COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 07 DECEMBRE 2012
N° 2012/ 1243
Rôle N° 11/04708
[G] [J]
C/
SARL SANTONS MARCEL CARBONEL
Grosse délivrée le :
à :
-Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Sybille PECHENART, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 08 Février 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 08/2794.
APPELANT
Monsieur [G] [J], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL SANTONS MARCEL CARBONEL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sybille PECHENART, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre
Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller qui a rapporté
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2012.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2012.
Signé par Madame Catherine VINDREAU, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
[G] [J] a été embauché le 26 août 2003 par la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL en qualité de livreur, coefficient 120.
Le contrat, conclu à durée indéterminée était soumis à la convention collective de la céramique d'art.
Le 13 février 2007, la société, qui envisageait la rupture de la relation du travail, a convoqué [G] [J] pour un entretien préalable et à l'issue de cette rencontre qui s'est tenue le 22 février suivant, l'employeur lui a notifié, par lettre du 5 mars 2007 son licenciement pour motif économique.
[G] [J] a adhéré à la convention de reclassement personnalisée le 9 mars 2007.
La rémunération mensuelle brute du salarié s'élevait, au moment de la rupture du contrat de travail à 1 254,31 € (moyenne des 3 derniers mois), 1 332,89 € (moyenne des 12 derniers mois).
*
Le 27 août 2007, [G] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de MARSEILLE pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement de diverses sommes.
L'affaire a fait l'objet d'une radiation avant d'être réenrôlée.
Par jugement de départage en date du 8 février 2011, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE a :
- dit que la demande de [G] [J] de réévaluation de son coefficient hiérarchique est infondée et l'a déboutée de toutes ses demandes à ce titre,
- constaté la validité du licenciement économique prononcé à l'encontre de [G] [J],
- dit que l'employeur a respecté son obligation de reclassement et que le licenciement pour motif économique de [G] [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté [G] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- dit que le licenciement prononcé ne revêt aucun caractère brutal et vexatoire,
- débouté [G] [J] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,
- débouté [G] [J] de sa demande au titre de l'article 10 du décret du décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement, sauf lorsque celle-ci st applicable de plein droit.
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamné [G] [J] à payer les trois quarts des dépens et la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL le quart restant.
*
[G] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 8 mars 2011.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , [G] [J] demande de :
- dire et juger que son licenciement est dépourvu de motif économique et donc de cause réelle et sérieuse,
- constater qu'aucune proposition de reclassement n'a été formulée par l'employeur, et constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- dire et juger que son licenciement revêt un caractère particulièrement brutal et vexatoire.
En conséquence,
- condamner la S.A.R.L. SANTONS MARCEL CARBONEL au paiement des sommes suivantes :
- Au titre de l'indemnisation de l'article L. 1235-3 du code du travail, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 17 447,38 €
- Au titre de l'indemnisation pour licenciement vexatoire : 17 447€
- Au titre de rappel de salaire : 6 108,86 €
- Au titre des congés payés y afférents : 610,89 €
- Au titre de rappel de la prime d'ancienneté : 132,54€
· Au titre des congés payés y afférents : 13,25€
- Au titre du préavis : 2 907,90 €
- Au titre de congés payés afférents : 290,79 €
- Au titre de la violation de la priorité de réembauche : 2 907,90 €
- fixer la moyenne des salaires à la somme de 1 453,95 €
- fixer les intérêts de droit courant à compter de la demande en justice et ordonner leur capitalisation
- condamner la société SANTONS MARCEL CARBONEL au paiement de la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SANTONS MARCEL CARBONEL aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais de recouvrement par l'huissier instrumentaire, en vertu de l'article 10 du décret du 8 mars 2001.
En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL demande de :
- confirmer en tout point le jugement déféré,
- débouter [G] [J] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner [G] [J] au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner [G] [J] aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais de recouvrement par l'huissier instrumentaire, en vertu de l'article 10 du décret du 8 mars 2001.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de re classification
Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
Le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte ; en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté [G] [J] de sa demande de réévaluation et de ses demandes subséquentes de rappels de salaires et de prime d'ancienneté et de congés payés afférents.
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement en date du 5 mars 2007 qui fixe les limites du litige est libellée en ces termes :
' Comme nous l'envisagions au cours de notre entretien du 22 février dernier, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour un motif économique.
Celui-ci est justifié par les difficultés éprouvées par notre entreprise.
En effet, l'exercice 2006 démontre que nous devons faire face à un résultat déficitaire de 276.008,00 €, une baisse de 3 % de notre chiffre d'affaires, un résultat d'exploitation négatif de 218.370,00€
L'exercice clos le 31/12/2005 avait déjà fait apparaître une baisse de 5 % du chiffre d'affaires.
Par rapport à nos résultats de 2003, nos ventes de produits à nos revendeurs sont en baisse de 13 % et nos ventes boutiques sont en baisse de 16 %.
Ainsi, l'examen de notre situation comptable démontre qu'il ne s'agit pas d'un phénomène isolé, et si nous n'avions pas bénéficié au cours de l'exercice 2005 d'indemnités d'assurance, produit tout à fait exceptionnel, l'entreprise aurait déjà été, à ce moment là, dans une situation extrêmement critique.
Parallèlement, notre entreprise a connu une augmentation de 8 % du salaire moyen.
La diminution constante de notre chiffre d'affaires, une valeur ajoutée totalement absorbée par les frais de personnel et notre résultat d'exploitation négatif, font que nous ne pouvons maintenir notre organisation actuelle, sans mettre en péril, la pérennité de notre entreprise.
La société ATELIERS MARCEL CARBONEL, doit complètement se restructurer afin de maintenir son activité, en développant sa politique commerciale, et en réorganisant sa production.
Ce motif nous conduit, malheureusement, à supprimer votre poste.
Comme nous vous l'avons expliqué au cours des réunions successives aucune solution de reclassement vous concernant n'a pu être trouvée.'
Il est constant que l'adhésion à une convention de reclassement personnalisé ne prive pas le salarié de contester le motif économique.
De même cette acceptation de la CRP ne le prive pas du droit de contester la cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail lorsque l'obligation de reclassement qui s'impose à l'employeur est méconnue.
Sur le motif économique
En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges ont, par de motifs pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en jugeant que la cause économique avait bien été existante dans la décision de procéder au licenciement de [G] [J].
Sur l'obligation de reclassement
Alors même que les éléments constitutifs du motif économique sont réunis, le licenciement n'est justifié que si l'employeur a sérieusement, mais vainement, tenté de reclasser le salarié.
Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrits et précises.
En l'espèce, force est de constater qu'aucune offre écrite et précise de reclassement n'a été faite par l'employeur au salarié.
L'employeur considère avoir respecté son obligation de reclassement. Il fait valoir que cette obligation s'appréciant au regard des postes disponibles et selon la taille de l'entreprise, tous les postes de l'entreprise avaient été touchés par le plan de licenciement et aucun poste n'était disponible.
Il ressort des explications de la société qu 'elle ne comptait pas moins de 76 salariés au moment du licenciement.
Si comme l'a relevé le conseil de prud'hommes ,l'employeur a imposé aux travailleurs à domicile d'avoir leur propre véhicule afin de pouvoir supprimer le poste de livreur qu'occupait [G] [J], il n'est néanmoins pas contesté, comme en témoigne le certificat de travail remis par l'employeur le 9 mars 2007,que le salarié avait également occupé des postes de coloriste et de montage des étables.
La cour estime que la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL ne justifie d'aucune recherche sérieuse de reclassement.
Dès lors le licenciement de [G] [J] doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse .
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappels de salaire
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents
Il ressort des pièces versées aux débats (bulletins de salaire, attestation ASSEDIC) que la rémunération mensuelle brute de l'intéressé s'élevait à la somme de 1 332,89 € (moyenne des 12 derniers mois).
En l'état d'un licenciement non causé, le salarié est bien fondé à solliciter une indemnité correspondant à 2 mois de salaire.
Il lui sera alloué la somme de 2 665,78 € de ce chef outre celle de 266,57 € de congés payés afférents.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Au visa de l'article L.122-14-4 ancien du code du travail applicable en l'espèce (L 1235-3 nouveau), et tenant à l'ancienneté de 4 ans du salarié, à son âge (32 ans), sa qualification, et à sa rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, notamment en terme d'emploi et de chômage il convient de fixer l'indemnité à la somme de 11 000 €.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement particulièrement brutal et vexatoire
Il n'est pas justifié d'un préjudice distinct qui n'aurait pas déjà été indemnisé par l'indemnisation précédente, rien de permettant d'établir que le licenciement a présenté un quelconque caractère vexatoire, les premiers juges ayant noté à juste titre que la brièveté d'un entretien préalable ne pouvait constituer à elle seule une mesure brutale et vexatoire.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche
Pour la première fois en cause d'appel, [G] [J] sollicite l'indemnité prévue à l'article L.122-14-4 du code du travail (L1235-13 nouveau).
En application de l'article L.321-14 ancien du code du travail ( L.1233-45 nouveau) le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant le délai d'un an à compter de la date de la rupture de son contrat de travail s'il en fait la demande au cours du même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.
En l'espèce, [G] [J] justifie avoir demandé à son employeur, par courrier recommandé du 12 mars 2007, de bénéficier de cette priorité dans les délais impartis par la loi.
Il verse en outre aux débats le livre du personnel de la société qui révèle que depuis la rupture de son contrat de travail en mars 2007, la société a, et à au moins 2 reprises, embauché des salariés à des postes compatibles avec ses qualifications (postes d'emballeurs).
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL qui est taisante à ce sujet n'apporte pas la preuve qu'elle a satisfait à son obligation soit parce qu'elle a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes.
En cas de non-respect de la priorité de réembauche, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à 2 mois de salaire.
Au regard de la moyenne des 12 derniers mois de salaire de l'intéressé, il lui sera alloué la somme de 2 665,78 € de ce chef.
Sur les autres demandes des parties
Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis) ,portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 29 août 2007.
En revanche, les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
Les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.
L'équité en la cause commande de confirmer le jugement en ses dispositions relatives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , de condamner la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à [G] [J] la somme de 1 000 € sur ce même fondement en cause d 'appel et de la débouter de sa demande de ce chef.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL, qui succombe, supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Réforme partiellement le jugement de départage déféré rendu le 8 février 2011 par le conseil de prud'hommes de MARSEILLE,
Statuant à nouveau,
Dit que la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL a failli à son obligation de reclassement,
Dit en conséquence que le licenciement de [G] [J] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à [G] [J] les sommes suivantes :
- 2 665,78 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 266,57 € de congés payés afférents
- 11 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamne la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL aux dépens de première instance,
Fixe la rémunération moyenne brute des 12 derniers mois de salaire à la somme de 1 332,89 €,
Confirme pour le surplus la décision entreprise,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Y ajoutant,
Condamne la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à [G] [J] les sommes de :
- 2 665,78 € à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche,
- 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Dit que les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis) ,portent intérêts de droit à compter du 29 août 2007.
Dit que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
Dit que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière,
Déboute la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL aux dépens d'appel.
LE GREFFIER Pour le Président empêché,
Mme VINDREAU, Conseiller