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25/10/2012 | FRANCE | N°10/10872

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 25 octobre 2012, 10/10872


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 25 OCTOBRE 2012



N°2012/878







Rôle N° 10/10872





[R] [Y]

[T] [Y]





C/



SOCIETE NOUVELLE DE TRAFIC MARITIME

Société INTRAMAR

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

CAISSE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PERSONNEL DES ENTREPRISES DE MANUTENTION DES PORTS DE [Localité 11]



FIVA

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
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Grosse délivrée

le :



à :

Monsieur [R] [Y]



Madame [T] [Y]



SOCIETE NOUVELLE DE TRAFIC MARITIME



Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE



CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



FIVA





...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 25 OCTOBRE 2012

N°2012/878

Rôle N° 10/10872

[R] [Y]

[T] [Y]

C/

SOCIETE NOUVELLE DE TRAFIC MARITIME

Société INTRAMAR

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

CAISSE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PERSONNEL DES ENTREPRISES DE MANUTENTION DES PORTS DE [Localité 11]

FIVA

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Monsieur [R] [Y]

Madame [T] [Y]

SOCIETE NOUVELLE DE TRAFIC MARITIME

Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

FIVA

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 01 Juin 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20501863.

APPELANTS

Monsieur [R] [Y], demeurant [Adresse 1]

représenté par M. [H] [L] (Directeur Juridique) en vertu d'un pouvoir spécial

Madame [T] [Y], demeurant [Adresse 3]

représentée par M. [H] [L] (Directeur juridique) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉES

SOCIETE NOUVELLE DE TRAFIC MARITIME, demeurant [Adresse 4]

non comparante

Société INTRAMAR, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 9]

représenté par Mme [O] [F] en vertu d'un pouvoir spécial

CAISSE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PERSONNEL DES ENTREPRISES DE MANUTENTION DES PORTS DE [Localité 11], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

FIVA, demeurant [Adresse 13]

non comparant

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 5]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette AUGE, Président

Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2012

Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [G] [Y] a exercé l'activité de docker intermittent sur le port de [Localité 11] de 1944 à 1955.

Le 27 janvier 1955 il a été victime d'un grave accident de travail alors qu'il travaillait pour le compte de la société Nouvelle de Trafic Maritime , son taux d'IPP ayant été fixé à 100%.

Monsieur [G] [Y] a présenté en 1998 une pleurésie asbestosique dont le caractère professionnel a été reconnu au titre de la maladie professionnelle inscrite au tableau N° 30,et ce par arrêt de la cour d'appel de céans en date du 27 mai 2003.

Un taux d'IPP de 40% lui a été attribué à compter du 3 juin 1998.

Monsieur [G] [Y] a saisi le 26 avril 2005 le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur et il a également saisi le FIVA qui lui a fait une offre d'indemnisation à concurrence de la somme de 17 000 euros qu'il a acceptée.

Monsieur [G] [Y] est décédé le [Date décès 2] 2005.

Mme [Y] [T] , sa veuve a repris l'instance.

Par jugement avant dire droit en date du 6 janvier 2009 le Tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné la réouverture des débats pour permettre à Mme [Y] et à son fils [R] de produire un acte de notoriété permettant d'établir leur qualité d'ayants droit.

Par jugement en date du 1 juin 2010 le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône a:

-Mis hors de cause la Caisse de Compensation des congés Payés du personnel des entreprises portuaires de manutention des ports de [Localité 11].

-Déclaré inopposable à la société INTRAMAR et à la société Nouvelle de Trafic Maritime la procédure de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [G] [Y].

- Débouté Madame [T] [Y] et Monsieur [R] [Y] de leur demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de la société INTRAMAR et de la société Nouvelle de Trafic Maritimes et de leurs plus amples demandes.

Les consorts [Y] ont interjeté appel de ce jugement dont ils sollicitent réformation.

Ils demandent à la cour de :

-Dire que la maladie professionnelle dont était atteint Mr [Y] résulte de la faute inexcusable de la société Nouvelle de Trafic Maritime et de la société INTRAMAR qui l'ont exposé sans protection efficace à l'inhalation de poussières d'amiante

-Ordonner la majoration au taux maximum de la rente qui était versée à feu Monsieur [Y] et ce pour la période du 3 juin 1998 au [Date décès 2] 2005, date de son décès.

-Assortir le versement de ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision de la Cour.

-Dire que ces sommes seront versées aux consorts [Y] en leur qualité d'ayants droit se feu Monsieur [Y] [G].

-Dire que que ces sommes seront avancées et versées directement par la Caisse primaire d'assurance maladie .

-Condamner la Caisse primaire d'assurance maladie à verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [Y] font valoir qu'en sa qualité de docker effectuant de la manutention pour la société Nonvelle de Trafic Maritime aux droits de laquelle, vient la société INTRAMAR Monsieur [G] [Y] a été exposé aux poussières d'amiante à l'occasion du transbordement ou de la manipulation de sacs de jute contenant ce produit.

Ils affirment qu'aucun moyen de protection individuelle utile n'a été mis en place, alors que les employeurs auraient dû avoir conscience du danger, et que les règles relatives à la protection des salariés n'ont pas été respectées.

La société INTRAMAR tant en son nom propre que venant aux droits de la société Nouvelle de Trafic Maritime sollicite confirmation du jugement entrepris.

Elle demande à la cour de:

-Constater que la preuve de l'emploi de Mr [Y] par la société INTRAMAR n'est pas rapportée

-Constater qu'aucune preuve n'est pas rapportée d'un faute inexcusable imputable à la société INTRAMAR

-Constater que la preuve d'un lien de causalité entre faute et préjudice n'est pas rapportée

-Constater que la société INTRAMAR justifie d'un cas de force majeure

-En conséquence prononcer la mise hors de cause de la société INTRAMAR ;

En tout état d e cause:

-Constater que la société INTRAMAR n'a pas été appelée aux opérations d'instruction ayant abouti à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Mr [Y]

En conséquence:

-Dire et juger que la reconnaissance de la maladie professionnelle de mr [Y] et ses conséquences sont inopposables à la société INTRAMAR

A titre infiniment subsidiaire:

-Dire la demande mal fondée dans son quantum.

-Débouter les consorts [Y].

-En tout état de cause ,vu la pluralité d'employeurs chez lequel l'exposition au risque a provoqué la maladie.

-Constater que la demande n'est recevable qu'en application de l'article 40 de la loi du 23/12/98

-En conséquence dire que toute condamnation prononcée à l'encontre des employeurs sera affectée au compte spécial disposé par la loi.

Par des écritures soutenues oralement à la barre auxquelles il convient de se référer la société demande confirmation du jugement.

Elle indique que depuis 1956 la société Industrielle de Trafic Maritime désormais dénommée INTRAMAR exerce l'activité de manutention portuaire et qu'elle n'était pas en activité en 1955 au jour où Mr [Y] a cessé son activité. Et que de plus la preuve n'est pas rapportée des périodes d'emploi de Mr [Y] auprès de la société INTRAMAR.

Elle soutient pour l'essentiel à l'appui de son recours que la preuve de l'exposition au risque de son fait n'est pas rapportée, à supposer démontrée préalablement sa qualité d'employeur. Elle conteste une faute inexcusable qui lui serait imputable dès lors qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger et qu'elle avait pris toutes les mesures de prévention et de protection sur un site où la manutention d'amiante représentait moins de 0,1% des volumes. Elle ajoute ne pas être une société professionnelle ou utilisatrice de l'amiante.

Elle invoque enfin la force majeure dès lors qu'elle n'était pas renseignée sur le risque, qu'elle avait l'obligation réglementaire de manutentionner les navires reçus par l'autorité portuaire et enfin qu'aucune mesure utile ne pouvait être prise en l'état d'un travail en plein air et de la diffusion extrême et naturelle du produit.

La caisse de compensation des congés payés du personnel des entreprises de manutention des ports de [Localité 11] dite CCCP conclut à la confirmation du jugement entrepris qui l'a mise hors de cause au motif qu'elle ne peut revêtir la qualité d'employeur de Mr [Y].

La Caisse primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône s'en remet sur l'existence d'une faute inexcusable .

Elle précise que le montant de la majoration de rente qui pourrait être ordonnée sera en accord avec le FIVA directement versé à la succession de Mr [Y] et que les préjudices extra patrimoniaux ayant été indemnisés par le FIVA , le montant de l'indemnisation fixé par la cour sera réglé par la Caisse dans la limite de ce que le FIVA a versé, soit la somme de 17000€.

Le FIVA demande à la cour de :

-Dire que la maladie professionnelle de Mr [Y] est due à une faute inexcusable de ses employeurs.

-Dire et juger que Mr [Y] a droit à nun emajoration de rente à son taux maximum.

-Dire que cette majoration sera directement versée par la Caisse primaire d'assurance maladie à la succession de Mr [Y].

-Fixer les préjudices personnels de Mr[Y] à une somme globale de 17000€.

-Dire que la Caisse primaire d'assurance maladie devra verser cdes sommes au FIVA.

-Condamner la sociéte Nouvelle de Trafic Maritime et la société INTRAMAR à lui payer la somme de 1000e au titre de de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la faute inexcusable

Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci à une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver

Attendu qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié ; qu'il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ;

Attendu qu'il incombe enfin au demandeur de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié .

Sur la qualité d'employeur des société en cause

Attendu que la réalité de l'emploi de MR [Y] pour la société Nouvelle de Trafic Maritime ne peut être remise en cause ,dans la mesure ou le jugement du tribunal de première instance de Marseille en date du29 mai 1956 statuant sur un action en responsabilité de l'accident de travail dont avait été victime Mr [Y] l e 27 janvier 1955 fait expressément référence au fait qu'au moment de l'accident l'intéressé travaillait comme docker au service de la société Nouvelle de Trafic maritime;

Attendu de même que la notification par la caisse régionale de sécurité sociale d'attribution de rente d'incapacité attribuée à Mr [Y] a été faite à la société Nouvelle de Trafic Maritime en sa qualité d'employeur;

Attendu qu'il résulte par ailleurs de plusieurs attestations d'anciens collègues de travail de Mr [Y] ,notamment celles ce Mr [I] , de Mr [A] de Mr [M] que Mr [Y] a travaillé pour le compte de la société Nouvelle de Trafic Maritime de 1950 à 1955;

Attendu que la société Nouvelle de Trafic Maritime est elle même devenue par changement de dénomination en 1956 la société INTRAMAR ;

Attendu que la société INTRAMAR ne produit aucun document permettant de considérer que les obligations de la société Nouvelle de Trafic Maritime ne seraient pas à sa charge du seul fait d'un changement de dénomination;

Attendu qu'il s'en déduit que les obligations de la société Nouvelle de Trafic Maritime sont à la charge de la société INTRAMAR et que l'obligation de répondre de la faute inexcusable dont un employeur est susceptible d'être déclaré responsable à l'égard d'un salarié en raison de l'activité professionnelle de ce dernier fait partie du patrimoine de l'employeur;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats par les parties que jusqu'à la loi du 9 juin 1992, les dockers étaient des journaliers, titulaires de la carte G, affectés quotidiennement par le Bureau Central de la Main d'Oeuvre (BCMO)au service des entreprises de manutention, en fonction des besoins de ces entreprises ; que postérieurement à ce texte, les dockers ont été classés en deux catégories, à savoir d'une part professionnels mensualisés ou intermittents et d'autre part occasionnels ; que le contrat de travail liant le docker intermittent à son employeur est conclu pour la durée d'une vacation (4 heures) ou d'un shift (8 heures) et qu'il s'agit d'un CDD de type particulier puisqu'il peut être prorogé ou renouvelé sans limite d'aucune sorte ;

Attendu que Monsieur [Y] était professionnel intermittent ; qu'il a exercé cet emploi jusqu'en 1955 ; que sa qualité de docker n'est pas contestée ;

Attendu que la société INTRAMAR est acconier sur le port de [Localité 11] depuis 1956;

Attendu que sous l'ancien statut comme sous le nouveau, l'employeur a toujours été l'acconier, le BCMO ne constituant qu'un service administratif organisant pour le compte des employeurs la gestion générale de l'embauche des dockers intermittent ;

Attendu qu'en effet, l'entreprise de manutention, en fonction de la nature et des quantités de marchandise à traiter indique au BCMO, le nombre et la qualification des individus devant lui être affectés ; que durant la vacation, le docker se trouve dans un lien de subordination avec l'acconier qui, par l'intermédiaire de son chef d'équipe, contrôle la présence de chaque docker, lui affecte un poste ou une tâche et peut, en cas de difficulté interrompre son travail ; que par ailleurs, le paiement indirect des salaires et cotisations salariales et patronales afférentes, effectué par la Caisse des Compensation des Congés Payés (CCCP), mandataire de l'employeur, la délivrance des bulletins de paie mentionnant le code de l'employeur confirment ce lien ; qu'ainsi, tout au long de leur carrière, les dockers sont amenés à travailler pour les diverses entreprises de manutention en fonction des besoins de celles-ci ;

Attendu qu'il résulte des attestations versées aux débats et qu'aucun motif valable ne conduit la cour à écarter que Monsieur [Y] a travaillé en qualité de docker pour la société Nouvelle de Trafic Maritime devenue INTRAMAR;

Qu'il s'agit notamment des attestants suivants qui tous certifient :

- [V] [A] : ' avoir travaillé comme docker avec Monsieur [Y] pour la SNTM devenue INTRAMAR ...déchargé de l'amiante en sacs de jute ,dans les cales les poussières volaient de toutes part et nous n'avions pas de protection dans ces cales confinées.....cela a duré sur le Port depuis mon arrivée en 1950 jusque bien après 1955.

-[C] [I] : ' avoir travaillé comme docker avec Mr [Y] sur le port de [Localité 11] de 1952 à 1955 dans la société Trafic Maritime devenue INTRAMAR'.'Ils travaillaient dans les cales pour charger et décharger les cargos de toutes sortes de marchandises dont l'amiante. Ces vieux cargos n'avaient aucune aération dans les cales et nous avalions des poussières de toutes sortes .On n'a jamais été avertis des méfaits de l'amiante';

- [D] [M]: 'avoir travaillé comme docker avec Mr [Y] dans les années 1951 à 1955 pour la société INTRAMAR au chargement des sacs d'amiante poreux papier et jute sans aucune protection gants masque salopettes ni aération sans jamais avoir été prévenus des dangers de l'amiante' ;

- [K] [P]: ' avoir travaillé avec Monsieur [Y] dans les années 1953 à 1955 pour la société INTRAMAR au chargement et déchargement des sacs d'amiante ....sans aucune protection..';

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la preuve de l'activité de Monsieur [Y] pour le compte de la société en cause est établi ;

Sur l'exposition au risque

Attendu que la société INTRAMAR soutient qu'il n'est pas établi qu'elle ait été l'employeur d'e Mr [Y] au moment où ce dernier a été exposé aux risques tels que décrits au tableau des maladies professionnelles et qu'il n'est pas possible de déterminer l'employeur chez lequel l'exposition au risque a provoqué la maladie ;

Que cependant, si le société en cause n'est pas une entreprise fabriquant ou utilisant de l'amiante, elle a cependant été amenée à en faire manipuler par ses préposés lors des opérations de chargement ou de déchargement des navires ou au cours d'autres opérations de manutention ;

Attendu qu'il résulte du rapport du comité paritaire d'hygiène et de sécurité-manutention portuaire produit aux débats et dont la teneur n'est pas discutée, qu'entre 1965 et 1998, environ 243.307 tonnes d'amiante ont transité par le port, soit en vrac de 1960 à 1980, soit en sacs de jute ou de papier soit ensuite en containers ; que toujours selon ce rapport, 'aucun poste de travail ne peut être certain d'avoir échappé au risque : dockers de bord, de terre, chauffeurs, grutiers, pointeurs, chefs d'équipe, contremaître, chefs de service, personnel d'entretien et mécaniciens' ;

Attendu que pour ce qui concerne plus particulièrement la société en cause, les allégations de la société INTRAMAR sont démenties par les attestations sus visées dont il résulte que les dockers manipulaient de l'amiante en grande quantité. Cette amiante était déchargée par les dockers et arrivait soit en vrac soit dans des sacs dans une poussière quasi permanente' ;

Attendu que par ailleurs les attestations produites par les consorts [Y] et reproduites plus haut mentionnent toutes que Monsieur [G] [Y] a manipulé des sacs d'amiante sans aucune protection ;

Attendu que l'ensemble des ces attestations est à rapprocher de celle établie par le docteur [U] [N] le 22 décembre 1999 médecin de la manutention portuaire selon lequel : 'Sur le port de [12], l'amiante a transité sous forme de vrac et autre conditionnement à partie des années 1960' les statistiques des années précédentes ne sont pas connues ).... les différentes formes de conditionnement, de transport et de manutention se révèlent aussi dangereuses les unes que les autres quant à l'exposition au risque .Pour le vrac et autre conditionnement ,on retrouve des palettes de sacs de jute contenant de l(amiante ,minerai provenant soit d'Ukraine soit de Corse. Les ouvriers dockers transperçaient directement ces sacs à l'aide de crochets pour les tirer .Pour le conditionnement en conteneurs ,il s'avère aussi dangereux pour différentes raisons; l'état général souvent dégradé des parois planches et portes de conteneurs, les défauts d'étanchéité, le retour automatique des conteneurs vides ayant contenu de l'amiante qui sont balayés puis rechargés d'autres marchandises par les dockers ...' ;

Attendu que las société INTRAMAR ne produit aucun élément venant contredire le contenu des documents versés aux débats par les appelants;

