COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 08 JANVIER 2013
hg
N° 2012/2
Rôle N° 11/18502
[D] [N]
C/
[O] [I] [V] [S]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE
la SCP COHEN-GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 05 Octobre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02748.
APPELANT
Monsieur [D] [N]
né le [Date naissance 2] 1930 à [Localité 12], demeurant [Adresse 13]
représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Pierre ESCLAPEZ, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Pierric MATHIEU, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [O] [I] [V] [S]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 16], demeurant [Adresse 9]
représenté par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Bernard AZIZA, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2013,
Signé par Madame Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE:
[D] [N] est propriétaire d'un terrain situé à [Adresse 13], cadastré section AB n° [Cadastre 3].
[O] [S] est propriétaire de la parcelle de terrain située [Adresse 9] cadastrée section AB n° [Cadastre 4].
Le 4/5/2010, [O] [S] a fait assigner [D] [N] afin qu'il soit condamné à démolir le mur édifié sur son fonds, faisant obstacle à l'exercice d'une servitude de passage, et aux fins de remise de clés du portail permettant l'accès à ce passage de deux mètres de largeur lui permettant de rejoindre le chemin vicinal, et ce sous astreinte.
L'assiette du chemin litigieux correspond aux parcelles cadastrées AB [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 5].
Par jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 5/10/2011, il a été fait droit aux demandes de [O] [S] à l'encontre de [D] [N], et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard, au delà d'un mois après la signification du jugement, pendant un mois.
[D] [N] a été débouté de ses demandes reconventionnelles et a été condamné à payer 3 000 € à [O] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le premier juge a considéré qu'une servitude de passage bénéficiait à [O] [S] pour accéder à sa parcelle de terrain cadastrée AB n° [Cadastre 4] par les parcelles cadastrées AB [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 5].
Le 28/10/2011, [D] [N] a interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11/9/2011.
L'affaire a été renvoyée du 25/9/2012 au 12/11/2012 et évoquée à l'audience de ce jour.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 27/1/2012 auxquelles il convient de se référer, [D] [N] sollicite:
- la réformation du jugement,
- la condamnation de [O] [S] à lui payer 3 000 € de dommages et intérêts et 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour lui,
- l'acte du 8/3/1958 n'a créé qu'un droit de passage personnel, et non une servitude constituant un droit réel'; il n'y est pas question de fonds servant et dominant'; un simple rappel du patecq ne bénéficiant pas au lot 1 y est fait';
- le lot n°1 n'a jamais bénéficié du patecq puisqu'il avait un accès direct à la voie publique';
- les lots 2 et 3 ayant été rassemblés après le partage [A], la copropriété forcée du patecq a disparue;
- en 1974, un géomètre évoque un chemin commun et non une servitude de passage';
- deux notaires consultés ont estimé qu'il n'y avait pas de servitude de passage après étude des titres.
[O] [S], par ses dernières conclusions déposées au greffe le 27/3/2012, auxquelles il convient de se référer, sollicite:
- la confirmation du jugement,
- la condamnation de [D] [N] à lui payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il se prévaut essentiellement des actes du':
- 14/1/1942 intitulé «'convention pour déplacement de servitude'»';
- 8/3/1958 dressé par Maître [M], notaire à [Localité 12], lesquels auraient établi une servitude de passage entre les propriétés de leurs auteurs [Z], le concernant et [J] concernant [D] [N]';
- 27/5/1958 relatif au partage de la propriété [J] et rappelant le droit de passage au profit de la propriété [Z]';
- 7/1/1972 employant le terme de servitude à propos du droit de passage des consorts [Z]'.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le droit de passage de [O] [S]:
A l'origine, les fonds des deux parties constituaient une seule propriété, divisée pour la première fois en trois lots lors du partage du 4/12/1910 entre les héritiers de [P] [E] [A] .
Le lot 1 de ce partage est aujourd'hui propriété de [O] [S], et il serait le fonds dominant de la servitude de passage revendiquée .
Le fonds servant porterait sur les parcelles cadastrées AB [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 5], propriété de [D] [N].(lots 2 et 3 du partage initial)
Le lot 1 du partage de 1910 a successivement été transmis par préciput à [U] [W], fils de [P] [E] [A], puis aux époux [K], puis aux consorts [Z] le 26/3/1932, puis par adjudication du 22/10/1968 à [F] [S], puis par dévolution successorale à [H] [S], père de [O] [S] qui lui même, l'a reçu par donation du 28/4/2004.
Il n'était pas enclavé et bénéficiait d'un accès direct à la voie publique.
Les lots 2 et 3 étaient composés de deux maisons et de deux terrains non attenants, un patecq commun à ces deux lots s'étendant par deux mètres de large au sud, à l'ouest et au nord des habitations.
L'assiette de ce patecq correspond, pour les parties sud et ouest, à la servitude de passage revendiquée dans cette instance.
L'intégralité des lots 2 et 3 est progressivement devenue la propriété de [D] [N] qui les a acquis par trois actes en dates des 12/5/1975, 11/7/1985 et 16/6/1995, le lot 3 ayant été divisé lors d'un partage en date du 27/5/1958.
L'acte du 14/1/1942 intitulé «'convention pour déplacement de servitude'» revendiqué par [O] [S] comme ayant profité à son auteur a été conclu entre Madame [J] et Monsieur et Madame [Z], respectivement propriétaires des lots 3 et 2.
Il portait sur «'la servitude existante': aux termes d'un acte d'échange passé le 8/4/1931 par devant Maître [M], notaire... et enregistré... Monsieur et Madame [G], anciens propriétaires de la parcelle ont reconnu que la bande de terrain de 2 m de largeur, longeant le mur ouest de leur maison permet l'accès de la propriété de Madame [J] sur le chemin vicinal n°1... cette propriété n'ayant aucun autre accès sur la voie publique'»
L'acte d'échange du 8/4/1931 avait été établi entre Monsieur et Madame [G] (lot n°2) et les consorts [J] [C] (lot n°3).
L'acte du 14/1/1942 concernait donc les droits de passage de Madame [J] ( lot 3 ) sur le lot 2, et ne visait nullement le lot 1.
C'est donc à tort que [O] [S] s'en prévaut.
Le 8/3/1958, l'hoirie [Z] possédait les lots 1 et 2, ce dernier bénéficiant toujours du patecq modifié dans les conditions de l'échange du 8/4/1931 entre les époux [G] et les époux [J], respectivement propriétaires des lots 2 et 3, et inchangé à l'occasion de la vente [G]-[Z] du 10/7/1941.
Par conséquent, le 8/3/1958, l'indivision résultant du patecq subsistait sur l'assiette des droits de passage prévus.
Le 8/3/1958, alors que l'hoirie [Z] possédait les lots 1 et 2, et que l'hoirie [J] possédait le lot 3, une convention notariée est passée prévoyant':
«'1° les comparants, de part et d'autre, auront pour la desserte de leurs propriétés respectives les droits de passage les plus étendus
a) sur une bande de terrain de 2 m de largeur, ce pour moitié sur la propriété [Z] et pour moitié sur la propriété [J], donnant accès au chemin vicinal ordinaire n°5, ladite bande de terre, cadastrée section E, n° [Cadastre 8], pour 45 m², est portée sous une teinte jaune sur le plan annexé après mention,
b) et sur une petite parcelle de terrain d'1m 40 centimètres sur 2 m, prise en prolongement sud-ouest de la bande de terrain précitée, ladite parcelle, cadastrée section E, n° [Cadastre 8], pour 2 m² 80 dm², et portée sous teinte bleue sur le plan susvisé...
4° il existe, à l'extrémité nord-ouest de la propriété [J], une construction provisoire en bois, à usage de garage'; les hoirs [J] s'interdisent de développer les portes de ce garage sur la chaussée de la bande de terrain dont il est question ci dessus sis au nord dudit garage.
5° en outre, les comparants, de part et d'autre, s'interdisent de laisser aucun véhicule en stationnement dans les passages définis à l'article 1° ci-dessus...
Les comparants, de part et d'autre, auront la propriété et jouissance des droits cédés, à compter de ce jour, ils en supporteront également les charges de toute nature à compter de ce jour.'»
L'acte de partage en date du 27/5/1958 divise la propriété [J] ( lot 3 ) et rappelle les droits de passage découlant de la convention du 8/3/1958, en évoquant la «'servitude de passage'» ou le «'droit de passage au profit de la propriété [Z]'» .
Le chemin litigieux y est mentionné comme «'chemin commun entre deux'» et figure dans l'acte':
- dans sa partie orientée est-ouest, pour une moitié indivise grevée du droit de passage résultant de la convention du 8/3/1958, de même que la petite parcelle d'une superficie de 2,80 mètres.
- dans sa partie orientée nord-sud, comme propriété des consorts [Z] depuis l'acte du 10/7/1941, avec droit de passage des copartageants ( [J] ) résultant de la convention du 8/3/1958.
En se reportant à l'acte d'échange intervenu le 8/4/1931 entre les consorts [G] et les consorts [J],( propriétaires chacun d'une partie du lot 3 ), il est clairement exprimé que ces derniers ont cédé aux premiers leurs droits indivis sur la partie nord de la maison, entre celle-ci et le chemin vicinal, à l'exception toutefois de «'la bande de terrain de deux mètres de largeur longeant le mur ouest de la maison [G] et permettant d'accéder à la route'»
Il résulte de l'ensemble de ces actes que les droits indivis sur le chemin litigieux, prévus lors du partage initial de 1910 en faveur des lots 2 et 3 avec la mention d'un patecq sont demeurés indivis à l'exception de «'la partie nord de la maison (du lot 3), entre celle-ci et le chemin vicinal'», qui n'est pas en question dans le présent litige.
Les deux actes de 1958 consacrent des droits de passage réciproques entre d'une part, les lots 1 et 2 des consorts [Z], et d'autre part, le lot 3 des consorts [J].
L'acte du 8/3/1958 est conclu, alors que la bande de terrain servant d'assiette est restée indivise entre les lots 2 et 3, que les consorts [Z] réunissaient les lots 1 et 2, et que les parties se sont reconnu les droits de passage les plus étendus pour la desserte de leurs propriétés respectives, y compris le lot 1.
Les termes utilisés dans l'acte du 8/3/1958 sont les suivants': « les comparants, de part et d'autre, auront pour la desserte de leurs propriétés respectives les droits de passage les plus étendus sur une bande de terrain de deux mètres de large'»
La mention «'pour la desserte des propriétés respectives'» doit être privilégiée sur celle des «'comparants'» pour considérer que des droits réels grevant les propriétés, et non des droits personnels des comparants sont ainsi créés, avec des interdictions faites aux propriétaires d'ouvrir des portes de garage ou de stationner sur l'assiette du chemin de passage.
De plus, alors que les consorts [Z] bénéficiaient de fait et déjà d'un droit personnel de passage puisqu'ils réunissaient les lots 1 et 2, l'acte du 8/3/1958 ne peut s'analyser comme consacrant des droits personnels de passage qui existaient déjà , mais comme constitutif d'une servitude de passage, notamment au profit du lot 1.
Les actes postérieurs à 1958, et notamment les actes d'acquisition par [D] [N] font état':
- le 12/5/1975, lorsqu'il acquiert une partie du lot 3, «'de moitié indivise grevée d'un droit de passage au profit de la propriété des consorts [Z]'» ou «'de quart indivis grevé d'un droit de passage au profit de la propriété des consorts [Z]'» et rappelle expressément qu'il n'existe aucune autre servitude que celle créée par la convention du 8/3/1958 en en rappelant les termes.
- le 11/7/1985, à l'occasion de l'acquisition du lot n°2, aucune mention particulière ne figure, mais il est fait référence aux servitudes pouvant résulter des anciens titres.
- le 16/6/1995, lorsqu'il acquiert la deuxième partie du lot 3, «'de quart indivis de la bande de terrain'», et des servitudes pouvant résulter des anciens titres.
Les lots 1 et 2 des consorts [Z] ayant été vendus par adjudication le 22/10/1968, aucune mention de la transmission du droit de passage ne figure ni dans ce jugement, ni dans le cahier des charges.
Par conséquent, [D] [N] n'est pas fondé à contester le droit réel grevant sa parcelle et la décision l'ayant condamné à démolir le mur édifié sur l'assiette de la servitude de passage et à remettre à [O] [S] les clés du portail permettant l'accès à ce passage de deux mètres de largeur pour rejoindre le chemin vicinal, doit être confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne [D] [N] à payer 2 000 euros à [O] [S] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne également aux dépens d'appel qui seront distraits dans les conditions prévues par l'article 699 dudit code.
LE GREFFIERLE PRESIDENT