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20/12/2012 | FRANCE | N°12/03406

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 20 décembre 2012, 12/03406


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 20 DECEMBRE 2012



N° 2012/ 809













Rôle N° 12/03406







[L] [T]

SAS ATELIER GRENAILLAGE DE PROVENCE (AGP)





C/



[U] [B]





















Grosse délivrée

le :

à :

SCP PLANTARD

Me AYACHE















Décision déférée

à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 10 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011 00230.





APPELANTS



Maître [L] [T]

ès-qualités de mandataire liquidateur de la « SAS ATELIER GRENAILLAGE DE PROVENCE »

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5], demeurant [Adress...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 20 DECEMBRE 2012

N° 2012/ 809

Rôle N° 12/03406

[L] [T]

SAS ATELIER GRENAILLAGE DE PROVENCE (AGP)

C/

[U] [B]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP PLANTARD

Me AYACHE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 10 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011 00230.

APPELANTS

Maître [L] [T]

ès-qualités de mandataire liquidateur de la « SAS ATELIER GRENAILLAGE DE PROVENCE »

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5], demeurant [Adresse 8]

représenté par Me ROCHAS de la SCP PLANTARD / ROCHAS / VIRY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS ATELIER GRENAILLAGE DE PROVENCE (AGP),

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me ROCHAS de la SCP PLANTARD / ROCHAS / VIRY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [U] [B]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Serge AYACHE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Guy SCHMITT, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2012

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2012,

Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 10 février 2012 par le tribunal de commerce de Salon de Provence ;

Vu les conclusions déposées le 24 mai 2012 par Me [T], liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ATELIER GRENAILLAGE DE PROVENCE, appelant ;

Vu les conclusions déposées le 20 juillet 2012 par [U] [B], intimé ;

Vu l'avis du ministère public du 24 octobre 2012 ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;

Attendu que la société ATELIER GRENAILLAGE DE PROVENCE (AGP), dirigée par [U] [B] (le dirigeant), avait pour activité la peinture industrielle et le traitement de surface par grenaillage, sablage, micro sablage, billage et micro billage et a été déclarée en liquidation judiciaire le 28 avril 2008 ; que par jugement en date du 5 octobre 2009 le tribunal de commerce de Salon de Provence, tribunal de la procédure collective, a reporté la date de cessation des paiements au 1er septembre 2007 ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt d'appel qui a été cassé par la Cour de Cassation le 21 février 2012 au motif que n'avait pas été chiffré le montant du passif exigible à la date retenue; que maître [T], liquidateur désigné, a assigné le dirigeant le 21 mars 2011 afin de le voir condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif estimée à 206'185,86 € ; que par le jugement attaqué le tribunal de commerce de Salon de Provence a rejeté la demande;

SUR CE,

Attendu que l'état définitif des créances déposé le 29 janvier 2009 fait ressortir un passif d'un montant total de 302 700,16 € que le dirigeant, qui s'est abstenu d'émettre la moindre contestation, est malvenu à contester sans démonstration détaillée et étayée au motif que certaines créances auraient été évaluées de manière erronée ; que, l'actif réalisé se montant selon les renseignements non contestés fournis par le liquidateur à 96'514,30 €, l'insuffisance d'actif, comme soutenu par le liquidateur, est de 206'185,86 ;

Attendu que la date de cessation des paiements a été fixée au 1er septembre 2007 par un jugement du tribunal de commerce de Salon de Provence du 5 octobre 2009 confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence cassé le 21 février 2012 par la Cour de Cassation; que cet arrêt a été signifié à [U] [B] seul le 11 avril 2012, l'acte ayant été remis à sa soeur présente à son domicile ; qu'il n'en a pas reçu signification en sa qualité de représentant légal de la société AGP également demanderesse au pourvoi en cassation, son avocat ayant expliqué oralement que dans ces conditions il comptait saisir la cour de renvoi en se prévalant de l'irrégularité de la signification malgré l'expiration du délai de quatre mois imparti pour cette saisine; qu'il ne peut dès lors être retenu avec une certitude suffisante que le jugement du 5 octobre 2009, sur lequel le liquidateur se fonde pour reprocher au dirigeant de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements dans les 45 jours, est irrévocable;

Attendu que la société AGP clôturait son exercice le 31 mars de chaque année ; qu'une situation arrêtée au 30 septembre 2007 dont la sincérité n'est pas mise en doute fait ressortir des créances clients de 219'166 €, d'autres créances de 73'978 €uros et des disponibilités de 5'032 €, soit, en l'absence de provisions, un actif pouvant être considéré comme disponible de 298 176 €uros ; que le passif exigible à la même date, d'un total de 316 073 €uros, est constitué de7244 €uros d'emprunts à moins d'un an, de 4105 € d'emprunts et dettes financières diverses, de 122'468 € de dettes fournisseurs , et de 181'456 € de dettes fiscales et sociales ; que ce léger excédent de dettes, à considérer qu'il caractérise la cessation des paiements, n'est cependant pas d'une importance suffisante pour faire dégénérer l'absence de saisine du tribunal de commerce aux fins d'ouverture d'une procédure collective en faute de gestion justifiant la condamnation du dirigeant à supporter l'insuffisance d'actif, alors que les comptes au 30 septembre 2007 révèlent un bénéfice de 28'576 € et un résultat d'exploitation de 33'605 € qui pouvaient laisser espérer le redressement d'une situation qui n'était pas désespérée et s'était améliorée depuis le 31 mars 2007, date à laquelle la comparaison des mêmes postes révélait une insuffisance d'actif de 141 931 €uros ;

Attendu que l'évolution ultérieure des comptes de la société AGP jusqu'à l'ouverture de la procédure collective n'est pas connue ; que n'est notamment pas versé aux débats le bilan arrêté le 31 mars 2008 qui, de l'aveu du dirigeant, n'a pas été confectionné; que cette carence, que le dirigeant justifie par un certain nombre de considérations, notamment la disparition de documents par la faute d'un salarié, ne vaut pas cependant à elle seule démonstration d'une cessation des paiements plus de 45 jours avant sa déclaration au tribunal de commerce ;

Attendu que le liquidateur reproche également au dirigeant d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire, ce reproche ne paraissant guère fondé au vu des bilans des années 2004 à 2007 et de la situation au 30 septembre 2007 qui ne révèlent une perte d'exploitation qu'en 2004 et, pour les exercices ultérieurs, des résultats positifs, notamment le 30 septembre 2007, date à laquelle la situation fait ressortir un résultat d'exploitation positif de 33'605 € et un bénéfice de 28'576 €;

Attendu que le liquidateur met en doute la sincérité des documents comptables et de gestion de la société AGP en mettant en exergue des contradictions entre la balance fournisseur et le grand livre à la date du 31 mars 2007 s'agissant du compte de la société PEBI, l'inscription à l'actif, au 31 mars 2007, d'immobilisations dont la société AGP ne pouvait bénéficier dès lors qu'elle n'était titulaire que d'une convention d'occupation précaire, l'absence de déclaration au passif par la société PEBI de sa créance de 219'377,23 € jetant le doute sur la fiabilité des écritures comptables, et l'absence de remise par le dirigeant du bilan arrêté au 31 mars 2008 alors qu'il s'y était engagé, permettant de considérer qu'il n'est pas démontré que la comptabilité a été tenue correctement pour cet exercice;

Attendu qu'aucun de ces moyens n'est pertinent ; que les contradictions ou erreurs techniques éventuellement recelées par la comptabilité n'entretiennent aucun lien de causalité démontré avec l'insuffisance d'actif constatée ; que de la seule renonciation par la société PEBI à sa créance de plus de 200'000 € ne peut sans autre être déduite une irrégularité certaine ; que s'agissant enfin du bilan au 31 mars 2008, dont il ne pouvait être raisonnablement attendu qu'il soit établi à la date de prononcé de la liquidation judiciaire, il est établi, d'une part que les prestations correspondantes étaient fournies à la société AGP par la société PEBI moyennant finances, d'autre part que dès le 7 mai 2008 le dirigeant de la société AGP a averti le liquidateur de ce qu'un salarié nommément désigné avait subtilisé des documents, notamment commerciaux, de sorte que le liquidateur, qui n'a à aucun moment manifesté l'intention de rémunérer un comptable et n'a pas déposé plainte contre le salarié incriminé, ne peut reprocher cette abstention au dirigeant ;

Attendu que [U] [B] était également dirigeant de la société PEBI spécialisée dans la peinture et immatriculée au registre du commerce le 2 avril 1995 ; que cette société, alors qu'elle ne disposait que d'un bail précaire expirant le 31 août 2007 sur les locaux ultérieurement occupés par la société AGP, a accordé à cette dernière le 29 mars 2003, sur ces locaux et le matériel qu'ils abritaient, un bail de même nature expirant à la même date; que la société AGP a fixé son siège à cette adresse et s'est vu imposer tous les travaux de réparation, de mise en conformité et d'entretien, même ceux relevant de l'article 606 du Code civil ; qu'en 2005 et 2006 la société PEBI a facturé à la société AGP 81'197,63 €uros de travaux relatifs à l'aménagement de l'atelier, les factures révélant qu'à l'exception de la confection d'une dalle pour la pose d'un compresseur, il s'agissait de travaux d'amélioration et de confort, notamment de peinture, de carrelage, et de construction de magasins, bureaux, locaux et vestiaires ;

