COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
6e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 18 DÉCEMBRE 2012
N°2012/709
Rôle N° 11/16174
[L] [X]
C/
[T] [U] épouse [X]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge aux affaires familiales de TOULON en date du 11 Août 2011 enregistré au répertoire général sous le n° RG 06/0487.
APPELANT
Monsieur [L] [X]
né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4]
représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Aurore BOYARD-BURGOT, avocat plaidant au barreau de TOULON
INTIMÉE
Madame [T] [U] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]
représentée par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Cécile GERMANI, avocat plaidant au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2012, en Chambre du Conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annie DABOSVILLE, Présidente, et M. Jean-Jacques BAUDINO, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Annie DABOSVILLE, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Annie DABOSVILLE, Présidente
Madame Chantal HUILLEMOT-FERRANDO, Conseiller
M. Jean-Jacques BAUDINO, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2012.
Signé par Madame Annie DABOSVILLE, Présidente et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
[L] [X] et [T] [U] se sont mariés le [Date mariage 2] 1999, sans contrat préalable. Aucun enfant n'est issu de leur union.
Mme [U] a déposé une requête en divorce le 31 août 2006.
Vu l'ordonnance de non conciliation rendue le 11 avril 2007, confirmée par arrêt du 20 février 2008, qui a notamment:
* attribué la jouissance du domicile conjugal à l'époux ( bien propre)
* attribué à l'épouse la jouissance du chien ( bichon maltais)
* alloué à l'épouse une pension alimentaire de 750 euros au titre du devoir de secours,
Selon acte du 24 août 2009, M. [X] a fait assigner Mme [U] en divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil.
Vu le jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de TOULON, le 11 août 2011, qui a notamment:
* prononcé le divorce des époux aux torts partagés
* fixé les effets du divorce entre époux, quant à leurs biens, à la date de l'ordonnance de non conciliation
* condamné M. [X] à payer à Mme [U], la somme de 72.000 euros, soit comptant, soit en 96 mensualités de 750 euros, à titre de la prestation compensatoire,
* débouté les parties du surplus de leurs demandes
* partagé les dépens par moitié,
Vu l'appel interjeté par [L] [X], le 20 septembre 2011,
Vu les dernières conclusions déposées par l'appelant, le 30 octobre 2012, par lesquelles il demande de réformer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de:
* prononcer le divorce aux torts de l'épouse
* dire n'y avoir lieu à prestation compensatoire
* débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes
* condamner l'intimée à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître BOULAN, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées par l'intimée, le 20 janvier 2012, par lesquelles elle demande de:
* prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'époux
* condamner M. [X] à lui payer une prestation compensatoire d'un montant de 130.000 euro à titre principal et subsidiairement sous forme d'une rente mensuelle viagère de 1.000 euros avec indexation
* en toutes hypothèses dire que M. [X] devra souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital
* condamner M. [X] à lui payer une avance sur communauté de 69.374 euros
* condamner M. [X] à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts
* condamner l'appelant à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN, GUEDJ, Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 novembre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité, par ailleurs non contestée, de l'appel; qu'il sera déclaré recevable;
Sur le divorce
Attendu qu'à titre liminaire, il sera rappelé aux parties que les attestations de leurs enfants respectifs sont irrecevables aux termes de l'article 259 du code civil; qu'elles seront donc écartées des débats comme elles l'avaient été en première instance; que l'attestation de M. [R], relatant les allégations des deux fils nés de son union avec Mme [U] sera également écartée en application du même article;
Attendu par ailleurs qu'il a également été rappelé, ce que la cour confirme, que les mains courantes et plaintes ne donnant pas lieu à poursuites pénales ne font que reprendre ce qu'indique leur auteur aux fonctionnaires de police et n'ont donc aucun caractère probant;
Sur la demande principale de l'époux
Attendu que M. [X] fonde sa demande en divorce pour fautes, substituée à sa demande initiale en divorce pour altération définitive du lien conjugal, sur le comportement provoquant et indécent de son épouse en public lorsqu'elle était alcoolisée, sur le rejet manifestée par cette dernière de la famille de l'époux et particulièrement de ses deux fils. Il lui reproche enfin d'être à l'origine de plaintes infondées pour des faits qu'il n'avaient pas commis et pour lesquels il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel et relaxé;
Attendu que, par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, le tribunal a retenu que plusieurs témoignages émanant d'amis du couple et de membres de la famille relatent les moqueries, les propos insultants et remarques désobligeantes de Mme [U] envers son époux en présence de tiers et parfois sous l'emprise de l'alcool ainsi que son comportement provoquant et indécent envers les hommes, sous les yeux de l'époux, conduite corroborée par les photographies versées au débat;
Attendu par ailleurs que les membres de la famille de M. [X] attestent de ce que Mme [U] refusait de les recevoir à leur domicile de sorte que lorsqu'ils rendaient visite à leur frère et cousin, ils devaient séjourner à l'hôtel alors que la maison de M. [X] aurait permis de les héberger et que Mme [U] y recevait régulièrement les membres de sa propre famille; que Mme [E] témoigne que [M] était contraint de rencontrer M. [X], son père, sur une aire d'autoroute lorsqu'il venait de [Localité 11] pour le voir;
Attendu que ces griefs constituent des fautes au sens de l'article 242 du code civil rendant intolérable le maintien de vie commune;
Sur la demande reconventionnelle de l'épouse
Attendu que Mme [U] fait grief à M. [X] d'avoir été violent et injurieux envers elle-même et envers ses deux fils ainsi que d'avoir entretenu une relation adultère;
Attendu que, par une analyse fondée en droit et pertinente, le tribunal a écarté les témoignages des fils de Mme [U] ainsi que celui du père des deux enfants qui relaye leurs propos, rappelé qu'aucune suite judiciaire n'a été donnée à la plainte pour harcèlement et menaces déposée par Mme [U] le 2 novembre 2006 ni à celle pour violences conjugales déposée le 11 mars 2007, retenu qu'en l'absence de détermination objective de l'origine des troubles anxieux à l'origine du traitement et de la psychothérapie suivis par Mme [U] depuis 2001, ces troubles ne peuvent être imputés à l'époux, qu'aucun grief de violence n'est établi à l'encontre de M. [X], lors du départ de Mme [U] du domicile conjugal le 2 juin 2007 et enfin que, par jugement du 29 juin 2010, M. [X] a été relaxé des poursuites pour faits de violences ayant donné lieu à la plainte déposée par son épouse le15 novembre 2006;
Attendu que Mme [B] indique avoir été présente au domicile de Mme [U] lorsque Mme [Y] lui a téléphoné pour révéler à cette dernière qu'elle avait repris des relations avec son mari depuis l'année 2000; que par courriel adressé à M. [X] le 6 juin 2008, Mme [Y] affirme qu'elle avait été bernée par Mme [U] qui aurait joué la femme martyrisée pour l'attendrir et que son témoignage était mensonger; que le dit témoignage n'est donc pas probant de sorte que le grief d'adultère ou à tout le moins de comportement injurieux, reproché à l'époux n'est pas établi;
Attendu cependant que les témoignages de mesdames [B] et [V] relatent des propos humiliants et insultants proférés, en public et notamment devant les membres de la famille de l'épouse par M. [X] à l'encontre de cette dernière ainsi que de l'attitude méchante de l'époux à l'encontre de l'un des fils de Mme [U], lorsqu'il était adolescent;
Attendu que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce des époux [X]/[U] aux torts partagés;
Sur la demande indemnitaire de Mme [U]
Attendu que l'article 1382 du code civil peut être invoqué par l'époux qui justifie d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal et qui peut résider notamment dans les circonstances de la rupture; que Mme [U] n'établit pas avoir subi un préjudice de nature à lui permettre de recevoir réparation sur le fondement du dit article; que sa demande indemnitaire sera rejetée;
Sur la demande d'avance sur communauté
Attendu qu'il n'est pas contesté devant la cour que le relevé de compte daté du 15 décembre 2006 faisant état d'un actif communautaire mobilier de 1.024.514 euros est un faux grossier; qu'il résulte en outre de l'attestation du directeur de l'établissement bancaire qui détient les comptes que le solde des comptes était en réalité de l'ordre de 18.000 euros, en décembre 2006;
Attendu que, par des motifs que la cour approuve, le tribunal a retenu que les droits respectifs des époux ne pourront être déterminés que dans le cadre de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux puisqu'aucun élément ne permet d'établir quelle était la situation des comptes dont les époux étaient titulaires au jour de leur mariage, ni de cette situation à la date de l'ordonnance de non conciliation et quelle est la nature, propre ou commune, des actifs;
Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande d'avance sur communauté;
Sur la prestation compensatoire
Attendu qu'aux termes des articles 270, 271 et 272 du code civil, la prestation compensatoire que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux; qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible;
Que pour déterminer les besoins et ressources, il est tenu compte notamment de la durée du mariage, de l'âge et de la santé des époux, de leur qualification et situation professionnelles, des conséquences des choix professionnels faits pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps consacré ou qu'il faudra encore y consacrer, des droits existants et prévisibles, de leur patrimoine, estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenus, après liquidation du régime matrimonial et enfin de leur situation respective en matière de pensions de retraite;
Attendu qu'il convient en outre de rappeler que la prestation compensatoire tend à compenser, autant que possible, la disparité créée par la rupture du mariage mais non à assurer l'égalité des situations économiques des ex-conjoints;
Attendu qu'en l'espèce, le mariage a duré 12 ans dont huit ans de vie commune, étant précisé que le concubinage est un choix de vie qui exclut tout engagement et ne peut donc être pris en compte dans le cadre des critères de la prestation compensatoire. Ils n'ont pas d'enfant commun et n'ont pas acquis de bien immobilier. Les époux sont respectivement âgés de 53 ans pour la femme et de 68 ans pour le mari;
Attendu que leurs situations économiques respectives sont les suivantes:
* M. [X] perçoit une pension de retraite mensuelle de 4.489 euros, la somme mensuelle de 200 euros environ au titre de ses revenus mobiliers et de 248 euros au titre de ses revenus fonciers nets( respectivement 2.391 euros et 2.976 euros déclarés selon l'avis d'impôt 2012 sur les revenus de 2011).
