COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT DE CONFIRMATION
DU 26 JUILLET 2012
FG
N° 2012/478
Rôle N° 11/18272
[P] [J]
C/
ETAT FRANCAIS
Grosse délivrée
le :
à :
SCP JONATHAN-DUPLAA / QUESNEAU
Me Jean marie JAUFFRES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 20 Septembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/405.
APPELANT
Monsieur [P] [J]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 7] (EGYPTE),
demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP JONATHAN-DUPLAA / QUESNEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me DE BUCY , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
INTIME
ETAT FRANCAIS
Pris en la personne de l'agent judiciaire du trésor Public
domicilié en ses bureaux sis Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Direction des Affaires Juridiques sis [Adresse 2]
représenté par Me Jean marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Le 30 décembre 2010, M.[P] [J] a fait assigner l'Etat français devant le tribunal de grande instance de Marseille, pour voir, sur le fondement des articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L.141-1 et 141-2 du code de l'organisation judiciaire, de l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955, des articles 1382 et 1383 du code civil, des articles 4 et 5 du code de procédure civile:
- dire que l'Etat est responsable du fonctionnement défectueux du service public de la justice dont il se doit de réparer les fautes,
- dire que M.[J] a été victime d'une voie de fait fondée sur un déni de justice, un délai irraisonnable ayant porté atteinte aux libertés fondamentales notamment pour ce qui concerne la liberté d'entreprendre et le droit de propriété,
- en conséquence, condamner l'Etat à payer à M.[J] la somme de 8.652.527 € en réparation du préjudice matériel et moral subis,
- dire que ces sommes sont celles qui ont été arrêtées à l'année 2005 et qu'elles devront être à parfaire et à réactualiser jusqu'à la date du parfait paiement,
- condamner l'Etat à 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
- ordonner l'exécution provisoire,
- condamner l'Etat aux entiers dépens, distraits au profit de M°[M].
L'Etat français, en la personne de l'Agent Judiciaire du Trésor, a présenté un déclinatoire de compétence du tribunal de grande instance de Marseille au profit de la juridiction administrative.
Par ordonnance du 20 septembre 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille a déclaré le tribunal de grande instance de Marseille incompétent, estimant que le litige relevait de la compétence de la juridiction administrative et a renvoyé M.[P] [J] à se mieux pourvoir.
Le 5 octobre 2011, M.[P] [J] a déposé au greffe du tribunal de grande instance de Nice un contredit de compétence contre cette ordonnance, avec motifs joints à l'appui de ce contredit.
Par arrêt en date du 19 avril 2012, la cour d'appel a dit que la cour, qui devait être saisie par la voie de l'appel, reste saisie dans le cadre d'une procédure d'appel, et enjoint aux parties de déposer leur constitution d'avocat postulant dans le mois de l'avis qui leur sera donné par le greffier, enjoint aux parties de conclure dans les plus brefs délais, dit que l'examen de l'appel sera effectué à l'audience du 20 juin 2012, réservé les dépens.
Les parties se sont mises en état dans le cadre la procédure d'appel.
Par ses dernières conclusions, signifiées le 12 juin 2012 et déposées le 13 juin 2012, M.[P] [J] demande à la cour d'appel, au visa des articles 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15, 16, 17, 20, 21, 53 et 54 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles 4 et 5 du code de procédure civile , de :
- dire que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue, équitablement, par un tribunal impartial établi par la loi, alors que le texte supranational de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne désigne pas un tribunal de l'ordre administratif pour statuer sur une voie de fait, le déni de justice et la faute lourde commis par un autre tribunal,
- dire que la juridiction administrative saisie d'une action en responsabilité de l'administration des postes et télécommunications pour statuer sur les fautes du service ayant provoqué la liquidation des biens des entreprise de M.[J] et sa ruine la plus totale, a éludé l'ensemble des mémoires et des preuves que M.[J] lui avait produits en énonçant que ce dernier 'ne peut être regardé comme rapportant la preuve, dont la charge lui incombe' alors que chaque élément constitutif desdites preuves avait été utilement et valablement déposé et reçu par le greffe qui y a apposé son timbre,
- dire qu'en cause d'appel, la cour administrative d'appel a confirmé la décision du premier juge en procédant par simple 'copier-coller' du jugement qui lui était déféré, pour énoncer à son tour que 'M.[J] ne peut être regardé comme rapportant la preuve, dont la charge lui incombe' alors que par bordereau distinct, M.[J] avait déposé à nouveau toutes les preuves au greffe de la cour en y faisant apposer le timbre du greffe,
- dire que dans ces conditions la juridiction administrative a méconnu le droit à un procès équitable garanti par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- dire qu'en statuant par ce procédé de 'copier-coller' la juridiction administrative a commis à l'égard de M.[J] un déni de justice et une faute lourde résultant de décisions bâclées,
