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01/02/2013 | FRANCE | N°11/00511

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 01 février 2013, 11/00511


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 01 FEVRIER 2013



N° 2013/ 061













Rôle N° 11/00511







SARL CHLOE.C





C/



SA LES FAIRWAYS DE [Adresse 3]





















Grosse délivrée

le :

à : Me R BUVAT

SELARL BOULAN

















Décision déférée à la Cour :
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Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 30 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/2206.





APPELANTE



SARL CHLOE.C, à l'enseigne [2], prise en la personne de son gérant en exercice,

[Adresse 5]

représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE constitué aux ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 01 FEVRIER 2013

N° 2013/ 061

Rôle N° 11/00511

SARL CHLOE.C

C/

SA LES FAIRWAYS DE [Adresse 3]

Grosse délivrée

le :

à : Me R BUVAT

SELARL BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 30 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/2206.

APPELANTE

SARL CHLOE.C, à l'enseigne [2], prise en la personne de son gérant en exercice,

[Adresse 5]

représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués

plaidant par Me Franck MANDRUZZATO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

SA LES FAIRWAYS DE [Adresse 3], prise en la personne de son Président en exercice,

[Adresse 4]

représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués

plaidant par Me Alain-David POTHET de la SCP BARTHELEMY POTHET DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Daniel ISOUARD, Président

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2013,

Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Sylvaine MENGUY greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Fairways de [Adresse 3] (la société de [Adresse 3]) qui exploite un golf à [Localité 9] (Var) a conclu avec la société CHLOÉ.C, moyennant redevance, des contrats successifs d'une année permettant l'exercice de l'activité de restauration dans des locaux lui appartenant, le premier de ces contrats datant du 1er janvier 2003 et le dernier du 1er janvier 2009 pour une période d'une année s'achevant au 31 décembre 2009.

En l'absence de nouveau contrat, le 8février 2010 la société de [Adresse 3] a mis en demeure la société CHLOÉ.C de quitter les lieux. Celle-ci a saisi le tribunal de grande instance de Draguignan revendiquant le bénéfice du statut des baux commerciaux et, par jugement du 30 décembre 2010, cette juridiction l'a déboutée de ses prétentions, a ordonné son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation de 20 000 euros par an ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour motiver sa décision, le premier juge a retenu l'absence de fonds de commerce en raison de l'interdiction figurant aux différents contrats de recevoir au restaurant d'autres clients que ceux du golf et de l'absence d'autonomie de gestion.

Le 11 janvier 2011 la société CHLOÉ.C a interjeté appel de cette décision et a quitté les lieux le 22 avril 2011, en vertu de l'exécution provisoire qui l'assortissait.

Elle sollicite la nullité du congé donné le 8 février 2010, revendiquant le bénéfice du statut des baux commerciaux et soulève l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société de [Adresse 3] fondée sur la remise en état des locaux comme nouvelle en appel. Elle souhaite la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle prétend essentiellement avoir exploité dans des locaux loués à la société de [Adresse 3] un fonds de commerce de restauration malgré les stipulations des divers contrats qui les liaient dont l'objet était d'écarter l'application du statut des baux commerciaux.

La société de [Adresse 3] conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société CHLOÉ.C à lui payer la somme de 327 137,24 euros, montant des frais de remise en état des locaux, une indemnité d'occupation de 5 000 euros par mois depuis le 1er janvier 2010 ainsi que la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que l'activité exercée par la société CHLOÉ.C était intégrée dans celle du golf, qu'elle ne disposait pas d'une clientèle distincte de celle propre au golf et ne bénéficiait d'aucune autonomie de gestion.

* *

* * *

* *

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la revendication du statut des baux commerciaux :

Il ressort de l'article L. 145-1 du Code de commerce que le statut des baux commerciaux bénéficie aux locaux donnés en location pour l'exploitation d'un fonds de commerce ou artisanal. Une telle exploitation nécessite l'existence d'une clientèle propre au commerçant ou à l'artisan gérant ce fonds.

Les différents contrats liant la société de [Adresse 3] à la société CHLOÉ.C tous rédigés de manière identique intitulés 'Autorisation précaire d'exercer une activité de restauration' prévoyent la mise à la disposition par la première à la seconde d'une salle de restaurant, d'un bar - salon et ses annexes (vestiaires et sanitaires), une cuisine et ses annexes et une terrasse moyennant une redevance de l'ordre de 20 000 euros environ.

Il existe une location de locaux et d'ailleurs cela n'est pas contesté, seule la réalité d'un fonds de commerce appartenant à la société CHLOÉ.C faisant litige.

Ces contrats stipulent que 'l'accès au restaurant et au bar est strictement réservé à l'usage exclusif des membres du Golf, des joueurs à la journée, des invités des Membres ; sous aucun prétexte, le service ne peut-être accessible au public aux promeneurs et passagers non agrées préalablement par le concédant ',(souligné dans la clause du contrat).

Mais il ressort de nombreuses attestations que leur auteur a pu prendre un repas au restaurant exploité par la société CHLOÉ.C sans être joueur de golf, membre du club ou invité. Cela est confirmé par le constat de l'huissier [P] du 1er février 2010 qui a relevé que plusieurs personnes venaient déjeuner sans qu'il leur soit réclamé une carte de membre, qu'à l'entrée figurait un panneau du [8] club attestant de leurs réunions récurrentes sur le site, qu'il n'existait pas au niveau de l'affichage extérieur de dispositions interdisant aux tiers de pénétrer dans l'établissement ou d'y consommer et qu'il en était de même à l'intérieur.

L'huissier [O] dans son constat des 2 et 9 février 2012 mentionne, pour le premier jour, s'être rendu à l'établissement pour y déjeuner, qu'il lui a été demandé s'il était membre du club de golf et que malgré une réponse négative il lui a été apporté la carte des plats, pour le second jour, avoir été invité à s'asseoir pour déjeuner sans autre demande et avoir été servi ; il ajoute que parmi les autres clients, si certains semblaient être des joueurs de golf, d'autres apparaissaient étrangères au club.

Le constat de l'huissier [D] du 17 juin 2010 décrit les lieux et montre que le restaurant exploité par la société CHLOÉ.C est facilement accessible pour les personnes ne fréquentant pas le golf, son accès s'effectuant par une voie privée ouverte à la circulation publique, se trouvant au niveau d'un rond-point à l'opposé de l'entrée du parcours de golf et librement accessible depuis l'aire de stationnement située sur la voie d'accès. Il relève l'absence de panneaux précisant que l'accès au restaurant est réservé aux seuls membres du club de golf.

L'existence d'une cliente propre à la société CHLOÉ.C dont l'importance, difficile à apprécier, importe peu, s'avère certaine.

Son exploitation dépasse la simple infraction à la disposition du bail l'interdisant ou la seule tolérance.

Monsieur [N], qui a exploité le restaurant durant 17 ans jusqu'en 2003 avant la société CHLOÉ.C atteste que durant toutes ces années, il avait été autorisé verbalement à recevoir une clientèle autre que celle des joueurs de golf ; il considère cette clientèle comme représentant environ 60 % de son chiffre d'affaires et ajoute que sa venue de l'extérieur était facilitée par l'ouverture des voies d'accès à la circulation publique, n'importe qui pouvant se promener dans le domaine de [Adresse 3].

Monsieur [R] qui a été le dirigeant de la société de [Adresse 3] de janvier 1995 à juillet 2008, explique dans une attestation que les seuls golfeurs (membres ou passagers) ne permettent pas d'assurer aux club-houses des recettes suffisantes et que les différents exploitants de golf ont dû rechercher des conditions spécifiques pour assurer un équilibre financier pour l'exploitation de leur club-house ; il ajoute qu'en raison de cette contrainte, ses prédécesseurs et lui-même ont toujours autorisé le gestionnaire du restaurant à recevoir des personnes extérieures aux seules conditions que cela ne gêne pas les membres du club et qu'ils aient une tenue correcte ; il estime approximativement à 60 % la clientèle extérieure et précise que les autres administrateurs du club partageaient ses vues.

Le restaurant du club de golf accueille depuis plus de 25 ans la réunion hebdomadaire du [8] club ; les pièces versées montrent que ces réunions se sont déroulées alors que le président de ce club était également celui de l'association du golf et que depuis elles perdurent.

Ces données établissent que l'exploitation par la société CHLOÉ.C d'une clientèle extérieure à celle permise par le contrat de location bénéficiait d'un accord tacite, ancien et pérenne de la société de [Adresse 3].

La société de [Adresse 3] conteste également l'application du statut des baux commerciaux en raison de l'absence d'autonomie de gestion de la société CHLOÉ.C caractérisée selon elle par :

- la mise à la disposition du concessionnaire du mobilier du club-house, du bar et de la cuisine, du matériel fixe de cuisine et de conservation, de tout le matériel nécessaire à la bonne exploitation du restaurant ainsi que de la vaisselle et de la verrerie,

- l'obligation d'ouvrir le restaurant et le bar au moins aux mêmes horaires et jours que les bureaux du concédant,

- l'obligation de servir chaque jour un repas 'golfeur' (plat du jour, dessert, une boisson) dont le prix sera défini d'un commun accord,

-l'agrément par le concessionnaire de la tenue vestimentaire du personnel de service (interdiction des tenues négligées genre jeans, teeshirt, short),

- la réservation tous les midis d'une table pour le personnel administratif et cadre de la société de [Adresse 3] et de fournir un plateau repas pour les autres employés,

- la seule utilisation de la dénomination 'Club house [2]'.

Mais il appartient à la personne qui conteste l'application du statut des baux commerciaux d'établir que l'exploitant est soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de l'activité qui constitueraient une entrave effective à son activité professionnelle.

La société de [Adresse 3] ne démontre pas que les obligations qui doivent s'apprécier in concreto, auxquelles la société CHLOÉ.C était soumise, constituaient une gêne réelle à l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration. En effet la plupart d'entre elles ne créaient pas des conditions inhabituelles pour un restaurateur. Au surplus certaines ne correspondaient pas à la réalité de l'exploitation ; en effet la société CHLOÉ.C possédait une partie du matériel nécessaire à celle-ci comme le montre le procès-verbal de saisie-vente du 12 avril 2011 effectué à la requête de la société de [Adresse 3] et portant sur du matériel de cuisine qui ne concerne pas seulement du petit matériel.

Il n'est pas non plus inutile de constater que les contrats successifs stipulent que la société CHLOÉ.C ne pourra pas traiter au nom de la société de [Adresse 3] et qu'elle sera tenue dans tous les documents destinés aux tiers d'indiquer 'sa qualité de commerçant indépendant'.

Cela établit que la société CHLOÉ.C exploitait dans le local loué un fonds de commerce et elle bénéficie du statut des baux commerciaux.

En conséquence, l'infirmation du jugement attaqué s'impose.

Sur la demande en paiement de la remise en état :

La société de [Adresse 3] réclame à la société CHLOÉ.C la somme de 327 137,24 euros au titre des frais de remise en état du local.

Vainement la société CHLOÉ.C invoque-t-elle l'irrecevabilité de cette demande formée pour la première fois en appel.

En effet l'article 564 du Code de procédure civile énonce : 'À peine d'irrecevabilité prononcée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

Les lieux loués ont été libérés par la société CHLOÉ.C le 22 avril 2011 soit après les débats ayant abouti au jugement attaqué. Ce n'est qu'à partir de cette date que la société de [Adresse 3] a pu constater les infractions dont elle se plaint et celles-ci, à les supposer réelles, constituent la révélation d'un fait rendant recevable la demande en réparation les concernant.

L'action de la société de [Adresse 3] relative aux frais de remise en état s'avère recevable.

Cependant le rejet de cette demande s'impose.

En effet les différents contrats ne décrivent que de manière sommaire le matériel appartenant à la société de [Adresse 3] et s'ils précisent qu'un inventaire sera établi, il n'apparaît pas que ce document ait été dressé et en tout cas la société de [Adresse 3] ne le produit pas. Il est très difficile d'apprécier l'équipement appartenant au bailleur surtout que comme il a été déjà dit une partie était la propriété du preneur.

Le procès-verbal dressé le 5 mai 2011 par l'huissier [R] après le départ de la société CHLOÉ.C est également très succinct. Il se limite à indiquer que le matériel a été déposé (par la société de [Adresse 3] comme l'établissent les photographies prises par cette dernière où il est toujours en place) et qu'il a entreposé à l'extérieur des bâtiments, qu'aucun entretien ne semble avoir été réalisé et que le nettoyage est réduit au strict minimum avec des dépôts de graisse et la présence de rouille. L'huissier précise que l'état de vétusté de ce matériel nécessite son changement sans cependant fournir aucun élément sur son fonctionnement. Aucune autre précision sur l'état des locaux n'est fournie.

Les factures produites correspondent à une rénovation complète du club-house concernant notamment son ameublement, sa sonorisation et son éclairage et étrangères pour la plupart d'entre elles au matériel de cuisine dont rien n'établit la nécessité de le changer à l'exception de l'appréciation de l'huissier qui attribue son état à la vétusté à laquelle la société CHLOÉ.C ne saurait être tenue en absence de disposition la mettant à sa charge.

Ainsi la société de [Adresse 3] doit être déboutée de sa demande concernant la remise en état.

Succombant à la procédure la société de [Adresse 3] doit être condamnée à payer à la société CHLOÉ.C la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

* *

* * *

* *

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Réforme le jugement du 30 décembre 2010 du tribunal de grande instance de Draguignan ;

Reconnaît à la société CHLOÉ.C le bénéfice du statut des baux commerciaux pour l'occupation des locaux appartenant à la société les Fairways de [Adresse 3] ;

Déclare recevable la demande de la société les Fairways de [Adresse 3] relative à la remise en état mais la déclare infondée et la rejette ;

Condamne la société les Fairways de [Adresse 3] à payer à la société CHLOÉ.C la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société les Fairways de [Adresse 3] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 11/00511
Date de la décision : 01/02/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°11/00511 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-01;11.00511 ?
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