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09/01/2013 | FRANCE | N°11/04004

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 09 janvier 2013, 11/04004


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 09 JANVIER 2013



N°2013/16





Rôle N° 11/04004







SA NAPHTACHIMIE





C/



[X] [J] veuve [W]

[H] [W]

CPAM DES [Localité 5]



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

FIVA









Grosse délivrée

le :



à :

Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE



SCP

TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS



CPAM DES [Localité 5]





















Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHO...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 09 JANVIER 2013

N°2013/16

Rôle N° 11/04004

SA NAPHTACHIMIE

C/

[X] [J] veuve [W]

[H] [W]

CPAM DES [Localité 5]

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

FIVA

Grosse délivrée

le :

à :

Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

CPAM DES [Localité 5]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 27 Août 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20500916.

APPELANTE

SA NAPHTACHIMIE, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [X] [J] veuve [W], demeurant [Adresse 10]

représentée par la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Mademoiselle [H] [W], demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

CPAM DES [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

représenté par Mme [P] [M] en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]

non comparant

FIVA, demeurant [Adresse 9]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette AUGE, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2013

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2013

Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[X] [J] et [H] [W] ont saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de leur mari et père [G] [W], soit la société NAPHTACHIMIE, dans le cadre d'un mésothéliome, maladie inscrite au tableau n° 30 des maladies professionnelles, contractée par celui-ci et dont il est décédé le [Date décès 2] 2004.

Le Tribunal par jugement en date du 27 août 2010, a fait droit au recours, et a notamment :

-ordonné la majoration de la rente au conjoint survivant, à son maximum,

-alloué à la succession la somme totale de 123 000 € au titre de l'action successorale,

-alloué à Madame [X] [J] la somme de 40 000 € et à [H] [W] la somme de 15 000 € en réparation de leur préjudice personnel,

-dit que la décision prise par la caisse primaire de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie de la victime est opposable à l'employeur.

Il est à préciser que le dispositif a omis de rappeler l'indemnisation de [H] [W] à hauteur de 15 000 € en réparation de son préjudice personnel, alors que précédemment décidée dans les motifs du jugement.

La société NAPHTACHIMIE a relevé appel de cette décision, le 1er mars 2011.

Le conseil de l'appelant conteste le caractère professionnel de la pathologie et du décès, sollicite à ce titre une consultation confiée au groupe MESOPATH du CHU de CAEN aux fins de donner son avis sur l'existence d'une maladie n° 30 D avec sursis à statuer, soulève également l'inopposabilité de la décision de la caisse pour non respect du principe du contradictoire de l'instruction, expose que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas réunis, et subsidiairement demande une diminution de l'indemnisation allouée par le premier juge.

Il sollicite l'infirmation en ce sens du jugement déféré.

Les consorts [J] [W] demandent la confirmation du jugement entrepris, y ajoutant, sollicitent l'allocation de l'indemnité forfaitaire, et demandent une somme pour chaque ayant droit en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté la Caisse entend obtenir la confirmation de la décision en ce qu'elle a déclaré opposable à la société NAPHTACHIMIE la reconnaissance de la maladie de Monsieur [G] [W], et ce, avec toutes conséquences de droit. Elle ajoute s'en rapporter sur la demande d'allocation forfaitaire.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.

La MNC régulièrement convoquée n'a pas comparu.

SUR CE

Attendu que [G] [W] a été employé par la société NAPHTACHIMIE du 28 août 1977 au 31 mai 2003 comme contremaître entretien mécanique, qu'à compter du 1er juin 2003 il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, qu'il est tombé malade en 2003 à l'âge de 57 ans avec diagnostic de mésothéliome, et est décédé des suites de cette pathologie le [Date décès 2] 2004 ;

Attendu que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de la maladie à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur exposait ses salariés ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;

Sur le caractère professionnel de la maladie et du décès :