Il réside dans un bien immobilier lui appartenant en propre dont la valeur a été estimée entre 400.000 et 420.000 euros et possède un appartement à [Localité 12], évalué à 210.000 euros dont la valeur locative serait de 890 euros par mois.
Il déclare être titulaire de placements mobiliers à hauteur de 149.620 euros
* Mme [U] perçoit un salaire mensuel moyen de 1.157 euros en qualité de secrétaire et règle un loyer de 856 euros, provisions pour charges incluses.
Elle avait déclaré disposer d'un capital mobilier de 165.000 euros devant la cour, lors de l'arrêt du 20 février 2008 puis de 102.000 euros dans sa déclaration sur l'honneur datée du 9 janvier 2010.
Dans sa déclaration sur l'honneur déposée le 12 juillet 2012, Mme [U] ne fait mention ni de son patrimoine mobilier ni des revenus qu'elle en tire nécessairement alors que sa déclaration fiscale du 6 juillet 2012 fait état des revenus mobiliers suivants: 492 euros de revenus des actions et parts, 1.601 euros de produits d'assurance-vie et 2.093 euros de placements soumis à prélèvements sociaux;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des parties et justifient qu'une prestation compensatoire soit allouée à l'épouse;
Attendu cependant qu'il n'est pas contesté que Mme [U] a une double qualification de secrétaire et d'esthéticienne et qu'il résulte de son relevé de carrière qu'elle a occupé des emplois différents durant le mariage; que Mme [E] témoigne de ce que Mme [U] lui avait déclaré n'avoir ni envie ni besoin de travailler, ajoutant que les allocations familiales et les indemnités de chômage étaient un plus qu'elle mettait de côté; qu'elle n'établit donc pas avoir sacrifié sa carrière au profit de celle de son époux;
Attendu que les époux étaient âgés de 55 ans pour le mari et de 40 ans pour la femme au moment de leur mariage, ils avaient chacun deux enfants de leur précédente union et leur carrière et qualification professionnelles étaient acquises;
Attendu enfin que la vie commune pendant le mariage a une durée limitée de huit ans et qu'il n'est pas contesté que M. [X] a contribué à l'entretien des deux enfants de Mme [U] qui étaient encore à charge lors du remariage de leur mère; enfin que Mme [U] a bénéficié d'une pension alimentaire de 750 euros depuis avril 2007 et s'est abstenue d'assigner son époux en divorce alors qu'elle est à l'origine de la requête;
Attendu qu'au vu de ces différents éléments, la prestation compensatoire allouée à Mme [U] sera réduite à plus justes proportions et fixée à la somme de 30.000 euros sous forme de capital ;
Attendu qu'aucun élément ne justifie d'imposer à M. [X] de souscrire un contrat garantissant le paiement de la prestation compensatoire alors que ce dernier est propriétaire d'un patrimoine immobilier et mobilier conséquent ainsi que d'un revenu confortable et nécessairement stable, s'agissant d'une pension de retraite;
Sur les autres demandes
Attendu qu'aucune condition d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;
Attendu que l'intimée, qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens d'appel par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après débats non publics
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement du 11 août 2011, sauf en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire et statuant à nouveau sur ce point,
Condamne [L] [X] à payer à [T] [U] la somme de 30.000 euros à titre de prestation compensatoire, sous forme de capital,
Déboute Mme [U] du surplus de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [U] aux dépens distraits au profit de la SELARL BOULAN, CHERFILS, IMPERATORE, Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT