COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
6e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 11 DECEMBRE 2012
N° 2012/1016
Rôle N° 11/15124
[O] [Z] [Y] épouse [B]
C/
[D] [B]
AJT du 10/01/2012
Grosse délivrée
le :
à :Me DESOMBRE MICHEL
SCP COHEN GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge aux affaires familiales de DRAGUIGNAN en date du 13 Juillet 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 08/4631.
APPELANTE
Madame [O] [Z] [Y] épouse [B]
née le [Date naissance 7] 1965 à [Localité 12]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Martine DESOMBRE-MICHEL, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Aline MEURISSE, avocat plaidant au barreau de DRAGUIGNAN
INTIME
Monsieur [D] [B]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/000334 du 10/01/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 17]
de nationalité Française,
demeurant Chez Mme [O] [B] [Adresse 13]
représenté par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Gilbert SAVIOZ, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2012 en Chambre du Conseil. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Dominique KLOTZ, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Dominique RICARD, Président
Madame Dominique KLOTZ, Conseiller
Madame Laëtitia UGOLINI, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Marie-Sol ROBINET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2012.
Signé par Monsieur Dominique RICARD, Président et Madame Marie-Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement rendu le 13/05/2011 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN sous le n°08/4631
Vu l'appel limité interjeté le 29/08/2011 par [O] [Y]
Vu les conclusions de l'appelante notifiées le 26/04/2012
Vu les conclusions de [D] [B] notifiées le 26/01/2012
Vu l'ordonnance de clôture en date du 08/11/2012
EXPOSE DU LITIGE
[O] [Y] et [D] [B] se sont mariés le [Date mariage 2]1984 devant l'officier d'état civil de la ville d'[Localité 9] (13), sans contrat préalable. Ils ont eu trois enfants : [S], né le [Date naissance 4]1987 (25 ans), [M], né le [Date naissance 3]1991 (21 ans) et [L], née le [Date naissance 6]1993 (19 ans).
[O] [Y] a présenté une requête en divorce le 13/06/2008. L'ordonnance de non conciliation a été rendue le 20/11/2008. Le magistrat conciliateur a débouté Monsieur [B] de sa demande de pension alimentaire, attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse à titre gratuit, mis à la charge de celle-ci le paiement des frais afférents au domicile et notamment du crédit immobilier à charge de récompense, autorisé le mari à se maintenir dans les lieux jusqu'à la vente du bien, fixé la résidence de [M] chez le père et celle de [L] chez la mère et mis à la charge de celle-ci une contribution mensuelle de 300 euros pour l'entretien de [M].
Cette ordonnance a été confirmée par la cour de ce siège le 20/01/2010, sauf en ce qu'elle a attribué la jouissance du domicile à titre gratuit à Madame [Y] et règlementé le temps de résidence de [L] chez son père. La cour a dit, d'une part que la jouissance du domicile s'effectuera à titre onéreux et d'autre part que le droit de visite et d'hébergement sur [L] s'exercera librement. Elle a en outre précisé que la contribution à l'entretien de [M] ne sera due par la mère qu'à compter du départ de Monsieur [B] du domicile conjugal et lorsque ce dernier assumera la charge effective de l'enfant.
[O] [Y] a fait assigner son mari en divorce par acte du 19/08/2009 sur le fondement de l'article 242 du code civil. Elle sollicitait notamment le rejet de la demande de prestation compensatoire formée par ce dernier. Reconventionnellement, le mari à sollicité le prononcé du divorce aux torts exclusifs de [O] [Y] et le versement d'une prestation compensatoire de 150 000 euros.
En cours de procédure, les deux parties se sont mises d'accord pour que le divorce soit prononcé en application des articles 233 et 234 du code civil.
Le jugement entrepris prononce le divorce sur le fondement de ces textes et condamne [O] [Y] à verser à son mari la somme de 50 000 euros à titre de prestation compensatoire, déclare irrecevable la demande de désignation d'un notaire chargé de procéder à la liquidation du régime matrimonial, et fixe la part contributive de [O] [Y] à l'entretien et l'éducation de [M] à la somme de 200 euros par mois.
[O] [Y] a interjeté appel de cette décision le 29/08/2011, en limitant expressément son recours aux dispositions financières du jugement.
Elle sollicite la suppression de sa contribution à l'entretien de [M], aucun élément ne permettant de dire, selon elle, qu'il est encore à la charge de son père. Elle soutient qu'il n'existe aucune disparité dans les conditions de vie des parties et conclut au rejet de la demande de prestation compensatoire. Elle réclame 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
[D] [B] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et réclame 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Aucun élément n'est fourni à la cour, lui permettant de relever d'office la fin de non recevoir tirée de l'inobservation du délai de recours.
L'appel sera déclaré recevable.
Au fond
L'appel étant limité aux dispositions financières du jugement, les autres dispositions sont définitives.
Sur la prestation compensatoire
La prestation compensatoire que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre, est destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties.
Elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Elle est versée en capital mais, à titre exceptionnel, le juge peut la fixer sous forme de rente viagère, si l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins.
Pour en déterminer le montant, le juge prend notamment en considération :
-la durée du mariage,
-l'âge et l'état de santé des époux,
-leur qualification et leur situation professionnelles,
-les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la durée de la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière du conjoint au détriment de la sienne,
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial,
-leurs droits existants ou prévisibles,
-leur situation respective en matière de pension, de retraite.
Pour apprécier la demande de prestation compensatoire, il convient de se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée, en l'espèce le 26/01/2012 :lorsque l'appel est limité à la prestation compensatoire le prononcé du divorce ne passe en effet en force de chose jugée qu'à la date du dépôt des conclusions de l'intimé.
[O] [Y] est âgée de 47 ans et [D] [B] de 54 ans. Leur vie commune a duré 24 ans.
[O] [Y] occupe un emploi d'enseignant spécialisé à temps partiel au sein de l'association St François d'Assises à [Localité 16], depuis le 05/09/2011. Cet emploi lui procure un salaire de 1 828 euros par mois. Elle perçoit en outre une pension nette de 1 060 euros par mois versée par la CNRACL. Elle rembourse les mensualités d'un crédit Caisse d'Epargne de 9 000 euros, à raison de 223,91 euros par mois jusqu'au mois de septembre 2015, ainsi qu'un prêt à la consommation de 3 400 euros contracté auprès de la BRED par mensualités de 106,29 euros jusqu'en novembre 2014. Son loyer était de 640 euros, il a été remplacé par le remboursement d'un crédit immobilier d'un montant de 683 euros.
[O] [Y] assume la charge de [L] qui poursuit des études à la Réunion.
[D] [B] est en invalidité 2e catégorie depuis le 01/08/2001 ; il perçoit à ce titre une pension de 538,35 euros ; selon son épouse, il travaille de façon occulte comme maçon ; celle-ci produit plusieurs relevés d'heures manuscrits, dont [D] [B] conteste toutefois être l'auteur, ainsi qu'un rapport de détective privé qui a effectué une surveillance courant octobre 2010 à cinq reprises et duquel il résulte que l'intimé effectue des travaux de maçonnerie pour un particulier à [Localité 15].
Monsieur [B] contredit ce rapport en versant divers témoignages d'amis, et notamment de Messieurs [X] et [K] chez qui la surveillance a été effectuée, qui précisent que leurs rapports sont purement amicaux.
Le premier juge a cependant relevé à juste titre que l'intéressé a été vu soulevant des parpaings et manipulant des brouettes, que le relevé manuscrit produit par l'appelante démontre que l'intimé, malgré ses dénégations, est rémunéré pour son travail et qu'il est enfin en mesure d'alimenter son assurance vie tout en maintenant un solde d'environ 2 800 à 3 000 euros sur son compte bancaire qui ne fait jamais l'objet de retraits d'espèces. Force est de constater que l'intimé ne produit pas ses récents relevés bancaires devant la cour d'appel.
Le montant prévisible de sa retraite est de 375,63 euros par mois pour un départ en 2020. Il est hébergé par sa s'ur et n'établit pas assumer la charge effective de [M]. Il est enfin manifeste que Monsieur [B] percevra, comme son épouse, la moitié du prix de vente du bien commun intégralement payé qui constituait le domicile conjugal. Début 2012, ce bien faisait l'objet d'un compromis de vente pour la somme de 410 000 euros soit 391 00 nets vendeurs.
Il est manifeste au vu de ces éléments qu'il existe une disparité de revenus au détriment du mari malgré la perception par ce dernier de revenus occultes. Il est cependant constant que cette différence est en lien, non pas avec la rupture du lien conjugal mais avec l'état de santé de l'intéressé qui ne démontre pas avoir fait pendant le mariage des sacrifices pour la famille ou au bénéfice de son conjoint. Dés lors, c'est à tort que le premier juge a condamné l'épouse à lui verser une prestation compensatoire.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef, la cour déboutant [D] [B] de sa demande.
Sur les mesures concernant [M]
Monsieur [B] ne produisant aucune pièce qui établirait que son fils est encore à sa charge, la contribution versée par la mère à l'entretien et l'éducation de l'enfant sera supprimée, mais seulement à compter du présent arrêt puisque l'appelante avait offert devant le premier juge de verser la somme de 200 euros directement entre les mains de [M].
Sur les frais irrépétibles et les dépens
[D] [B] qui succombe, supportera les dépens de la présente instance.
Compte tenu de la situation économique respective des parties, l'équité commande de rejeter la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats non publics,
Déclare l'appel limité recevable,
Infirme la décision entreprise uniquement en ce qu'elle condamne l'épouse à payer une prestation compensatoire au mari
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute [D] [B] de sa demande de prestation compensatoire,
Y ajoutant,
Supprime la contribution à l'entretien et l'éducation de [M],
Condamne [D] [B] aux dépens de la présente instance,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,