Attendu que même si le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante reste faible par rapport au volume global de trafic du port de [Localité 11] (- de 0,1%), la répétition de ce type de manipulation sur une durée importante soit 10 ans pour ce qui concerne Monsieur [Y], crée le caractère habituel exigible d'une exposition au risque, dès lors que ce produit est entreposé sous différentes formes qui en tout état de cause impliquent a minima, un environnement général et constant de travail dans un milieu toxique dû aux poussières résiduelles (à bord ou à quai) résultant de la manipulation de sacs y compris du fait éventuel d'autres sociétés (86 entreprises d'aconage ayant exercé de 1957 à 1993) travaillant à proximité immédiate, ce qui reste sans incidence sur l'obligation faite à l'employeur de préserver la santé de ses salariés, même occasionnels ;

Attendu que les appelants établissent donc que Monsieur [G] [Y] a été exposé à l'amiante de façon habituelle alors qu'il travaillait pour le compte de la société en cause ;

Sur la conscience du danger

Attendu que, comme le soutient l'hoirie [Y] les dangers de l' amiante sont connus depuis plusieurs décennies et ont donné lieu par le décret du 3 octobre 1951 à la création du tableau n°30 propre à l'asbestose, fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d' amiante ; que les travaux mentionnés à ce tableau comme susceptibles de provoquer ces maladies étaient :" travaux exposant à l'inhalation de poussières d' amiante et notamment cardage, filature et tissage de l' amiante ";

Attendu cependant que les sociétés de manutention portuaires n'utilisaient pas l'amiante comme matière première pour leurs propres activités et ne participaient pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l' amiante ;

Qu'elles procédaient uniquement à une manipulation de divers produits dont l' amiante ;

Attendu que les travaux et rapports de scientifiques français et étrangers ne peuvent suffire à établir la preuve exigible de la nécessaire conscience du danger pour chacune des entreprises concernées, laquelle doit être caractérisée par des éléments objectifs et implique la démonstration d'un manquement ;

Qu'au vu de l'ensemble des pièces produites, il apparaît acquis qu'aucun document antérieur à 1999, provenant d'organismes professionnels ouvriers ou patronaux, de la médecine de prévention, du port ,organe de coordination et de police ou de tout autre organe interne à la profession, n'a été produit, permettant de pointer le risque dont l'évidence a été exposée lors de la mise en place d'un dispositif d'allocation ACAATA aux dockers , notamment à propos de la détermination des conditions d'accès au dispositif (condition liée à la manipulation de sacs);

Attendu que s'agissant de la période antérieure à 1977, rien ne permet, si l'on se replace à la période à laquelle la victime a pu être au contact des substances incriminées, en l'état des connaissances scientifiques de l'époque et surtout de l'absence de preuve de leur diffusion à des entreprises de ce type, de retenir que ses employeurs successifs avaient ou auraient dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé;

Attendu en conséquence il résulte de ce qui précède que pendant la période considérée la société INTRAMAR n'avait pas conscience du danger auquel étaient exposés les ouvriers dockers.

Attendu qu'aucune faute inexcusable inexcusable ne peut dès lors être retenue à son encontre.

Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence par substitution de motifs confirmé .

Sur l'opposabilité de la reconnaissance de maladie professionnelle

Attendu que la Caisse a procédé à l'enquête auprès de la CCCP en qualité de dernier employeur , que cependant cette dernière ne peut être considérée comme étant l'un des employeurs de Mr [Y] la Caisse ne prétendant d'ailleurs pas que la CCCP ait disposé d'un quelconque pouvoir de direction à l'égard de celui-ci ;

Attendu qu'en cas de pluralité d'employeurs, ceux-ci, à l'exception du dernier ou de l'actuel employeur ne peuvent se prévaloir à titre principal du caractère non contradictoire de la procédure qui a été régulièrement menée et ne peuvent que contester le caractère professionnel de la maladie en cas d'action en reconnaissance de la faute inexcusable ;

Que cependant, il en va autrement en cas d'irrégularité affectant la procédure à l'encontre du dernier employeur, qui dans les rapports entre la Caisse et les employeurs affecte l'ensemble de la procédure diligentée aux fins de reconnaissance de la maladie ;

Attendu que la procédure de prise en charge ne peut dans les rapports entre la Caisse et les employeurs être déclarée opposable à ceux-ci ;

Attendu que les sommes versées à la victime seront inscrites au compte spécial .

.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Confirme par substitution de motifs le jugement entrepris,

Rejette toute autre prétention ,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 10/10872
Date de la décision : 25/10/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°10/10872 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-25;10.10872 ?
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