La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2012 | FRANCE | N°11/17433

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 18 décembre 2012, 11/17433


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2012

jlg

N° 2012/509













Rôle N° 11/17433







[Y] [F]

[R] [F]





C/



COMMUNE D'[Localité 7]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Julien DUMOLIE



la SCP VOULAND-GRAZZINI













Décision

déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 21 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 51/11/9.





APPELANTES



Madame [Y] [F]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6], demeurant [Adresse 10]



Madame [R] [F]

née le [Date naissance 4] 1938 à [Localité 6], de...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2012

jlg

N° 2012/509

Rôle N° 11/17433

[Y] [F]

[R] [F]

C/

COMMUNE D'[Localité 7]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Julien DUMOLIE

la SCP VOULAND-GRAZZINI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 21 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 51/11/9.

APPELANTES

Madame [Y] [F]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6], demeurant [Adresse 10]

Madame [R] [F]

née le [Date naissance 4] 1938 à [Localité 6], demeurant [Adresse 10]

représentées par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

COMMUNE D'[Localité 7], prise en la personne de son Maire en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 8]

représentée par la SCP VOULAND-GRAZZINI, avocats au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Novembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2012,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Le 21 janvier 1999, le ministre chargé de l'aviation civile a conclu avec la commune d'[Localité 7], une convention avec mutation domaniale ayant pour objet de fixer les conditions d'aménagement, d'entretien et d'exploitation de l'aérodrome de [Localité 7], en application de l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile.

Par acte du 24 avril 1999, complété par acte du 6 mai 1999, l'association des utilisateurs de la plate-forme aéronautique de [Localité 7] (l'AUPASE) a conclu avec Mmes [R] [F] et [Y] [F], une convention pluriannuelle de pâturage d'une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction pour une durée de trois ans, portant sur les parcelles cadastrées section DR n° [Cadastre 5] et section BX n° [Cadastre 1] et [Cadastre 3] d'une superficie totale de 130 hectares, moyennant un loyer annuel de 26 000 francs.

Le 18 mai 1999, la commune d'[Localité 7] a conclu avec l'AUPASE une convention aux termes de laquelle elle lui a confié la gestion de l'aérodrome.

La commune d'[Localité 7] leur ayant demandé de quitter les lieux, Mmes [F] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon le 9 août 2000.

Le 27 avril 2001, un protocole d'accord a été conclu entre Mmes [F], l'AUPASE, représentée par son président, et la commune d'[Localité 7], représenté par son maire, dans les termes suivants :

« Il a été convenu ce qui suit :

1- La convention entre l'AUPASE et Mesdames [F] continuera jusqu'à son échéance, à savoir le 6 mai 2004,

2- Une nouvelle convention pluriannuelle sera signée entre la commune et Mesdames [F] après le 6 mai 2004,

3- Les parties acceptent de ne plus ester en justice sur ce dossier et d'informer le tribunal de cet accord. »

Le 5 novembre 2001, la commune d'[Localité 7], représentée par son maire, et l'AUPASE, représentée par son président, ont conclu avec Mme [Y] [F] une convention pluriannuelle de pâturage d'une durée de cinq ans à compter du 5 novembre 2001, renouvelable pour trois années par tacite reconduction, à défaut de dénonciation, six mois avant son terme, par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette convention, qui a été conclu moyennant un loyer annuel de 26 000 francs, porte également sur les parcelles DR [Cadastre 5], BX [Cadastre 1] et BX [Cadastre 3].

Par lettre du 24 avril 2009, la commune d'[Localité 7] a donné congé à Mme [Y] [F] pour le 5 novembre 2009.

Le 3 mars 2010, Mme [Y] [F] et Mme [R] [F] ont contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon.

Par acte extrajudiciaire du 4 juin 2010, la commune d'[Localité 7] a délivré un autre congé à Mmes [Y] et [R] [F] pour le 10 décembre 2010.

Par jugement du 21 septembre 2011, le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a :

-déclaré le congé du 24 avril 2009 régulier,

-dit que ce congé produira tous ses effets,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-condamné Mmes [F] aux dépens.

Mme [Y] [F] et Mme [R] [F] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 octobre 2011.

