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06/12/2012 | FRANCE | N°12/00960

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 06 décembre 2012, 12/00960


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 06 DECEMBRE 2012

FG

N° 2012/736













Rôle N° 12/00960







SCI CATCAR

SA GNUVA





C/



TRESORERIE PRINCIPALE DE CAGNES SUR MER

SCI TECA





















Grosse délivrée

le :

à :

SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 10 Janvier 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/03643.





APPELANTES



SCI CATCAR

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 06 DECEMBRE 2012

FG

N° 2012/736

Rôle N° 12/00960

SCI CATCAR

SA GNUVA

C/

TRESORERIE PRINCIPALE DE CAGNES SUR MER

SCI TECA

Grosse délivrée

le :

à :

SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 10 Janvier 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/03643.

APPELANTES

SCI CATCAR

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 5]

SA GNUVA

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 5]

représentées par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Pascal KLEIN, avocat au barreau de NICE

INTIMES

TRESORERIE PRINCIPALE DE CAGNES SUR MER,

prise en la personne de Monsieur le Trésorier Principal, en ses bureaux sis

[Adresse 3]

Non comparant

SCI TECA

dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal y domicilié.

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Christian ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

La société civile TECA, dont le siège est [Adresse 13]) est propriétaire d'un bien immobilier consistant en un terrain de 2ha 21a 49 ca, lotissement industriel de Carros, composé de deux parcelles cadastrées B.[Cadastre 1] de 1ha 38a 55ca et B.[Cadastre 2] de 82a 94ca, supportant un bâtiment industriel d'environ 4.300 m², et donné à bail commercial aux sociétés CQFD Air Solution et Midi Prod.

Le bâtiment industriel construit sur ce terrain a été réalisé par la société Baudin Châteauneuf pour le compte de la SCI TECA. Le coût de la construction n'ayant pas été réglé par la SCI TECA à la société Baudin Châteauneuf, cette dernière société a obtenu la condamnation de la SCI TECA à lui payer 2.106.011 € avec intérêts au taux contractuel par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 novembre 2008. Cette somme n'ayant pas été payée et ayant continué de produire des intérêts, la société Baudin Châteauneuf a fait signifier le 27 mai 2009 à la SCI TECA un commandement de saisie immobilière du bien immobilier de Carros, commandement publié le 22 juin 2009.

Par jugement du juge de l'exécution du 26 novembre 2009, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 mars 2010, la vente forcée a été ordonnée à l'audience du 18 mars 2010 pour parvenir au paiement de la créance de Baudin Châteauneuf, de 3.007.977,33 €.

Par acte sous seing privé daté du 17 mars 2010, la société TECA, venderesse, représenté par son gérant, M.[Z] [H], a signé avec la société anonyme GNUVA, dont le siège est à [Localité 11], représentée par M.[G] [O], président du directoire, et avec faculté de substitution, une promesse synallagmatique de vente de ce bien immobilier, moyennant le prix de trois

millions d'euros. Cet acte contient une condition suspensive de mainlevée des hypothèques et inscriptions grevant le bien et notamment de la radiation du commandement de saisie immobilière.

Cette promesse contient une faculté de réméré portant sur une partie du bien, soit une parcelle figurant en rose sur un plan annexé, comprenant la parcelle B.[Cadastre 2] et partie de la parcelle B.[Cadastre 1] et l'ensemble du bâtiment, faculté convenue au prix de 3.250.000 € pour les deux premières années et de 3.500.000 € la troisième année.

La régularisation authentique de la vente devait intervenir dans le mois de la levée des conditions suspensives, laquelle devait intervenir dans le mois de la promesse, étant précisé que la date d'expiration du délai n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourrait obliger l'autre.

La SA GNUVA a versé le montant du prix de vente, 3.000.000 € entre les mains de M°[B] [D], notaire.

La SCI CATCAR s'est substituée à la SA GNUVA comme acquéreur.

La vente sur saisie immobilière ayant été repoussée, la SCI TECA ne voulut plus vendre.

Le 15 avril 2010, devant M°[D], notaire, la société Baudin Châteauneuf déclara qu'elle était d'accord pour donner mainlevée de toutes les hypothèques et du commandement de saisie contre paiement immédiat de la somme de 3.000.000 € plus les dépens.

Le même jour, M°[D] établira, sur sommation de la SCI CATCAR un procès verbal de difficultés. La SCI CATCAR déclara être d'accord pour régler la créance du Trésor Public de 80.058 €, en plus des 3.000.000 € destinés à la société Baudin Châteauneuf.

Mais la SCI TECA refusa de signer l'acte de vente.

Le 1er juin 2010, la SCI CATCAR et la SA GNUVA ont fait assigner la SCI TECA, la SA Baudin Châteauneuf et M. le Trésorier Principal de Cagnes sur Mer devant le tribunal de grande instance de Grasse en vente forcée.

Par acte authentique du 28 juillet 2010, la société Baudin Châteauneuf a cédé à la société GNUVA sa créance de 3.396.827,95 € plus frais sur la SCI TECA moyennant le prix de 3.250.000 €. Cette cession de créance sera signifiée à la SCI TECA le 16 août 2010.

Le 10 août 2010, la SCI TECA a fait assigner la SCI CATCAR, la SA GNUVA, la SA Baudin Châteauneuf et M. le Trésorier Principal de Cagnes sur Mer devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir déclarer nulle la promesse synallagmatique de vente du 17 mars 2010.

Par jugement en date du 10 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- vu les dispositions des articles 2198 et 2201 du code civil,

- écarté les arguments avancés par les sociétés GNUVA et CATCAR pour s'opposer à l'application à l'espèce des articles 2198 et 2201 du code civil,

- fait application des dispositions des articles 2198 et 2201 du code civil,

- dit que la saisie rendait le bien litigieux indisponible,

- dit que le compromis portant sur l'immeuble sis à [Adresse 8] figurant au cadastre sous les références suivantes B [Cadastre 1] et [Cadastre 2] conclu entre la société GNUVA et la société TECA, le 17 mars 2010, au mépris des dispositions des articles 2198 et 2201 du code civil, est nul,

- dit en conséquence qu'il est superfétatoire de s'interroger sur la nullité du compromis avec réserve de la faculté de réméré du 17 mars 2010 au regard des dispositions des articles 1582 et suivants et 1658 et suivants du code civil,

- débouté les sociétés GNUVA et CATCAR de leurs demandes tendant à constater que le compromis du 17 mars 2010 est régulier et valable, requalifier le cas échéant la clause de réméré intégrée dans le compromis de vente du 17 mars 2010 en une promesse de vente, condamner la SCI TECA à comparaître en l'étude de M°[B] [D], notaire à Levens, aux fins de régularisation aux conditions du compromis du 17 mars 2010 de la vente de l'immeuble sis à [Localité 7], dire que faute pour la SCI TECA de comparaître dans le mois du jugement en l'étude de M°[D], notaire, le jugement sera publié et vaudra vente,

- dit n'y avoir lieu à donner acte aux sociétés GNUVA et CATCAR de leurs engagements, à savoir, de donner acte à la SCI CATCAR de ce qu'en plus du prix elle procédera au règlement de la créance hypothécaire de 80.058 € au Trésor Public, de donner acte à la SCI CATCAR de

ce qu'elle fait son affaire d'obtenir de la société GNUVA subrogée dans les droits de la société Baudin Châteauneuf, mainlevée des inscriptions prises de son chef, à son bénéfice exclusif, de prendre acte de ce que la société GNUVA venant aux droits de la société Baudin Châteauneuf accepte de donner mainlevée des inscriptions prises de son chef et de donner mainlevée du commandement valant saisie immobilière au bénéfice exclusif de la SCI CATCAR, de donner acte à la SCI CATCAR de son engagement, dans l'hypothèse où la SCI TECA viendrait à exercer la faculté de rachat convenue, de prendre en charge le règlement des éventuels droits d'enregistrement qui pourraient être réclamés par l'administration fiscale par requalification de la faculté de réméré en promesse de vente,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes à titre subsidiaire diligentées par la société TECA,

- mis hors de cause la société Baudin Châteauneuf,

- débouté les sociétés GNUVA et CATCAR de leur demande en dommages et intérêts à concurrence de 70.000 euros pour résistance abusive et injustifiée,

- débouté la société TECA de sa demande en dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- débouté les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit que chaque partie gardera la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration de la SCP LATIL & PENARROYA-LATIL & ALLIGIER, avocats, en date du 17 janvier 2012, la SCI CATCAR et la SA GNUVA ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de la SCI TECA, de la SA Baudin Châteauneuf et de M.le Trésorier Principal de Cagnes-sur-mer.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 1er mars 2012, il a été constaté le désistement de leur appel par les sociétés CATCAR et GNUVA à l'encontre de la société Baudin Châteauneuf SA.

Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 13 août 2012, la SCI CATCAR et la SA GNUVA demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1134 et 1589 du code civil, de:

- infirmer le jugement,

- constater que la promesse de vente du 17 mars 2010 a été signée sous condition suspensive de l'obtention de l'accord de mainlevée de toutes les hypothèques et inscriptions et du commandement de saisie immobilière grevant le bien,

- constater que suivant procès-verbal du 15 avril 2010, la SA Baudin Châteauneuf et le Trésor Public, puis la SA GNUVA subrogée dans les droits de la SA Baudin Châteauneuf, ont donné leur accord de mainlevée de toutes les hypothèques, inscriptions et du commandement de saisie moyennant règlement de leurs créances,

- dire inapplicables en l'espèce les articles 2198 et 2201 du code civil,

- condamner en conséquence la SCI TECA à régulariser la vente par acte authentique, en l'étude de M°[B] [D], notaire à Levens,

- donner acte à la SCI CATCAR de ce qu'en plus du prix de 3.000.000 €, elle procédera directement au règlement de la créance hypothécaire de 80.058 € du Trésor Public,

- constater en tant que de besoin que la SA GNUVA, subrogée dans tous les droits, inscriptions et actions de la société Baudin Châteauneuf, a accepté de donner mainlevée des inscriptions d'hypothèque et du commandement valant saisie immobilière au profit exclusif de la SCI CATCAR,

- donner acte à la SCI CATCAR de son engagement, dans l'hypothèse où la SCI TECA viendrait à exercer la faculté de rachat convenue, de prendre en charge le règlement des éventuels frais d'enregistrement qui pourraient être réclamés par l'Administration Fiscale par requalification de la faculté de réméré en promesse de vente,

- requalifier le cas échéant la clause de réméré intégrée dans la promesse de vente du 17 mars 2010 en une promesse de vente, en donnant acte dans cette hypothèse de l'engagement de la SCI CATCAR de prendre en charge le montant des frais et droits d'enregistrement en cas d'exercice de l'option de rachat par la SCI TECA,

- dire qu'à défaut de régularisation de la vente par la SCI TECA dans le délai d'un mois de la signification de l'arrêt, ce dernier vaudra vente et titre de propriété, et sera publié à la conservation des hypothèques,

- condamner la SCI TECA au paiement d'une somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

- débouter la SCI TECA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SCI TECA au paiement d'une somme de 12.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner la SCI TECA aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Les sociétés appelantes exposent que les représentants de la SCI TECA ne peuvent prétendre avoir été victimes de pressions spéculatives de leur part, alors que ces représentants, M.[Z] [H] et des membres de sa famille sont des personnes avisées. Elles précisent que le capital social de la SCI TECA est réparti à raison d'une part pour M.[Z] [H] et 99 parts détenues par une société luxembourgeoise au capital de 2.587.095 €, que la Sarl CQFD Air Solution a un capital de 769.867 €. Elles expliquent que c'est la SCI TECA qui a approché la SA GNUVA pour vendre le bien immobilier avec une faculté de rachat.

Les sociétés appelantes estiment que les faits que la faculté de réméré ne porte que sur une partie du bien et que le prix de rachat soit plus élevé que le prix de vente relèvent de la liberté contractuelle et n'ont rien d'illicite. Elles considèrent que, le cas échéant, la faculté de réméré peut être requalifiée en promesse de revente.

Les sociétés appelantes estiment que la vente est parfaite, que le prix n'a rien de dérisoire.

Les appelantes font valoir que les dispositions de l'article 2198 du code civil visent à protéger le gage des créanciers, qu'en l'occurrence le créancier saisissant et le Trésor Public ont donné leur accord pour la mainlevée du commandement et des inscriptions moyennant paiement de 3.000.000 € plus frais et de 80.058 €, que la SCI CATCAR a accepté de verser.

Les appelantes considèrent que les dispositions de l'article 2201 du code civil n'ont plus vocation à s'appliquer alors que tous les créanciers ont donné leur accord. A titre subsidiaire, elles demandent l'autorisation de la cour.

Enfin les sociétés appelantes estiment que la promesse synallagmatique de vente n'est pas atteinte de caducité.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 juillet 2012, la SCI TECA demande à la cour d'appel, au visa des articles 6, 1128, 1156, 1172, 1175, 1179, 1356, 1382, 1598, 1658, 1659, 1673, 2198 et 2201 du code civil, et L.313-5 du code monétaire et financier, de :

- confirmer le jugement et débouter la SCI CATCAR et la SA GNUVA de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- dire nul et de nul effet le compromis portant sur l'immeuble sis à [Adresse 8], figurant au cadastre sous les références B [Cadastre 1] et [Cadastre 2], conclu entre la société GNUVA et la société TECA, le 17 mars 2010, au mépris des dispositions des articles 2198 et 2201 du code civil, par application de ces dispositions et des articles 6, 1128, 1598 du code civil, en raison de l'indisponibilité légale de l'immeuble, qu'une condition à effet rétroactif ne permettait manifestement pas de contourner valablement, et en raison de l'absence de prix sérieux, résultant de son contenu même, et de l'illégalité des modalités d'exercice de la faculté de réméré stipulée, et encore en raison de l'incompatibilité de la clause de substitution avec l'économie générale de la convention des parties,

- subsidiairement, dire par application des articles 1156, 1175, 1356 du code civil, que les conditions suspensives stipulées au compromis du 17 mars 2010 ne sont nullement réalisées,

- dire inopposable à la SCI TECA la substitution de la SCI CATCAR à la SA GNUVA dans le bénéfice de la promesse du 17 mars 2010, compte tenu du pacte de réméré et qui lui conférait indirectement un caractère intuitu personae,

- en toute hypothèse, condamner la SCI CATCAR et la SA GNUVA au paiement d'une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, par application de l'article 1382 du code civil, en réparation du préjudice causé par leur attitude abusive qui a privé la société TECA de la possibilité de vendre le bien et de faire ainsi face aux réclamations de ses créanciers,

- condamner la SCI CATCAR et la SA GNUVA au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI CATCAR et la SA GNUVA aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD & JUSTON, avocats.

La SCI TECA estime que le bien était indisponible du fait de la procédure de saisie immobilière et que la nullité de la promesse de vente est d'ordre public, le bien étant hors du commerce. Elle fait observer que la saisine du tribunal ne comportait aucune demande expresse d'autorisation de vendre. Elle considère que la condition suspensive de radiation du commandement, du fait de sa rétroactivité, donnerait effet à une promesse de vente à une date à laquelle le bien était indisponible. Elle fait remarquer que le juge de l'exécution a prorogé les effets code du commandement par jugement du 3 mars 2011.

La SCI TECA estime que la faculté de réméré à un prix supérieur correspond à un prêt à un taux usuraire, et ce d'autant que cette faculté ne porte que sur une partie du bien. Elle fait valoir que l'exercice du réméré était rendu impossible du fait des contraintes d'urbanisme, tout morcellement étant subordonné à un accord du président du conseil général et dans des conditions très réglementées.

La SCI TECA considère que la substitution de la SA GNUVA par la SCI CATCAR ne lui est pas opposable sans qu'elle ait donné son accord, alors que, compte tenu de la faculté de réméré, le rachat était convenu entre la SA GNUVA et elle et non entre la SCI CATCAR et elle.

La SCI TECA estime que la condition suspensive de mainlevée des inscriptions et radiation du commandement n'était pas réalisée et ce alors que le juge de l'exécution a prorogé les effets du commandement.

La SCI TECA considère avoir été victime d'un abus de procédure.

La Trésorerie Principale de Cagnes sur Mer, assignée le 24 avril 2012 à personne habilitée à la représenter, n'a pas comparu.

L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close, d'accord des parties comparantes, le 7 novembre 2012, avant les débats.

MOTIFS,

- La promesse de vente malgré le commandement de saisie :

L'article 2198 du code civil dispose que la saisie rend l'immeuble indisponible et restreint les droits de jouissance et d'administration du débiteur. Il précise en son alinéa deux que le bien ne peut être aliéné ni grevé de droits réels par le débiteur sous réserve des dispositions de l'article 2201 du code civil.

L'article 2201 du code civil dispose que les biens sont vendus soit à l'amiable sur autorisation judiciaire, soit par adjudication.

Une procédure de saisie immobilière du bien immobilier litigieux de la SCI TECA a été initiée par la société Baudin Châteauneuf. Celle-ci a fait signifier un commandement de saisie le 27 mai 2009. Ce commandement a été publié le 22 juin 2009. Le cahier des conditions de la vente a été déposé au greffe du tribunal de grande instance de Grasse le 24 juillet 2009. La vente forcée a été ordonnée par jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse du 26 novembre 2009. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 mars 2010.

Par application de l'article 2198 du code civil, le bien immobilier objet de cette promesse de vente était indisponible et ne pouvait être aliéné à la date de cette promesse du 17 mars 2010.

Les sociétés appelantes font valoir que la condition suspensive de radiation du commandement de saisie autorisait une promesse synallagmatique de vente sur ce bien.

L'article 1168 du code civil dispose que l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas.

Cette condition affectant une obligation relative à un bien présuppose qu'on puisse contracter une obligation à propos de ce bien.

L'obligation contractée aux fins de vente amiable d'un bien suppose que cette vente amiable soit possible.

A la date du 17 mars 2010, le bien immobilier objet de la promesse synallagmatique de vente est indisponible.

La SCI TECA n'avait pas le droit de disposer du bien ; elle était dessaisie du bien ; elle n'avait pas le droit de le vendre ; elle n'avait donc pas le droit, tant que ce bien était indisponible, de signer une promesse de vente. Aucune obligation ne pouvait être convenue par le saisi en vue de la vente amiable du bien.

Le saisi a signé une promesse de vente conditionnée à ce qu'il ait recouvré le droit de le vendre, mais il n'avait pas le droit de signer cette promesse tant qu'il n'avait pas recouvré ce droit.

Le droit de signer une promesse synallagmatique de vente était lui même conditionné à la radiation du commandement de saisie. Il fallait que ce commandement soit radié pour que le saisi puisse être réinvesti dans son droit de s'engager et de contracter une obligation, soumise ou non à conditions, à propos de ce bien.

Cette situation d'indisponibilité du bien aura en toute hypothèse complètement faussé la relation contractuelle, la promettante étant dans une situation inégale, de faiblesse, prête à accepter toutes les conditions imposées par le co-contractant pour éviter la saisie.

En conséquence, la promesse synallagmatique de vente portant sur un bien indisponible, est atteinte de nullité.

A aucun moment le juge de l'exécution n'a autorisé, par application de l'article 2201 du code civil, la vente amiable telle que convenue par cette promesse synallagmatique de vente du 17 mars 2010 entre la SCI TECA et la SA GNUVA ou la SCI CATCAR.

La présente cour n'a pas, en appel, à statuer sur ce point sur lequel le juge de l'exécution n'a pas été saisi.

- Les éléments du litige relatifs à la faculté de réméré, au caractère dérisoire ou non du prix, à la faculté de substitution, à la caducité de la promesse synallagmatique de vente :

Ces moyens sont devenus sans objet à partir du moment où il a été reconnu que la promesse synallagmatique de vente était atteinte de nullité.

- La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Il ne peut être dit que la procédure en vente forcée initiée par les sociétés GNUVA et CATCAR aient été abusives, alors que lorsqu'elles ont été initiées, la SCI TECA n'avait pas encore soulevé la nullité de la promesse synallagmatique de vente.

Aucune condamnation à dommages et intérêts ne sera prononcée à ce sujet.

- Les dépens et les frais irrépétibles :

Chacune des parties a tenté de faire des opérations complexes la société TECA, du fait de ce qu'elle s'était mise dans une situation financière difficile, la société GNUVA et la société CATCAR, du fait de ce qu'elles étaient prêtes à engager des fonds pour profiter de la situation.

Le tribunal a bien analysé les choses en laissant à chaque partie ses dépens et ses frais irrépétibles. La même solution sera adoptée en appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 janvier 2012 par le tribunal de grande instance de Grasse,

Dit que chaque partie conservera ses dépens d'appel et ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 12/00960
Date de la décision : 06/12/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°12/00960 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-06;12.00960 ?
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