COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 DECEMBRE 2012
FG
N° 2012/731
Rôle N° 11/19940
S.A.R.L. BS INVEST
C/
[P] [B] épouse [Z]
SA ALBINGIA
Syndicat des copropriétaires
LE GOURDON
S.M.A.B.T.P.
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY
SCP MAYNARD SIMONI
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE
SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/01271.
APPELANTE
S.A.R.L. BS INVEST
représentée en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]
représentée par la la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Eric MARY de la SCP MARY & PAULUS avocat au barreau de NICE.
INTIMEES
Madame [P] [B] veuve [Z],
née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 22]
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Pascale BARBANCON-HILLION, avocat au barreau de NICE.
SA ALBINGIA ,
dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social.
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Myriam HABART-MELKI de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocats au barreau de MARSEILLE.
Syndicat des copropriétaires LE GOURDON
pris en la personne de son syndic en exercice le cabinet DAMONTE IMMOBILIER[Adresse 1], lui même pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Alexandre MEYRONET , avocat au barreau de GRASSE
S.M.A.B.T.P.,
Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics
[Adresse 5]
représentée par la SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Nicolas DEUR du cabinet ESCOFFIER-WENZINGER-DEUR avocats au barreau de NICE.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Par acte authentique du 18 janvier 2007, M°[K] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de Sarl Villa Dolce Farniente, vendeur, a vendu la Sarl BS Invest, marchand de biens, acquéreur, trois appartements, trois caves et quatre parkings, correspondant aux lots numéros 173, 176, 177, 168, 169, 170, 178, 179, 182 et 183 de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 22], [Adresse 3], dite aussi Villa Le Gourdon, et non 'le GOURDON' comme indiqué à plusieurs reprises par erreur, au [Localité 12], moyennant le prix de 670.000 €.
La Sarl BS Invest, marchant de biens, a fait procéder à des travaux de rénovation, avant de procéder aux reventes de ces biens.
Par acte authentique du 13 février 2008, la Sarl BS Invest, venderesse, a vendu le lot 173 correspondant à un appartement duplex de 102,08 m² en rez-de-jardin avec les 269/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales, le lot 168 correspondant à une cave avec les 2/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales, le lot n°182 correspondant à un parking avec les 6/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales, et le lot 183 correspondant à un autre parking identique au précédent, à Mme [P] [B] veuve [Z], acquéreur, moyennant le prix de 577.000 €.
Mme [B] veuve [Z] découvrait des problèmes d'humidité de son appartement. Elle fera assigner la société BS Invest, la société assurant celle-ci, la société Albingia, et le syndicat des copropriétaires, en référé expertise.
Un rapport d'expertise judiciaire a été établi par Mme [X] [J], expert, le 7 décembre 2010.
Le 23 février 2011, Mme [B] veuve [Z] a fait assigner la Sarl BS Invest devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir prononcer la nullité de la vente pour vice du consentement. Elle demanda ensuite à titre subsidiaire sa résolution pour vice caché.
La Sarl BS Invest a demandé à être garantie par son assureur la société Albingia, mit en cause le syndicat des copropriétaires de la Villa le Gourdon, M°[E] ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI Dolce Farniente, et la SMABTP.