Attendu qu'ainsi l'exposition au risque soulève la question du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident ; qu'il va de soi qu'il ne saurait y avoir reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur, s'il devait être admis que l'affection du salarié n'est pas d'origine professionnelle ; que la juridiction saisie d'une action en reconnaissance d'une faute inexcusable est ainsi en mesure de rechercher si la maladie ou l'accident a un caractère professionnel et si le salarié a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute ;

Attendu qu'il est à rappeler que l'absence de réserves portées par l'employeur sur la déclaration qu'il adresse à la Caisse quant au caractère professionnel de l'accident ne vaut pas reconnaissance tacite de sa part d'un tel caractère et ne le prive pas de la possibilité de le contester par la suite ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 452-4 du code de la sécurité sociale que le caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident peut être ainsi remis en cause lors d'une action en reconnaissance de faute inexcusable ; que dans ce cas le bénéfice de la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection reste toutefois acquis au salarié, en ce qui concerne ses relations avec la caisse ;

Attendu qu'en l'espèce la société NAPHTACHIMIE soulève une contestation de nature médicale « compte tenu du fait qu'un diagnostic de mésothéliome est excessivement difficile à poser », selon ses propres écritures ;

Attendu que par jugement avant dire droit du 17 juin 2008, le premier juge a ordonné une expertise médicale confiée au Professeur [C] qui a conclu le 18 mars 2009 dans le sens d'une « très haute probabilité de relation ' entre le décès de Monsieur [W] ' et la maladie asbestosique mésothéliale, telle que décrite dans les tableaux n° 30 et 30 B » ;

Que par la présente décision du 27 août 2010 dont appel, le premier juge a précisément analysé la motivation du rapport du Professeur [C], et fait ressortir à juste titre que celle-ci excluait toute ambiguïté dans « l'affirmation (de la) relation entre l'atteinte abdominale et l'asbestose » ;

Qu'en conséquence, la demande d'un nouvel avis expertal n'apparaît pas justifiée et sera rejetée ;

Qu'il y a ainsi lieu de rappeler que la caisse a pris en charge au titre professionnel la maladie de Monsieur [W], par décision du 12 juillet 2004 ;

Sur l'opposabilité à l'employeur de cette décision de prise en charge :

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'une instruction préalable a été diligentée par la caisse ;

Qu'il en découle ainsi que les exigences édictées par l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale et par la jurisprudence en la matière, jouent de leur plein effet et que la caisse, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ;

Attendu que la société employeur fait alors valoir que la décision de reconnaissance du caractère professionnel et de prise en charge susvisée lui serait inopposable, notamment en raison de ce que l'organisme n'aurait respecté ni son obligation d'information, ni le principe du contradictoire qui doit en être la conséquence nécessaire ;

Qu'elle fait ressortir qu'un délai de seulement trois jours lui aurait été imparti après avoir été informée, et qu'elle n'a ainsi pas été mise en mesure de faire valoir ses observations dans le cadre d'un délai suffisant ;

Attendu alors que la caisse répond que l'objet du litige en l'espèce ne consiste aucunement dans l'appréciation du caractère suffisant du délai imparti, mais dans le fait que la société NAPHTACHIMIE s'était désistée de son recours ; qu'ainsi, selon le principe de la chose précédemment jugée, ou décidée, la société employeur ne peut plus invoquer l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie ;

Attendu en effet, que conformément aux dispositions de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée, ou décidée, a lieu lorsque la chose demandée est la même, la demande fondée sur la même cause, et entre les mêmes parties ;

Attendu que le premier juge a rappelé que par lettre du 12 août 2004, la société NAPHTACHIMIE a fait connaître à la caisse qu'elle se désistait de son recours en date du 16 juillet 2004, formé devant la commission de recours amiable en contestation de la maladie professionnelle de [G] [W] ;

Que le désistement du 12 août 2004 étant irrévocable, le premier juge en a ensuite exactement déduit que ce désistement a conféré l'autorité de la chose décidée à la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, faisant obstacle à la présentation d'une nouvelle contestation ayant le même objet que la précédente, à laquelle il avait été renoncé ;

