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14/09/2012 | FRANCE | N°11/04022

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 14 septembre 2012, 11/04022


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 14 SEPTEMBRE 2012



N°2012/ 1016















Rôle N° 11/04022







[A] [H]





C/



SA CABINET PAUL STEIN





























Grosse délivrée le :



à :



-Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jean-claude PERIE, avoca

t au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2975.





APPELANT



Monsieur [A] [H], demeurant [Adresse 2]...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 14 SEPTEMBRE 2012

N°2012/ 1016

Rôle N° 11/04022

[A] [H]

C/

SA CABINET PAUL STEIN

Grosse délivrée le :

à :

-Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2975.

APPELANT

Monsieur [A] [H], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CABINET PAUL STEIN, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre

Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2012

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2012

Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Cabinet STEIN, entreprise de gestion immobilière, a embauché [A] [H] à compter du 1er Février 2001 en qualité d'agent de maîtrise chargé du suivi administratif er technique ; le contrat, conclu le 21 Décembre 2000, était à durée indéterminée et à temps plein.

Le 19 Avril 2007, la société , qui envisageait la rupture de la relation de travail, convoquait [A] [H] pour un entretien préalable et à l'issue de cette rencontre qui se tenait le 2 Mai suivant, l'employeur lui notifiait, par lettre en date du 22 Mai 2007, son licenciement pour motif réel et sérieux, lui reprochant le non-respect des directives précédemment données, sa négligence manifestée par ses erreurs comptables, administratives et dans des courriers, un comportement injurieux envers un huissier, des insinuations relatives à la moralité de sa hiérarchie, une agressivité verbale avec ses collègues de travail, l'expression de ses options politiques et des propos déplacés sur le physique d'une cliente.

+++++

[A] [H], qui contestait le bien-fondé de la mesure prise, saisissait, le 30 Octobre 2007, le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour obtenir la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il réclamait également des dommages et intérêts pour mise en danger de la vie d'autrui résultant de la violation des dispositions légales concernant le tabagisme et le remboursement de frais d eformation professionnelle.

Dans ses conclusions ultérieures, il précisait la nature et le montant de ses demandes, à savoir :

- dommages et intérêts pour non-respect de la Loi Evin dont il a demandé l'application : 30.000 Euros,

- dommages et intérêts pour licenciement illégitime, les griefs exposés lors de l'entretien préalable n'étant pas établis et la rupture initiée n'étant que la réaction de l'employeur à sa revendication en matière d'usage de tabac : 60.000 Euros,

- dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral distinct généré par des vexations et brimades: 20.000 Euros,

- remboursement des frais d'inscription à la faculté pour suivre une formation professionnelle lui permettant de progresser à son poste de travail : 1.600 Euros.

[A] [H] sollicitait, en outre, l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour un montant de 3.000 Euros.

Pour sa part, la société Cabinet STEIN concluait au rejet des demandes de [A] [H] et à sa condamnation à hauteur de 1.500 Euros au titre des frais irrépétibles.

La juridiction prud'homale a rendu sa décision le 28 Janvier 2011 ; les premiers juges ont considéré légitime le licenciement opéré ; par contre, ils ont condamné la société Cabinet STEIN à payer à [A] [H] les sommes suivantes :

- non-respect de la Loi Evin : 4.998 Euros,

- frais irrépétibles : 900 Euros.

+++++

[A] [H] a, par pli recommandé expédié le 2 Mars 2011, régulièrement relevé appel du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille qui lui a été notifié le 5 Février 2011.

Dans ses écritures déposées et reprises oralement, [A] [H] conclut à la réformation du jugement ; il forme des demandes chiffrées parfaitement identiques à celles présentées en première instance ; il réclame la condamnation de son ancien employeur à lui verser une somme de 3.500 Euros en application de l'article du Code de Procédure Civile.

En réplique, dans ses écritures déposées et dans ses explications verbales fournies lors des débats, la société Cabinet STEIN soutenant que le licenciement de [A] [H] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, que le cabinet a respecté toutes ses obligations légales, qu'aucun préjudice moral n'est démontré par l'appelant et que les frais de formation universitaire ont été engagés par [A] [H] pour des motifs personnels, conclut à la réformation partielle de la décision déférée en ce qu'elle l'a condamnée au titre de la Loi Evin et au débouté de [A] [H] de toutes ses prétentions ;

Elle sollicite enfin la somme de 2.500 Euros en vertu de l'article 700.

Pour un plus ample exposé des moyens, arguments et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs conclusions écrites qui ont été soutenues oralement à l'audience du 5 Juin 2012.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur le licenciement

Dans la lettre de rupture du 22 Mai 2007 adressée à [A] [H] et qui fixait les limites du litige, l'employeur justifiait le licenciement en ces termes :

'Vous n'avez pas tenu compte des directives données dans mon courrier du 3/11/2005, et réitérées à maintes reprises depuis lors.

Ainsi, vous persistez à adresser des courriers signés par vos soins, entre autre, votre courrier du 05/04/2007 à un avocat , Maître [R], lui demandant d'engager 1es formalités de vente aux enchères d'un appartement de copropriétaire et ce, malgré ,l' opposition de l'Assemblée Générale du syndicat, seul décideur en la matière (coût de erreur: 1 517 Euros ).

De telles négligences, susceptibles de recherches en responsabilité de notre cabinet, ont pour conséquence une perte de crédibilité de notre société auprès, non seulement des avocats, mais également et surtout de nos Clients.

Vous persistez à poser des questions aux avocats et intervenants du cabinet , ce qui m'a valu certaines remontrances de la part de Maître BENSA, avocat .

Vous n'avez jamais pu mettre en pratique l'articulation comptable des recouvrements, ce qui a souvent conduit Maître [W] à vous reprocher votre défaut de compréhension et des délais de computation.

Vous persistez à traiter Maître [W], Huissier de justice, de « voleur ».

Vous trouverez, ci-joint, copie d'un courrier que celui-ci m'a adressé en date du 14/05/2007 répondant à vos propos inacceptables et diffamatoires.

Vous allez même jusqu'à m'accuser de couvrir Maître [W] dans « ses agissements », et par là-même mettre en doute ma valeur morale et mon intégrité (votre RAR du 21/04/2007).

Votre comportement et les insinuations que vous faites à mon encontre sont particulièrement inacceptables et constitutives d'une faute qui rendent impossible la poursuite sereine de votre contrat de travail.

Le 20 mars 2007, Mme [G] a demandé à M. [K] d'intervenir en tant que supérieur hiérarchique dans le conflit qui vous opposait à cette dernière.

Celui-ci a pu constater, une fois de plus , votre réaction colérique , injurieuse et agressive tant à l'égard du personnel (déjà remarquée à l' encontre de Mesdames [O], [P] et [M]) qu'à l'égard des cadres (M. [K]., Principal de cabinet que vous avez menacé et insulté à plusieurs reprises quand il vous a fait constater vos erreurs sur le traitement de certains dossiers ...

Votre contrat de travail prévoit des taches administratives ou techniques.

C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé de saisir quelques factures de copropriétés.

Simple saisie informatique qui ne demande aucune réflexion si ce n'est de vérifier s'il ' agit bien de factures.

Votre manque de concentration vous a conduit à régler un devis pour un montant de 2.532 Euros, somme non récupérable à ce jour me mettant ainsi en défaut vis à vis de mon client.

Malgré mes multiples remarques et injonctions, vous persistez à afficher de manière ostensible votre appartenance politique (affiches du Front National dans votre bureau et dans la cuisine).

Vous vous êtes même permis de commenter de manière déplacée et inacceptable, les rondeurs d'une cliente et ce devant l'ensemble du personnel comptable .

Votre comportement n'est pas du à une défaillance passagère mais persistante, qui porte atteinte e à l'intérêt de l'entreprise et à l'image du cabinet ...

Votre insuffisance « comportementale » vous est entièrement imputable et votre entêtement systématique à ne jamais reconnaître vos erreurs fait que vous perturbez gravement le climat de l'entreprise.

... Je vous notifie, par la présente, votre licenciement pour motif réel et sérieux reposant sur des éléments concrets.

Votre préavis de deux mois, que je vous dispense d'effectuer, débutera à la date de présentation de cette lettre, votre rémunération vous étant intégralement payée aux échéances habituelles.'.

La Cour constate ou rappelle, en premier lieu, que :

- les griefs exposés dans le courrier de licenciement (les fautes et erreurs d'exécution, les relations difficiles avec ses collègues de travail, la clientèle du cabinet et un huissier de justice et un affichage politique) ont été évoqués lors de l'entretien préalable du 2 Mai 2007, ainsi qu'il en ressort du compte-rendu établi par le conseiller du salarié,

- dans l'hypothèse où un grief énoncé dans la lettre de licenciement n'a pas été discuté au cours de l'entretien préalable, cette irrégularité serait seulement de forme ; en l'espèce, [A] [H] n'a pas demandé expressément réparation à ce titre ; en conséquence, il y a lieu de se prononcer sur l'ensemble des reproches formulés par la société Cabinet STEIN dans sa lettre de licenciement de [A] [H],

- la société Cabinet STEIN s'est placée sur le terrain disciplinaire en alléguant de fautes constitutives de motifs sérieux et réels de rupture du contrat de travail; contrairement aux dires de [A] [H], l'employeur n'a jamais prétendu mettre à la charge de son salarié une faute grave,

- les faits reprochés ne sont pas prescrits.

De fait, la société Cabinet STEIN justifie par les pièces produites la réalité des griefs exposés :

- les divers courriers relatifs à une procédure de saisie immobilière initiée, le 5 Avril 2007, par [A] [H] malgré la résolution contraire de l'assemblée générale des copropriétaires en date de Janvier 2007,

- les échanges de lettres entre [A] [H] et l'huissier,

- la correspondance du salarié au Cabinet STEIN du 21 Avril 2007 dans laquelle [A] [H] écrivait : ' ces frais et honoraires étaient imputés deux fois sur le compte client ; il est vrai que j'en ai fait grief à plusieurs reprises à l' huissier en personne , ce dont vous m'avez fait reproche car l'huissier est un ami personnel qui vous est très cher; votre conclusion : l'huissier a toujours raison ' ,

- les attestations de [Z] [G], comptable, et [T] [P], secrétaire, toutes deux salariées au sein du Cabinet STEIN, relatant l'attitude agressive et les propos injurieux de [A] [H] à leur encontre,

- le témoignage de [Y] [F], administrateur décrivant une discours violent de [A] [H] à l'adresse d'une secrétaire,

- le devis d'un artisan ayant servi au règlement de travaux,

- les attestations de trois employés confirmant l'affichage de documents à caractère politique par [A] [H] dans son bureau.

En revanche , les témoignages de clients communiqués par [A] [H] et relatifs à la qualité de son travail ne permettent pas d'infirmer le mise en cause du salarié pour des faits précis.

Dans ces conditions, était justifié le licenciement de [A] [H] qui reposait sur des griefs établis pouvant être qualifiés de cause réelle et sérieuse.

Il convient de confirmer le jugement déféré sur c epremiuer point et rejeter la demande de [A] [H] présentée au titre d'un licenciement illégitime.

2) Sur le préjudice moral distinct

N'est pas établie par [A] [H] l'existence de circonstances entourant la rupture caractérisant un abus de l'employeur dans l'exécution de ses obligations contractuelles et l'exercice de sa faculté de résiliation unilatérale du contrat de travail et ayant entraîné pour le salarié un préjudice moral distinct ; [A] [H], en effet, ne verse aucun document ou témoignage étayant ses prétentions ; partant, [A] [H] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

La décision querellée sera confirmée.

3) Sur l'usage du tabac

La société Cabinet STEIN était tenue à l'égard de son personnel d'une obligation de sécurité de résultat qui lui imposait de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés dont notamment [A] [H].

Les pièces et attestations fournies par [A] [H], en particulier les témoignages de [N] [O], [T] [P] et [C] [I], tout comme le compte rendu du conseiller mentionnant que la gérante a admis fumer sans son bureau, démontrent que n'étaient pas respectées les dispositions du code de la santé publique sur l'interdiction de fumer dans les lieux de travail fermés ouverts au public ; [A] [H] était donc exposé occasionnellement à la fumée du tabac consommé par d'autres salariés.

Force est de relever l'absence au sein de la société Cabinet STEIN de lieux réservés mis à la disposition de fumeurs et équipés de dispositifs spéciaux réglementaires d'extraction d'air ; la surface importante du cabinet, la signalisation de l'interdiction de fumer apposée sur le site et l'installation de bouches d'aération ne permettaient pas à la société Cabinet STEIN de se dispenser de respecter scrupuleusement les règles qui lui étaient imposées.

Il ressort, par ailleurs, des certificats médicaux produits que [A] [H] a subi les séquelles d'un tabagisme passif sur son système respiratoire.

Au regard de ces éléments, les dommages et intérêts allouées fort justement par le Conseil de Prud'hommes à [A] [H] ont été exactement calculés.

Le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé.

4) Sur le remboursement de frais de formation

[A] [H] ne communique aucun élément justifiant sa demande de remboursement de frais d'inscription à la faculté de droit ; avec pertinence, les premiers juges ont relevé que l'attestation produite par l'intéressé n'était pas signée.

Au surplus, les dires de l'employeur soutenant que la formation éventuellement entreprise par [A] [H] répondait à des motifs personnels sans lien avec la nécessité de se former pour le compte de la société Cabinet STEIN sont sérieusement confirmés par les attestations de [J] [D] et [B] [X] qui ont certifié que [A] [H] leur avait confié que ses études de droit le serviraient à créer son propre cabinet.

La décision du Conseil de Prud'hommes, qui a rejeté la demande de [A] [H], sera confirmée.

+++++

Les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire; en l'espèce il ne convient pas de faire remonter le point de départ du cours des intérêts sur la somme allouée à [A] [H] au jour de la demande en justice.

Sera maintenue la somme allouée à [A] [H] par les premiers juges pour les frais irrépétibles de première instance (900 Euros) ; par contre, l'équité en la cause commande de débouter les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Confirme le jugement déféré rendu le 28 Janvier 2011par le Conseil de Prud'hommes de Marseille dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Partage par moitié les dépens entre les parties et les déboute de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 11/04022
Date de la décision : 14/09/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°11/04022 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-14;11.04022 ?
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