Par jugement en date du 8 novembre 2011, prononcé de manière réputée contradictoire en raison de la non-comparution de M°[E], ès qualités, et de la SMABTP, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- vu l'article 1116 du code civil,
- vu les articles 1641, 1644 et 1645 du code civil,
- vu l'article 42 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965,
- débouté Mme [B] veuve [Z] de sa demande visant à prononcer la nullité de la vente pour dol,
- prononcé la résolution de la vente, intervenue le 13 février 2008 entre la société BS Invest et Mme [B] veuve [Z] [P] [T] [L], née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 11], de nationalité française, pharmacienne, portant sur un bien sis dans un ensemble immobilier situé [Adresse 22] et [Adresse 3], lot 168, lot 173, lot 182, lot 183, sis dans l'ensemble immobilier dénommé le GOURDON, comprenant trois immeubles à usage d'habitation, désignés par les lettres A, B et C, cadastré section [Cadastre 9] lieudit [Adresse 22],
- condamné la Sarl BS Invest à payer à Mme [B] veuve [Z] :
- la somme de 624.369,00 €, en restitution du prix de vente et en remboursement des frais,
- la somme de 7.222,22 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,
- la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral,
- la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré irrecevable, comme prescrite, l'action de la société BS Invest à l'encontre du syndicat des copropriétaires Le GOURDON,
- dit que la SA ALBINGIA doit sa garantie à la société BS Invest,
- condamné la SA ALBINGIA à relever et garantir la société BS Invest de toutes les condamnations prononcées à son encontre à titre de dommages et intérêts, à l'exception du remboursement du prix, et avec application de la franchise et des limites contractuelles,
- constaté qu'aucune demande n'est diligentée à l'encontre de la SMABTP,
- débouté la SA ALBINGIA de ses demandes formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires Le GOURDON,
- condamné la société BS Invest au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- au syndicat des copropriétaires Le GOURDON la somme de 3.500 €,
- à la SMABTP, la somme de 1.500 €,
- condamné la société BS Invest aux entiers dépens, distraits au profit de M°FARNETTI et M°DEUR, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration de la SCP MAYNARD SIMONI, avoués, en date du 22 novembre 2011, la Sarl BS Invest a relevé appel de ce jugement.
Par la suite, elle s'est désistée de son appel à l'égard de M°[E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Dolce Farniente.
Par ses conclusions, déposées et notifiées le 23 octobre 2012, la Sarl BS Invest demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement en e ce qu'il a prononcé la résolution de la vente pour vice caché,
- subsidiairement, dans le cas où la résolution serait confirmée :
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société BS Invest à l'égard du syndicat des copropriétaires,
-condamner le syndicat des copropriétaires Le Gourdon à effectuer les travaux préconisés par l'expert judiciaire, Mme [J], évalués à 73.223,71 € ht, pour mettre l'immeuble hors d'eau, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,
- condamner le syndicat des copropriétaires Le Gourdon à payer à la société BS Invest la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts, la société BS Invest devant rembourser le prix d'acquisition plus les frais à Mme [B] veuve [Z] et ensuite supporter sûrement plusieurs mois de travaux avant de pouvoir remettre en vente le bien,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à la SMABTP la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dans tous les cas, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la compagnie d'assurances Albingia à relever et garantir la société BS Invest de toutes les condamnations prononcées à son encontre à l'égard de Mme [B] veuve [Z],
- condamner le syndicat des copropriétaires Le Gourdon à payer à la société BS Invest la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat des copropriétaires Le Gourdon aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP MAYNARD SIMONI, avocats.
La société BS Invest note que le fondement principal de la demande de Mme [Z] est la garantie des vices cachés, que le désordre constaté par l'expert nécessite des travaux que la société BS Invest est prête à prendre en charge et que la résolution de la vente ne s'impose pas.
La société BS Invest estime que le syndicat des copropriétaires est mis en cause au titre de ces désordres. Elle met en jeu la responsabilité de ce syndicat et la garantie de l'assureur SMABTP.
Par la suite, la société BS Invest a encore conclu, mais le jour de la clôture, par des conclusions signifiés et déposées le 7 novembre 2012.
Dans le dispositif de ses conclusions, elle rappelle qu'elle propose la remise en état de l'appartement, ce qui n'est pas nouveau. Elle reprend ces demandes précédemment formulées sauf à ajouter qu'en cas de confirmation du jugement sur la résolution, il devrait être déduit de la somme à restituer au titre du prix de vente, celle de 96.600 € pour occupation gratuite de l'appartement pendant 42 mois. Pour le surplus ses moyens sont les mêmes que ceux précédemment soutenus.
Mme [B] veuve [Z] et le syndicat des copropriétaires ont demandé le rejet de ces écritures tardives.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 22 octobre 2012, Mme [P] [B] veuve [Z] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1108, 1109 et 1116 du code civil, 1641 et suivants du code civil, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a écarté le dol,
- prononcer la nullité de l'acte de vente intervenu le 13 février 2008 entre la société BS invest et Mme [P] [B] veuve [Z], portant sur les lots 168, 173, 182 et 183 de l'immeuble en copropriété Le Gourdon à [Localité 8], pour dol,
- condamner la société BS Invest à restituer à Mme [Z] le montant du produit de la vente soit 577.000 €, auquel il convient d'ajouter les droits afférents à l'acte, soit un montant de 29.369 € et une commission d'agence de 28.000 €, soit un total de 634.369 €, et ce avec intérêts aux taux légal à compter de l'acte de vente,
- condamner la société BS Invest à l'indemniser de son préjudice matériel ( taxes foncières, charges de copropriété, déménagement, frais de porte blindée...) soit un montant total de 19.990,74 €,
- condamner la société BS Invest à l'indemniser de son préjudice moral, financier et de jouissance, soit 160.000 €,
- à titre subsidiaire, en application des articles 1641 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente,
- en conséquence, condamner la société BS Invest à restituer à Mme [Z] le montant du produit de la vente soit 577.000 €, auquel il convient d'ajouter les droits afférents à l'acte, soit un montant de 29.369 € et une commission d'agence de 28.000 €, sauf à rectifier l'erreur de calcul et porter la somme à un total de 634.369 €, au lieu de 624.369 € indiqué par erreur, et ce avec intérêts aux taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,
- dire que la société BS Invest est un vendeur de mauvaise foi et en conséquence, en application de l'article 1165 du code civil, condamner la société BS Invest à l'indemniser de son préjudice soit 19.990,74 € de préjudice matériel et 160.000 € de préjudice moral, financier et de jouissance,
- condamner la Sarl BS Invest au paiement d'une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl BS Invest aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER.
Mme [Z] se prévaut des constatations faites par l'expert sur la présence d'une humidité excessive dans l'appartement, avec l'apparition de moisissures toxiques, rendant l'appartement partiellement impropre à sa destination. Elle fait valoir que ces désordres, existant lors de la vente, étaient connus de la société BS Invest. Mme [Z] relève appel incident de ce jugement. Elle demande la nullité de la vente pour dol. Elle considère que la venderesse ne pouvait ignorer que les locaux étaient exposés à de fréquentes arrivées d'eau du fait de l'absence de drainage et du sous-dimensionnement du réseau d'évacuation des eaux pluviales. Elle estime que la société BS Invest a fait preuve de réticences dolosives. Elle fait valoir que la société BS Invest n'a entrepris aucun travail destiné à remédier aux désordres, mais a seulement tenté de les masquer en donnant à l'appartement un aspect d'appartement refait à neuf. Mme [Z] estime avoir été trompée et précise que si elle avait connu la vraie situation des lieux elle n'aurait jamais donné son consentement à la vente.
A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement avec résolution de la vente pour vice caché.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 31 octobre 2012, la société Albingia demande à la cour d'appel, au visa des articles 1108, 1109, 1116, 1382 du code civil, 564 du code de procédure civile, de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur le mérite et le bien fondé de l'appel de la société BS Invest et qu'elle s'associe à celui de Mme [Z] compte tenu des manoeuvres dolosives de la société BS Invest, professionnel averti,
- déclarer la société Albingia recevable et bien fondée en son appel incident,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Albingia à relever et garantir la société BS Invest de toutes les condamnations prononcées à son encontre à titre de dommages et intérêts à l'exception du remboursement du prix, les dispositions de l'article 3 n'étant pas applicables au litige,
- vu l'état de délabrement de l'immeuble lors de son acquisition en janvier 2007 et la nécessité de mise en oeuvre de gros travaux de réhabilitation dont la société BS Invest avait nécessairement connaissance en tant que professionnel averti, vu les conditions spéciales et générales du contrat n°0705598 souscrit à effet du 1er juillet 2007, dire et juger que les garanties du contrat n'ont pas vocation à s'appliquer du chef du défaut d'aléa entraînant la nullité de la garantie du contrat souscrit,
- subsidiairement, vu les exclusions visées aux articles 7 et 4.2 des conditions spéciales du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Albingia, dire que les garanties du contrat n'ont pas vocation à s'appliquer au sinistre,
- constater que tant la demande au titre du préjudice financier que la demande au titre du préjudice de jouissance sont nouvelles en cause d'appel, ne sont fondées sur aucun justificatif émanant d'agence immobilière et qu'il est fait application d'un taux de rendement locatif exagéré qui ne pourra être supérieur à 3%, déclarer ces demandes irrecevables et à tout le moins mal fondées au regard de la teneur du rapport d'expertise,
- en tout état de cause, faire application des franchises (11.500 €) et limites du contrat d'assurance souscrit et confirmer en conséquence le jugement de ce chef,
- plus subsidiairement, condamner le syndicat des copropriétaires à la relever et garantir de toute condamnation, ou à défaut dans des proportions au moins égales à 50 %, du chef de défaut d'entretien de l'immeuble,
- condamner la Sarl BS Invest au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl BS Invest aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY LEVAIQUE, avocats.
Par ses conclusions, déposées et notifiées le 20 avril 2012, le syndicat des copropriétaires Le Gourdon demande à la cour d'appel, au visa des articles 14 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société BS Invest contre le syndicat des copropriétaires,
- dire prescrite l'action de la société BS Invest contre le syndicat des copropriétaires en cas d'anéantissement de la vente [Z],
- dire que le délai de prescription ayant débuté le 17 avril 1992, a expiré le 17 avril 2002, la société BS Invest ne pouvant avoir plus de droit que son auteur, la société Dolce Farniente,
- dire la société BS Invest irrecevable en son action,
- subsidiairement, dire que la Sarl BS Invest doit supporter l'intégralité des préjudices subis par Mme [Z] ou ceux qu'elle réclame, pour avoir choisi de ne pas signaler au syndicat qu'il y avait à réaliser des travaux de reprise sur les parties communes, et que par conséquent, sa carence fautive voire délibérée, a causé les préjudices de Mme [Z] et ceux qu'elle invoque pour elle-même,
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la Sarl BS Invest au paiement d'une somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl BS Invest aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD & JUSTON, avocats.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 5 avril 2012, la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics SMABTP demande à la cour d'appel de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de prétention formulée à l'encontre de la SMABTP et lui a alloué une indemnité de 1.500 € au titre des frais irrépétibles, et y ajoutant de condamner l'appelante ou tous succombants au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 7 novembre 2012, avant les débats.
MOTIFS,
Les conclusions de la société BS Invest notifiées et déposées le jour de la clôture comprennent une prétention nouvelle relative à une indemnisation de la société BS Invest en cas d'anéantissement de la vente, soit par annulation, soit par résolution, pour l'occupation du bien immobilier par Mme [Z] entre son acquisition et la mise à néant de la vente.
La société BS Invest estime que l'avantage dont a ainsi bénéficié Mme [Z] doit être évalué à 96.600 € et que cette somme doit être déduite du prix de vente à restituer.
Cette demande est totalement nouvelle et présentée le jour même de la clôture. Les conclusions contenant cette demande sont manifestement contraires au principe le plus élémentaire du contradictoire.
Les seules dernières conclusions à prendre en considération sont celles du 23 octobre 2012.
- I) Analyse de la situation de fait :
L'appartement, la cave et les parkings acquis par Mme [Z] se trouvent au sein de l'ensemble immobilier en copropriété, Le Gourdon, [Adresse 22] et [Adresse 3]. Cet ensemble comprend la parcelle cadastrée [Cadastre 9] d'une surface cadastrale de 97a 76ca.
Cette copropriété comprend plusieurs bâtiments, un espace vert et 38 emplacements de parking.
Le bâtiment litigieux dans lequel se trouve l'appartement acquis par Mme [Z] correspond à une maison dite Villa Dolce Farniente sur quatre niveaux, dont l'un partiellement enterré. Il s'agit d'une construction datant approximativement de 1900, en maçonnerie de pierre.
Cette construction a déjà été rénovée et a fait l'objet d'une redistribution en cinq appartements en 1990-1991 par la SCI Dolce Farniente.
L'acte d'acquisition de Mme [Z] décrit ainsi cet appartement, lot n°176 de la copropriété : 'un appartement en duplex composé de cinq pièces, auquel on accède par le rez-de-chaussée, comprenant : au rez-de-jardin: dégagement, deux chambres, chacune avec placard, wc indépendant et salle d'eau, escalier extérieur permettant l'accès au rez-de-chaussée. Au rez-de-chaussée :entrée, dégagement, un grand séjour, une cuisine, un wc indépendant avec toilette, dégagement avec placard, une chambre avec salle de bains. Et la jouissance exclusive, privative et particulière d'un jardin avec cellier, d'une superficie de deux cents mètres carrés environ. Le tout portant le numéro 12..'.
L'expert judiciaire, Mme [J], a décrit le bien acquis par Mme [Z].
L'expert a constaté que les pièces du rez de jardin, partiellement enterrées, correspondaient à d'anciennes caves transformées en pièces habitables. Il a relevé l'absence de drainage et de travaux d'étanchéité de sorte que le gros oeuvre est affecté par l'humidité et présente une certaine porosité.
L'expert a noté l'absence de prises d'entrée d'air frais dans les pièces sèches de sorte que la circulation d'air dans l'appartement est très insuffisante. Il a relevé la présence de vapeur d'eau dans l'appartement, la présence d'une humidité excessive dégradant l'air du logement.
L'expert a relevé des moisissures dans les différentes pièces.
L'expert a relevé un taux d'humidité de 100% en plusieurs endroits du rez-de-chaussée, dont les murs présentaient des décollements de peinture et des boursouflures du plâtre.
L'expert a même noté l'apparition de moisissures toxiques.
L'humidité ambiante des lieux est telle qu'elle rend cet appartement partiellement inhabitable. Il s'avère que cet appartement est insalubre.
L'analyse de l'historique des travaux permet de déterminer que cette partie de la maison Villa Dolce Farniente n'était pas à l'origine destinée à l'habitation et a été transformée en pièces habitables par un précédent propriétaire, la SCI Dolce Farniente.
La société BS Invest a procéder à des travaux de rénovation, mais ceux-ci n'ont pas supprimé l'humidité ambiante des lieux mais seulement dissimulé les traces de cette humidité.
Les traces provenant de cette humidité ambiante sont réapparues après la vente alors que Mme [Z] était devenue propriétaire des lieux.
- II) Sur l'existence d'un dol :
L'assignation initiée par Mme [Z] en nullité de la vente pour dol a été régulièrement publiée au 1er Bureau des hypothèques d'[Localité 8] le 13 avril 2011, numéro de dépôt D06587.
L'article 1116 du code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.
Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.
Lorsque le bien immobilier a été acquis par la société BS Invest, en janvier 2007, il était en très mauvais état. L'expert a noté les déclarations du représentant de cette société indiquant que les lieux étaient très dégradés.
La société BS Invest n'a pu que constater la forte humidité ambiante affectant le rez-de-jardin et le rez-de-chaussée de la maison.
La société BS Invest a fait procéder à des travaux de rénovation de l'immeuble, démolition des cloisons, des doublages et faux plafonds, reconstruction des cloisons, doublages et faux plafonds, reprise de toutes les peintures, poses de carrelages et de parquets, travaux de plomberie, remplacement des sanitaires et pose d'une cuisine, réfection de la toiture terrasse.
L'expert a noté que les travaux qui auraient été nécessaires à l'assainissement, à l'isolation et à la ventilation de l'appartement n'ont pas été réalisés par la société BS Invest. Il a relevé que ces carences, ainsi que le défaut manifeste d'entretien du réseau d'évacuation des eaux pluviales, ont entraîné la réapparition des remontées capillaires par le sol et par les murs, ainsi qu'une forte condensation et la prolifération de moisissures.
La société BS Invest avait connaissance des conclusions du rapport d'expertise [M], expertise réalisée en 1992, d'un rapport d'une expertise réalisée par la société Prestations Foncières en 2003, d'un procès verbal de constat d'huissier datant de novembre 2004.
La société BS Invest savait que les problèmes d'humidité n'étaient pas seulement dus à des défaut d'étanchéité du toit, mais à l'absence d'ouvrages permettant la mise hors d'eau des locaux de rez-de-jardin et de rez-de-chaussée, à l'absence d'isolation des murs, au réseau d'évacuation des eaux, à l'absence de ventilation.
Les travaux effectués par la société BS Invest, professionnel averti, n'ont pas eu pour objet de remédier à ces défauts et de rendre l'appartement salubre, mais, hors l'étanchéité du toit terrasse, seulement pour objet de donner une belle apparence aux lieux et de les rendre apparemment plus confortables. Ces travaux ont en réalité servi à dissimuler le caractère insalubre de cet appartement du rez-de-jardin et rez-de-chaussée, qui a conservé l'atmosphère de caves en donnant l'apparence d'un appartement habitable.
Ces travaux correspondent à une volonté de dissimulation du caractère insalubre des lieux.
La société BS Invest ne l'ignorait pas. Elle n'avait pas imaginé que cette situation d'insalubrité serait de nouveau apparente aussi vite et que les locaux allaient se dégrader au bout d'un an, pour les mêmes raisons qu'ils s'étaient dégradés auparavant.
La société BS Invest a fait preuve de réticence dolosive et de mauvaise foi en présentant ces locaux insalubres sous l'apparence d'un appartement confortable remis à neuf.
La tromperie est manifeste.
Il est évident que si Mme [Z] avait eu connaissance de cette situation d'insalubrité de l'appartement, elle ne l'aurait pas acquis.
L'acquisition de la cave et des deux parkings étant accessoire à la vente de l'appartement et comprise dans un même acte sans ventilation du prix, leur sort suivra celui de l'appartement.
Il sera fait droit à l'action de Mme [Z] pour dol. La vente ne sera pas résolue, mais annulée pour vice du consentement.
- III) Sur les conséquences de ce dol entre les parties au contrat :
La vente étant annulée, les parties doivent être remises rétroactivement dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant la vente.
Mme [Z] doit restituer les locaux objet de la vente et la société BS Invest le prix de vente.
La somme correspondant au prix de vente, soit 577.000 € sera due avec intérêts aux taux légal à compter de la date à laquelle il a été payé soit le 13 février 2008.
Mme [Z] demande également le paiement des frais d'acte de 29.369 € et de commission d'agence de 28.000 €, avec intérêts aux taux légal à compter de l'acte de vente,
plus 19.990,74 € pour préjudice matériel ( taxes foncières, charges de copropriété, déménagement, frais de porte blindée...) et 160.000 € pour préjudice moral, financier et de jouissance.
Toutes ces sommes correspondent en réalité à divers préjudices allégués comme ayant été subis par Mme [Z].
Les sommes versées au titre des frais d'acte et frais d'agence n'ont pas été perçues par la société BS Invest, il s'agit de sommes entrant dans le préjudice subi par Mme [Z] qui les a dépensées inutilement par la faute de BS Invest qui l'a trompée par cette vente dolosive.
Les taxes foncières soit 3.532 € correspondent à un préjudice subi. Par contre les frais de déménagement ne sont pas liés à cet appartement précis, si Mme [Z] n'avait pas
acquis cet appartement, elle en aurait acquis un autre. Les frais de chauffage et les charges correspondent aux dépenses de sa vie courante et ne sont pas un préjudice;
La pose d'une porte blindée correspond à une décision de Mme [Z], ce n'est pas de la faute de BS Invest.
Le préjudice financier est indemnisé au travers de intérêts aux taux légal dus par BS Invest sur le prix de vente.
Au titre de son préjudice de jouissance pour avoir vécu dans un appartement insalubre et de son préjudice moral du fait du dol, il lui sera accordé 10.000 € à titre de dommages et intérêts.
Le total de ses préjudices représente : 29.369 € + 28.000 € + 3.532 € + 10.000 €, soit au total
70.901 €. Cette somme lui sera due avec intérêts aux taux légal à compter de la date à laquelle elle l'a demandée soit de l'assignation introductive d'instance du 23 février 2011.
-IV) Le syndicat des copropriétaires :
La société BS Invest a formé un recours contre le syndicat des copropriétaires Le Gourdon, estimant que les désordres étaient dus à ce syndicat des copropriétaires.
Compte tenu de l'annulation de la vente pour dol, un tel recours est sans objet, le dol ayant été commis par BS Invest et aucun recours n'est possible à ce titre par l'auteur du dol.
- V) La société Albingia :
La police d'assurance n°RC0705.598 responsabilité civile du marchand de biens contractée entre la société BS Invest et la société Albingia prévoit une exclusion de garantie à l'article 7 §D du contrat pour les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
En conséquence la société Albingia ne doit pas sa garantie à la société BS Invest.
- VI) La SMABTP :
Aucune demande n'est formée à l'égard de la SMABTP et celle-ci sera purement et simplement mise hors de cause.
- VII) Les dépens et les frais irrépétibles :
La société BS Invest, par la faute de laquelle ce litige a éclaté, supportera tous les dépens, de première instance et d'appel, avec la distraction demandée.
