariés sous contrat à durée indéterminée ou déterminée totalisant 3 ans de présence effective sur l'exploitation.
L'ancienneté à prendre en considération est l'ancienneté qui résulte du contrat de travail en cours à l'exclusion des contrats antérieurs qui ont épuisé leurs effets. Il n'y a pas lieu à additionner les périodes contractuelles accomplies.
L'article L.122-3-4 ancien du code du travail mentionné par l'appelant ne concerne que l'indemnité de précarité.
Le principe d'égalité de traitement mentionné et qui était défini par l'article L .122-3-3 ( L.1242-14 nouveau )selon lequel, à situation identique, l'employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée bénéficie des mêmes avantages qu'un salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée , ne permet pas le cumul auquel prétend [F] [U].
L'attestation produite par le salarié émanant de [G] [Y], syndicaliste, est insuffisante pour lui permettre d'affirmer que les partenaires sociaux avaient clairement convenu que la prime d'ancienneté devait s'appliquer à tous les salariés sans que ne soit exigée sur l'exploitation une présence continue.
[F] [U] expose que la loi est venue consacrer son interprétation de l'article 36 de la convention collective.
Cependant, l'article L.1244-2 du code du travail issu de la loi du 23 décembre 2005, selon lequel 'il est fait cumul des durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise pour le calcul de l'ancienneté ' vise expressément les contrats de travail à caractère saisonnier comportant une clause de reconduction pour la saison suivante, clause absente des contrats signés par les parties.
Il ressort des différents documents produits respectivement par les deux parties (bulletins de salaire, contrats de travail) que [F] [U] a commencé ses dernières activités pour le compte de la SARL RACAMIER en février 2009 pour les terminer le 6 septembre 2009 et que son avant-dernier contrat à durée déterminée, conclu avec le même employeur, avait pris définitivement et régulièrement fin le 31 août 2008.
Dès lors, [F] [U] ne justifie pas de 36 mois d'ancienneté puisque son ancienneté maximale, estimée à partir du dernier contrat à durée déterminée, n'a été que de 7 mois.
Les demandes d'[F] [U] de ce chef seront écartées.
Sur la requalification des contrat à durée déterminée
Il résulte de l'article R314-7 -2 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur entre 1984 et 2007, que la durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs, sauf autorisation exceptionnelle permettant de porter cette durée à huit mois sur douze mois consécutifs, sous la double condition que ces contrats concernent des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques, et que l'employeur intéressé apporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main-d'oeuvre déjà présente sur le territoire national.
[F] [U] fait valoir qu'à compter de 1997, la plupart de ses contrats a été renouvelée et prolongée au-delà de 6 mois par l'administration alors que la loi n'envisage de prolongement qu'à titre exceptionnel et que l'employeur ne démontre pas que la double condition était effectivement remplie chaque année.
Pour la première fois en cause d'appel, il demande à la cour de surseoir à statuer et d'interroger le tribunal administratif de MARSEILLE sur la légalité des prorogations des contrats OMI par l'autorité administrative.
Une question préjudicielle de droit administratif ne peut être utilement soulevée qu'à la double condition qu'elle présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire à la solution du litige.
La cour doit apprécier l'exécution de contrats exécutés par le salarié et dont la validité a expressément été reconnue par l'autorité administrative compétente.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la question préjudicielle.
La preuve des conditions pouvant permettre l'autorisation de prolongations est réputée avoir été rapportée à l'autorité administrative dès l'instant où la prolongation a été accordée.
Il est constant qu'un contrat à durée déterminée ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise.
Ne peut être contesté le caractère saisonnier des tâches confiées à [F] [U], manoeuvre agricole, tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons, le salarié n'ayant jamais été employé pendant toute la période d'ouverture de l'entreprise, soit l'année entière.
C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a considéré que chaque contrat à durée déterminée signé par [F] [U] produisait ses propres effets lesquels prenaient fin avec le terme de chaque contrat.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de la requalification en contrat à durée indéterminée et au titre d'un licenciement.
Sur les autres demandes des parties
Aucune considération économique ou d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
[F] [U], qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement déféré rendu le 18 octobre 2011 par le conseil de prud'hommes d'ARLES,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à saisir le tribunal administratif de MARSEILLE d'une question préjudicielle,
Déboute [F] [U] de sa demande en paiement d'une prime d'ancienneté et de congés payés afférents ,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [F] [U] aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT