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26/07/2012 | FRANCE | N°12/01214

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 26 juillet 2012, 12/01214


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 26 JUILLET 2012

FG

N° 2012/484













Rôle N° 12/01214







[Z] [WN]





C/



SCI BMO III





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE





SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON











Décision d

éférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 01 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04155.







APPELANT



Monsieur [Z], [A], [Y] [WN],

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 25]

demeurant [Adresse 16]

venant aux droits de feu [J] [WN].





représenté p...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 26 JUILLET 2012

FG

N° 2012/484

Rôle N° 12/01214

[Z] [WN]

C/

SCI BMO III

Grosse délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE

SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 01 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04155.

APPELANT

Monsieur [Z], [A], [Y] [WN],

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 25]

demeurant [Adresse 16]

venant aux droits de feu [J] [WN].

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Michel DE GUILLENCHMIDT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SCI BMO III ,

immatriculée au RCS de SAINT TROPEZ sous le N° D 501 847 677, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 29]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Philippe MARIN, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Sophie MARCHESE, avocat au barreau de TOULON

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Par acte notarié en date du 11 février 2008, M.[J] [WN] a vendu à la SCI BMO III une parcelle de terre sur laquelle ont été édifiés un hangar à usage agricole et un cabanon à [Localité 28].

M.[J] [WN] est décédé le [Date décès 17] 2009, laissant pour lui succéder M.[Z] [WN].

Il est apparu par la suite qu'une servitude de passage grève le fonds.

Le 7 mai 2010, la SCI BMO III a fait assigner M.[Z] [WN] devant le tribunal de grande instance de Draguignan en nullité de la vente pour dol.

Par jugement contradictoire en date du 1er décembre 2011, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- rejeté la demande d'expertise formée par M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN],

- prononcé la nullité de la vente conclue entre M.[J] [WN] et la SCI BMO III, suivant acte reçu le 11 février 2008 par M°[K] [U] avec la participation de M°[HG] [I], publié au premier bureau de la conservation des hypothèques de Draguignan le 28 février 2008, volume 2008 V, n°1625 et 2008 P n°3079, et portant sur une parcelle de terre sise à [Localité 28] (Var), lieudit '[Localité 31]', cadastrée section D [Cadastre 7], D [Cadastre 11], D [Cadastre 18], D [Cadastre 21] et D [Cadastre 22], pour une surface totale de 4ha 45 a 95 ca, pour une somme de 450.000 euros, les parcelles cadastrées section D [Cadastre 21] et D [Cadastre 22] provenant de la division des parcelles cadastrées D [Cadastre 19] et D [Cadastre 20], ledit bien appartenant à M.[J] [WN] par donation partage suivant acte reçu par M°[O] [WU], notaire à [Localité 25], le 6 novembre 1950, dont une copie authentique a été publiée au premier bureau de la conservation des hypothèques de Draguignan le 12 décembre 1950, volume 2318 n°84,

- dit que M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN] devra restituer à la SCI BMO III, la somme de 450.000 euros correspondant au prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2010,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

- dit que la SCI BMO III devra restituer à M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN] la parcelle de terre sise à [Localité 28] (Var), lieudit '[Localité 31]', cadastrée D [Cadastre 7],

D [Cadastre 11], D [Cadastre 18], D [Cadastre 21] et D [Cadastre 22], pour une surface totale de 4ha 45 a 95 ca, les parcelles cadastrées section D [Cadastre 21] et D [Cadastre 22] provenant de la division des parcelles cadastrées D [Cadastre 19] et D [Cadastre 20],

- ordonné la publication de la présente décision au premier bureau de la conservation des hypothèques de Draguignan,

- débouté la SCI BMO III de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN] de ses demandes,

- condamné M.[Z] [WN] venant aux droits de M. [J] [WN] à verser à la

SCI BMO III la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN] aux dépens avec distraction au profit de la SCP BRUNET DEBAINES, avocats au barreau de Draguignan.

Les deux parties ont relevé appel principal de ce jugement, la SCI BMO III par déclaration de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY et LEVAIQUE, avocats, en date du 11 janvier 2012, et M.[Z] [WN] par déclaration de M°Sébastien BADIE, avocat, en date du 20 janvier 2012.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 11 juin 2012, M.[Z] [WN], venant aux droits de feu [J] [WN], demande à la cour d'appel, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil, de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente,

- subsidiairement, rejeter la demande de dommages et intérêts de la SCI BMO III,

- condamner la SCI BMO III aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP BADIE & SIMON-THIBAUD & JUSTON.

M.[WN] affirme que le vendeur était de bonne foi alors que son père ignorait l'existence de cette servitude et fait remarquer que, quand bien même il en aurait eu connaissance, il n'a rien cherché à dissimuler alors que la servitude ne devait pas avoir d'incidence sur le consentement de l'acquéreur. Il estime que l'information sur la servitude ne pouvait avoir aucune incidence déterminante sur la volonté d'acquérir. Il considère que le vendeur n'a commis aucune faute et qu'en tout état de cause la SCI BMO III n'en supporte aucun préjudice.

Par ses conclusions, déposées et notifiées le 30 mai 2012, la SCI BMO III demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la SCI BMO III de sa demande de dommages et intérêts,

- débouter M.[WN] de toutes ses demandes,

- condamner M.[WN] à payer à la SCI BMO III la somme de 236.636,35 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter de l'assignation, en date du 7 mai 2010,

- condamner en outre M.[WN] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[WN] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY et LEVAIQUE.

La SCI BMO III fait observer que la servitude litigieuse avait été consentie par M.[J] [WN], vendeur, lui-même, et qu'il ne peut prétendre l'avoir ignorée. Elle estime que M.[J] [WN] a dissimulé un élément déterminant du consentement, alors que la servitude empêche la réalisation du projet pour la réalisation duquel la SCI BMO III voulait acquérir le bien. La SCI BMO III fait valoir qu'elle a engagé des frais en vain pour son projet et que son préjudice du à ce dol est de 236.636,35 €, comprenant coût du crédit, assurance, frais d'acte.

MOTIFS,

Plus aucune demande d'expertise n'est formée devant la cour.

L'article 1116 du code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

L'acte authentique de vente, reçu le 11 février 2008 par M°[K] [U], notaire à [Localité 30], avec la participation de M°[HG] [I], notaire associé à [Localité 25], est passé entre M.[J] [WN], né le [Date naissance 12] 1910 à [Localité 34], vendeur, et la société civile immobilière BMO III, acquéreur, représentée par son gérant, M.[G] [P].

L'objet de la vente tel que décrit dans l'acte est : $gt;

Au paragraphe relatif aux déclarations du vendeur, il est expressément mentionné que le vendeur déclare qu'il n'a créé ni laissé acquérir aucune servitude sur le bien vendu et qu'à sa connaissance il n'en existe aucune autre que celles éventuellement indiquées au présent acte.

A cet égard aucune servitude n'est mentionnée dans l'acte.

Il ressort de la rédaction de l'acte qu'il n'existe pas de servitude conventionnelle. Les seules susceptibles d'exister sont les servitudes légales résultant de la situation naturelle des lieux.

M.[J] [WN], qui était propriétaire du bien depuis un acte du 6 novembre 1950, a déclaré qu'il n'a consenti ni laissé acquérir aucune servitude depuis cette date.

L'acquéreur a découvert après la vente qu'il existait une servitude conventionnelle.

Par acte des 21 et 27 mai, 2, 6, 10, 16 et 24 juin , 3, 4 et 10 juillet 1969, passé devant M°[G] [X], notaire à [Localité 28], et publié à la conservation des hypothèques, M.[N] [R], Mme [RW] [L] épouse [R], M.[RU] [AF], M.[S] [C], M.[V] [F], M.[D] [W], Mme [H] [R] épouse [W], M.[J] [WN], Mme [B] [HE] épouse [WN], M.[MA] [E], M.[CL] [LY] et M.[M] [T] se sont consentis mutuellement une servitude de passage sur leurs terrains respectifs à [Localité 28], grevant les terrains des autres au profit de leurs terrains respectifs.

En ce qui concerne la servitude consentie par M.[J] [WN] et son épouse, elle grève les parcelles cadastrées section D.n°[Cadastre 8] de 52a, n°[Cadastre 6] de 1ha75a 10ca et n°[Cadastre 5] de 3ha 8a 45ca.

Les modifications des références cadastrales permettent de constater que les parcelles section D. numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 5] sont devenues les parcelles section D.numéros [Cadastre 22] et [Cadastre 18].

Les parcelles D.n°[Cadastre 22] et n°[Cadastre 18] représentant respectivement 1ha 49a 63ca et 2ha 58a 45ca, soit au total 4ha 8a 8ca sur une surface totale de 4ha 45a 95ca, sont les parcelles les plus grandes de la vente. Elles sont, en conséquence de cet acte des 21 et 27 mai, 2, 6, 10, 16 et 24 juin , 3, 4 et 10 juillet 1969 créant une servitude conventionnelle, grevées d'une servitude de passage.

Cette servitude concernant la parcelle [Cadastre 22] (ex-[Cadastre 6]) grève le fonds au profit des fonds qui étaient alors les fonds [AF] ([Cadastre 9] et [Cadastre 10]), [E] ([Cadastre 14], [Cadastre 13] et [Cadastre 15]), [T] ([Cadastre 4]). Celle grevant la parcelle [Cadastre 18] (ex-[Cadastre 5]) grève le fonds au profit des fonds qui étaient alors les fonds [R] ([Cadastre 2]) et [LY] ([Cadastre 3]).

La servitude consiste, ainsi que l'acte constitutif le précise en une $gt;. L'acte ajoute que $gt;.

Il est également précisé que ce chemin est lui-même relié à un chemin résultant d'une servitude plus ancienne, créé. par acte du 22 novembre 1911 et correspondant à un chemin dénommé le chemin [Adresse 26].

En dehors de la bande de trois mètres ainsi définie, l'acte des 21 et 27 mai, 2, 6, 10, 16 et 24 juin , 3, 4 et 10 juillet 1969 établit des aires de stationnement temporaire pour permettre aux véhicules de se croiser, dont une sur la parcelle [Cadastre 8] de M.[WN]. Mais cette parcelle [Cadastre 8] n'est pas comprise dans la vente, sauf à ce qu'elle ait changé de numérotation cadastrale, mais à cet égard, les parties ne donnent aucun élément.

En tout état de cause, M.[J] [WN] avait laissé établir en 1969 une servitude réelle de droit de passage au profit de cinq fonds alentour qui grève de façon perpétuelle les parcelles vendues.

La déclaration de M.[J] [WN] dans l'acte de vente du 11 février 2008 selon laquelle il affirme n'avoir créé ni laissé acquérir aucune servitude sur le bien vendu et qu'à sa connaissance il n'en existe aucune autre que celles éventuellement indiquées au présent acte, est une déclaration mensongère, constitutive d'une réticence dolosive.

L'acquéreur pensait acquérir un terrain d'une surface entièrement disponible à titre privatif.

Il s'est avéré que son terrain était grevé d'un droit de passage sur une bande de trois mètres de large au profit de cinq fonds environnants.

Ce simple élément était déterminant de son consentement. Il pensait acquérir un terrain libre de tout droit de passage, et a découvert que c'était faux, le vendeur lui ayant menti sur ce point. Son consentement a été vicié par le dol commis par M.[J] [WN], aux droits et obligations duquel vient aujourd'hui son héritier, M.[Z] [WN].

Le jugement sera confirmé sur l'annulation de la vente et ses conséquences en termes de restitutions réciproques.

La SCI BMO III a fait appel incident sur ses demandes de dommages et intérêts.

Il est exact que le dol lui a causé un préjudice, par les frais d'acte, 22.905 €.

La SCI BMO III avait souscrit un emprunt pour cette acquisition, soit un prêt de 450.000 € alors que le prix était de 450.000 €. Le coût du crédit, dans la mesure où il va à son terme, est de 191.051,35 €, compte tenu d'un taux d'intérêt de 4,85% l'an sur 15 ans, plus une assurance décès invalidité de 22.680 € pour 15 ans.

Mais c'est la SCI BMO III qui a négocié ce taux sur 15 ans. Elle n'est pas allée jusqu'au terme du prêt. Elle a eu cependant la jouissance du terrain pendant le temps où elle a payé des intérêts, ce préjudice n'est pas établi.

Par contre M.[WN] indemnisera la SCI BMO III de ses frais irrépétibles et supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2011 par le tribunal de grande instance de Draguignan en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SCI BMO III,

Statuant de nouveau sur la demande de dommages et intérêts,

Condamne M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN] à payer à la SCI BMO III la somme de vingt-deux mille neuf cent cinq euros (22.905 €) à titre de dommages et intérêts et déboute la SCI BMO III du surplus de sa demande à ce titre,

Y ajoutant,

Condamne M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN] à payer à la SCI BMO III la somme de deux mille cinq cents euros (2.500 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, en plus de ceux de première instance,

Condamne M.[Z] [WN] venant aux droits de M.[J] [WN] aux dépens d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 12/01214
Date de la décision : 26/07/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°12/01214 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-26;12.01214 ?
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