Concernant les frais irrépétibles, la société BS Invest a été condamnée en première instance à payer 5.000 € à Mme [Z], 3.500 € au syndicat des copropriétaires Le Gourdon et 1.500 € à la SMABTP.
Mme [Z] demande 7.000 € de manière globale pour la première instance et l'appel confondus. Cette somme est justifiée et lui sera allouée.
Le syndicat des copropriétaires demande 6.000 € sans préciser la ventilation, première instance et appel, la somme de 3.800 € lui sera allouée au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus.
La SMABTP demande la confirmation du jugement qui lui a alloué 1.500 € et demande 2.000 € de plus en appel. La somme de 1.000 € en première instance suffisait, il sera alloué la même chose pour l'appel, soit 2.000 € en tout, première instance et appel confondus.
La société Albingia demande 5.000 € de frais irrépétibles. Il lui sera alloué 2.500 €.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 8 novembre 2011 par le tribunal de grande instance de Grasse , sauf en ce qu'il a condamné la société BS Invest aux entiers dépens de première instance, et constaté qu'aucune demande n'était formée à l'encontre de la SMABTP,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité pour dol commis par la société BS Invest de la vente, intervenue le 13 février 2008 par acte de M°[U] [N], notaire associé à Nice, avec la participation de M°[R] [H], notaire à [Localité 20], entre la société BS Invest Sarl, dont le siège social est à [Adresse 19], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nice sous le numéro 451 083 133, et Mme [P] [T] [L] [B] veuve [Z], née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 11], de nationalité française, pharmacienne, portant sur un bien sis dans un ensemble immobilier situé [Adresse 22] et [Adresse 3], dans l'ensemble immobilier dénommé le Gourdon, comprenant trois immeubles à usage d'habitation, désignés par les lettres A, B et C, cadastré section [Cadastre 9] lieudit [Adresse 22], d'une contenance cadastrale de 97a 76 ca, le lot 168 correspondant à une cave au rez de jardin et les 2/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales, le lot 173 correspondant à un appartement en duplex composé de 5 pièces , auquel on accède par le rez-de-chaussée comprenant : au rez-de-jardin: dégagement, deux chambres, chacune avec placard, wc indépendant et salle d'eau, escalier extérieur permettant l'accès au rez-de-chaussée. Au rez-de-chaussée :entrée, dégagement, un grand séjour, une cuisine, un wc indépendant avec toilette, dégagement avec placard, une chambre avec salle de bains. Et la jouissance exclusive, privative et particulière d'un jardin avec cellier, d'une superficie de deux cents mètres carrés environ. Le tout portant le numéro 12..et les 269/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales, le lot 182 correspondant à un parking extérieur portant le numéro 10 ..et les 6/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales, et le lot 138 correspondant à un correspondant à un parking extérieur portant le numéro 11 ..et les 6/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales',
Dit que Mme [P] [B] veuve [Z] doit restituer sans délai ces biens à la société BS Invest,
Dit que la société BS Invest Sarl doit restituer la somme correspondant au prix de vente soit cinq cent soixante-dix-sept mille euros (577.000 €) ,
Condamne la société BS Invest Sarl à payer à Mme [P] [B] veuve [Z], outre ce montant de 577.000 € les intérêts aux taux légal sur ce montant depuis le jour de la vente, le 13 février 2008,
Condamne la société BS Invest Sarl à payer à Mme [P] [B] veuve [Z] la somme de soixante dix mille neuf cent un euros (70.901 €) à titre de dommages et intérêts avec intérêts aux taux légal à compter du 23 février 2011,
Dit sans objet l'action diligentée contre le syndicat des copropriétaires Le Gourdon,
Met hors de cause la SMABTP,
Dit que la société d'assurances Albingia ne doit pas sa garantie à la société BS Invest au titre des condamnations prononcées par le présent arrêt,
Condamne la société BS Invest Sarl à payer en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes;
- sept mille euros (7.000 €) à Mme [P] [B] veuve [Z],
- trois mille huit cent euros (3.800 €) au syndicat des copropriétaires Le Gourdon,
- deux mille euros (2.000 €) à la SMABTP,
- deux mille cinq cents euros (2.500 €) à la société Albingia,
Condamne la société BS Invest Sarl aux dépens d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Accorde la distraction des dépens de première instance à l'avocat de la société Albingia.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT