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26/07/2012 | FRANCE | N°09/22202

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 26 juillet 2012, 09/22202


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 26 JUILLET 2012



N° 2012/562













Rôle N° 09/22202

jonction avec 12/1840



SA ICI PAINTS DECO FRANCE





C/



[O] [P]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Xavier LEBRAY, avocat au barreau de PARIS



Me Florence DONATO, avocat

au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 01 Décembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2173.







APPELANTE



SA ICI PAINTS DECO FRANCE, demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 26 JUILLET 2012

N° 2012/562

Rôle N° 09/22202

jonction avec 12/1840

SA ICI PAINTS DECO FRANCE

C/

[O] [P]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Xavier LEBRAY, avocat au barreau de PARIS

Me Florence DONATO, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 01 Décembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2173.

APPELANTE

SA ICI PAINTS DECO FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Xavier LEBRAY, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [O] [P], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Florence DONATO, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mai 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2012.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 9 décembre 2009 et le 4 janvier 2010,la société ICI Paints Deco France et monsieur [O] [P] ont régulièrement interjeté appel du jugement de départage rendu le 1° décembre 2009 par le Conseil des Prud'hommes de Marseille qui a dit le licenciement de monsieur [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse , sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sans objet et a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

-indemnité compensatrice de préavis : 12258 euros sous déduction des salaires bruts versés à compter du 2 septembre 2008

-congés payés afférents : 1225 euros sous déduction des salaires bruts versés à compter du 2 septembre 2008

-indemnité pour licenciement nul : 9790euros

-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 122580 euros

-indemnité de licenciement : 94632 euros

-remboursement de frais de mutuelle:1631,52 euros

- solde de congés payés : 7527,51euros

-article 700 du code de procédure civile : 2000 euros

***

Monsieur [P] a été embauché le 22 avril 1976 par la société Corona à [Localité 6]., devenue par la suite société ICI Paints Deco France.

En novembre 1997, dans le cadre d'un plan social, monsieur [P] a été reclassé sur un poste de responsable administratif des ventes, à [Localité 5], au sein de la société Julien filiale de la société ICI Paints Deco France .

Il a été élu en 2002 et 2004 membre du comité d'entreprise et en 2006 membre suppléant.

L'employeur souhaitant fermer l'établissement de [Localité 5], a sollicité l'autorisation de licencier monsieur [P], laquelle a été refusée par l'inspection du travail le 27 mars 2007.

Ce refus a été confirmé par le ministre le 7 septembre 2007.

Le 29 octobre, la société ICI Paints Deco France a formé un recours contentieux devant le tribunal administratif de Marseille qui a été rejeté le 29 juin 2010.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel du 20 décembre 2011, lequel fait l'objet d'un recours pendant devant le conseil d'état.

Le 30 octobre 2007, monsieur [P] a saisi le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 1° septembre 2008 ,il a été licencié pour faute lourde au motif qu'il avait refusé toutes les propositions de reclassement de même qu'une mission ponctuelle , restant inactif tout en percevant son salaire et indiquant qu'il préférait se complaire dans cette situation jusqu'à sa retraite plutôt que de réintégrer un poste .

Ce licenciement a été jugé nul par le conseil des prud'hommes statuant en formation de référé le 15 janvier 2009.

Le 22 mai 2009, monsieur [P] a été licencié pour faute lourde pour avoir refusé les nouvelles propositions de reclassement faites par l'employeur. Il a été rémunéré jusqu'à ce licenciement .

La société ICI Paints Deco France demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à la décision du conseil d'état.

Si cette demande n'était pas accueillie, elle conclut que les griefs développés par monsieur [P] à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire ne sont pas fondés.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la date de la résiliation devrait être fixée au 1° mars 2007 , date à laquelle monsieur [P] considère que la société ICI Paints Deco France a manqué à son obligation de lui fournir du travail, et que les sommes réclamées par l'intéressé sont injustifiées .

Sur le licenciement , elle soutient que monsieur [P] n'était plus salarié protégé lorsqu'il a été licencié , le 1° septembre 2008 , que les faits qui lui sont reprochés, constitutifs d'une faute lourde , sont établis. A titre infiniment subsidiaire, elle formule les mêmes conclusions pour le deuxième licenciement, intervenu le 22 mai 2009.

Si la cour venait à juger le licenciement de monsieur [P] illégitime, elle estime les demandes de ce dernier injustifiées.

Elle réclame la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [P] conclut qu'il n'y pas lieu à surseoir à statuer.

Il soutient que l'employeur ayant manqué à son obligation essentielle de lui fournir du travail et n'ayant pas exécuté avec loyauté et bonne foi le contrat de travail , il convient de prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur , à la date de notification du licenciement , soit le 1° septembre 2008 .

