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11/12/2012 | FRANCE | N°11/18963

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 11 décembre 2012, 11/18963


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2012

om

N° 2012/504













Rôle N° 11/18963







CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [12]





C/



[V] [T]





















Grosse délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX

SCP TOLLINCHI















Décision déférée à la Cour

:



Arrêt de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/12803.





APPELANTE



CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [12], pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié (60466), demeurant [Adresse 6]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHA...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2012

om

N° 2012/504

Rôle N° 11/18963

CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [12]

C/

[V] [T]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX

SCP TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/12803.

APPELANTE

CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [12], pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié (60466), demeurant [Adresse 6]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Plaidant par Me Caroline MAURIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [V] [M] épouse [T] (58597)

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11], demeurant [Adresse 3]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Plaidant par la SELARL MAUDUIT LOPASSO & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULON,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Odile MALLET, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2012,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par ordonnance du 17 juin 1982 l'expropriation pour cause d'utilité publique des parcelles cadastrées commune de [Localité 7] (83), section AK [Cadastre 9] et [Cadastre 2] appartenant à [X] [E], en vue de l'extension de l'hôpital Font-Pré a été prononcée et, par jugement du 4 novembre 1982 le juge de l'expropriation a fixé l'indemnité due à [X] [E] à la somme de 1.767.500 francs.

L'objet de la déclaration publique n'a pas été réalisé.

Le 11 mai 1999 le centre hospitalier intercommunal [12] (CHITS) a informé Madame [V] [M] épouse [T], héritière de [X] [W], de son intention d'aliéner les parcelles AK [Cadastre 9] et [Cadastre 2] au profit de la commune de [Localité 7] et de son droit de demander la rétrocession. Madame [T] a fait connaître son souhait d'exercer ce droit mais considéré que la valeur de 4.000.000 francs résultant de l'avis des Domaines lui paraissait trop élevé.

Par arrêté du 24 octobre 2003 le préfet du Var a déclaré l'utilité publique les acquisitions d'immeubles et les travaux nécessaires à l'extension du cimetière communal sur le territoire de la commune de [Localité 7].

Par acte du 17 juillet 2007 le CHITS a vendu à la commune de [Localité 7] les parcelles AK [Cadastre 9] et [Cadastre 2] acquises selon l'ordonnance d'expropriation du 17 juin 1982 pour le prix de un million d'euros.

Par acte du 24 août 2009 Madame [T] a fait assigner le CHITS pour le voir condamner à lui payer la somme de 390.203, 93 € au titre de la plus-value dont elle a été privée.

Par jugement du 20 mai 2010 le tribunal de grande instance de Toulon l'a déboutée de ses demandes.

Par arrêt du 20 septembre 2011 cette cour, au vu de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales a :

condamné le CHITS à payer à Madame [T] la somme de 390.203,93€ avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2009,

ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément à l'article 1154 du code civil,

débouté Madame [T] du surplus de ses demandes,

condamné le CHITS aux dépens et au paiement d'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 4 novembre 2011 le CHITS a formé opposition.

Conformément à l'avis adressé aux parties le 20 juin 2012 l'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2012.

POSITION DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 18 juin 2012 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, le CHITS demande à la cour :

de rétracter l'arrêt du 20 septembre 2011,

de confirmer le jugement et débouter Madame [T] de ses demandes,

subsidiairement, de ramener la demande indemnitaire à de plus justes proportions,

de condamner Madame [T] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures déposées le 26 septembre 2012 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, Madame [T] demande au contraire à la cour:

de déclarer l'opposition formée par le CHITS irrecevable, avec toutes conséquences de droit,

subsidiairement, au visa de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L 12-6 du code de l'expropriation et 1382 du code civil :

d'infirmer le jugement,

de condamner le CHITS à lui payer la somme de 390.203,93 € majorée des intérêts au taux légal avec capitalisation annuelle telle que prévue par l'article 1154 du code civil, et ce, à compter du 17 juillet 2007,

de dire que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner le CHITS aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 4.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* sur la recevabilité de l'opposition

L'arrêt du 20 septembre 2011 mentionne en page 1 de son entête que le CHITS est partie défaillante et en page 2 que l'arrêt est réputé contradictoire.

Toutefois le CHITS avait été assigné devant la cour par un acte du 9 novembre 2010 aux termes duquel l'huissier a énoncé : ' N'ayant pu, lors de mon passage, rencontrer le destinataire du présent acte, aucun représentant légal ou personne habilitée n'étant présent, cette circonstance rendant impossible la signification à personne, l'acte a été remis sous enveloppe fermée ne portant d'autres indications que, d'un côté le nom et l'adresse du destinataire de l'acte, et de l'autre côté, le cachet de l'huissier de justice apposé sur la fermeture du pli à Madame [U] [K], secrétaire, personne présente à l'adresse qui confirme que le domicile ou siège social du destinataire est toujours à cette adresse et a accepté de recevoir l'acte'.

