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18/09/2012 | FRANCE | N°11/13703

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 18 septembre 2012, 11/13703


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2012

jlg

N° 2012/363













Rôle N° 11/13703







SA SACIN (SOCIETE ANONYME COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE DE [Localité 13])





C/



SCI BAILET FRERES































Grosse délivrée

le :

à :

la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

la S

CP COHEN-GUEDJ















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 07/1316.





APPELANTE



SA SACIN (SOCIETE ANONYME COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE DE [Localité 13]) prise en la personne de son re...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2012

jlg

N° 2012/363

Rôle N° 11/13703

SA SACIN (SOCIETE ANONYME COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE DE [Localité 13])

C/

SCI BAILET FRERES

Grosse délivrée

le :

à :

la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE

la SCP COHEN-GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 07/1316.

APPELANTE

SA SACIN (SOCIETE ANONYME COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE DE [Localité 13]) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège , [Adresse 1]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Patrick GAYETTI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SCI BAILET FRERES prise en la personne de son représentant légal en exercice,

demeurant [Adresse 6]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me André DEUR, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Juin 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2012 .

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2012,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Selon acte reçu par Maître [Y] [D], notaire à [Localité 13], le 2 janvier 1958, la Société anonyme commerciale et industrielle de [Localité 13] (la SA SACIN) a vendu à [V] [W] le bien ainsi désigné :

« Un grand bâtiment à usage industriel, situé à [Localité 13], quartier de [Localité 11] en bordure du [Localité 14],

D'une contenance approximative de treize cent quatre vingt neuf mètres carrés,

Ce local a été édifié sur un terrain conquis sur le [Localité 14], postérieurement à mil huit cent soixante dix, date de l'établissement du plan cadastral, au droit de la parcelle section [Cadastre 4] et [Cadastre 12].

confrontant dans son ensemble :

-à l'est, le [Localité 14],

-au sud, le bâtiment vendu à Scoffié suivant acte du 12 septembre 1957, (Maîtres [D] et [K]) mur mitoyen entre deux approximativement à hauteur du portail d'entrée de l'usine,

-à l'ouest, la voie d'accès de l'usine appartenant à la Société anonyme commerciale et industrielle de [Localité 13], et la voie du Tramway desservant autrefois l'usine et la reliant à la voie du tramway urbain,

-au nord, l'immeuble vendu à [G] (acte du 10 octobre 1957). »

Ce qui suit est énoncé dans un chapitre de cet acte intitulé « Conditions particulières » :

« I.- L'acquéreur aura droit de passage le plus étendu par le portail servant d'entrée à l'usine, qui reste toutefois la propriété de la société venderesse.

Il aura également droit de passage à tous usages sur la bande de terrain d'environ trois mètres de largeur longeant à l'ouest le bâtiment vendu ; ce droit de passage s'exercera depuis le portail de l'entrée de l'usine jusqu'à l'entrée de la voûte.

La société venderesse se réserve de conférer droit de passage sur ladite parcelle à telle personne que bon lui semblera.

L'entretien de ce passage sera fait à frais communs.

Le droit de passage ne comporte pas le droit de stationner sur la bande de terrain frappée de ce droit de passage.

« II.- Sur cette bande de terrain, sont actuellement implantées des rails, qui servaient autrefois à relier l'usine à la voie de tramways.

Ces rails restent la propriété de la société venderesse, qui pourra les faire enlever quand bon lui semble.

La remise en état des lieux sera à ses frais. 

« III.- Le mur ouest de l'immeuble vendu, dans sa partie adossée au bâtiment dit « magasin à blé » restant la propriété de la société venderesse, sera mitoyen dans toute la partie commune aux deux bâtiments.

« IV.- Si, par suite de l'utilisation ultérieure du bâtiment vendu ou de celui dit « magasin à blé » restant la propriété de la société venderesse, il devait résulter une majoration d'assurance pour celui des deux immeubles dont l'utilisation ne serait pas changée, la majoration de ces primes d'assurances concernant ce dernier immeuble serait supportée par le propriétaire de l'immeuble dont l'utilisation aurait motivé cette majoration.

« V.- Dans le mur ouest de l'immeuble vendu, existent actuellement, ouvrant sur la bande de terrain objet du droit de passage ci-dessus conféré,

Au rez-de-chaussée, une grande porte d'entrée, une petite porte de service, une grande porte cochère,

Au premier étage, sept cadres baies vitrées et deux fenêtres courantes, sans volets,

Ces ouvertures seront maintenues en leur état actuel et il ne pourra en être créées de nouvelles, ni cheminées d'aération ou de chauffage,

« VI.- Les câbles de transport d'énergie électrique et les lignes téléphoniques et leurs supports pouvant se trouver installés soit sous la voûte, soit contre le mur de l'immeuble vendu, pourront être maintenus en leur état actuel.

« VII.- De même, tous droits de déversement des eaux pluviales résultant de l'état des lieux seront maintenus dans leur état actuel, en vertu de la destination du père de famille.

« VIII.- Par suite de la toiture en dents de scie de l'immeuble présentement vendu, les chéneaux se trouvant en extrémités nord et sud de l'immeuble vendu sont communs avec la propriété limitrophe.

« IX.- Les murs nord et sud séparant l'immeuble présentement vendu des immeubles contigus seront mitoyen avec l'immeuble adjacent et leur entretien sera fait à frais communs avec la propriétaire dudit immeuble contigu,

Pour la publicité foncière, sont ici indiqués les références des fonds servants, concernant les servitudes ci-dessus.

1°.- La bande de terrain grevée de la servitude de passage et de jour ci-dessus.

(paragraphe I et paragraphe V)

Est située à [Localité 13], lieu de [Localité 11] en bordure ouest du local vendu. Sa superficie est de trois cent cinquante mètres carrés environ, elle est cadastrée section [Cadastre 12] et confine :

Au sud : le [Adresse 6],

À l'ouest : le surplus de la propriété de la société S.A.C.I.

Au nord : également le surplus de la propriété S.A.C.I,

Et à l'est : le local présentement vendu à monsieur [W].

2°.- l'immeuble au nord, de celui présentement vendu objet du paragraphe VIII, est un local à [Localité 13], lieudit [Localité 11], en bordure du [Localité 14], de trois cents mètres carrés environ de superficie, confinant :

À l'est : le [Localité 14],

Au midi : le local présentement vendu,

À l'ouest : passage voûté, à la société venderesse,

Au nord : surplus de la propriété, à la société venderesse, comportant un local où est installé un poste transformateur électrique,

De l'ouest : encore en retour le même local,

Du nord : encore immeuble à société Les Dardanelles ou ayants droit (vendu à [B])

3°.- L'immeuble au sud de celui présentement vendu objet du paragraphe VIII, est un bâtiment industriel à [Localité 13] lieudit [Localité 11], en bordure du [Localité 14] avec terrain au sud, confinant :

À l'est : le [Localité 14],

À l'ouest : [Adresse 6],

Au nord : local présentement vendu,

Au sud : route reliant la rive droite du [Localité 14] à la gauche, prenant naissance sur le [Adresse 6],

Deux mille cinq cent douze mètres de superficie pour la construction et deux cent cinquante mètres carrés en ce qui concerne le terrain au sud, (vendu à Scoffié).

Ces deux immeubles ont été édifié sur un terrain conquis sur le [Localité 14] postérieurement à mil huit cent soixante dix, date de l'établissement du plan cadastral au droit de la parcelle section [Cadastre 4], pour le premier et même section [Cadastre 12] pour le second. »

Par acte du 15 février 2007, la SA SACIN a assigné la SCI Bailet Frères, qui vient aux droits de [V] [W] à la suite d'une vente du 5 août 1986, pour entendre juger qu'aux termes de l'acte du 2 janvier 1958, son fonds, aujourd'hui cadastré section [Cadastre 9], n'est grevé au profit du fonds acquis par ce dernier et aujourd'hui cadastré section [Cadastre 10], que d'une seule servitude de passage s'exerçant sur la bande de terrain d'environ trois mètres de largeur longeant à l'ouest le bâtiment vendu.

Par jugement du 26 mai 2011, le tribunal de grande instance de Nice a :

-débouté la SA SACIN de l'intégralité de ses demandes,

-dit que la SCI Bailet Frères, en tant que propriétaire de la parcelle cadastrée section [Cadastre 10], est titulaire de deux servitudes de passage sur le fonds cadastré [Cadastre 9] appartenant à la SA SACIN :

-la première ayant pour assiette la cour se trouvant en façade du bâtiment appelé le Grenier Niçois et débouchant sur la route de la Lauvette par un large portail métallique,

-la seconde, plus restreinte, longeant à l'ouest le grand bâtiment pour partie occupé par la SCI Bailet Frères et son locataire,

-débouté la SCI Bailet Frères de sa demande à hauteur de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-condamné la SA SACIN à payer la somme de 4 000 euros à la SCI Bailet Frères sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SA SACIN aux dépens,

-ordonné l'exécution provisoire.

La SA SACIN a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er août 2011.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 1er mars 2012, elle demande à la cour :

-de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-de dire et juger qu'aux termes de l'acte du 2 janvier 1958, son fonds n'est grevé que d'une seule servitude au bénéfice du fonds de la SCI Bailet Frères,

-de dire et juger que la SCI Bailet Frères ne dispose à travers son fonds, d'aucune autre servitude de passage que celle mentionnée dans l'acte du 2 janvier 1958,

-de dire et juger que la revendication par la SCI Bailet Frères d'un autre passage auquel on accède par un second portail donnant sur le [Adresse 6] et empruntant la cour située entre l'immeuble d'habitation et le local dénommée « ancien réfectoire » constitue une aggravation de la charge de la servitude de passage et doit être à ce titre prohibée en vertu des dispositions de l'article 702 du code civil,

-de dire et juger que la SCI Bailet Frères ne justifie d'aucun autre titre constitutif lui conférant la seconde servitude de passage revendiquée,

-de dire et juger que la SCI Bailet Frères est mal fondée à invoquer à titre subsidiaire qu'elle bénéficierait d'un second passage acquis par prescription alors que celle-ci ne saurait s'appliquer pour un fonds qui n'est pas enclavé,

-de dire en conséquence, fondée l'action négatoire entreprise par elle aux fins de contester l'existence de cette seconde servitude,

-de condamner la SCI Bailet Frères à enlever tout ouvrage, objet, véhicule soit de son chef soit de tout occupant de son chef et qui seraient implanté ou garé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 9] dont elle est propriétaire,

-de condamner la SCI Bailet Frères à lui payer la somme de 9,90 euros par jour depuis le 6 octobre 2004 jusqu'à l'arrêt à intervenir à titre de dommages et intérêts pour l'occupation illicite de sa cour,

-de débouter la SCI Bailet Frères de l'ensemble de ses demandes,

-de condamner la SCI Bailet Frères à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

-d'ordonner la restitution par la SCI Bailet Frères des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement déféré.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 janvier 2012, la SCI Bailet Frères demande à la cour :

-de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

-de dire et juger que l'appel de la SA SACIN est abusif,

-de condamner cette dernière à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices commerciaux et financiers subis du fait de la prolongation abusive d'un contentieux judiciaire de plus de seize ans,

-à titre infiniment subsidiaire, et si la cour infirmait le jugement déféré,

-vu l'état d'enclave relative de son fonds,

-de dire et juger dans ce cas, qu'elle a prescrit l'assiette telle que décrite par le jugement comme constituant le passage conventionnel le plus étendu découlant des actes du 2 janvier 1958 et 5 août 1986,

-de faire interdiction à la SA SACIN de troubler, par quelque moyen que ce soit, cette servitude de passage ainsi créée à son profit,

-de condamner la SA SACIN aux dépens.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2011.

Motifs de la décision :

Avant la vente d'une partie de sa propriété à M. [W], la SA SACIN en avait déjà vendu une partie à M. [U] [B], selon acte également reçu Maître [D] le 10 octobre 1957, acte dans lequel il est rappelé qu'aux termes de lettres en dates des 20 septembre 1955, 7 décembre 1955 et 13 décembre 1956, le préfet des [Localité 2] a dispensé les parties d'avoir à accomplir les formalités prévues pour les lotissements. Le bien vendu à M. [B] est l'immeuble au nord dont il est question dans « 2° » du paragraphe consacré aux références des fonds servants, figurant dans l'acte du 2 janvier 1958 pour les besoins de la publicité foncière.

Il est mentionné dans l'acte du 10 octobre 1957 :

« L'acquéreur aura droit de passage le plus étendu dans la partie nord du passage voûté à partir d'une ligne perpendiculaire au mur ouest du local vendu, tirée à cinquante centimètres du parement sud de la porte ouvrant sous ce passage voûté jusqu'au passage de la Lauvette.

Ce droit de passage s'exercera en empruntant l'allée orientée nord-est/sud-ouest, entre le bâtiment dit « ancien magasin à blé » et le bâtiment aujourd'hui incendié dit « ancien moulin », jusqu'au [Adresse 6].

L'acquéreur devra, à ses frais, percer le mur actuel en bordure du [Adresse 6] et installer un portail dont une clef sera remise à la société venderesse, qui aura le droit de l'utiliser et d'en conférer l'utilisation à ses futurs acquéreurs.

Le droit de passage ainsi concédé s'exercera sur une bande de quatre mètres de largeur, dont la société venderesse fixera l'assiette à sa convenance.

En attendant que l'acquéreur fasse le percement du mur et aménage l'accès de la [Adresse 16], la société venderesse lui accorde, à titre de simple tolérance, le droit d'utiliser le portail actuellement existant, servant d'entrée à l'usine, et d'emprunter pour son passage l'assiette de l'ancien emplacement de la voie du Tramway longeant le bâtiment en bordure du [Localité 14], puis le passage longeant l'ancien magasin à blé et rejoignant l'allée ci-dessus visée sur laquelle droit de passage est concédé. »

La SA SACIN produit un plan (pièce n° 15) comportant la mention « vu pour être annexé à notre lettre en date de ce jour. [Localité 13], le 20 septembre 1955. Pr le Préfet, le Chef de Division Délégué », suivie d'une signature et du timbre de la préfecture des [Localité 2]. L'examen de ce plan permet de constater, d'une part, qu'à cette époque, la propriété de la SA SACIN comportait deux issues sur le [Adresse 6], la première située à l'endroit où ce chemin bifurque vers l'ouest et où une voie de tramway pénétrait autrefois dans la propriété, la seconde située au nord ouest de l'allée grevée d'un droit de passage au profit du fonds acquis par M. [B], d'autre part, que cette seconde issue était impraticable pour un poids lourd car pour y accéder il fallait passer entre un bâtiment et le mur de clôture bordant le [Adresse 6], et qu'ensuite il était impossible de tourner à gauche pour déboucher sur ce chemin.

La SCI Bailet Frères produit un document intitulé « historique de l'évolution de la propriété SA SACIN de 1920 à nos jours » (pièce n° 19), comportant des photographies de l'IGN prises le 4 mai 1960, le 13 juillet 1964, le 23 juin 1970 et en 2007.

L'examen de ce document permet de constater :

-qu'en 1960, l'entrée débouchant sur l'allée grevée d'un droit de passage au profit du fonds vendu le 10 octobre 1957, avait été réalisée et qu'elle était utilisée pour accéder à la cour confrontant, à l'est, le bâtiment acquis par M. [W] le 2 janvier 1958, au sud, un bâtiment à usage de bureaux et d'appartements, à l'ouest, le mur de clôture bordant le [Adresse 6], et au nord, d'une part, un bâtiment à usage de boulangerie dont la façade ouest bordait ce chemin, d'autre part, l'ancien magasin à blé. Un passage entre le bâtiment abritant la boulangerie et l'ancien magasin à blé permettait en effet de relier cette cour à l'allée grevée de la servitude du 10 octobre 1957.

-qu'en 1964, un bâtiment empêchant le passage entre la boulangerie et l'ancien magasin à blé avait été construit et que l'accès à la cour susvisée se faisait directement par le [Adresse 6], le mur de clôture ouest ayant été supprimé.

L'acte du 10 octobre 1957 permet d'établir qu'à cette date, l'accès à la propriété de la SA SACIN se faisait principalement par le portail ('), servant d'entrée à l'usine, portail dans le prolongement duquel se trouvait l'assiette de l'ancien emplacement de la voie du Tramway longeant le bâtiment en bordure du [Localité 14].

Si le portail dont il est fait état dans la première phrase du chapitre intitulé « Conditions particulières » de l'acte du 2 janvier 1958 avait été le portail de l'entrée secondaire qui figurait sur le plan annexé à la lettre du préfet en date du 20 septembre 1955, où encore celui mis en place par M. [B], les parties n'auraient pas eu besoin de préciser qu'il reste toutefois la propriété de la société venderesse, l'un et l'autre de ces portails étant fort éloignés du bâtiment vendu à M. [W], ce qui n'est en revanche pas le cas du portail implanté au sud du passage longeant à l'ouest le bâtiment vendu, les photographies produites permettant de constater que l'un de ses battants est scellé dans ce mur. Il est en outre évident, compte tenu de la minutie avec laquelle les parties ont décrit les lieux et réglé les conséquences de la division, que si elles avaient entendu se référer à un autre portail d'entrée que celui dont il est question dans la désignation des confronts du bien vendu, elles auraient pris soin de préciser sa localisation de manière à ne pas le confondre avec ce portail. De surcroît s'il s'était agit du portail mis en place par M. [B], une remise des clés de ce portail aurait été prévue, comme elle l'a été dans l'acte du 10 octobre 1957.

Par ailleurs, si la SA SACIN avait eu l'intention de grever son fonds d'une servitude de passage distincte de celle s'exerçant sur la bande de trois mètres longeant à l'ouest le bâtiment vendu, il est certain qu'elle aurait, dans l'acte du 2 janvier 1958, décrit son assiette avec précision, comme elle l'a fait pour cette servitude et comme elle l'avait fait pour la servitude de passage instituée par l'acte du 10 octobre 1957, rédigé par le même notaire avec la même minutie.

Enfin, si les parties avaient eu l'intention de grever d'une servitude de passage la cour qui comporte aujourd'hui un accès direct sur le [Adresse 6], il aurait été plus logique qu'elles disent que le passage sur la bande de terrain d'environ trois mètres de largeur longeant à l'ouest le bâtiment vendu s'exercera depuis le portail de l'entrée de l'usine jusqu'à la cour sur laquelle l'acquéreur aura également droit de passage, plutôt que de dire qu'il s'exercera jusqu'à l'entrée de la voûte. Elles auraient en outre mentionné cette servitude dans le paragraphe rédigé pour les besoins de la publicité foncière et auraient décrit son assiette de manière précise, comme elle l'ont fait pour la bande de terrain longeant à l'ouest le bâtiment vendu.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le paragraphe I du chapitre intitulé « Conditions particulières » de l'acte du 2 janvier 1958 doit s'interpréter en ce sens qu'il y a identité entre le portail servant d'entrée à l'usine dont il est question dans la première phrase et le portail de l'entrée de l'usine dont il est question dans la deuxième phrase, en sorte qu'aux termes de cet acte, le fonds de la SA SACIN n'est grevé au profit du fonds de la SCI Bailet Frères, que d'une seule servitude de passage s'exerçant sur une bande de terrain d'environ trois mètres de largeur longeant à l'ouest le bâtiment de cette dernière, entre le [Adresse 6] et l'entrée de la voûte.

Ce passage, qui implique que les camions y pénètrent en marche arrière sur environ 50 mètres pour pouvoir décharger leurs marchandises au niveau de la porte cochère pratiquée dans le bâtiment de la SCI Bailet Frères, à proximité de l'entrée de la voûte, ne permet pas à cette société de disposer d'une issue suffisante pour la desserte complète de son fonds en vue de son exploitation industrielle. Ce fonds est donc enclavé au sens de l'article 682 du code civil.

Il est constant qu'entre 1977 et le 5 août 1986, le bâtiment de la SCI Bailet Frères a été occupé par la société Le Grenier Niçois à laquelle M. [W] avait consenti un bail.

Par acte du 1er janvier 1979, la SA SACIN a consenti à la société Le Grenier Niçois, un bail portant sur un local dénommé « le tunnel » ainsi que sur un local dénommé « ancienne boulangerie ».

La locataire ayant, aux termes de ce bail, eu la disposition de la cour sur laquelle la SCI Bailet Frères revendique le droit de passer, les passages que la société Le Grenier Niçois a effectués sur cette cour en vertu de ce bail, n'ont pu, en raison de leur caractère équivoque, permettre au propriétaire du fonds enclavé de prescrire l'assiette du passage.

Il résulte du plan topographique produit par la SCI Bailet Frères (pièce n° 5) que le passage sur lequel l'assiette de la servitude conventionnelle est fixée et qui est compris entre les bâtiments de la SA SACIN et son bâtiment, n'a qu'une largeur de 4 mètres, également insuffisante pour assurer la desserte complète de ce bâtiment.

Ce même plan permet de constater que seul un passage établi sur toute la surface de cette cour est de nature à assurer cette desserte. L'assiette de la servitude légale de passage dont bénéficie le fonds de la SCI Bailet Frères sera donc fixée sur l'intégralité de la cour située à l'ouest de ce fonds, cette cour étant bordée au sud par un bâtiment à usage d'habitation, au nord par l'ancien magasin à blé, et à l'ouest par le [Adresse 6], actuellement dénommé [Adresse 5],

Les photographies produites permettant de constater que la SCI Bailet Frères a déposé quelques objets tels que des pots de fleurs et une statue sur l'assiette de la servitude conventionnelle et sur l'assiette de la servitude légale, cette société sera condamnée à les enlever.

Le préjudice que la SCI Bailet Frères a causé à la SA SACIN en utilisant son fonds pour déposer des objets étant suffisamment réparé par l'enlèvement de ceux-ci, la SA SACIN sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La mauvaise foi ou l'intention de nuire de la SA SACIN n'étant pas établies, cette dernière n'a commis aucune faute dans l'exercice de son droit de résister à la demande de la SCI Bailet Frères, en sorte que cette dernière sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La SCI Bailet Frères ayant principalement invoqué une servitude conventionnelle inexistante, l'équité commande de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et en appel.

Par ces motifs :

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la SA SACIN aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chef infirmés,

Dit qu'aux termes de l'acte reçu par Maître [Y] [D], notaire à [Localité 13], le 2 janvier 1958, le fonds de la SA SACIN cadastré section [Cadastre 9], n'est grevé au profit du fonds cadastré section [Cadastre 10], appartenant à la SCI Bailet Frères, que d'une seule servitude de passage s'exerçant sur une bande de terrain d'environ trois mètres de largeur longeant l'ouest du bâtiment de cette dernière, entre le [Adresse 6] et l'entrée de la voûte,

Dit que le fonds de la SCI Bailet Frères est enclavé,

Dit que l'assiette du passage n'a pas été prescrite,

Fixe le passage permettant de désenclaver le fonds de la SCI Bailet Frères sur l'intégralité de la cour située à l'ouest de ce fonds, cette cour étant bordée au sud par un bâtiment à usage d'habitation, au nord par l'ancien magasin à blé, et à l'ouest par le [Adresse 6], actuellement dénommé [Adresse 5],

Condamne la SCI Bailet Frères à enlever les objets qu'elle a déposés, tant sur l'assiette de la servitude conventionnelle du 2 janvier 1958, que sur l'assiette de la servitude légale,

Déboute la SA SACIN de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute la SCI Bailet Frères de sa demande de dommages et intérêts,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties,

Condamne la SA SACIN aux dépens qui pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/13703
Date de la décision : 18/09/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°11/13703 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-18;11.13703 ?
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