Il réclame en conséquence la condamnation de la société ICI Paints Deco France à lui verser les sommes suivantes :

-indemnité compensatrice de préavis : 12258 euros

-congés payés afférents : 1225 euros

-indemnité au titre de la méconnaissance de son statut protecteur : 110322euros

-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1477096 euros

-indemnité conventionnelle de licenciement : 94632 euros

-remboursement de frais de mutuelle:1631,52 euros

- indemnité compensatrice de congés payés : 7527,51euros

-article 700 du code de procédure civile : 5000 euros

A titre subsidiaire il conclut que son premier licenciement, est nul car prononcé sans autorisation de l'inspecteur du travail .Il ne demande pas sa réintégration.

A titre très subsidiaire, il soutient que ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il réclame dans l'un et l'autre cas condamnation de l'employeur à lui verser les sommes indiquées ci-dessus.

Il demande que les sommes allouées portent intérêts à compter de la saisine du conseil des prud'hommes, avec capitalisation de intérêts.

Pour un plus ample exposé des faits moyens et arguments des parties, il convient de se référer à leurs conclusions écrites soutenues oralement à l'audience du 14 mai 2012.

MOTIFS

Pour une meilleure administration d ela justice , il convient d'ordonner la jonction des deux appels .

-sur le sursis à statuer

L'arrêt du conseil d'état à intervenir n'est pas de nature à influer sur la solution du litige.

Il n'y a donc pas lieu à surseoir à statuer.

-sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu' un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur , tout en demeurant à son service, et que ce dernier le licencie , le juge doit rechercher si la demande est justifiée.

Monsieur [P] occupait un poste de responsable administration des ventes à [Localité 5] .

Au cours du mois de novembre 2006,les parties ont échangé des courriels relatifs à l'affectation de monsieur [P] à un nouveau poste .Il a été proposé à l'intéressé un poste à Asniérois comportant deux missions successives : en un premier temps , responsable gamme de produits Julien service clients IPDF puis responsable développement amélioration permanente service clients IPDF.Ce poste était placé dans la hiérarchie du responsable service clients .

Monsieur [P] a demandé à l'employeur des précisions quant aux conditions de son transfert. Son courrier est demeuré sans réponse et il a refusé cette proposition, par lettre en date du 9 janvier 2007. Le poste proposé à monsieur [P], qui selon l'employeur était identique à celui occupé à [Localité 5] par l'intéressé , n'a finalement pas été créé.

L'employeur a dispensé monsieur [P] de travailler à compter du 28 février.

Le 27 mars l'inspection du travail a refusé l'autorisation de le licencier .

Le 25 mai l'employeur lui a proposé un poste de responsable service logistique à [Localité 3].

Le 24 juin, monsieur [P] a refusé ce poste, au motif qu'il était d'un niveau inférieur à celui de son poste responsable client.

L'employeur n'a pas démenti cette affirmation et par courrier du 19 juillet, lui a indiqué qu'il l'aviserait de toutes vacances de poste correspondant à son profil.

Le 31 août, l'établissement de [Localité 5] a été fermé.

Le 7 septembre, le ministre du travail a confirmé le refus d'autorisation de licenciement de monsieur [P] aux motifs que la réorganisation envisagée n'est pas une cause économique de licenciement et que l'employeur n'a pas rempli ses obligations en matière de recherche de reclassement.

Monsieur [P] a saisi le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 30 octobre 2007 .

L'employeur ne fournit aucun élément de nature à établir qu'il a cherché de manière loyale et exhaustive un reclassement pour monsieur [P] et il est constant qu'il ne lui a plus fourni de travail à partir du 28 février 2007 .

C'est à tort qu'il prétend avoir été dans l'impossibilité de fournir du travail à monsieur [P] en raison de causes économiques dont il ne justifie pas .

Ce manquement à ses obligations est d'une gravité telle qu'il justifie à lui seul, sans nécessité d'examiner les autres griefs, la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le contrat de travail a été rompu à la date d'envoi de la lettre de licenciement soit le 1° septembre 2008.

La société ICI Paints Deco France soutient que monsieur [P] ne peut se prévaloir de sa qualité de salarié protégé quant aux conséquences de la rupture car à la date du 1° septembre 2008 , les six mois du délai de protection étaient révolus depuis la date de la fermeture de l'établissement de [Localité 5], intervenue le 31 août 2007 .

Toutefois, la fermeture d'un établissement ne met pas, par elle-même, fin au mandat d'un salarié protégé. En effet , aux termes de l'article L 2322-5 du code du travail, à défaut d'accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, la perte de qualité d'établissement distinct est acquise à la date à laquelle elle est reconnue par le directeur départemental de l'emploi .

Cette décision de perte de reconnaissance de la qualité d'établissement distinct qui fixe le point de départ de la protection de six mois post mandat a été prise le 22 mai 2008.

Le délai de protection a donc expiré le 22 novembre 2008.

Monsieur [P] était protégé lors de la rupture. Celle ci produit les effets d'un licenciement nul, puisque le contrat de travail a été rompu en violation du statut protecteur de monsieur [P].

Il convient d'intégrer dans le calcul du salaire de référence de monsieur [P] , outre son salaire de base (3090,38 euros) , les avantages en nature (tickets restaurant) ainsi que la prime de treizième mois La prime d'intéressement n'ayant pas le caractère de rémunération n'a pas à être prise en compte .

La demande de monsieur [P] d'inclure dans sa rémunération une prime de vacances de 152 euros résultant d'un usage ne sera pas accueillie faute par l'intéressé d'établir un usage fixe et général. Il en est de même de la prime spéciale et du bonus perçus à une date et pour des raisons non précisées dont il demande l'intégration dans le calcul de son salaire de référence sans fournir de justificatif. En outre l'employeur conclut , sans contestation, qu'aucun des salariés licenciés n'a réclamé un bonus car dans le cadre des négociations sur le plan de sauvegarde de l'emploi il a été convenu de ne pas organiser d'évaluation des performances .

En fonction de ces éléments la rémunération de monsieur [P] est fixée à 3444 euros .

Sur cette base, la société ICI Paints Deco France devra verser à monsieur [P] les sommes suivantes :

-indemnité compensatrice de préavis : 10332 euros

-congés payés afférents : 1033euros

-indemnité au titre de la méconnaissance de son statut protecteur : monsieur [P] a droit au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait du percevoir entre la date de la rupture de son contrat de travail et l'expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande, soit du 1° septembre au 22 novembre 2008, 5969,60 euros

-dommages et intérêts pour licenciement nul : monsieur [P] fait valoir qu'il avait une ancienneté de 32 ans, qu'étant âgé de 59 ans ses chances de retrouver un emploi sont faibles et qu'il ne pourra prétendre à sa mise à la retraite avant 2014. Il justifie qu'il est indemnisé par Pole Emploi depuis le mois de septembre 2009 à raison d'environ 78 euros par jour. Il fait valoir que l'attitude de l'employeur qui l'a privé de travail et de possibilité de reconversion lui a causé un préjudice moral.

Le préjudice subi par monsieur [P], toutes causes confondues, sera réparé par des dommages et intérêts de 120000 euros

-indemnité conventionnelle de licenciement : au regard de l'ancienneté de monsieur [P], l'indemnité de licenciement à laquelle il a droit par application de la convention collective des industries chimiques est plafonnée à 20 mois de salaire soit 68880 euros.

-sur l'indemnité de congés payés

Monsieur [P] ne justifie pas qu'il n'a pu prendre ses congés payés en 2007 et 2008 du fait de l'employeur .Il sera donc débouté de la demande formée de ce chef.

-sur la mutuelle complémentaire

Monsieur [P] réclame le remboursement de frais de mutuelle qu'il a du exposer à compter du 1° septembre 2008 .Le contrat de travail ayant été rompu à cette date, cette demande est infondée.

Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis, indemnité de licenciement) porteront intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation,convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 14 novembre 2007. Les sommes dues à titre de dommages et intérêts porteront intérêts à compter de la notification du présent arrêt.

Les intérêts ainsi produits seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Enfin, il sera alloué à monsieur [P], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe

Vu l'article 696 du code de procédure civile

Ordonne la jonction des dossiers à09/22202 et 10/00004

Dit qu'à l'avenir le dossier sera suivi sous le numéro 09/22202

Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer

Infirme le jugement déféré

Ordonne la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant lié la société ICI Paints Deco France et monsieur [P]

Dit que ce contrat a été rompu le 1°septembre 2008

Condamne la société ICI Paints Deco France à verser à monsieur [P] les sommes suivantes :

-indemnité compensatrice de préavis : 10332 euros

-congés payés afférents : 1033euros

-indemnité au titre de la méconnaissance de son statut protecteur : 5969,60 euros

-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 120000 euros

-indemnité conventionnelle de licenciement : 68880 euros

-article 700 du code de procédure civile : 2000 euros

Dit que les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail porteront intérêts

à partir du 14 novembre 2007, que les sommes dues à titre de dommages et intérêts porteront intérêts à compter de la notification du présent arrêt et que les intérêts ainsi produits seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Déboute l'employeur de sa demande formée au titre des frais irrépétibles

Dit que les dépens seront supportés par la société ICI Paints Deco France.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/22202
Date de la décision : 26/07/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°09/22202 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-26;09.22202 ?
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