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18/10/2012 | FRANCE | N°11/17568

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 18 octobre 2012, 11/17568


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 OCTOBRE 2012

D.D-P

N° 2012/600













Rôle N° 11/17568







La VILLE DE [Localité 11]





C/



SARL GALERIE ALAIN LE GAILLARD

SA ANDRE CHENUE

SAS LLOYD'S DER FRANCE





















Grosse délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE





SCP COHE

N GUEDJ





SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 06 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/226.





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 11],

agissant par son député maire en exer...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 OCTOBRE 2012

D.D-P

N° 2012/600

Rôle N° 11/17568

La VILLE DE [Localité 11]

C/

SARL GALERIE ALAIN LE GAILLARD

SA ANDRE CHENUE

SAS LLOYD'S DER FRANCE

Grosse délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE

SCP COHEN GUEDJ

SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 06 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/226.

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 11],

agissant par son député maire en exercice,domicilié en cette qualité en son [Adresse 7]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assistée de Me Marie-Christine CAPIA de la SELARL LESTRADE-CAPIA, avocats au barreau de NICE substituée par Me Guillaume GARCIA, avocat au barreau de [Localité 11].

INTIMEES

SARL GALERIE ALAIN LE GAILLARD

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jérôme CULIOLI, avocat au barreau de NICE

SA ANDRE CHENUE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité sis [Adresse 1]

SAS LLOYD'S FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilie en cette qualité sis [Adresse 3]

représentées par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués,

ayant pour avocat Me Marianne SCHEUBER avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par lettre en date du 31 mai 2000 la SARL GALERIE LUCIEN DURAND ( le galeriste) a accepté de confier en dépôt au Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de [Localité 11] (MAMAC), l''uvre de CESAR "Sans titre (expansion) c. 1967" en polystyrène expansé, oeuvre volumineuse ( 70 X 240 cm), d'une valeur d'assurance de 1 500 000 francs.

Le 9 juillet 2000 la VILLE DE [Localité 11] et le galeriste ont signé un contrat de dépôt à titre gratuit de cette 'uvre pour une durée de deux ans.

Par lettre du 1er février 2006 le MAMAC informait la société GALERIE LUCIEN DURAND de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'acquérir l''uvre et de sa décision de la restituer. Un contact était prévu afin d'organiser le transport.

Par courriel du 8 juin 2006 le MAMAC informait le transporteur, la SA ANDRE CHENUE, que la société GALERIE LUCIEN DURAND avait signalé que l''uvre de CESAR, enlevée au MAMAC le 22 mai, avait été livrée très endommagée et que sa recommandation de livrer l''uvre à plat n'avait pas été respectée.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 juin 2006, la société GALERIE LUCIEN DURAND a mis en demeure la VILLE DE [Localité 11] de lui faire une proposition d'indemnisation tenant compte de la valeur assurée de 228 658 € et de l'évolution des prix intervenue en 6 ans.

L'assureur de la Ville de [Localité 11], la société d'assurance AXA, refusait sa garantie, faute pour la Ville de lui avoir préalablement déclaré avoir l'oeuvre en dépôt, contrairement aux stipulations de la police souscrite.

Par ordonnance de référé en date du 3 avril 2007 Mme [V] était désignée en qualité d'expert judiciaire.

Celle-ci concluait le 26 septembre 2008 que l'oeuvre avait été gravement endommagée, lors de son transport réalisé à la verticale, à l'aide de sangles, sans emballage, dans des conditions inadaptées à l'oeuvre, et qu'aucune restauration satisfaisante ne pouvait être envisagée compte-tenu de la fragilité du matériau employé.

Le 18 décembre 2008, la SARL Galerie ALAIN LE GAILLARD a fait assigner la VILLE DE [Localité 11] en responsabilité civile laquelle a attrait en la cause le 16 janvier 2009 la SA ANDRE CHENUE et son assureur la SA LLOYD'S FRANCE.