Il ressort de ces mentions que l'assignation n'a été remise ni au destinataire de l'acte, ni à une personne habilitée de sorte que l'arrêt du 20 septembre 2011 a été rendu par défaut, qu'en conséquence le CHITS sera déclaré recevable en son opposition.

* sur le droit à indemnisation

Aux termes de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

En application de ce texte, si l'expropriation est légale et la déclaration d'utilité publique légitime, il doit néanmoins exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre le but recherché et les moyens employés et cet équilibre se trouve rompu lorsque un laps de temps notable s'est écoulé entre la décision portant expropriation et la réalisation concrète du projet fondant la privation de propriété puisqu'alors l'exproprié, privé de la plus-value générée par le bien sur une longue période, supporte une charge excessive.

Dans le cas présent, le CHITS n'a pas donné aux parcelles expropriées l'affectation prévue par la déclaration d'utilité publique dans les cinq ans de celle-ci. Le 11 mai 1999, dans le cadre de son projet d'aliénation des parcelles à la commune de [Localité 7], il a informé Madame [T] de son droit de priorité en application des articles L 12-6 et R 12-6 et suivants du code de l'expropriation.

Madame [T] a fait connaître, par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mai 1999 son intention de bénéficier de la rétrocession et des pourparlers s'en sont suivis dans la mesure où cette dernière contestait l'évaluation du service des Domaines fixant le prix de rétrocession à quatre millions de francs.

Le CHITS a finalement renoncé à son projet d'aliénation mais une nouvelle déclaration d'utilité publique prononcée par arrêté du préfet du Var le 24 octobre 2003 pour l'extension du cimetière de la commune de [Localité 7] a rendu impossible la restitution des parcelles litigieuses à l'expropriée et les biens ont été revendus le 17 juillet 2007 à la commune de [Localité 7] pour le prix d'un million d'euros.

Le CHITS a ainsi conservé dans son patrimoine les parcelles litigieuses de l'année 1982 à l'année 2007, soit pendant plus de vingt ans et a seul bénéficié de la plus-value générée par les biens expropriés puisque acquis pour 1.767.500 francs, soit 269.453,63 €, ceux-ci ont été revendus pour le prix de 1.000.000 €.

Dans le même temps Madame [G] a été indûment privée de la plus-value engendrée par ce bien.

Cette privation ne repose sur aucune raison légitime résultant de l'utilité publique et constitue une charge excessive du fait de l'expropriation et il importe peu qu'aucune décision judiciaire reconnaissant son droit à rétrocession ne soit intervenue dès lors que l'expropriée avait expressément notifié au CHITS sa volonté de bénéficier de son droit de priorité et que les discussions en cours ont été interrompues par une nouvelle déclaration d'utilité publique rendant impossible la rétrocession sollicitée.

En conséquence le jugement sera infirmé et Madame [T] sera déclarée recevable et bien fondée en sa demande d'indemnisation.

Le préjudice subi par Madame [G] correspond à la perte de plus-value engendrée par les biens expropriés entre la date à laquelle aurait dû intervenir la rétrocession et la vente du bien. Au vu de l'avis du service des Domaines évaluant le bien à la somme de 4 millions de francs, soit 609.796,07 € au 12 août 1998 et du prix de vente obtenu en 2007, soit 1.000.000 d'euros, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le montant de cette plus-value à la somme de 390.203,93 € et le CHITS qui a bénéficié de cette plus-value n'est pas fondé à soutenir que le montant estimé de celle-ci serait purement hypothétique et incertain.

Il sera ordonné la capitalisation annuelle des intérêts en application de l'article 1154 du code civil à compter du 24 août 2009, date de l'introduction de la demande.

Le CHITS qui succombe en son opposition sera condamné aux dépens.

L'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale prévoit que lorsque les huissiers recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l'article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier et aucune disposition ne permet de transférer cette charge au débiteur. La demande de Madame [T] sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'arrêt de cette cour en date du 20 septembre 2011,

Déclare le centre hospitalier intercommunal de [12] recevable en son opposition formée à l'encontre de l'arrêt du 21 septembre 2011.

Infirme le jugement rendu le 20 mai 2010 par le tribunal de grande instance de Toulon.

Statuant à nouveau,

Vu l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Condamne le centre hospitalier intercommunal de [12] à payer à Madame [V] [M] épouse [T] la somme de trois cent quatre vingt dix mille deux cent trois euros et quatre vingt treize centimes (390.203,93 €) avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2009.

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute le centre hospitalier intercommunal de [12] de sa demande et le condamne à payer à Madame [T] une somme de trois mille euros (3.000,00 €).

Condamne le centre hospitalier intercommunal de [12] aux dépens et dit que ceux d'appel pourront être directement recouvrés contre lui conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dit que ces dépens ne comprendront pas le droit proportionnel dégressif que l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale met à la charge du créancier.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/18963
Date de la décision : 11/12/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°11/18963 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-11;11.18963 ?
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