- dire qu'aucune prescription ne peut être opposée tant que le litige est soumis au juge, ce qui est le cas en l'espèce,
- dire que la voie de fait qui n'a jamais été examinée par aucune juridiction ni de l'ordre administratif faute de compétence, ni de l'ordre judiciaire qui n'en a jamais été saisi, ne peut avoir donné lieu à des décisions définitives,
- dire que l'Etat a privé M.[J] de son droit à protection juridictionnelle au moyen de manoeuvres frauduleuses des juridictions dénuant d'efficacité juridique les décisions qui ont été rendues,
- dire que, dans ces circonstances, M.[J] est fondé à saisir le juge judiciaire gardien des libertés et des droits fondamentaux du déni de justice, de la faute lourde qui sont constitutifs d'une voie de fait qui relève de la seule compétence du juge judiciaire,
- dire que si la compétence de la juridiction administrative pour accueillir la responsabilité de l'Etat du fait de la justice administrative est la règle instituée par le principe de la séparation des pouvoirs, il n'en demeure pas moins que cette règle comporte plusieurs exceptions consacrées par le Tribunal des Conflits, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation qui trouvent application en l'espèce pour établir la compétence du juge judiciaire dans une procédure ayant abouti à la mise en liquidation judiciaire de M.[J] et de ses entreprises,
- dire que le juge judiciaire ne peut décliner sa compétence, sauf à commettre à son tour un déni de justice et une voie de fait, qu'il ne peut d'avantage renvoyer M.[J] vers la juridiction administrative laquelle ne peut statuer en qualité de juge et partie,
- dire que le tribunal de grande instance de Marseille est compétent pour se prononcer sur la demande formée par M.[P] [J] suivant assignation en date du 30 décembre 2009 délivrée à l'Etat français représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor,
en conséquence :
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 juillet 2011,
- renvoyer l'affaire devant le tribunal de grande instance de Marseille pour qu'il statue sur la demande ,
- débouter l'Etat français représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner l'Etat français, représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor à payer à M.[P] [J] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens.
Par ses dernières conclusions, notifiées le 7 juin 2012 et déposées le 11 juin 2012, l'Etat français, agissant en la personne de M.l'Agent Judiciaire du Trésor demande à la cour d'appel, au visa des articles L.141-1 du code de l'organisation judiciaire et R.311-1 du code de la justice administrative, de :
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 septembre 2011 en ce qu'il a déclaré incompétent l'ordre judiciaire pour connaître de l'action en responsabilité introduite par M.[J] contre l'Etat français,
- condamner M.[J] à lui payer une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M.[J] aux entiers dépens, distraits au profit de M°JAUFFRES.
M.l'Agent judiciaire du trésor fait observer que ce que M.[J] conteste sont les décisions de l'ordre judiciaire administratif, que ces décisions ne peuvent en aucune façon être constitutives d'une voie de fait. Il fait observer que, par application des dispositions de l'article R.311-1 du code de la justice administrative c'est le Conseil d'Etat qui est compétent pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre l'Etat pour durée excessive de la procédure devant les juridictions administratives.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close, d'accord des représentants des parties, le 20 juin 2012, avant les débats.
MOTIFS,
La demande de M.[P] [J], telle qu'elle est énoncée en son assignation introductive d'instance, et reprise en ses conclusions d'appel signifiées le 12 juin 2012 et déposées le 13 juin 2012, vise à voir statuer sur un fonctionnement prétendument défectueux de la justice administrative française, à l'occasion d'actions poursuivies par M.[J] devant ces juridictions contre l'administration des postes et télécommunications.
Une telle demande n'entre pas dans le cadre de la responsabilité de l'Etat pour faute lourde ou déni de justice à l'occasion du fonctionnement de la justice judiciaire, au sens de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire.
Des décisions de juridictions administratives ne peuvent être constitutives de voies de fait.
Dans certains cas, le Conseil d'Etat peut être amené à statuer sur des actions en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux de la justice administrative.
La demande de M.[J] n'est susceptible de relever que la compétence de la juridiction administrative.
En tout état de cause, la demande de M.[P] [J] ne relève pas de la compétence de la justice judiciaire et l'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance en date du 20 septembre 2011 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille qui a déclaré le tribunal de grande instance de Marseille incompétent et a renvoyé M.[P] [J] à se mieux pourvoir,
Condamne M.[P] [J] à payer à M.l'Agent judiciaire du trésor la somme de mille deux cents euros (1.200 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M.[P] [J] aux dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT