La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2013 | FRANCE | N°11/20653

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 16 janvier 2013, 11/20653


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2013



N°2013/18











Rôle N° 11/20653







FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS PENALES





C/



[S] [Z]

[L] [P] [A]

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE









































Grosse d

élivrée

le :

à :







Décision déférée à la Cour :



Décision rendue le 08 Novembre 2011 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE,





APPELANT



FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS PENAL...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2013

N°2013/18

Rôle N° 11/20653

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS PENALES

C/

[S] [Z]

[L] [P] [A]

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Décision rendue le 08 Novembre 2011 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE,

APPELANT

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS PENALES géré par le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, Avec le sigle FGAO, dont le siège social est [Adresse 8] - Pris en la personne de son représentant légal élisant domicile, en cette qualité, en sa délégation de [Localité 16] sise, [Adresse 7]

représentée par la SCP DESOMBRE M & J, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

INTIMES

Monsieur [S] [Z]

né le [Date naissance 4] 1977 à ([Localité 3]), demeurant [Adresse 2]

représenté par la SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE,

Madame [L] [P] [A], demeurant [Adresse 1]

représenté par la SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure BOURREL, Présidente et Madame Patricia TOURNIER, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de  :

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

Madame Chantal ACQUAVIVA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2013.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2013.

Signé par Madame Laure BOURREL, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Le 30 août 2008 à [Localité 16], M. [S] [Z] a été brûlé alors qu'il tentait de récupérer des affaires dans son véhicule qui s'était embrasé.

Il soutient qu'il a vu deux individus roder autour de sa voiture, qu'il est allé voir et qu'à cet instant, son véhicule a pris feu.

La procédure pénale a été classée sans suite aux motifs ' infraction insuffisamment caractérisée'.

Par requête reçue le 19 mai 2010, M. [S] [Z] et Mme [L] [P] épouse [Z] ont saisi la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales (CIVI) près le tribunal de grande instance de Marseille afin d'être indemnisés de leur préjudice.

Par déclarations du 5 et 12 décembre 2011, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (Fonds de garantie) a relevé appel de la décision du 8 novembre 2011 de la CIVI près le tribunal de grande instance de Marseille qui a :

' dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

' dit que M. [S] [Z] avait droit à la réparation intégrale de son préjudice du fait de l'existence d'une infraction à l'origine de son dommage,

' alloué à M. [S] [Z] une provision de 5'000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

' ordonné une expertise médicale confiée au docteur [O] [X],

' rejeté les demandes de Mme [L] [Z],

' réservé les dépens.

Par conclusions n° 5 du 7 novembre 2012, qui sont tenues pour entièrement reprises, le Fonds de garantie demande à la cour de :

« Recevoir en la forme l'appel du Fonds de garantie et au fond, y faisant droit, réformer la décision déférée.

Dire et juger que les faits dont a été victime M. [Z] relevant du chapitre premier de la loi du 5 juillet 1985, ils ne peuvent servir de base à une décision d'indemnisation rendue sur le fondement des articles 706 '3 et suivants du code de procédure pénale.

Débouter en conséquence M. [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Déclarer inopposable au Fonds de garantie la lettre adressée par l'expert de la Matmut à cet assureur dont il n'est pas possible de vérifier la pertinence et l'exactitude, et qui n'a pas été établi au contradictoire du Fonds de garantie.

Dire et juger que la photocopie produite permet uniquement de s'apercevoir que si la trappe à essence porte une trace d'effraction, cette effraction n'a pas été couronnée de succès et que la trappe n'a pas été ouverte.

Dire et juger que rien ne permet d'établir à quelle date cette tentative d'effraction a pu avoir lieu, d'autant que la trappe elle-même et la carrosserie à proximité n'ont pas été brûlées.

Dire et juger que ce document dont l'auteur procède par affirmations invérifiables n'est pas susceptible d'être utilement discuté par le Fonds de garantie qui n'a jamais pu faire examiner le véhicule par un mandataire de son choix ni vérifier la pertinence des affirmations du sieur [I] au regard des éléments matériels qu'il n'a pas pu faire constater par un technicien.

Dire et juger au surplus que ce document visiblement établi afin de permettre à l'assureur de refuser d'avoir à prendre en charge les conséquences du sinistre n'offre aucune garantie de fiabilité permettant d'asseoir une décision de justice.

Dire et juger en tout état de cause que ce document ne permet pas de caractériser l'intervention d'un tiers dans la survenance de l'incendie.