Attendu que d'un arrêt de la Cour de Cassation du 15 février 2005 il ressort que la société PEBI avait acquis le 11 octobre 2000 de deux autres sociétés la propriété des bâtiments concernés édifiés en vertu d'un bail à construction, et la société AGP la propriété des installations de grenaillage, sous la double condition suspensive de la cession du terrain par le Port Autonome de [Localité 6] et l'obtention du financement nécessaire et que, ces deux conditions ayant été réunies, l'arrêt confirmé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 avril 2003 a constaté la réalisation des conditions suspensives et dit que l'acte de vente devait être régularisé dans les 15 jours faute de quoi l'arrêt en tiendrait lieu ; qu'il est à présent certain qu'en réalité, et contrairement à ce qu'a retenu l'arrêt d'appel, le Port Autonome de [Localité 6] n'a pas cédé le terrain et refusé de renouveler le bail à construction à son terme du 31 août 2007, étant relevé que pour l'essentiel les explications fournies par [U] [B] quant aux causes de l'échec ne sont pas confortées par des preuves suffisantes ;

Attendu qu'encore que les pièces produites ne permettent pas de reconstituer l'évolution des pourparlers entre la société PEBI et le Port Autonome, l'arrêt de la Cour de Cassation conférait à la perspective de la cession du terrain et à la réunion des droits d'assiette et de construction entre les mains de la société PEBI une apparence de certitude qui ne peut être écartée rétrospectivement en considération du seul échec de l'opération ; que si les travaux litigieux, dont les premiers ont été facturés le 30 mai 2005, peuvent être replacés dans ce contexte, il n'en demeure pas moins que la société AGP n'a à aucun moment reçu la moindre assurance de la part de la société PEBI ' qui pourtant avait le même dirigeant' quant à la reconduction au-delà du 31 août 2007 de son bail dans lequel n'avait été insérée aucune clause afférente à la cession du terrain par le Port Autonome bien que le contentieux relatif à la cession fût déjà en cours ; que, sachant que les travaux en cause seraient acquis au terme du bail qui était fort proche, soit à la société PEBI, soit au Port Autonome, [U] [B] a ainsi commis, pour le moins, une imprudence grave constitutive d'une faute de gestion ;

Attendu que le liquidateur relève que la société PEBI a en outre réglé d'autres travaux et mis du personnel à la disposition de la société AGP; que la fictivité des prestations n'est cependant pas établie, le liquidateur se contentant d'affirmer sans le démontrer que la société AGP disposait du personnel susceptible de les exécuter ; que, surtout, il a laissé sans réplique argumentée les explications de détails fournies par [U] [B] quant à l'évolution, à la nature et au coût des travaux en cause dont le caractère justifié ou exagéré ne peut dès lors être retenu ;

Attendu que le liquidateur ne démontre pas davantage la fictivité de la mise à disposition de personnel; qu'il sera cependant relevé que la société PEBI a facturé à la société AGP la mise à disposition de [U] [B] comme dirigeant alors que ce dernier était l'associé unique et le dirigeant de droit de la société AGP seule débitrice d'une rémunération éventuelle quelle que fût sa nature ; que, [U] [B] mettant en avant l'absence de rémunération versée par la société AGP, le stratagème ainsi mis en évidence est fautif et constitutif également d'une faute de gestion qui a permis à la société PEBI, à tout le moins, d'encaisser 19'101 € au cours de l'exercice 2004 ;

Attendu que les fautes commises, qui ont eu pour conséquence des dépenses indues, ont contribué dans la mesure de leur montant à la détérioration des comptes et à la survenance de l'insuffisance d'actif ; que compte tenu de leur gravité la cour estime devoir mettre à la charge de [U] [B] une contribution à cette insuffisance de 80'000 € ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel régulier et recevable en la forme.

Au fond, infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau,

Condamne [U] [B] à payer à maître [T], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ATELIER DE GRENAILLAGE DE PROVENCE, à titre de contribution à l'insuffisance d'actif de cette société, une somme de 80'000 € avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Rejette la demande pour le surplus.

Condamne [U] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le condamne à payer à maître [T] es qualités une somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles.

Accorde aux représentants de maître [T] susceptibles d'y prétendre le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/03406
Date de la décision : 20/12/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°12/03406 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-20;12.03406 ?
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