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16/11/2012 | FRANCE | N°09/03549

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 16 novembre 2012, 09/03549


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2012



N° 2012/ 554













Rôle N° 09/03549







S.C.I. DU PORTAIL NEUF





C/



[S] [R]





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP MAYNARD

SELARL BOULAN CHERFILS













Décision déférée à la Cour :

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Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 13 Janvier 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/1940.





APPELANTE



S.C.I. DU PORTAIL NEUF représentée par son gérant, domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau D'AIX-...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2012

N° 2012/ 554

Rôle N° 09/03549

S.C.I. DU PORTAIL NEUF

C/

[S] [R]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP MAYNARD

SELARL BOULAN CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 13 Janvier 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/1940.

APPELANTE

S.C.I. DU PORTAIL NEUF représentée par son gérant, domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Plaidant par Me Audrey FLORI de la SCP BENESTAN FLORI, avocats au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Madame [S] [R] née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 6] (94) demeurant [Adresse 3]

représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCEN aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, Avoués

Plaidant par Maître TISON Adeline du barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Daniel ISOUARD, Président

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2012,

Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame [R] est titulaire d'un bail commercial 'tous commerces' du 3 mars 1987 portant sur un local situé à [Adresse 8], depuis le 2 mars 1989, date d'acquisition de son fonds de commerce de restaurant, appartenant à la SCI du Portail Neuf.

Le 28 mars 2006, la SCI du Portail Neuf a donné congé à Madame [R] pour le 29 septembre 2006 avec refus de renouvellement pour cause grave. Par arrêt du 16 décembre 2010, cette Cour a jugé que ce congé ouvrait droit à indemnité d'éviction et a désigné un expert pour recueillir les données permettant de fixer son montant.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 19 juin 2012 retenant la valeur du droit au bail supérieure à celle du fonds de commerce qu'il évalue à la somme de 304 229,49 euros à laquelle il ajoute le montant des immobilisations (152 418 €) et des indemnités accessoires. Il fixe l'indemnité d'occupation à la somme de 35 156,16 euros HT en 2006 et 2007 et l'indexe ensuite sur la variation de l'indice du coût de la construction.

La SCI du Portail Neuf conclut à la fixation de l'indemnité d'éviction à la valeur du droit au bail, s'oppose l'intégration à l'indemnité d'éviction des immobilisations qui s'avèrent incluses dans la valeur du fonds de commerce et dont elle conteste la réalité. Elle offre les indemnités accessoires et réclame une indemnité d'occupation telles que calculées par l'expert avec réévaluation éventuelle sur l'indice du 4ème trimestre 2012 pour l'année 2013.

Elle réclame la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame [R] conclut à une valeur du droit au bail de 492 804 euros, à une indemnité de remploi de 15 % de cette somme soit 73 920 euros, à une indemnité de trouble commercial de 45 000 euros et à une indemnité de déménagement de 10 000 euros. Elle souhaite une indemnité d'occupation égale au loyer ou avec un abattement de 90 % sur celle retenue par l'expert et la condamnation de la SCI du Portail Neuf à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement que la valeur du fonds de commerce doit s'apprécier lors de l'éviction alors que l'expert l'a fixée à la date du congé et pour cela propose que le droit au bail soit fixé selon le loyer de référence le plus élevé, que le coefficient multiplicateur du loyer doit être de 9 et non de 8,5 comme retenu par l'expert en raison de la situation du local.

Elle argue de la durée des procédures et de l'attitude de son bailleur pour réclamer une indemnité pour trouble commercial de 45 000 euros et la réduction de l'indemnité d'occupation s'opposant à son indexation.

* *

* * *

* *

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article L. 145-14 du Code de commerce énonce : 'Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre'.

L'indemnité d'éviction ne peut être inférieure à la valeur de l'un des éléments composant le fonds de commerce et notamment au droit au bail.

En l'espèce les parties conviennent que la valeur du droit au bail du local loué s'avère supérieure à celle du fonds de commerce calculée selon les méthodes habituelles. Cette valeur du droit au bail doit être retenue pour comme indemnité principale.

Sur l'indemnité principale :

Pour calculer la valeur du droit au bail l'expert a utilisé la méthode du différentiel qui apparaît en l'espèce la mieux appropriée et que les parties ne contestent pas. Il s'est fondé sur les loyers appliqués dans le voisinage en 2006 aboutissant à une moyenne de 469,50 euros HT le mètre carré, en a déduit le loyer payé par Madame [R] soit 87,11 euros le mètre carré pour aboutir à un différentiel de 382,39 euros (469,50 € - 87,11 €) ; il a affecté ce chiffre d'un coefficient multiplicateur de 8,5 multiplié par la superficie de 93,60 mètres carrés pondérés. Il aboutit à une valeur du droit au bail de 304 229,49 euros (382,39 € × 8,5 × 93,60 m²).

Les parties s'accordent sur la surface pondérée du local.

Le coefficient multiplicateur varie de 2 à 12 selon la situation du local et les avantages qu'offre le bail, les coefficients à partir de 10 étant réservés aux meilleurs emplacements des grandes villes les plus commerçantes.

Si [Localité 7] est une station balnéaire de réputation mondiale qui attire une riche clientèle, il s'agit d'une commune de taille modeste et son attrait commercial ne peut se comparer à celui d'une grande ville à la forte réputation touristique. Le local loué à Madame [R] ne se situe pas dans les rues les plus commerçantes mais seulement à proximité de celles-ci.

Le coefficient de 8,5 appliqué par l'expert doit être retenu.

Les éléments de comparaison pour fixer la valeur locative apparaissent pertinents s'agissant de commerces situés à proximité.

La valeur du droit au bail auquel il aboutit (304 229,49 €) ressort d'un calcul juste mais cependant l'expert s'est situé pour la déterminer fin 2006 alors que l'indemnité d'éviction doit être fixée à la date la plus proche possible de l'éviction réelle du locataire lequel est toujours dans les lieux.

Pour corriger cela Madame [R] propose de calculer le prix du droit au bail selon le loyer le plus haut des autres commerces ; mais cela ne fournit pas une indication réelle sur la valeur du droit au bail à ce jour. Les lettres d'intention d'achat de son fonds qu'elle produit ne présentent pas de valeur probante car elles sont postérieures au congé et stipulent l'agrément de l'acheteur du fonds par le bailleur, condition dont la réalisation est des plus aléatoire en raison de ce congé.

Madame [R] reconnaissant que depuis le congé le voisinage n'a pas été évolué fondamentalement dans sa structure, il convient, en absence d'autres éléments pertinents, d'estimer la valeur du droit au bail à ce jour selon la variation de l'indice du coût de la construction sur lequel sont indexés les loyers commerciaux.

L'expert a évalué le droit au bail à la somme de 304 229,49 euros selon sa valeur au dernier trimestre 2006 où cet indice était 1406. Le dernier indice connu à ce jour étant 1666 (2ème trimestre 2012), il convient de fixer la valeur du droit au bail à la somme de

360 488 euros (304 229,49 / 1406 × 1666).

Cette somme de 360 488 euros est l'indemnité principale d'éviction.

En effet les parties n'y ajoutent pas, à bon droit, le montant des immobilisations comme l'a fait l'expert, celles-ci étant un élément du fonds de commerce compris dans sa valeur.

Sur l'indemnité de remploi :

L'indemnité de remploi correspond aux frais et droits de mutation que le preneur aura à payer pour l'acquisition d'un fonds de même valeur.

L'expert judiciaire estime cette indemnité à 10 % de la valeur du fonds et Madame [R] qui réclame l'application d'un pourcentage de 15 %, ne fournit aucun élément conduisant à la rétention de ce chiffre.

Le pourcentage de 10 % doit être appliqué et l'indemnité de remploi fixée à la somme de 36 048 euros.

Sur l'indemnité de déménagement :

Les parties s'accordent sur la somme de 10 000 euros retenue par l'expert pour compenser les frais de déménagement.

Sur l'indemnité pour trouble commercial :

L'indemnité pour trouble commercial correspond au préjudice subi par le locataire pendant la période de déménagement et de réinstallation ou, à défaut de réinstallation, à celui correspond à l'arrêt d'exploitation.

L'expert judiciaire l'a fixée à la somme de 788 euros correspondant au quart du dernier résultat annuel.

Madame [R] estime que cette méthode d'estimation si elle est habituelle, n'est pas pertinente en l'espèce en raison de la différence sensible du chiffre d'affaires du fonds actuel de galerie d'art comparé avec celui de restauration et du caractère récent de ce nouveau commerce.

Elle soutient qu'elle a dû modifier son activité en raison de l'attitude volontairement néfaste de la SCI du Portail Neuf et invoque pour réclamer une somme de 45 000 euros de ce chef les propositions de location-gérance qui lui ont été faites.

Mais la modification de son activité provient de sa seule décision et apparaît résulter de son état de santé qui ne lui a plus permis l'exploitation d'un restaurant. Le montant de la location-gérance du fonds est sans rapport avec la perte subi durant la période de déménagement et de réinstallation.

L'indemnité pour trouble commercial doit être fixée à la somme de 788 euros.

Sur l'indemnité d'occupation :

L'article L. 145-28 du Code de commerce prévoit que le locataire pouvant prétendre à l'indemnité d'éviction bénéficie d'un droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré, que toutefois l'indemnité d'occupation est déterminée selon les dispositions des sections VI et VII (en l'espèce la valeur locative), compte tenu de tous les éléments d'appréciation.

Pour déterminer le montant de l'indemnité d'occupation, l'expert a retenu la valeur locative du local en 2006, y a appliqué un abattement de 20 % pour précarité et ensuite l'a fixée pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 selon la variation du coût de la construction.

La SCI du Portail Neuf retient ce mode de calcul et réclame une indemnité d'occupation annuelle hors taxes de :

- 35 156,16 euros pour les années 2006 et 2007,

- 36 856,46 euros pour l'année 2008,

- 38 081,67 euros pour l'année 2009,

- 37 681,60 euros pour l'année 2010,

- 38 331,72 euros pour l'année 2011,

- 40 957,18 euros pour l'année 2012,

et sa réévaluation pour l'année 2013.

Madame [R] souhaite que l'indemnité d'occupation soit ramenée à la somme de 8 143,40 euros par an, montant du loyer ou qu'un abattement de 90 % soit pratiqué sur la valeur locative. Pour cela elle invoque la durée de la procédure due au comportement de la SCI du Portail Neuf, la diminution de son chiffre d'affaires résultant de la nécessité de substituer un fonds de galerie d'art à celui de restaurant et la différence de nature entre l'indemnité d'éviction et celle d'occupation.

Mais aucun de ces arguments ne résiste à l'examen. Si les indemnités d'éviction et d'occupation ont un objet différent, leur méthode de calcul est semblable lorsque comme en l'espèce la première est déterminée selon la valeur du droit au bail. La diminution du chiffre d'affaires ne trouve pas sa cause dans le comportement du bailleur mais dans le changement d'activité. La longueur de la procédure a permis à Madame [R] de conserver la jouissance d'un local pendant toute sa durée et le montant de l'indemnité d'occupation qu'elle restera à payer n'est que la conséquence de la faiblesse du loyer par rapport à la valeur locative du local.

Ainsi il convient de retenir comme indemnité d'occupation les chiffres arrêtés par l'expert et repris au dispositif en y ajoutant celle pour l'année 2012.

Il n'apparaît pas nécessaire de fixer une indemnité d'occupation pour l'année 2013 car il appartient à la SCI du Portail Neuf de faire exécuter cet arrêt en payant l'indemnité d'éviction.

La SCI du Portail Neuf qui se trouve débitrice de l'indemnité d'éviction doit être condamnée à payer à Madame [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

* *

* * *

* *

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Vu l'arrêt du 16 décembre 2010 ;

Fixe l'indemnité d'éviction due par la SCI du Portail Neuf à Madame [R] aux sommes de :

- 360 488 euros d'indemnité principale,

- 36 048 euros d'indemnité de remploi,

- 10 000 euros pour frais de déménagement,

- 788 euros d'indemnité pour trouble commercial ;

Fixe l'indemnité d'occupation due par Madame [R] à la SCI du Portail Neuf à compter du 30 septembre 2006, hors taxes et par an, à :

- 35 156,16 euros pour les années 2006 et 2007,

- 36 856,46 euros pour l'année 2008,

- 38 081,67 euros pour l'année 2009,

- 37 681,60 euros pour l'année 2010,

- 38 331,72 euros pour l'année 2011,

- 40 957,18 euros pour l'année 2012 ;

Condamne la SCI du Portail Neuf à payer à Madame [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SCI du Portail Neuf aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/03549
Date de la décision : 16/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°09/03549 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-16;09.03549 ?
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