Dire et juger au surplus, que la localisation des brûlures de M. [Z], la simultanéité de l'explosion et de ses cris attestée par Mme [D], ainsi que sa présence inexpliquée au milieu de la nuit à proximité immédiate de la voiture garée dans une rue autre que celle où il demeure, ne permettent pas d'exclure qu'il soit à l'origine de l'incendie.

Dire et juger qu'il n'appartient pas au Fonds de garantie de rapporter la preuve de l'absence d'intervention d'un tiers dans la réalisation de l'incendie à l'origine des blessures de M. [Z].

Très subsidiairement, dire et juger que M. [Z] ne rapporte pas la preuve qui incombe, par application de l'article 9 du code de procédure civile, de ce qu'il ait été victime de faits présentant le caractère matériel d'une infraction occasionnée par un tiers, les circonstances dans lesquelles est survenu l'incendie du véhicule n'étant établies par aucun élément sérieux et objectif.

Dire et juger que les affirmations de M. [Z] selon lesquelles de la fenêtre de son immeuble, il aurait vu des rôdeurs tourner autour de son véhicule ce qui l'avait incité à descendre voir ce qui se passait, sont totalement invraisemblables eu égard à la configuration des lieux résultant d'un extrait du plan de la ville de [Localité 16] versé aux débats.

Dire et juger que les affirmations de M. [Z] dans sa requête introductive sont tout à fait invraisemblables et qu'il est matériellement impossible, en l'absence de tout dispositif de mise à feu différée, que des tiers aient pu provoquer un incendie, être surpris par M. [Z], prendre la fuite, être poursuivis par celui-ci, et que ce ne soit qu'à son retour auprès du véhicule que l'incendie se soit déclaré.

Dire et juger en conséquence que les conditions d'application de l'article 706 '3 ne sont pas réunies et débouter M. [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Laisser les dépens d'appel à la charge du Trésor Public avec distraction au profit de la SCP Desombre par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Débouter M. [Z] de sa demande tendant à la condamnation du Fonds de garantie aux dépens et au titre de l'article 700.

Dire et juger que les dépens et la somme éventuellement allouée au titre de l'article 700 sont à la charge du Trésor Public par application des articles 800 ' 1, R.91 et R. 92, 15° du code de procédure pénale. »

Par conclusions du 14 mai 2012, qui sont tenues pour entièrement reprises, monsieur et madame [Z] demandent à la cour de :

« Vu l'article 706 ' 3 du code de procédure pénale,

Vu les articles 1382 et 1353 du Code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 322 '6 et 322 '8 et suivants du code pénal,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

Dire et juger que les faits dont a été victime M. [Z] relèvent de l'application des dispositions de l'article 706 '3 du code de procédure pénale.

Dire et juger opposable et fiable le rapport d'expertise diligentée par l'assureur de M. [Z].

Dire et juger que le rapport d'expertise diligentée par l'assureur de M. [Z] fait état d'un acte de vandalisme.

Dire et juger que l'incendie dans lequel M. [Z] a été blessé est d'origine criminelle de sorte que l'existence d'une infraction à l'origine de son préjudice est démontrée.

En conséquence,

Confirmer la décision déférée.

Condamner l'appelant à la somme de 5'000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour procédure abusive et à la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner l'appelante aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Me Pierre Liberas par application de l'article 699 du code de procédure civile. »

L'instruction de l'affaire a été close le 14 novembre 2012.

Motifs

Mme [L] [P] épouse [Z] n'a pas formulé d'appel incident en ce qui concerne la demande dont elle a été déboutée en première instance.

Aux termes de l'article 706 ' 3 du code de procédure pénale toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne lorsque sont réunies les conditions énumérées au 1°, 2° et 3° du premier alinéa de cet article.

La victime doit donc établir la matérialité d'une infraction réalisée par l'intervention d'un tiers.

Le rapport établi par M. [N] [I], expert en automobile, mandaté par l'assureur de M. [Z], qui a été régulièrement communiqué et que le Fonds de garantie discute âprement, n'a pas lieu d'être écarté du débat puisque le principe de la contradiction a été respecté.

À l'appui de leurs prétentions, les consorts [Z] produisent la main courante établie par les services de police le 30 août 2008 qui mentionne qu'ils ont été avisés à 0 h 30 d'un incendie de véhicule situé au [Adresse 6], par Mme [G] [D] demeurant au 16 de la même rue.

Au paragraphe 'Résumé des faits', il est renseigné : « Incendie de véhicule avec un blessé grave. Le feu reste d'origine indéterminée ainsi que le rôle de la victime. Les MP (marins pompiers) ont circonscrit l'incendie et transporté la victime à l'hôpital de la [10] service des grands brûlés.... Un marteau et un briquet ont été découverts à proximité du véhicule. Deux témoins sur place... »

Le procès-verbal établi par M. [M] [F], gardien de la paix, mentionne que Mme [G] [D] qui a appelé les services de police, indique qu'elle a entendu une explosion provenant de la rue, qu'elle s'est penchée par la terrasse et qu'elle a aperçu un véhicule en feu à proximité duquel se tenait un individu en feu criant à l'aide.

Un deuxième témoin, M. [U] [R], demeurant au [Adresse 5], a confirmé les faits.

Ce procès-verbal précise que le véhicule est détruit par le feu, qu'un marteau se trouve au sol devant la portière côté passager ainsi qu'un briquet.

Enfin il est mentionné que la victime présente d'importantes brûlures au torse et dans le dos.

Toutefois, les auditions des deux témoins ne sont pas jointes à ce procès-verbal.

Le certificat médical initial établi par le docteur [H] [Y], du Centre [17], mentionne qu'à son admission le 30 août 2008, M. [S] [Z] présentait des lésions épidermiques intéressant 55 % de la surface corporelle totale, dont 35 % au 3e degré, que les lésions étaient localisées au niveau de la face, du cou, du thorax, de l'abdomen, du dos et de la totalité des deux membres supérieurs, que ces lésions étaient probablement associées à une inhalation de fumées, et qu'en l'absence de complications, l'ITT pouvait être estimée à un an.

Ce n'est que le 13 février 2009 que Mme [L] [P] épouse [Z] a déposé plainte.

Entendu par les services de police le 10 septembre 2010, M. [S] [Z] n'a pas explicité les faits et a juste précisé qu'il avait été entendu par trois fonctionnaires qui avaient fait le déplacement de [Localité 16] au centre de rééducation [14] à [Localité 12].

Les consorts [Z] produisent le rapport de M. [N] [I] déjà cité qui confirme, photographies à l'appui, que le véhicule présentait un incendie total au niveau de l'habitacle, que le compartiment moteur ne présente aucune anomalie pouvant laisser présager une panne mécanique, que la seule trace d'effraction constatée se situe au niveau de la trappe à essence, que l'examen confirme que l'origine de l'incendie est un acte criminel et qu'il ne peut être retenu qu'un acte de vandalisme.

L'origine des traces d'effraction sur la trappe à essence est sans incidence sur la mise à feu puisque cette partie du véhicule n'a pas brûlé.

Au demeurant, l'absence d'atteinte du moteur et la présence d'un marteau et d'un briquet démontrent que l'incendie qui a détruit le véhicule de M. [S] [Z] et qui est à l'origine de ses graves brûlures, est un incendie volontaire.

Ceci exclut l'application de la loi du 5 juillet 1985.

M. [S] [Z], dont l'audition apparaît avoir été égarée par les services de police, tout comme celles des deux témoins, explique dans ses écritures qu'il a vu deux individus près de son véhicule, qu'il s'est rendu auprès de celui-ci, qu'après avoir mis en fuite les deux individus, il avait constaté que sa voiture prenait feu et en voulant récupérer des affaires appartenant à sa fille, il avait ouvert la portière et avait été brûlé par un retour de flamme.

Mais les pièces produites ne permettent pas de confirmer qu'une des portières ait été ouverte et aucun des témoins n'a aperçu de personne prendre la fuite.

L'importance et la localisation des blessures sont aussi sujettes à interrogation.

Enfin, le Fonds de garantie remarque que monsieur et madame [Z] ne demeurent pas [Adresse 18], mais [Adresse 2] et qu'a priori, au vu du plan produit, de leur appartement, il n'est pas possible de voir dans la rue Loubon.

M. [S] [Z] n'explique plus dans ses dernières écritures à quel endroit il se trouvait lorsqu'il a vu les deux personnes près de son véhicule, à cette heure avancée de la nuit, (la requête initiale qui contenait cette précision n'est pas produite par les parties et le dossier de première instance n'a pas été transmis à la cour), et il ne répond pas à cet argument.

Nonobstant la gravité des blessures de M. [S] [Z], les pièces produites et les explications fournis sont insuffisantes pour retenir l'intervention d'un tiers dans la réalisation de cet incendie volontaire.

M. [S] [Z] sera débouté de sa demande et la décision entreprise sera réformée.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront mis à la charge du Trésor Public.

Par ces motifs

La cour,

Infirme la décision entreprise excepté en ce qu'elle a débouté Mme [L] [P] épouse [Z] de toutes ses demandes,

Et statuant à nouveau,

Déboute M. [S] [Z] de toutes ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Met les dépens à la charge du Trésor Public.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 11/20653
Date de la décision : 16/01/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°11/20653 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-16;11.20653 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award