Qu'en conséquence, la décision prise par l'organisme social de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie de [G] [W] est opposable à la société employeur, et ce, avec toutes conséquences de droit concernant les éventuelles actions récursoires de la caisse telles que rappelées par le premier juge ;

Sur la faute inexcusable :

Sur l'exposition au risque d'amiante :

Attendu qu'il doit être établi que le salarié ait été exposé de façon habituelle de par son travail sur des matériaux dont les composants contenaient de l'amiante ;

Attendu que sont produits notamment cinq témoignages de Mrs [F], [D], [N], [U], et [V] ;

Que ces attestations sont non contestées dans leur teneur par la société intimée ; qu'elles ne sont pas toutes rédigées sur un même mode ; que Mr [F] atteste que le travail de la victime certes « consistait à faire exécuter ' », mais il précise que la victime « me remplaçait durant toutes mes absences » ; qu'ainsi, le caractère habituel de cette exposition a été apprécié à juste titre par le premier juge comme étant suffisamment caractérisé par ces diverses attestations ;

Sur la conscience du danger :

Attendu que la Cour ne peut tirer la preuve exigible, de cette conscience du danger, des seules considérations relatives à la réglementation générale préexistante à 1977, laquelle visait pour la question de l'amiante des catégories d'emplois spécifiques ' notamment de calorifugeage - en milieu confiné et exposé à l'inhalation des poussières, tels qu'apparus au tableau n° 30 des maladies professionnelles en 1950 et 1951 et qui ne concerne pas l'emploi de Monsieur [W]

Que l'évolution même du tableau n° 30 des maladies professionnelles établit à l'évidence que la conscience du danger a été extrêmement progressive puisqu'en 1945, seule était visée la filature des fibres d'amiante et le contact direct avec le matériau et que l'examen de la conscience du danger doit être opéré non seulement au regard des données scientifiques de l'époque, mais également de la législation en vigueur au moment des faits ;

Que cependant la réglementation a évolué à partir de la parution du décret du 17 août 1977 mettant à la charge des entreprises manipulant ce produit à l'air libre diverses obligations telles qu'établissement d'un taux de concentration maximum de fibres d'amiante dans l'atmosphère, contrôle régulier de l'atmosphère des lieux de travail, mise à disposition d'appareils respiratoires, conditionnement des déchets, information par l'employeur des salariés des risques encourus ;

Que dans ces conditions, même si pour une période antérieure l'absence d'une réglementation spécifique a pu permettre à des entreprises non spécialisées d'ignorer les dangers de l'amiante, les obligations nées du décret susvisé ne peuvent que conduire à considérer que la société NAPHTACHIMIE, de par son importance et son secteur d'activité, aurait dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante ;

Attendu qu'enfin, les mêmes attestations susvisées font ressortir que les salariés, dont [G] [W], n'avaient pas bénéficié de protection ni d'information concernant l'inhalation de poussières d'amiante ;

Que c'est à juste titre que le premier juge a reconnu la faute inexcusable de l'employeur ;

Sur l'indemnisation des ayants droit et l'allocation de l'indemnité forfaitaire :

Attendu que les ayants droit de la victime sollicitent la confirmation de la réparation de leurs préjudices, mais demandent l'allocation de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale ; que la caisse s'en rapporte à justice ; qu'il sera fait droit à cette demande ;

Qu'il y a lieu de rappeler l'indemnisation de [H] [W] à hauteur de 15 000 € en réparation de son préjudice personnel, omise dans le dispositif du jugement déféré, alors que précédemment accordée dans les motifs ;

Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en faisant droit au recours, et statuant tel que précisé ci-dessus, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée;

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Déclare recevable l'appel de la société NAPHTACHIMIE,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rappelle l'indemnisation de [H] [W] à hauteur de 15 000 € en réparation de son préjudice personnel,

Alloue l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 11/04004
Date de la décision : 09/01/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°11/04004 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-09;11.04004 ?
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