Aux termes de leurs conclusions du 10 avril 2012, auxquelles il convient de se référer et qui ne font que reprendre les prétentions qu'elles ont développées oralement, elles demandent à la cour :

-de réformer le jugement entrepris,

-à titre principal,

-vu les articles L. 411-1 et L. 481-1 du code rural,

-de dire et juger que le montant du fermage acquitté par elles ne correspond pas aux prescriptions de l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2009, ni à celles de l'arrêté du 27 mars 1997,

-dès lors, de dire qu'elles sont co-titulaires d'un bail rural au sens des dispositions de l'article L. 411-1 et suivants du code rural, sur les parcelles DR [Cadastre 5], BX [Cadastre 1] et BX [Cadastre 3] pour une superficie de 130 ha,

-de dire et juger que ce bail est d'une durée de 9 ans et se renouvellera pour une même durée,

-dès lors, d'annuler le congé du 27 avril 2009 ainsi que celui du 4 juin 2010,

-à titre subsidiaire,

-vu le protocole d'accord du 27 avril 2001,

-vu les articles 1134 et suivants du code civil,

-d'écarter la convention du 5 novembre 2001,

-de dire et juger qu'elles sont occupantes à juste titre des parcelles DR [Cadastre 5], BX [Cadastre 1] et BX [Cadastre 3] depuis le 6 mai 2004 au 6 mai 2009,

-de dire et juger que faute de congé délivré le 6 décembre 2008, leur droit d'occupation s'est renouvelé pour trois ans, soit jusqu'au 6 mai 2012 et au-delà faute de congé valablement délivré avant le 6 décembre 2010,

-dès lors, d'annuler purement et simplement le congé du 24 avril 2009 ainsi que celui du 4 juin 2010,

-de débouter la commune d'[Localité 7] de sa demande d'indemnité d'occupation comme étant irrecevable et infondée,

-de condamner la commune d'[Localité 7] à leur payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle exposent notamment :

-que la convention du 5 novembre 2001 n'est pas opposable à Mme [R] [F],

-que la convention pluriannuelle de pâturage doit être requalifiée en bail rural car si l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2009 prévoit pour les coussouls et marais de Crau un minimum de 10 euros et un maximum de 40 euros, M. [O], expert agricole et foncier a classé les 130 hectares loués dans la catégorie « parcours au sec, coussouls », et a estimé que leur valeur locative ne saurait être supérieure à 20 euros l'hectare,

-que selon le tribunal, l'arrêté de 1997 prévoyant un minimum par an et par hectare de 100 francs et un maximum de 200 francs, le loyer de 26 000 francs pour 130 hectares serait conforme,

-que ce raisonnement est toutefois critiquable dans la mesure où il ne suffit pas que le loyer ne dépasse pas le maximum pour être valable et qu'il doit correspondre à la qualité des herbages loués.

Aux termes de ses conclusions du 14 avril 2008, auxquelles il convient de se référer et qui ne font que reprendre les prétentions qu'elle a développées oralement, la commune d'[Localité 7] demande à la cour :

-de constater que le congé du 24 avril délivré pour le 5 novembre 2009 est régulier et doit produire tous ses effets,

-de constater que depuis le 6 décembre 2010, Mmes [F] occupent sans droit ni titre les terrains cadastrés DB [Cadastre 5], BX [Cadastre 1] et BX [Cadastre 3] et par conséquent de les condamner à lui verser la somme de 3 963,73 euros à titre d'indemnité d'occupation, à réévaluer au jour de la décision à intervenir,

-de rejeter l'ensemble des demandes de Mmes [F],

-de les condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient notamment que le protocole dont se prévalent Mmes [F] ne saurait produire le moindre effet juridique dans la mesure où il est entaché de nullité du fait que le conseil municipal n'avait pas autorisé le maire à le signer et qu'il n'a pas été ratifié par la suite par cette assemblée

Motifs de la décision :

L'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime dispose :

'Les terres à vocation pastorale situées dans les régions définies en application de l'article premier de la loi n° 72-12 du 3 janvier 1972 relative à la mise en valeur pastorale peuvent donner lieu pour leur exploitation :

-soit à des contrats de bail conclus dans le cadre du statut des baux ruraux ;

-soit à des conventions pluriannuelles d'exploitation agricole ou de pâturage. Ces conventions peuvent prévoir les travaux d'aménagement, d'équipement ou d'entretien qui seront mis à la charge de chacune des parties. Elles seront conclues pour une durée et un loyer inclus dans les limites fixées pour les conventions de l'espèce par arrêté du représentant de l'Etat dans le département après avis de la chambre d'agriculture.' 