Par jugement contradictoire en date du 6 septembre 2011 le tribunal de grande instance de Nice a :

- déclaré la SARL Galerie ALAIN LE GAILLARD recevable en ses demandes formées contre la VILLE DE [Localité 11],

- condamné la VILLE DE [Localité 11] à verser à la SARL Galerie ALAIN LE GAILLARD la somme de 228 674 € à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts légaux à compter du jugement,

- débouté la SARL Galerie ALAIN LE GAILLARD du surplus de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, de sa demande relative à la destruction de l'oeuvre endommagée et de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- déclaré la VILLE DE [Localité 11] irrecevable en ses demandes formées contre la SA ANDRE CHENUE et la SA LLOYD'S FRANCE,

- débouté ces sociétés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la VILLE DE [Localité 11] à verser à la SARL Galerie ALAIN LE GAILLARD la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la VILLE DE [Localité 11] aux dépens dont les frais d'expertise,

- et rejeté la demande d'exécution provisoire.

Par remise au greffe le 17 octobre 2011, la Ville de [Localité 11] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions déposées 14 août 2012 elle demande à la cour :

- de réformer le jugement entrepris,

- de redonner aux faits et à l'action, leur exacte qualification,

- de constater que l'action introduite par la GALERIE ALAIN LE GAILLARD vise à la réparation d'un dommage causé au cours d'un transport, après la restitution de l'oeuvre,

- de juger que l'action introduite occultant le texte spécial au profit du texte général, est constitutive d'une fraude à la loi, que la GALERIE ALAIN LE GAILLARD ne peut invoquer les textes relatifs au dépôt pour échapper à la prescription annale de l'article L 133-6 du Code de Commerce, et que l'action introduite par la GALERIE LE GAILLARD est à la fois prescrite et éteinte,

- et de la débouter en conséquence de toutes ses demandes,

Subsidiairement, pour le cas où l' action serait jugée recevable,

Vu les articles 1915 et suivants du Code Civil et notamment l'article 1943 du Code Civil,

- de constater l'absence de mention relative au lieu de la restitution dans le contrat de dépôt, que les dispositions relatives à l'assurance ou aux frais de transport n'ont aucun lien avec la fixation contractuelle d'un lieu de restitution,

- de juger que l'article 1943 du code civil est donc applicable et que le lieu de restitution est donc à [Localité 11], au MAMAC,

- de constater que la restitution a eu lieu au départ de l''uvre du MAMAC, et n'était pas endommagée à ce moment précis, que les détériorations sont intervenues après la restitution, pendant un transport, hors la responsabilité de la VILLE DE [Localité 11] et alors que le contrat de dépôt avait pris fin,

- de juger que la VILLE DE [Localité 11] a été déchargée de toute obligation au moment de la restitution - et de confirmer en conséquence le jugement déféré sur ce point,

- de réformer le jugement en ce qu'il a considéré que la responsabilité de la VILLE DE [Localité 11] devait être engagée pour ne pas avoir démontré avoir respecté l'obligation découlant du contrat de dépôt et consistant en la souscription d'une assurance de l''uvre clou à clou,

- de juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'exécution du contrat de dépôt par la VILLE DE [Localité 11] et le dommage, qu'au regard de l'absence de réserve à [Localité 12] et de l'émission de réserves à PIERREFITE, le dommage est juridiquement et nécessairement intervenu au cours de ce second trajet, que la GALERIE LE GAILLARD doit être considérée comme expéditeur dans le cadre de ce second trajet, que le dommage ne peut être intervenu à l'occasion de l'exécution d'un contrat auquel la VILLE DE [Localité 11] aurait été partie, que la GALERIE ALAIN LE GAILLARD n'a pas justifié les conditions d'entreposage de l''uvre en cause, entre le mai 2006 date de la livraison et les opérations d'expertise judiciaire ayant commencé en juin 2007,qu'elle ne justifie d'aucun lien de causalité entre le dommage survenu et l'exécution du contrat de dépôt,

- de constater l'existence d'une police clou à clou, versée aux débats, ayant donné lieu à un refus de garantie de la part de l'assureur, et qu'à la lecture de ladite police, l'absence de perte de chance du fait de l'exclu sion de tout sinistre par un mauvais conditionnement, ou emballage de l''uvre,

- de constater encore l'absence de perte de chance compte tenu de ce que l'assurance 'clou à clou' est nécessairement soumise au droit des transports et aux prescriptions qui en découlent,

- de débouter la GALERIE LE GAILLARD de toute demande, et juger qu'elle a engagé sa responsabilité,

- de juger que le préjudice, via la nature même de l''uvre, ne peut s'évaluer qu'à la somme de 3 000 €, suivant devis de restauration annexé au rapport d'expertise,

Si par impossible la cour ordonnait l'indemnisation de la valeur totale de l''uvre,

- de donner injonction à la GALERIE LE GAILLARD sous contrôle d'huissier de détruire définitivement l''uvre ainsi indemnisée,

Si la Ville de [Localité 11] était condamnée au bénéfice de la GALERIE LE GAILLARD,

- de constater que la société CHENUE est tenue par un marché public concernant non seulement le transport d''uvres d'art de la VILLE DE [Localité 11] sur le territoire national mais également les prestations d'enlèvement, emballage, stockage, manutention outre le transport,

- de juger que la société CHENUE a engagée sa propre responsabilité ayant transporté l''uvre de [Localité 12] à [Localité 13] à l'insu de la VILLE DE [Localité 11], et en dehors de la mission qui lui avait été confié par cette dernière,

- de reformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la VILLE DE [Localité 11] à l'encontre de la SA CHENUE,

- de condamner solidairement la société CHENUE et son assureur LLOYD'S France à relever et garantir intégralement la VILLE DE [Localité 11] de toute condamnation,

- et de condamner la GALERIE ALAIN LE GAILLARD au paiement à titre de dommages et intérêts d'une somme de 20 000 € au titre du préjudice découlant de la fraude à la loi, outre celle de 20 000 € pour procédure abusive, et celle de30 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 17 juillet 2012, la SARL Galerie Alain le Gaillard demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a reçue en ses demandes contre la Ville de [Localité 11],

- de constater que le contrat de dépôt contenait une clause de garantie dite 'clou à clou', qui est une garantie absolue de résultat,

- de constater que la Ville de [Localité 11] a manqué à cette obligation de résultat, en ne restituant pas l'oeuvre en bon état et qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle,

- de condamner la Ville de [Localité 11] au paiement d'une somme de 300 952 € en réparation du préjudice subi par l'atteinte irrémédiable à l'oeuvre qu'elle avait en dépôt,

- de condamner la Ville de [Localité 11] au paiement d'une somme de 50 000 € en réparation du préjudice moral subi, et au paiement des frais d'expertise s'élevant à 4 875,54€,

- et de la condamner à lui payer la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits.

Le galeriste sollicite en outre page 13 de ses écritures, mais non au dispositif de celles-ci, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle est disposée à remettre l'oeuvre litigieuse à la Ville de [Localité 11] en contrepartie du règlement de l' indemnisation .

Par conclusions déposées le 19 mars 2012, la SA Andre Chenue et la SAS LLOYD'S France demandent à la cour, au visa de l'article L 133-6 du code de commerce, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a constaté que le contrat de marché public conclu entre la Ville de [Localité 11] et la société André Chenue ne pouvait être invoqué par la Ville pour échapper au moyen tiré de l'acquisition de la prescription , dès lors que ledit contrat n'était pas en vigueur à la date du transport litigieux, de réformer la décision critiquée en ce qu'elle a rejeté leur demande d'indemnisation pour procédure abusive, statuant à nouveau de ce chef, de condamner la Ville de [Localité 11] au paiement d'une somme de 10 000 € à ce titre, et de la condamner à leur payer la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits.

L'ordonnance de clôture est datée du 6 septembre 2012.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.

MOTIFS

Attendu qu'il convient d'abord de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions qui y sont énoncées ;

Attendu que la Ville de [Localité 11] n'est pas fondée à opposer à la SARL Galerie Alain Le Gaillard des dispositions de l'article L. 133-6 du code de commerce, les liens contractuels l'unissant au galeriste résultant d'un contrat de dépôt et non du contrat accessoire liant la Ville de [Localité 11] et son transporteur ; que le tribunal a donc écarté à bon droit la fin de non-recevoir qui en est tirée de la prescription de l'action du galeriste ;

Attendu que la Ville de [Localité 11] reproche ensuite au fond au jugement déféré d'avoir retenu les dispositions de l'article 1943 lequel prévoit que 'Lorsque le contrat ne désigne point le lieu de la restitution, elle doit être faite dans le lieu même du dépôt', sans en avoir retenu tous les effets juridiques ; qu'au cas d'espèce un constat avait été effectué lors de la réception au musée, puis au départ du lieu de dépôt, au MAMAC ; que les dommages étant indubitablement survenus postérieurement, durant l'exécution du contrat de transport, la responsablité contractuelle de la Ville n'est pas engagée ;

Mais attendu que le contrat de dépôt diffère en l'espèce d'un dépôt ordinaire en ce qu'il prévoit en outre , à l'article 5, une obligation spécifique supplémentaire ; qu'en effet la Ville de [Localité 11]'s'engage à prendre en charge les frais de transport aller et retour, de conservation et plus généralement tout ceux nécessités par le dépôt et son exploitation. L'oeuvre sera assurée 'clou à clou' sur la base de l'estimation à l'article 1 du contrat' ; que cet article stipule : 'valeur d'assurance totale : 1 500'000 F (228'678€)' ;

Attendu que la Ville de [Localité 11] s'est ainsi expressément engagée à assurer l'oeuvre qui lui avait été prêtée jusqu'à son retour sur le clou d'origine ;

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu, les parties n'ont pas entendu pallier par cette stipulation une insolvabilité hypothétique de la Ville de [Localité 11], de sorte que celle-ci étant parfaitement solvable, la souscription ou non d'un tel contrat d'assurance serait sans incidence, mais qu'elles sont convenues de garantir le propriétaire de tous les risques que le prêt à La Ville de [Localité 11] faisait peser sur l'oeuvre ;

Attendu en conséquence que le moyen de le Ville de [Localité 11] tiré de ce que l'oeuvre aurait été endommagée durant l'exécution du contrat de transport, et non au moment de l'enlèvement sur le lieu du dépôt, où cesse l' obligation d'un dépositaire ordinaire, est inopérant, l'appelante ayant souscrit ici une obligation contractuelle spécifique, s'étendant au-delà ; qu'il en va de même en cas de transit de l'oeuvre par un entrepôt et si le trajet n'est pas été effectué directement depuis [Localité 11] jusqu'à la galerie, sise [Adresse 14], l'oeuvre devant être couverte par une police d'assurance jusqu'à son retour cette dernière adresse au clou d'origine ;

Attendu que l'assureur de La Ville, AXA, refuse sa garantie, les conditions d'application de la police souscrite n'étant pas réunies, faute pour l'assurée d'avoir effectué une déclaration préalable de ce qu'elle avait reçu l'oeuvre litigieuse en dépôt ; que ce refus n'a pas été attaqué;

Attendu que l'oeuvre de Cesar n'ayant pas été assurée par La Ville de [Localité 11], celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles ;

Attendu que La Ville fait valoir encore qu'il y a lieu de rechercher si la souscription d'une telle assurance aurait permis l'indemnisation du dommage, dans la mesure où l'assureur lui aurait, en toute hypothèse selon elle, dénié sa garantie, en lui opposant soit un défaut d'emballage (alors que l'action de La Ville contre le transporteur et son assureur est prescrite), soit d'avoir eu recours à un transporteur non spécialisé ;

Mais attendu que La Ville de [Localité 11] ne saurait invoquer les clauses d'exclusion de garantie d'une police d'assurance qu'elle n'a pas souscrite et résultant d'autres fautes engageant, elles aussi, sa responsabilité civile à l'égard du galeriste ;

Attendu ensuite, en ce qui se concerne le montant de l'indemnisation du préjudice subi par le galeriste propriétaire de l'oeuvre litigieuse, que la ville de [Localité 11] soutient que l'oeuvre peut être réparée à faible coût ;

Mais attendu que l'expert judiciaire désigné a décrit le processus de création et la matière expansée employée qui interdit une restauration laquelle serait à la fois nécessairement visible, et serait totalement contraire au sens de l'oeuvre ('Expansion') et au geste créatif de l'artiste ;

Attendu qu'il en résulte que l'oeuvre étant irrémédiablement perdue, le galeriste est fondé à refuser une restauration qui n'est pas susceptible de la replacer dans la situation où il se serait trouvé si le dommage ne lui avait pas été causé ; qu'il propose dès lors à bondroit au MAMAC de la lui restituer en l'état, contre réparation intégrale de son préjudice ;

Attendu cependant que la SARL Galerie Le Gaillard ne saurait prétendre à un montant correspondant à la valeur de remplacement de l'oeuvre d'art estimée à la date où les dommages et intérêts lui sont alloués, contrairement à ce qu'elle soutient ;

Attendu qu'en effet, si la sculpture avait été assurée 'clou à clou' par la Ville de [Localité 11] conformément au contrat liant les parties, la perte financière consécutive à sa destruction n'aurait été compensée que par le versement certain de l'indemnité d'assurance, soit la valeur déclarée de l'oeuvre de 228 674€, et non la valeur de celle-ci sur le marché de l'Art ;

Attendu que le préjudice subi et la réparation due au galeriste ne saurait dès lors excéder ce montant correspondant à celui auquel il aurait pu prétendre en l'absence de faute contractuelle de la Ville de [Localité 11], d'où il suit la confirmation du jugement déféré sur ce point ;

Attendu que le galeriste reproche en revanche avec pertinence audit jugement d'avoir rejeté sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; qu'elle ne possède plus aujourd'hui cette pièce exceptionnelle de César, de niveau muséal, ce qui constitue une atteinte importante à sa notoriété que ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une somme de 5 000€ ;

Attendu que le tribunal a déclaré exactement forclose l'action introduite contre le transporteur et son assureur hors le délai édicté par l'article L. 133-6 du code de commerce ; que La Ville de [Localité 11] ne fait valoir aucun moyen nouveau au soutien de son appel sur ce point ;

Attendu que le tribunal a déjà « condamné la Ville de [Localité 11] succombant aux dépens 'dont' les frais d'expertise » ; que si ceux-ci s'élèvent à 4 875,54 €, il n'y a pas lieu d'ajouter au jugement déféré qui a déjà statué sur ce point ;

Attendu en définitive, qu'il y a lieu de confirmer pour large part le jugement déféré ;

Attendu qu'aucun abus du droit d'ester en justice n'est à déplorer ; qu'il s'ensuit le rejet des demandes des parties tendant à l'octroi de dommages et intérêts de ce chef ;

Attendu que l'appelant principal succombant devra supporter la charge des dépens, et verser en équité la somme de 3 000 € à la SARL Galerie Alain Le Gaillard au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant lui-même, ni le transporteur et son assureur, prétendre au bénéfice de ce texte ;

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SARL Galerie Alain Le Gaillard du surplus de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Statuant à nouveau de ce chef

Condamne La Ville de [Localité 11] à verser la SARL Galerie Alain Le Gaillard la somme de 5'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Y ajoutant

Rejette les demandes tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne La Ville de [Localité 11] à verser la SARL Galerie Alain Le Gaillard la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 11/17568
Date de la décision : 18/10/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°11/17568 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-18;11.17568 ?
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