COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 09 NOVEMBRE 2012
N° 2012/ 542
Rôle N° 11/02198
SAS ODALYS RESIDENCES
C/
[L] [S]
SARL DBA
SARL MARJO
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD
SCP LATIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/00766.
APPELANTE
SAS ODALYS RESIDENCES, venant aux droits de la société ODALYS, représentée par son Président en exercice, demeurant [Adresse 7]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidant par Me Jean-claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [L] [S], demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidant par Me Stéphane BONNET, avocat au barreau de LYON
SARL DBA, demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidant par Me Stéphane BONNET, avocat au barreau de LYON
SARL MARJO, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidant par Me Stéphane BONNET, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2012,
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 6 octobre 2006 Monsieur [S] a donné à bail commercial à la société Résidence Hôtelière OPEN un local consistant en un appartement de type T3 en état futur d'achèvement situé à Saint-Aygul (Var), domaine des Eucalyptus, les Grands Châteaux de Villepey, pour une durée de onze ans et onze mois à compter de l'entrée en jouissance prévue pour le 1er juillet 2006 contre un loyer annuel de 17 302 euros TTC pour l'appartement et de 1 196 euros TTC pour l'emplacement de parking souterrain.
Le même jour, la société DBA a donné en location commerciale à la société Résidence Hôtelière OPEN un logement de type 4 pour une durée de onze ans et onze mois situé dans la même résidence avec effet à compter de l'entrée en jouissance prévue pour le 1er juillet 2006 contre un loyer annuel de 19 170 euros TTC pour le logement et 1 196 euros TTC pour l'emplacement de parking.
Par un acte non daté, la société MARJO a donné en location toujours à la société Résidence Hôtelière OPEN et dans la même résidence, un appartement avec parking de type 4 pour une durée et un loyer identiques à celui consenti par la société DBA.
Le 6 novembre 2007, la société Résidence Hôtelière OPEN a cédé son fonds de commerce de résidence de tourisme avec les droits au bail à la société ODALYS.
Après que les bailleurs aient échoué dans une procédure en paiement des loyers devant le juge des référés qui a retenu la contestation sérieuse, la société ODALYS les a assignés en résolution du bail arguant du défaut de délivrance.
Par jugement du 3 février 2011, le tribunal de grande instance de Draguignan a débouté la société ODALYS de sa demande et l'a condamnée à payer avec intérêts depuis le 15 avril 2008 les sommes de :
- 63 064,46 euros à Monsieur [S],
- 70 492,10 euros à la société DBA,
- 71 251,10 euros à la société MARJO,
- dues au titre des charges de copropriété récupérables sur le locataire et réclamées au bailleur,
ainsi que la somme de 1 000 euros à chacun de ses adversaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 7 février 2011, la société ODALYS Résidences devenue depuis la société ODALYS, a interjeté appel de cette décision dont elle sollicite la réformation.
Elle allègue du défaut de délivrance des locaux loués par les bailleurs incapables de justifier de la remise des clefs et qui ont occupé personnellement les lieux. Elle se fonde également sur le caractère frauduleux des loyers, ceux dus aux bailleurs étant nettement supérieurs à ceux des autres appartements de la résidence alors que leurs locaux ont été achetés moins chers.
Elle requiert le débouté des bailleurs de leurs demandes et leur réclame au titre d'un arriéré de charges les sommes de 1 438,07 euros (Monsieur [S]), 1 427,87 euros (la société DBA) et 1 489,08 euros (la société MARJO).
Subsidiairement si cette Cour considérait que les baux doivent être exécutés, elle souhaite que la date d'entrée dans les lieux soit fixée au jour de cet arrêt avec un loyer égal à ceux pratiqués dans les mêmes types d'appartements au sein de la résidence.
Elle conteste également le montant du loyer annuel réclamé sur la base des baux.
Elle souhaite la condamnation de ses adversaires à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [S], la société DBA et la société MARJO concluent à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société ODALYS à leur payer les loyers arrêtés au 1er octobre 2011 avec intérêts à compter du 15 avril 2008 soit les sommes de :
- 92 787,70 euros pour Monsieur [S],
- 93 546,71 euros pour la société DBA,
- 93 546,71 euros pour la société MARJO,
ainsi que les charges arrêtées au 1er avril 2011, soit :
- 3 000,76 euros pour Monsieur [S],
- 2 877,43 euros pour la société DBA,
- 2 897,99 euros pour la société MARJO.
Ils demandent également la condamnation de leur adversaire à leur payer à chacun la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils exposent que compte tenu des accords existants la société Résidence Hôtelière OPEN se devait de réceptionner les lieux et qu'elle ne peut se prévaloir de l'absence de document relatif à la remise des clefs, que le loyer a été réglé par elle, que la société ODALYS Résidences a admis en cours de bail disposer de la jouissance des lieux et ne s'est plainte du défaut de délivrance et n'a arrêté le paiement des charges qu'au cours de l'actuelle procédure.
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MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la délivrance des locaux :
Selon l'article 1719 du Code civil le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée.
La preuve de l'exécution de cette obligation lui incombe et il peut la rapporter par tout moyen.
Les trois baux ne contiennent aucune stipulation particulière quant à la délivrance des locaux mais énoncent au paragraphe concernant l'état des lieux : 'Lors de l'entrée en jouissance par le preneur, un état des lieux sera dressé contradictoirement entre les parties ou leurs représentants respectifs, étant précisé que ceux-ci seront à l'état neuf...Par ailleurs, afin de ne pas retarder la livraison des appartements, le BAILLEUR mandate expressément le PRENEUR aux fins de procéder à la livraison (pour réception) des biens immobiliers. De son coté le PRENEUR s'engage à transmettre au BAILLEUR un exemplaire du procès- verbal qui aura été établi'.
Ainsi par ce mandat, la société Résidence Hôtelière OPEN, le preneur, devait assurer la réception des locaux et c'est elle ainsi que la société ODALYS qui vient à ses droits, qui doit détenir ces procès-verbaux de réception qui implique la remise des clefs de ces locaux.
La société ODALYS ne peut reprocher aux bailleurs de ne pas produire ces procès-verbaux qu'elle ou son auteur, a nécessairement eu entre les mains, la réception des travaux n'étant pas contestée.
Certes, ces procès-verbaux concernaient les rapports entre les propriétaires dont elle était le mandataire et le constructeur et ne s'appliquaient pas directement au lien contractuel entre bailleur preneur. Mais il convient de relever que lors de la réception des locaux, les clefs ont été remises par le constructeur au locataire, que les éventuels désordres ont dû être signalés réduisant l'intérêt d'un état des lieux pour des locaux qui étaient neufs.
Ces circonstances particulières par le rôle qu'elles donnent au preneur dans la prise de possession des locaux réduisent la portée de l'absence de procès-verbal de remise de clefs ou d'état des lieux pour opposer le défaut de délivrance.
La société Résidence Hôtelière OPEN a réglé les loyers du 1er trimestre 2007 au 3ème trimestre 2007 aux sociétés DBA et MARJO, comportement qui, sur une telle durée, ne se conçoit que parce que la délivrance des locaux existait.
La livraison des lots était prévue pour fin juin 2006, les baux devant commencer le 1er juillet 2006. En réalité leur livraison s'est étalée du 15 juillet au 26 août 2006. Le 6 septembre 2007, soit plus d'une année après, la société Résidence Hôtelière OPEN a écrit à Monsieur [S], en sa qualité de gérant de la société Confiance Immobilier, syndic de l'immeuble, pour se plaindre de ce retard et évalué le manque à gagner qu'il lui a causé. Sa plainte porte sur 88 appartements incluant nécessairement ceux propriété de Monsieur [S], de la société DBA et de la société MARJO. Cette réclamation concorde avec la délivrance des trois lots litigieux surtout que la lettre du 6 septembre 2007 exclut de sa réclamation un autre lot (lot 53) non concerné par le litige.
En janvier 2008, la société ODALYS a adressé à la société DBA une demande de réservation de séjour pour l'année 2008 (les bailleurs pouvant se réserver la jouissance d'une période d'occupation), ce qui ne se conçoit pas sans délivrance du bien. Également elle a payé les charges de copropriété incombant au locataire pour ces trois lots.
Contre ces éléments précis et concordants, la société ODALYS produit sept attestations de ses salariés indiquant essentiellement ne pas posséder les clefs des trois appartements et n'y effectuer aucune prestation. Mais cela établit seulement que cette société ne les exploite pas comme résidence de vacances mais ne démontre pas qu'ils ne lui ont pas été délivrés.
Monsieur [F], propriétaire d'un appartement relate que durant ses séjours en mars et octobre de chaque année, les trois lots s'avèrent inoccupés. Mais d'une part, ce témoignage ne porte que sur deux mois par an qui ne correspondent pas à une période de forte fréquentation touristique et d'autre part ne se rapporte pas à la délivrance des locaux. Seul Monsieur [C], autre propriétaire, relate que les locaux litigieux sont occupés par leurs propriétaires, sans qu'il précise les conditions l'ayant amené à identifier ceux-ci.
La société ODALYS verse aux débats, également un constat d'huissier qui décrit un aménagement des locaux appartenant à Monsieur [S] et aux sociétés DBA et MARJO différent des autres appartements exploités par elle et qui présentent tous un équipement identique, avec présence de nourriture et de deux bicyclettes. Mais l'huissier n'a trouvé aucun effet personnel laissé dans ces trois appartements et si leur ameublement diffère des autres, il reste conforme au mobilier équipant habituellement une résidence de tourisme. Au surplus le bail met à la charge des propriétaires le garnissage des locaux.
L'absence de numéro sur les portes d'entrée des trois appartements n'établit pas un défaut de délivrance.
Il convient de relever aussi que la société Résidence Hôtelière OPEN durant la période de plus d'une année où elle était locataire ne s'est pas plainte d'un défaut de délivrance et que la société ODALYS n'a invoqué celui-ci qu'après avoir été assignée en paiement des loyers.
Ces données établissent que Monsieur [S] et les sociétés DBA et MARJO ont délivré les appartements prévus aux baux.
Sur la fraude :
La société ODALYS invoque le caractère frauduleux des baux se fondant sur le montant des loyers supérieurs à ceux des autres appartements pris en location alors qu'ils ont été achetés par leur propriétaire moins chers.
Mais la fraude se définit comme la soustraction à l'exécution d'une norme obligatoire par l'emploi d'un moyen de droit détourné de sa finalité.
En l'espèce la seul fait que ces trois appartements aient été loués plus chers que les autres ne saurait caractériser une fraude.
De même le loyer commercial étant fixé librement par les parties lors de la conclusion du bail, le juge ne peut le modifier en dehors des procédures de révision ou de renouvellement, ce qui conduit à écarter la demande de la société ODALYS sur la réduction des loyers et en report de leur date d'effet qui débute au jour de la délivrance des locaux, obligation à laquelle les bailleurs ont satisfait.
Sur les sommes dues :
À l'appui de leur demande en paiement, les bailleurs produisent des décomptes complexes ne permettant pas de connaître clairement la composition de leurs créances.
La société ODALYS leur oppose un décompte pour la période du 1er décembre 2007 au 30 septembre 2011 (1 mois et 15 trimestres) soit :
- pour Monsieur [S] avec un loyer annuel de 18 498 euros TTC (4 624,50 € par trimestre) aboutissant à un total de 70 909 euros (1 541,50 € + 4 624,50 € × 15),
- pour la société DBA un loyer annuel de 20 366 euros TTC (5 091,50 € par trimestre) aboutissant à un total de 78 069,66 euros [1 697,16 € + (5091,50 € × 15)],
- pour la société MARJO avec un loyer annuel de 20 366 euros TTC (5 091,50 € par trimestre) aboutissant à un total de 78 069,66 euros [1 697,16 € + (5091,50 € × 15)].
Les bailleurs ne formulent aucune critique contre ce calcul clair et précis notamment ni quant au montant du loyer appliqué, ni quant à la période retenue. La société ODALYS doit être condamnée au paiement des sommes reconnues par elle quant à leur quantum
Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1er octobre 2008, date de l'assignation en référé valant mise en demeure pour les sommes dues à cette date, la réception de la lettre de mise en demeure du 15 avril 2008 n'étant pas établie, et pour les sommes échues postérieurement à compter de leur demande.
Les baux mettent à la charge du preneur toutes les charges de copropriété. Il convient de rappeler cette obligation, sans qu'il y ait lieu à condamnation, les bailleurs n'établissant pas avoir payé les charges.
Succombant à la procédure, la société ODALYS doit être condamnée à payer à chacun de ses adversaires la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu le jugement du 3 février 2011 du tribunal de grande instance de Draguignan ;
Statuant à nouveau :
Condamne la société ODALYS à payer au titre des loyers du 1er décembre 2007 au 30 septembre 2011 les sommes :
- 70 909 euros à Monsieur [S],
- 78 069,66 euros à la société DBA,
- 20 366 euros TTC à la société MARJO ;
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1er octobre 2008, pour les sommes dues à cette date, et pour les sommes échues postérieurement à compter de leur demande ;
Déclare la société ODALYS débitrice des charges de copropriété ;
Condamne la société ODALYS à payer à Monsieur [S], la société DBA et la société MARJO la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la société ODALYS aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT