COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 27 NOVEMBRE 2012
HG
N° 2012/455
Rôle N° 10/04353
[O] [T] épouse [G]
[W] [G]
[K] [G]
C/
[P] [C] épouse [R]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAGNAN
Me Olivier GRIMALDI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance d'AUBAGNE en date du 05 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 11-08-421.
APPELANTS
Madame [O] [T] épouse [G] (64135)
née le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 15], demeurant [Adresse 2]
Monsieur [W] [G]
né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 15], demeurant [Adresse 2]
Monsieur [K] [G]
né le [Date naissance 4] 1981 à , demeurant [Adresse 2]
représentés par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par la SCP BERENGER M/BLANC X/ BURTEZ DOUCEDE OLIVIER, avocats au barreau de MARSEILLE,
INTIMEE
Madame [P] [C] épouse [R], assignée en reprise d'instance à personne le 27/04/12
née le [Date naissance 1] 1928 à [Localité 16], demeurant [Adresse 22]
représentée par Me Olivier GRIMALDI, constitué aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués , substitué par Me Guillaume REVEST, avocat au barreau de MARSEILLE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2012,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE:
[O] [T] [G], [W] et [K] [G] ( ci après dénommés les consorts [G] ) sont propriétaires à [Localité 16] des parcelles AC n° [Cadastre 13] et [Cadastre 14] ( anciennement [Cadastre 8] et [Cadastre 9] ).
[P] [C] [R] est propriétaire à [Localité 16] des parcelles AC n° [Cadastre 11], [Cadastre 10] et [Cadastre 12].
Les propriétés sont séparées par un chemin de terre piétonnier, dénommé «'[Adresse 18]'», puis par la parcelle n°[Cadastre 7] ( anciennement [Cadastre 6] ).
Madame [R] a installé un portail, et les consorts [G] se plaignent qu'il soit sur ce chemin en sorte qu'ils ne pourraient plus y accéder.
Le 12 août 2008, les consorts [G] ont engagé une instance devant le tribunal d' instance d'Aubagne afin que Madame [R] soit condamnée à rétablir l'accès au chemin qu'ils qualifient d'exploitation.
Par jugement du tribunal d' instance d'Aubagne en date du 29/7/2009, la réouverture des débats a ordonnée afin que [P] [R] produise aux débats le rapport d'expertise judiciaire établi le 22/6/1992 par Monsieur [Y] à l'occasion d'une instance qui avait opposé les consorts [R] à la Commune d'[Localité 16].
Par jugement de ce tribunal du 5 janvier 2010, les consorts [G] ont été déboutés de leurs demandes et condamnés à payer 1 500 € à Madame [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a été considéré, au visa de l'article L 162-1 du code rural, que le chemin litigieux ne pouvait être qualifié de chemin d'exploitation, car':
-d'une part, il ne longeait pas leurs parcelles n° [Cadastre 13] et [Cadastre 14], mais la parcelle [Cadastre 6] ou [Cadastre 7] suivant le cadastre, dont ils ne justifiaient pas être propriétaires.
-d'autre part, à supposer qu'ils en soient propriétaires, ils ne rapportaient aucun commencement de preuve de l'utilisation et de l'entretien dudit chemin depuis des temps immémoriaux.
Le 4 mars 2010, les consorts [G] ont formé appel contre cette décision.
Par ordonnance du juge de la mise en état du 25/10/2011, les parties se sont vu enjoindre de communiquer aux débats le rapport d'expertise judiciaire réalisé le 22/6/1992 par Monsieur [Y].
Par jugement avant dire droit de cette juridiction en date du 4/10/2011, l'affaire a été renvoyée à la mise en état pour permettre à Madame [R], et, le cas échéant aux consorts [G] de communiquer ledit rapport, visé et repris dans un jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 27/9/1993, dans une instance qui avait opposé les consorts [R] à la Commune d'[Localité 16].
Ledit jugement de 1993 avait débouté la Commune d'[Localité 16] de sa demande relative au «'[Adresse 18]'» qu'elle qualifiait de rural, tandis que les consorts [R] le qualifiaient de chemin d'exploitation, et précisait en sa page 4':
qu'en fin de rapport, l'expert indique que l'ancien «'[Adresse 18]'» ' est devenu un sentier d'exploitation difficilement praticable en forte déclivité, très étroit.
Que jamais une voiture n'a pu l'emprunter, que le sentier a été abandonné par ses riverains et il conclut en indiquant qu'il s'agit d'un sentier d'exploitation qui appartient à ses riverains'»
L'ordonnance de clôture est en date du 25/9/2012.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe le 9/12/2010', auxquelles il convient de se référer, les consorts [G] sollicitent l'infirmation du jugement du tribunal d' instance d'Aubagne en date du 5 janvier 2010 et entendent voir condamner Madame [R] à rétablir l'accès au chemin, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard, ainsi qu'à leur payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, distraits dans les conditions prévues par l' article 699 dudit code .
Il soutiennent que le jugement critiqué a commis une erreur dans la mesure où il importe peu qu'ils ne soient pas propriétaires de la parcelle [Cadastre 6], dès lors que les leurs ( AC n° [Cadastre 13] et [Cadastre 14] ) bordent le chemin litigieux. De plus, Monsieur [F], propriétaire de celle ci aurait laissé la jouissance de la parcelle [Cadastre 6] à leur auteur. Ni le défaut d'utilisation ni celui d'entretien dudit chemin ne pouvait lui faire perdre sa qualification de chemin d'exploitation, retenue dans le jugement du 27/9/1993 qui a l'autorité de chose jugée.
A titre subsidiaire, ils ajoutent que ledit chemin desservait et dessert toujours leurs aires à fouler le blé, et notamment le haut de leurs parcelles en espaliers, qui n'était accessible pour les charrettes et engins qu'à partir de là'; qu'enfin, ledit chemin dessert une chapelle, et est bordé de 14 oratoires puisqu'il s'agissait d'un chemin de procession qui ne saurait être privatisé, la Commune d'[Localité 16] ayant restauré 5 des oratoires.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 9/11/2010 auxquelles il convient de se référer, Madame [R] conclut à:
-la confirmation du jugement du tribunal d' instance d'Aubagne en date du 5 janvier 2010.
-la condamnation des consorts [G] à lui payer 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile avec distraction dans les conditions prévues par l' article 699 dudit Code .
Elle fait valoir que :
-le chemin litigieux ne peut être qualifié de chemin d'exploitation à défaut d'utilisation ou d'utilité de celui ci, ce qui résulte de la décision du 28/6/1993 mettant en évidence que le chemin n'existe pas, qu'il y a une végétation exubérante, des mouvements de terrain et obstacles naturels rendant son accès impossible, qu'un autre chemin permet d'accéder à la chapelle, que jamais une voiture ou un engin agricole n'a pu l'emprunter.
-Les consorts [G] n'assurent pas l'exploitation de leur fonds par ce chemin mais par la [Adresse 24] ou le sentier [Adresse 23].
-Ledit chemin ne débouche pas sur leurs parcelles mais sur la n°[Cadastre 7], propriété de Monsieur [F] qu'ils n'ont pas appelé dans la cause.
-Le chemin de croix a été utilisé comme tel jusqu'en 1900, pour accéder à la chapelle qui date de 1563.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la qualification de chemin d'exploitation:
Les consorts [G] invoquent l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 27/9/1993, dans une instance qui avait opposé les consorts [R] à la Commune d'[Localité 16].
Ce jugement avait débouté la Commune d'[Localité 16] de sa demande relative au «'[Adresse 18]'» qu'elle qualifiait de rural, tandis que les consorts [R] le qualifiaient de chemin d'exploitation, et il citait en sa page 4 ce que l'expert indiquait en fin de rapport, «'que l'ancien «'[Adresse 18]'» ' est devenu un sentier d'exploitation difficilement praticable en forte déclivité, très étroit.
Que jamais une voiture n'a pu l'emprunter, que le sentier a été abandonné par ses riverains et il conclut en indiquant qu'il s'agit d'un sentier d'exploitation qui appartient à ses riverains'»
Aucune autorité de chose jugée ne peut être attachée à ce jugement qui n'a pas opposé les mêmes parties et qui ne s'est pas prononcé sur la qualification de chemin d'exploitation, mais s'est limité à retranscrire les propos de l'expert pour finalement considérer que la Commune d'[Localité 16] n'était pas fondée à prétendre que le chemin était rural.
Aux termes de l'article L 162-1 du code rural, «'les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public.'»
Le [Adresse 18] longe sur une petite partie la propriété des consorts [G], puis plus haut, la parcelle n°[Cadastre 7] ( anciennement [Cadastre 6] ) propriété d'un tiers au procès.
Les consorts [G] peuvent donc être considérés comme des riverains et prétendre au bénéfice du chemin d'exploitation.
Il convient d'examiner si le chemin litigieux sert exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation.
Il est établi par les rapports de Monsieur [Y], les photographies aériennes des lieux et les deux parties au procès que le chemin desservait à l'origine la chapelle qui existe toujours, même si elle est aujourd'hui accessible par une voie carrossable, et qu'il était bordé de 14 oratoires et servait de chemin de procession.
Ce seul fait suffit à exclure le caractère exclusif de communication entre divers fonds, ou d'utilisation pour leur exploitation et empêche de considérer qu'il s'agit d'un chemin d'exploitation.
De plus, et quand bien même on admettrait que ce chemin de croix n'a été utilisé comme tel que jusqu'en 1900, les consorts [G] n'établissent nullement la réalité de ce qu'ils avancent, à savoir que ledit chemin desservait et dessert toujours leurs aires à fouler le blé, et notamment le haut de leurs parcelles en espaliers, qui n'aurait été accessible pour les charrettes et engins qu'à partir de là, alors que le rapport de Monsieur [Y] met en évidence que le sentier est difficilement praticable en forte déclivité, très étroit, que jamais une voiture n'a pu l'emprunter, que le sentier a été abandonné par ses riverains;
ces observations découlent d'un constat et, aucune pièce ne permet de considérer qu'il a servi comme le prétendent les consorts [G].
Dès lors, ceux ci seront déboutés de leur demande tendant à voir condamner Madame [R] à rétablir l'accès au chemin qui ne peut être qualifié de chemin d'exploitation.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant Publiquement et par Arrêt Contradictoire
Confirme le jugement entrepris,
Déboute [O] [T] [G], [W] et [K] [G] de leur demande tendant à voir condamner [P] [C] [R] à rétablir l'accès au chemin.
Condamne [O] [T] [G], [W] et [K] [G] à payer 2 000 euros à [P] [C] [R] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens qui seront distraits dans les conditions prévues par l' article 699 dudit Code.
LE GREFFIERLE PRESIDENT