Par arrêté du 27 mars 1997, le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, prévu que les conventions pluriannuelles de pâturage ne pourront être conclues pour une durée inférieure à cinq ans au-delà de laquelle le contrat pourra se renouveler par tacite reconduction triennale, sauf à l'une des parties, soit à l'expiration du contrat initial, soit à l'expiration d'une des périodes triennales, d'y mettre un terme en signifiant son congé par lettre recommandée avec accusé de réception six mois avant l'expiration de la période considérée, d'autre part, fixé entre un minimum de 100 francs et un maximum de 200 francs la valeur locative par hectare des terres louées lorsque celles-ci sont des coussouls de Crau comme c'est le cas en l'espèce.

Selon l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal peut déléguer au maire dix sept missions, parmi lesquelles figure celle de conclure des baux pour une durée n'excédant pas douze ans.

Mmes [F] produisent le compte rendu de la séance du conseil municipal du 29 mars 2001 (pièce n° 16), duquel il résulte que lors de cette séance, « le conseil municipal a délégué au maire les 17 points énumérés à l'article 2122-22 du code général des collectivités territoriales ».

Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune d'[Localité 7], son maire avait bien le pouvoir de conclure en son nom le protocole du 27 avril 2001.

La commune d'[Localité 7] ayant, par ce protocole, ratifié la convention conclue par l'AUPASE les 24 avril 1999 et 6 mai 1999 sans modifier les conditions de son renouvellement, la nouvelle convention pluriannuelle que les parties avaient prévu de signer après le 6 mai 2004, ne pouvait avoir qu'une durée de trois ans.

La convention du 5 novembre 2001, conclue uniquement avec Mme [Y] [F], n'est pas opposable à Mme [R] [F] qui est en droit de se prévaloir du protocole du 27 avril 2001.

La convention ratifiée par la commune d'[Localité 7] le 27 avril 2001, s'est renouvelée tacitement pour un durée de trois ans le 6 mai 2007.

Le congé du 24 avril 2009, délivré à Mme [Y] [F], n'a pu produire d'effet à l'égard de Mme [R] [F], en sorte que cette convention s'est encore renouvelée tacitement le 6 mai 2010 pour une durée de trois ans.

Le loyer prévu par la convention du 27 avril 2001 a été librement fixé par les parties dans les limites fixées par l'arrêté préfectoral du 27 mars 1997, et ce loyer reste de surcroît dans les limites fixées par le nouvel arrêté du 17 novembre 2009 qui prévoit un minimum de 10 euros et un maximum de 40 euros pour les coussouls de Crau. La demande de Mmes [F] tendant à ce que la convention pluriannuelle de pâturage les liant à la commune d'[Localité 7] soit qualifiée de bail rural, n'est donc pas fondée.

Le congé signifié à Mme [Y] [F] et à Mme [R] [F] le 4 juin 2010 ne pouvait être donner pour le 6 décembre 2010, la convention renouvelée le 6 mai 2010 expirant le 6 mai 2013. Ce congé n'est toutefois pas nul mais ses effets doivent être reportés à cette date.

Par ces motifs :

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau ;

Dit qu'aux termes du protocole du 27 avril 2001 la commune d'[Localité 7] a valablement ratifié la convention pluriannuelle de pâturage conclue les 24 avril et 6 mai 1999 entre, d'une part, l'AUPASE, d'autre part, Mmes [Y] [F] et [R] [F] ;

Dit que la convention pluriannuelle de pâturage conclue le 5 novembre 2001 entre la commune d'[Localité 7] et Mme [Y] [F] n'est pas opposable à Mme [R] [F] ;

Dit que le congé donné le 24 avril 2009 à Mme [Y] [F] pour le 5 novembre 2009 n'est pas opposable à Mme [R] [F] et ne peut avoir d'effet ;

Déboute Mmes [Y] [F] et [R] [F] de leur demande tendant à ce que la convention pluriannuelle de pâturage les liant à la commune d'[Localité 7] soit requalifiée en bail rural au sens des dispositions de l'article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Dit que le congé donné le 4 juin 2010 à Mme [Y] [F] et à Mme [R] [F] n'est pas nul mais qu'il ne pourra avoir d'effet que le 6 mai 2013, date d'expiration de la convention renouvelée tacitement le 6 mai 2010 ;

Dit en conséquence que Mmes [Y] [F] et [R] [F] pourront occuper jusqu'au 6 mai 2010 les parcelles faisant l'objet de la convention pluriannuelle de pâturage les liant à la commune d'[Localité 7] ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune d'[Localité 7] à payer la somme de 1 500 euros à Mmes [Y] [F] et [R] [F], prises ensemble ;

Condamne la commune d'[Localité 7] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/17433
Date de la décision : 18/12/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°11/17433 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-18;11.17433 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award