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31/01/2013 | FRANCE | N°12/01262

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 31 janvier 2013, 12/01262


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2013

FG

N° 2013/53













Rôle N° 12/01262







[P] [F]





C/



SA GROUPE [L]





















Grosse délivrée

le :

à :



SELARL GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT





SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE









Décision défÃ

©rée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 05 Janvier 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 07/10351.





APPELANT



Monsieur [P] [F],

née le [Date naissance 3] 1953

demeurant [Adresse 2]





représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2013

FG

N° 2013/53

Rôle N° 12/01262

[P] [F]

C/

SA GROUPE [L]

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT

SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 05 Janvier 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 07/10351.

APPELANT

Monsieur [P] [F],

née le [Date naissance 3] 1953

demeurant [Adresse 2]

représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Edouard BERTRAND, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SA GROUPE [L]

au capital de 86 195 000 euros, immatriculée au RCS de PARIS

sous le n° 588 801 464prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par la SELARL GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Jean-Jacques TOUATI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Décembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2013,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

La société anonyme Noga Hôtel [Localité 5], propriétaire de l'hôtel Noga Hilton à [Localité 5], louait des locaux en sous-sol pour l'exploitation d'un casino à la société anonyme Grand Casino Riviera, dont les actions étaient détenues par des membres de la famille [K].

Les actions de la société Grand Casino Riviera ont été acquises par la société luxembourgeoise Financière [F], dont M.[P] [F] est le représentant, possédant 309 parts sur 310.

La société anonyme Groupe [L], représentée par M.[W] [H], a été en contact avec M.[P] [F] et des membres de la famille [K].

Le 22 avril 1999, M.[H], pour la société Groupe [L], a signé une lettre, contre-signée par M.[P] [F], selon laquelle la société Groupe [L] devait racheter à la société Financière [F] 51% des actions de la société Grand Casino Riviera, les consorts [K], pour la société Noga Hôtels [Localité 5] devaient réduire le montant du loyer du casino. Le tout était conditionné par l'autorisation d'exploiter le casino, donnée par le ministère de l'intérieur. Une somme de cinq millions de francs a été versée par la société Groupe [L] à la société Grand Casino Riviera et comptabilisée dans les livres de cette société.

Mais l'autorisation d'exercer ne fut accordée et que ce projet resta sans exécution, sans que la somme de cinq millions de francs soit remboursée.

Par lettre du 9 août 1999, la société Groupe [L] a alors proposé à la société Grand Casino Riviera de lui racheter les éléments d'actif de son fonds de commerce, moyennant le prix de 45.000.000 F, comprenant les 5.000.000 F déjà versés, avec une réduction du montant du loyer consenti par la société Noga Hôtels [Localité 5] et avec la possibilité pour la société Groupe [L] de racheter les murs des locaux du Casino pour 100.000.000 F.

La somme de 40 millions de francs fut virée sur un compte de la société Financière [F].

Le projet envisagé ne se réalisa pas. La somme versée par la société Groupe [L] ne lui fut pas remboursée.

Une procédure pénale contre X pour escroquerie et abus de confiance se termina par un non-lieu.

Une procédure commerciale initiée par la société Groupe [L] contre la société du Grand Casino Riviera, la société Noga Hôtel [Localité 5] et la société Financière [F] n'aboutit pas.

Le 26 décembre 2007, la société Groupe [L] a fait assigner M.[P] [F] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 6.860.205,78 € en principal sur le fondement de la répétition de l'indu et de l'enrichissement sans cause, plus 1.900.000 € à titre de dommages et intérêts et 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 5 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées,

- condamné M.[P] [F] à payer à la société Groupe [L] la somme de 762.245,09 € (5.000.000 F) avec intérêts à compter du 11 avril 2007, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- débouté la société Groupe [L] du surplus de sa demande,

- débouté M.[P] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M.[P] [F] aux dépens, dont distraction au bénéfice de M°[Z] conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration de la SCP BOTTAI, GEREUX et BOULAN, avocats au barreau d'Aix-en-Provence, en date du 24 janvier 2012, M.[P] [F] a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 3 août 2012, M.[P] [F] demande à la cour d'appel, au visa des articles 9, 31, 32, 480 et 700 du code de procédure civile, 1315, 1351, 1371 et suivants, 1382, 1383, 2321, 2289 et suivants du code civil, de l'article 190 de la loi du 26 juillet 2005 portant réforme du droit des entreprises en difficultés, de l'article L.621-46 du code de commerce, de :

- à titre préliminaire :

- constater qu'en condamnant M.[P] [F] à verser la somme de 762.245,09 € au titre d'une garantie autonome, le tribunal de grande instance s'est prononcé sur une prétention qui ne lui avait pas été demandée par la société Groupe [L], et pour laquelle M.[P] [F] n'a pu se défendre, en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M.[P] [F] à verser à la société Groupe [L] la somme de 762.245,09 € avec intérêts à compter du 11 avril 2007, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

-constater l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 12 novembre 2003 rendu par la cour d'appel de Paris, 3ème chambre de l'instruction, en conséquence, réformer la jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée des jugements et arrêts portant sur les mêmes faits litigieux, et statuant à nouveau, dire la société Groupe [L] irrecevable sans examen au fond en toutes ses demandes,

- à titre principal :

- constater l'absence de versement de sommes d'argent à M.[P] [F] de la part de la société Groupe [L], constater que les déclarations de M.[P] [F] lors de son audition en qualité de témoins assisté ne peuvent valoir reconnaissance de dettes ou constituer un engagement de garantie autonome, en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de reconnaissance de dettes de la part de M.[P] [F] envers la société Groupe [L], débouter la société Groupe [L] de sa demande de condamnation en paiement de M.[F] à hauteur de 6.860.205,78 € (45 millions de francs) en principal outre les intérêts,

- constater l'inexistence du préjudice allégué par la société Groupe [L] en raison de l'absence de toute pièce de nature à le prouver, et en raison de l'absence de toute preuve de la faute commise par M.[F], en conséquence confirmer le jugement en ce qu'il a jugé totalement fictif le préjudice allégué par la société Groupe [L] et la demande de réparation mal fondée, débouter la société Groupe [L] de sa demande de condamnation de M.[F] à lui payer 1.900.000 € à titre de dommages et intérêts,

- constater que la lettre du 2 juin 2000 se rapporte à une obligation principale qu'elle mentionne et qu'elle contient expressément le terme de 'caution solidaire' , celui d'engagement à première demande se rapportant à une condition de mise en oeuvre du paiement par le débiteur principal, dire que la lettre du 2 juin 2000 constitue un cautionnement et non une garantie autonome, constater que la créance principale détenue par la société [L] sur Casino Riviera est éteinte, faute d'avoir été déclarée au passif de la liquidation judiciaire, en conséquence réformer le jugement en ce qu'il a condamné M.[P] [F] à verser à la société Groupe [L] la somme de 762.245,09 € avec intérêts à compter du 11 avril 2007, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- à titre reconventionnel :

- constater le caractère manifestement abusif de la procédure judiciaire intentée par la société Groupe [L] devant le tribunal de grande instance de Draguignan, en conséquence condamner la société Groupe [L] à verser à M.[P] [F] la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Groupe [L] à payer à M.[P] [F] la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Groupe [L] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, y compris ceux découlant des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d'exécution forcée, avec distraction des dépens d'appel au profit de la Selarl BOULAN CHERFILS IMPERATORE.

M.[P] [F] estime que la société Groupe [L] a fait pression sur lui pour qu'il obtienne l'accord des dirigeants de la société Noga Hôtel [Localité 5] pour prendre possession du Casino Riviera.

M.[P] [F] fait observer que cette procédure est une nouvelle procédure engagée par le Groupe [L], après un référé contre lui, dont elle a été déboutée, une procédure au fond devant le tribunal de commerce de Cannes contre Noga Hôtel, Casino Riviera et Financière [F], une procédure pénale.

M.[P] [F] fait observer qu'à titre personnel, il est totalement étranger au 'contrat du 9 août 1999' et que les sommes ne lui ont pas été versées à titre personnel.

M.[F] estime que le tribunal de première instance a statué ultra petita alors que la société Groupe [L] n'avait pas demandé que soit considérée comme une garantie à première demande la lettre du 2 juin 2000.

M.[F] fait observer que la société Groupe [L] a porté plainte contre lui. Il estime que le non lieu a autorité de chose jugée.

M.[F] estime que la société Groupe [L] n'est pas fondée à agir contre lui, alors que cette procédure ne le concerne pas à titre personnel, mais concerne la société Financière [F].

M.[F] fait observer qu'il n'a jamais signé de reconnaissance de dette.

Sur la demande de dommages et intérêts, M.[F] fait observer que la société Groupe [L] n'a pas subi de préjudice;

M.[F] fait valoir qu'une garantie ne peut être déclarée autonome que si son objet est autonome et indépendant de celui du débiteur principal, que son cautionnement a suivi le sort de la créance principale, qui est éteinte.

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 3 octobre 2012, la société anonyme Groupe [L] demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré la société Groupe [L] recevable et ayant intérêt à agir, a condamné M.[P] [F] à titre personnel à verser 762.245,09 € à la société Groupe [L], a condamné M.[P] [F] aux dépens, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile, mais dire que cette distraction aura lieu au bénéfice du seul avocat plaidant devant le tribunal comme devant la cour, M°Jean-Jacques TOUATI, le

jugement ayant indiqué le nom du postulant non plaidant M°[Z], point sur lequel il sera réformé, a débouté M.[P] [F] de toute demande reconventionnelle,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Groupe [L] du reliquat, et condamner M.[P] [F] à titre personnel à verser au Groupe [L] des intérêts de 762.245,09 € à compter du 13 septembre 1999 avec capitalisation des intérêts et non pas comme l'a jugé le tribunal de première instance seulement à compter du 11 avril 2007, subsidiairement la cour retiendra comme point de départ le 11 avril 2007,

- constater que M.[P] [F] à titre personnel a reconnu devoir et doit à la SA Groupe [L] la somme de 6.860.205,78 € et subsidiairement qu'il est garant autonome du règlement de ladite somme par la SA Financière [P] [F] à première demande, et qu'il lui en est fait demande, que cette garantie est un engagement nouveau distinct de l'obligation garantie,

- condamner M.[P] [F] à verser à la société Groupe [L] la somme de 6.860.205,78€ (45 millions de francs) au titre du principal, assortie du taux d'intérêt légal et de la capitalisation des intérêts (anatocisme) de l'article 1154 du code civil à compter du 13 septembre 1999, date du dernier versement ayant totalisé la somme ci-dessus indiquée règlement moins le cas échéant, si le jugement était confirmé quant aux dispositions de condamnation de M.[F], la somme de 762.245,09 €,

- condamner M.[P] [F] à verser à la société Groupe [L] la somme de 1.900.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, atteinte à l'image de la SA Groupe [L], mauvaise foi, tromperie, en raison de son comportement et de ses manoeuvres qui ont causé un préjudice à la SA Groupe [L] sur le fondement de l'article 1382 du code civil, dont les pertes et manque à gagner résultant de la privation d'une somme de ce montant privant la société d'investissements considérables et des profits en résultant nécessairement,

- condamner M.[P] [F] à verser à la société Groupe [L] la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M.[P] [F] de toutes ses demandes reconventionnelles y compris en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer la distraction des dépens au profit de la Selarl GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT, avocats postulants.

La société Groupe [L] estime avoir légitimement intenté cette action aux fins de respect par M.[P] [F] des engagements qu'il a pris devant le juge d'instruction, engagements rappelés dans l'arrêt de la chambre d'instruction du 12 novembre 2003.

La société Groupe [L] fait remarquer que M.[P] [F] n'était pas partie à la procédure commerciale ayant abouti à l'arrêt du 22 mai 2006 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui n'a de ce fait aucune autorité de chose jugée à son égard.

La société Groupe [L] estime que la procédure terminée par l'ordonnance de non-lieu n'avait pas le même objet que la présente procédure.

La société Groupe [L] expose que la société Grand Casino Riviera a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 octobre 2002 puis en liquidation judiciaire par jugement du 27 octobre 2003, que cette société avait perdu son autorisation de jeu. Elle précise que la société Noga Hôtels [Localité 5] a cédé à la société Financière [F] 14.994 des 15.000 actions de la société Grand Casino Riviera à la société Financière [F]. La société Groupe [L] explique que M.[P] [F], industriel de la télésurveillance, et ne parvenant pas à obtenir une autorisation de jeu, s'est alors tourné vers la société Groupe [L] et que c'est ainsi qu'il a été convenu que la société Financière [F] cède 51% des actions de la société Grand Casino Riviera, sous réserve d'une autorisation de jeu. Mais elle précise que cette autorisation ne fut pas accordée. Elle précise que c'est alors qu'est venue l'idée de la cession des éléments d'actifs de la société Grand Casino Riviera à la société Groupe [L]. La société Groupe [L] expose qu'en réalité le droit au bail a été restitué et les autres éléments d'actifs transférés à des tiers.

La société Groupe [L] estime que ces versements, 5 millions de francs, puis 40 millions de francs n'ont profité qu'à M.[P] [F]. Elle fait remarquer que M.[F] possède 309 parts sur 310 de la société Financière [F] et actionnaire majoritaire de la société Grand Casino Riviera dont il est le président du conseil de surveillance. Elle se prévaut des aveux de M.[P] [F] devant le juge d'instruction. Elle estime que cet aveu judiciaire en un acte authentique dispense du formalisme de l'article 1326 du code civil, qu'à tout le moins, cela vaut commencement de preuve par écrit.

La société Groupe [L] estime que la lettre d'engagement de M.[P] [F] du 2 juin 2000 correspond à une garantie autonome de M.[P] [F] signée par lui à titre personnel, avec deux fois sa signature pour la Financière [P] [F] et pour lui.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 6 décembre 2012.

MOTIFS,

-I) Sur la régularité du jugement :

M.[F] estime que le tribunal a statué ultra petita en retenant une garantie autonome pour 5 millions de francs ou 762.245,09 €, ce qui n'aurait pas été demandé par la société Groupe [L].

La société Groupe [L] avait évoqué dans ses conclusions en première instance la garantie en première demande de M.[F]. Le fait pour le tribunal d'avoir limité la condamnation à l'équivalent en euros de 5 millions de francs alors que la société Groupe [L] en demandait beaucoup plus ne correspond pas à une décision ultra petita.

Ce jugement est régulier

-II) Sur la chose jugée :

-II-1) chose jugée au pénal :

Une instruction contre X a été ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la société Groupe [L] pour escroquerie et abus de confiance.

Dans sa plainte la société Groupe [L] met en cause M.[P] [F], M.[Y] [K], M.[X] [K] et la société Financière [F].

La décision de non lieu de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris du 12 novembre 2003, confirmant l'ordonnance du juge d'instruction du 26 mars 2003, précise en ses motivations qu'en l'absence de preuve de toute manoeuvre frauduleuse ou de prise d'une fausse qualité, l'infraction d'escroquerie n'est pas caractérisée, et sur l'abus de confiance que la société Groupe [L] ne peut reprocher aux intéressés d'avoir utilisé l'argent remis à d'autres fins que celui prévu. La chambre d'instruction mentionne notamment que M.[P] [F] ne conteste pas devoir ladite somme ( 45 millions de francs) au Groupe [L].

La décision de non lieu ne dit pas que M.[F] ne doit pas d'argent au Groupe [L], elle dit que les éléments des infractions d'escroquerie ou d'abus de confiance ne sont pas réunis, même si la somme est reconnue due.

-II-2) chose jugée au civil :

La société Groupe [L] a diligenté une action contre la société du Grand Casino Riviera, la société Noga Hôtel [Localité 5] et la société Financière [F]

aux fins de voir dire parfaite la cession d'éléments d'actif entre la société Grand Casino Riviera et la société Groupe [L].

Elle a été déboutée demande cette action.

Le jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2ème chambre, en date du 22 mai 2006.

Ce litige avait un objet différent de celui dont le tribunal de grande instance de Draguignan a été saisi, et qui est en appel devant la présente cour.

-III) M.[P] [F], la société Financière [F], la société Casino Riviera :

La société Financière [F] a été constituée le 6 février 1999. Son siège est à Luxembourg.

Son capital social était constitué de 310 actions, dont 309 détenues par M.[P] [F] et une action par M.[B] [G].

Cette société ayant son siège dans un paradis fiscal, ayant pour objet la prise d'intérêts, sous quelque forme que ce soit, dans d'autres entreprises luxembourgeoises ou étrangères, ainsi que la gestion, le contrôle et la mise en valeur de ces participations correspond clairement à une société écran de l'activité financière de M.[P] [F].

Cette société Financière [F] a acquis 14.994 des 15.000 actions de la société Grand Casino Riviera, ou 99,97% de son capital.

M.[P] [F] est devenu le président du conseil de surveillance de la société Grand Casino Riviera.

M.[P] [F] détenait à la date des opérations litigieuses en 1999, plus de 99% de la société Financière [F] et, à travers celle-ci, plus de 99% de la société Grand Casino Riviera.

Il existe deux personnes morales indépendantes de la personne physique de M.[P] [F], mais il est clair que M.[P] [F] a une complète maîtrise de celles-ci.

M.[P] [F] a eu une totale maîtrise des fonds remis par la société Groupe [L] tant à la société Grand Casino Riviera pour cinq millions de francs en avril 1999 et à la société Financière [F] pour quarante millions de francs en août 1999.

Devant le juge d'instruction, le 16 décembre 2002, M.[P] [F] dit avoir utilisé les 45 millions de francs pour payer le licenciement du personnel de la société Grand Casino Riviera, alors que 40 millions avaient été versés non pas à la société Grand Casino Riviera mais à la société Financière [F]. M.[P] [F], dans ses déclarations fait aisément passer ces sommes d'argent d'une société à une autre, considérant qu'il s'agit de sommes que lui, [P] [F], gère librement.

-IV) Les déclarations de M.[P] [F] devant le juge d'instruction :

M.[P] [F] a été entendu , comme témoin assisté, le 16 décembre 2002, par Mme Françoise NEHER, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris.

Le procès verbal d'audition comprend des déclarations précises de M.[P] [F]:

le témoin (M.[P] [F]) : je suis assez consterné lorsque je constate le revirement de M.[H] qui dépose plainte au pénal contre moi alors que nous sommes amis depuis vingt ans et qu'il sait, puisque je lui encore redit il y a encore deux mois que je contestais par lui devoir les 45 MF qu'il m'a versés.....J'ai proposé à plusieurs reprises à M.[T] [L] un rendez vous chez le notaire pour fixer un plan de remboursement de la somme de 45 MF que je conteste pas lui devoir....$gt;$gt;.

Question au témoin : pourquoi n'avoir pas à ce jour restitué les 45 millions de francs '

Réponse :cette somme a été utilisée pour les licenciements auxquels j'ai procédé à la demande du Groupe [L] et c'est pourquoi, n'ayant plus cet argent, j'ai proposé au Groupe [L] de leur donner des garanties .....La réponse qui m'est faite aujourd'hui encore est que ce que veut obtenir le Groupe [L], c'est l'achat du Casino avec l'autorisation de l'exploiter$gt;$gt;

Question au témoin : Que deviendraient les 45 millions de francs si [L] devenait propriétaire du Casino ';

Réponse : Les 45 millions seraient déduits du prix d'achat au bénéfice de [L]$gt;$gt;.

Dans ce procès verbal M.[P] [F] reconnaît clairement devoir cette somme de 45 millions de francs au Groupe [L]. Devant le juge d'instruction, M.[P] [F] ne se retranche plus derrière ces sociétés, la Financière [F] ou la société Grand Casino Riviera, mais se dévoile. C'est clairement à titre personnel que M.[P] [F] reconnaît ces engagements financiers.

C'est d'ailleurs cette apparente sincérité qui l'a aidé à obtenir un non lieu alors que l'arrêt de la chambre d'instruction de Paris du 12 novembre 2003 mentionne qu'il s'ensuit que l'infraction d'abus de confiance alléguée à l'encontre de [P] [F] qui ne conteste pas, par ailleurs, devoir ladite somme au Groupe [L], n'est pas caractérisée$gt;$gt;.

Mais une fois ce non lieu obtenu, M.[P] [F] dénie sa parole donnée devant le juge d'instruction.

La confusion des comptes des sociétés, mentionnée plus haut, et l'aveu de M.[P] [F] par procès verbal devant le juge d'instruction, correspond à une reconnaissance de M.[P] [F] des sommes dues à la société Groupe [L].

Les formalités de l'article 1326 du code civil qui concernent la reconnaissance de dette par acte sous seing privé ne s'appliquent pas ici. Il s'agit d'un acte authentifié par un juge d'instruction, reçu dans ces conditions solennelles, avec des déclarations réitérées et précises de M.[P] [F].

M.[P] [F] sera condamné à payer à la société Groupe [L] la somme de 45 millions de francs soit 6.860.205,78 €;

Cette somme sera due avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure.

Celle-ci, du 12 avril 2007, a été reçue le 16 mai 2007, comme en fait foi l'avis de réception.

Elle sera assortie du taux d'intérêt légal de capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ainsi qu'il est demandé.

-V) La demande de dommages et intérêts de la société Groupe [L] :

Le préjudice moral dont se prévaut la société Groupe [L] n'est pas établi.

Quant au préjudice résultant du retard de M.[P] [F] pour respecter ses engagements il se confond avec ce qui est indemnisé par les intérêts et par les frais irrépétibles du procès.

Aucune condamnation à dommages et intérêts ne sera prononcée.

Par contre M.[F] paiera tous les dépens. Il indemnisera la société Groupe [L] de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 5 janvier 2012 par le tribunal de grande instance de Draguignan,

Statuant à nouveau,

Condamne M.[P] [F] à payer à la société anonyme Groupe [L] la somme de six millions huit cent soixante mille deux cent-cinq euros et soixante-dix-huit centimes (6.860.205,78 €) avec intérêts aux taux légal à compter du 16 mai 2007 et anatocisme,

Dit ne pas y avoir lieu à condamnation à dommages et intérêts,

Condamne M.[P] [F] à payer à la société anonyme Groupe [L] la somme de dix mille euros (10.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[P] [F] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 12/01262
Date de la décision : 31/01/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°12/01262 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-31;12.01262 ?
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