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19/07/2012 | FRANCE | N°10/09792

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 19 juillet 2012, 10/09792


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 19 JUILLET 2012



N° 2012/314













Rôle N° 10/09792







GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (GMF)





C/



[K] [W] épouse [E]

CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

LE CGOS

CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [Localité 18]



















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Grosse délivrée

le :

à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 22 Avril 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03902.





APPELANTE



GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (GMF), RC...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 19 JUILLET 2012

N° 2012/314

Rôle N° 10/09792

GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (GMF)

C/

[K] [W] épouse [E]

CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

LE CGOS

CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [Localité 18]

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 22 Avril 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03902.

APPELANTE

GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (GMF), RCS PARIS B 398 972 901 agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège et encore [Adresse 10], [Adresse 6]

représentée et assistée de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER AUDA, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués,

INTIMEES

Madame [K] [W] épouse [E]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 9] (MAROC), demeurant [Adresse 5]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Alexandra FERRETTI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Pierric MATHIEU, avocat au barreau de TOULON

CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, pris en sa qualité de gestionnaire de la CAISSE NATIONALE DE RETRAITE DES AGENTS DES COLLECTIVITES LOCALES (CNRACL), en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 15]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Frédéric PEYSSON, avocat au barreau de TOULON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 4]

assignée,

défaillante

LE CGOS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 3]

assigné,

défaillante

CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [Localité 18], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège

Département des Ressources Humaines - [Adresse 1]

représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Sylvain PONTIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2012. Le 04 Juillet 2012 le délibéré a été prorogé au 17 Juillet 2012 puis au 19 Juillet 2012.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juillet 2012,

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Le 30 juin 1978, madame [E] qui était passagère d'une moto conduite par monsieur [U], assuré par la GMF, a été victime d'un accident de la circulation routière qui lui a provoqué un arrachement de toute la coque talonnière du pied gauche, avec désinsertion du tissu cellulaire jusqu'au niveau de la plante du pied.

Par décision en date du 23 avril 1981, le tribunal de grande instance de Toulon a déclaré monsieur [U] entièrement responsable de l'accident et procédé à l'indemnisation du préjudice de madame [E] sur la base d'un rapport d'expertise médicale établi par le docteur [G] après examen du 23 mai 1979, condamnant in solidum monsieur [U] et la GMF à lui payer en deniers ou quittance la somme de 162.000 francs et à payer à la CPAM du Var la somme de 24.269,98 francs.

Madame [E] arguant d'une aggravation de son état, une nouvelle expertise médicale a été ordonnée par décision de référé du 18 juin 1991 ;

le rapport a été établi le 10 septembre 1991 par le docteur [Y], avec mention que sous réserve d'une incapacité temporaire totale d'un mois suite à une intervention en juin 1989, il n'y avait pas d'aggravation de l'état séquellaire décrit le 23 mai 1979, mais que madame [E] devrait être revue au bout d'un an, celle-ci devant subir le 16 septembre 1991 une greffe musculo-cutanée de l'arrière du pied gauche et une éventuelle aggravation post opératoire ne pouvant être exclue.

Madame [E] a ressaisi le juge des référés le 23 avril 2003 et une mesure d'expertise a été ordonnée par décision en date du 20 mai 2003 ;

le rapport a été clôturé le 1er novembre 2003, l'expert, le docteur [O], concluant à une aggravation de 8%.

Madame [E], son époux agissant à titre personnel et en tant que représentant légal de leur fils mineur [L], et mademoiselle [C] [E] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulon, la GMF, la CPAM du Var et le CGOS (Comité de gestion des oeuvres sociales des établissements publics hospitaliers) par actes d'huissier en date des 11 et 12 août 2008, à l'effet d'obtenir réparation pour la première de son préjudice en aggravation, et pour les autres de leur préjudice moral respectif, avec demande de doublement du taux de l'intérêt légal à compter du 1er mars 2004.

Par décision en date du 7 mai 2009, le tribunal a :

- débouté la GMF de sa demande de prescription,

- débouté madame [E] de sa demande de doublement des intérêts,

- ordonné la mise en cause par madame [E], de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et de tous les tiers ayant effectué des versements afin qu'ils produisent leurs frais et débours et que la décision leur soit commune et opposable,

- sursis à statuer sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux concernant les pertes de gains professionnels actuels et futurs dans l'attente de cette mise en cause, de la production détaillée des demandes de madame [E] avec justificatifs des sommes versées par les tiers payeurs, de l'intégralité des bulletins de salaire, des justificatifs des changements de taux de traitement, de la production par la GMF des sommes versées aux tiers payeurs du fait de l'accident et de son aggravation,

- condamné la GMF à payer à madame [E] les sommes suivantes :

° 179,89 € au titre des frais divers,

° 20.000 € au titre de l'incidence professionnelle,

° 14.560 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

° 12.000 € au titre des souffrances endurées,

° 500 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

° 13.600 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

° 20.000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

° 5.000 € au titre du préjudice d'agrément,

soit au total la somme de 80.839,89 € déduction faite de la provision de 5.000 € versée le 21 janvier 2006,

- condamné la GMF à payer la somme de 5.000 € à monsieur [E] à titre personnel, celle de 2.500 € à monsieur [E] en tant que représentant de son fils mineur, et celle de 2.500 € à mademoiselle [C] [E] en réparation de leur préjudice moral respectif,

- déclaré prématurée la demande au titre de l'exécution forcée,

- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur des 2/3 des sommes allouées.

Après appels en cause par madame [E] de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et du Centre hospitalier de [Localité 18] et réassignation de la GMF, de la CPAM du Var et du CGOS, par actes d'huissier en date des 23, 24 et 26 juin et 3 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Toulon, par décision en date du 22 avril 2010, a :

- constaté que madame [E] a satisfait aux demandes formulées dans la décision du 7 mai 2009,

- déclaré la décision commune et opposable à la CPAM du Var, au CGOS, à la la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et au Centre hospitalier de [Localité 18],

- fixé le préjudice patrimonial de madame [E] de la façon suivante :

° perte de gains professionnels actuels : 129.077,80 €,

° perte de gains professionnels futurs :

du 4 août 2003 au 1er mars 2007 : 61.414,41 €,

du 2 mars 2007 au 31 décembre 2012 : 159.156,35 €,

° manque à gagner sur le taux plein de retraite : 100.000 €,

- condamné la GMF à payer à madame [E] la somme de 449.648,56 €,

- débouté madame [E] de sa demande au titre de l'article 10 du tarif des huissiers,

- condamné la GMF à payer à la Caisse des dépôts et consignations en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la somme de 84.764 €,

- condamné la GMF aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'à payer à madame [E] la somme de 1.300 € et à la Caisse des dépôts et consignations, celle de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur des 2/3 des sommes allouées.

La GMF a interjeté appel de cette seconde décision par déclaration déposée au greffe le 27 mai 2010.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 26 janvier 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, la SA GMF demande à la Cour:

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de débouter madame [E] de ses demandes,

- subsidiairement, d'ordonner une mesure d'expertise pour que l'expert donne un avis sur l'éventuelle existence d'une relation d'ordre médico-légale entre l'aggravation séquellaire de madame [E] et sa mise à la retraite anticipée,

- de condamner madame [E] aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement ;

elle soutient notamment que le passage à mi-temps de madame [E] en janvier 1990 n'est pas imputable à l'aggravation de son état médical, qui est consécutive à l'intervention subie le 16 septembre 1991, que ses difficultés à exercer son métier d'infirmière sont consécutives aux séquelles initiales de l'accident, que son salaire lui a été maintenu pendant les périodes d'ITT et d'ITP, que la perte de chance de pouvoir continuer à exercer son métier du fait de l'aggravation a déjà été indemnisée au titre de l'incidence professionnelle, que le lien entre mise à la retraite anticipée à partir du 1er mars 2007 de madame [E] et l'aggravation de son état de santé en lien avec l'accident n'est pas établi, et subsidiairement si un tel lien est retenu, que seul pourrait être indemnisée la perte de revenu entre la date de mise à la retraite anticipée et l'âge théorique d'admission à la retraite, soit 55 ans, outre une éventuelle incidence sur les droits à la retraite, perte et incidence non démontrées.

Par ses dernières écritures déposées le 3 décembre 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, madame [E] demande à la Cour de:

- confirmer la décision déférée quant au principe de l'indemnisation de la concluante,

- réformer cette décision pour le surplus,

- liquider le préjudice patrimonial de la concluante de la façon suivante :

° perte de gains professionnels actuels : 126.735,06 €,

° perte de gains professionnels futurs : 339.099,01 € ( soit 70.788,33 € au titre des pertes de revenus de 2003 à 2006, 168.310,68 € au titre de la perte de revenus de 2007 à 2012, 100.000 € correspondant à la perte de retraite ),

° frais divers ( montant de l'article 10 versé à l'huissier de justice pour obtenir l'exécution de la décision déférée ) : 2.631,20 €,

- condamner en conséquence la GMF à lui payer la somme de 468.465,27 € en réparation de son préjudice,

- condamner la GMF à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive sur le fondement des articles 32-1 du code de procédure civile et 1382 du code civil,

- condamner la GMF aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

elle soutient notamment que les séquelles initiales ne l'empêchaient pas d'exercer sa profession, que c'est en raison de l'aggravation de son état dès 1990 et des interventions chirurgicales subies à partir de 1991, qu'elle a dû travailler à mi-temps de 1990 à 1999 inclus, et à 60% de 2000 à 2002 inclus, puis être placée en congé longue durée à compter de 2003 avant d'être mise à la retraite d'office en 2007 à l'âge de 49 ans, faute pour son employeur de pouvoir procéder à son reclassement alors que l'âge légal de départ à la retraite était de 55 ans, que les sommes perçues au titre de sa retraite sont très inférieures à celles qu'elle aurait perçues si elle avait pu continuer à exercer sa profession, qu'elle n'a plus été en mesure depuis 1990 de cotiser à taux plein pour sa retraite ce qui a une incidence sur le montant de sa pension de retraite ; que le recours de la Caisse des dépôts et consignations ne peut venir amputer la somme lui revenant.

La Caisse des dépôts et consignations, par conclusions déposées le 22 novembre 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, demande à la Cour au visa des articles 1 et 7 de l'ordonnance 59.16 du 7 janvier 1959 par l'effet de la subrogation légale, de :

- confirmer le jugement déféré,

- condamner la GMF à lui payer la somme de 88.730,01 €, selon évaluation du capital représentatif au 1er octobre 2010 de la pension anticipée qu'elle a été amenée à verser à madame [E], en se référant à l'âge de 60 ans comme date normale de départ à la retraite,- condamner la GMF à lui payer la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel devant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 11 mars 2011, le Centre hospitalier intercommunal de [Localité 18] demande à la Cour de le mettre hors de cause, de condamner les succombant aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ceux d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en faisant valoir qu'aucun grief n'est formulé à son encontre, que son assignation n'a eu pour objet que d'obtenir la communication de documents justifiant le préjudice de madame [E], documents qui auraient pu être transmis à celle-ci sur simple demande de sa part.

La CPAM du Var et le CGOS, assignés l'une et l'autre à personne habilitée par actes d'huissier en date du 29 décembre 2010, n'ont pas constitué de représentant devant la Cour ;

la CPAM a toutefois adressé le montant de ses débours définitifs par courrier du 3 janvier 2011, débours consistant exclusivement en des dépenses de santé exposées de juin 2000 à juin 2003.

La clôture de la procédure est en date du 21 mai 2012.

Motifs de la décision :

Il sera statué par décision réputée contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile, les parties défaillantes ayant été citées à personne.

Lors de l'expertise initiale réalisée le 23 mai 1979, le docteur [G] avait relevé les éléments suivants lors de l'examen de madame [E] :

flexion bi-podale normale, unipodale gauche très instable, talon et pointe gauche impossible, accroupissement incomplet et asymétrique à gauche, raideur du cou de pied ;

il décrivait une réduction de volume de la tubérosité du calcanéum avec raccourcissement de la plante du pied et réalisation d'un pied plat, un pied dans l'ensemble trophique, une cicatrice de plaie greffée occupant toute la coque talonnière, une plante de pied sensible à la pression avec sensation de courant électrique, une base des orteils hypo esthétique, une limitation des mouvements de la tibio tarsienne à 10° de flexion plantaire, 2° de flexion dorsale avec douleurs à la fin, un jeu des orteils normal, l'absence de ballottement astragalien, un genou gauche normal, une amyotrophie globale de la jambe gauche avec raccourcissement de la plante ;

il retenait une gêne fonctionnelle à la marche et à la pratique des sports avec un taux d'IPP de 25%, une consolidation le 23 mai 1979, en indiquant que madame [E] était apte à reprendre ses études, que son état était stabilisé sous la réserve de possibles troubles trophiques au niveau de la cicatrisation plantaire et d'une amélioration possible de la qualité des cicatrices par recours à la chirurgie plastique.

Madame [E] a été indemnisée de son préjudice par décision du 23 avril 1981 sur la base de ce rapport ( réparation de l'incapacité temporaire totale et partielle, de l'incapacité permanente partielle, du pretium doloris, des préjudices esthétique et d'agrément ) ;

elle ne peut donc solliciter une nouvelle réparation que dans la mesure de l'aggravation postérieure de son état dont le principe n'est pas contesté, ainsi que des conséquences de cette aggravation.

Le docteur [Y] a relevé lors de son examen, les éléments suivants :

station bi-podale normale, unipodale gauche instable, possibilité de l'élévation sur la pointe des pieds, impossible sur le talon gauche, accroupissement incomplet, asymétrique aux dépens du membre inférieur gauche, cicatrices identiques à celles décrites précédemment avec au niveau du talon une cicatrice rouge sensible au toucher ne permettant pas l'appui du talon, sensibilité de la plante du pied à la pression avec sensation de courant électrique, quart antérieur de la plante hypoesthésique, déficit de la mobilité de l'articulation tibio-tarsienne, pronosupination et abduction-adduction normales, absence complète d'appui sur l'arrière du pied gauche constatée au podoscope, en position de repos les 2ème, 3ème et 4ème orteils sont en marteau, il existe un durillon en regard de la tête du 3ème métartasien ;

il a mentionné une intervention sous anesthésie locale en juin 1989 pour section des tendons extenseurs des 2ème, 3ème et 4ème orteils, ayant justifié un mois d'arrêt de travail, justifiant une ITT d'un mois ;

il a également noté que le peu de résistance de son pied gauche (difficulté à la marche, manque d'appui sur le talon gauche ) a conduit madame [E] à prendre un service à mi-temps à partir du mois de janvier 1990 ;

il a écarté toute aggravation de l'état séquellaire à la date de l'examen, mais en prévoyant une possible aggravation consécutive à l'intervention programmée le 16 septembre 1991.

Le docteur [O] a noté également qu'à partir de janvier 1990, madame [E] a demandé à faire un service à mi-temps, que compte-tenu de ses difficultés de déambulation elle avait demandé à être affectée au service des consultations externes en 1988 et 1989, qu'elle n'a pu exercer son métier d'infirmière selon ses souhaits ;

il a retenu qu'après des mesures d'explorations ayant justifié un arrêt de travail à partir du 12 septembre 1991, madame [E] a été opérée le 16 novembre 1991 pour réalisation d'un lambeau supra malléolaire externe, et que le chirurgien a écrit le 17 décembre 1991 au médecin du travail, pour souligner qu'il était souhaitable que madame [E] puisse bénéficier d'un poste de travail allégé lui permettant en particulier d'éviter des déplacements importants à pied ; que le 10 septembre 1992, une reprise du travail à mi-temps a été possible;

que le 17 mai 1996, la qualité de travailleur handicapé a été reconnue à madame [E] par la COTOREP avec classement en catégorie B ;

que le 7 juin 2000, madame [E] a subi une arthroplastie des inter-phalangiennes proximales du pied gauche avec mise en place d'une prothèse ;

que le 27 septembre 2002, il a été mentionné sur un certificat médical destiné à la COTOREP que madame [E] était inapte définitivement à la station debout ;

que le 8 avril 2003, madame [E] a subi une intervention chirurgicale pour allongement des trois tendons de la loge postérieure.

Le docteur [O] a relevé lors de son examen, que la marche s'effectue avec une claudication du membre inférieur gauche, que la marche sur la pointe des pieds est quasiment impossible à gauche, que la marche sur les talons est impossible à gauche, que l'accroupissement est asymétrique, incomplet à gauche avec une distance talon fesse de 5 cm, le talon ne touchant pas le sol, que les zones cicatricielles sont le siège d'une hypoesthésie avec sensations dysestésiques désagréables sur la face interne du talon, que sur la cheville gauche la flexion dorsale est limitée de 20°, la flexion plantaire 40°, les mouvements de supination et de pronation sont normaux mais avec craquement, que le jeu des orteils est malaisé à gauche ;

il a conclu de la façon suivante concernant l'aggravation :

° incapacité totale temporaire du 12 septembre 1991 au 10 septembre 1992, du 8 juin 2000 au 9 juillet 2000, du 4 novembre 2002 au 3 août 2003,

° incapacité temporaire partielle à 50% du 11 septembre 1992 au 11 septembre 1993,

° consolidation le 3 août 2003,

° aggravation de l'incapacité permanente partielle de 8% en soulignant que selon les barèmes désormais en vigueur, l'état séquellaire initial de madame [E] aurait été fixé à 12% et que son état actuel consécutif à l'aggravation est de 20%,

° les conséquences de l'accident ont été de nature à faire perdre une chance à madame [E] d'exercer son métier d'infirmière dans des conditions satisfaisantes.

Madame [E] produit par ailleurs, outre la justification que de 1990 à avril 2000 inclus, elle a travaillé à 50% avec une interruption en 1995 pour congé parental, puis à 60% à partir du 1er mai 2000, qu'elle a été rémunérée sur cette base jusqu'en janvier 2003 puis qu'elle est passé à mi-traitement à partir de février 2003 dans le cadre d'un congé longue durée, les documents suivants :

un courrier du Centre hospitalier de [Localité 18] en date du 24 octobre 2005 tendant à son reclassement professionnel, en précisant notamment qu'elle a assuré ses fonctions d'infirmière jusqu'en novembre 2002 avec handicap à la marche reconnu de 25% en 1980, que l'aggravation de la perturbation à la marche a entraîné un congé longue durée à partir de novembre 2002 qui arrive à son terme et qu'elle souhaite retravailler,

un premier certificat médical du docteur [N] en date du 29 novembre 2005, indiquant que son état est stabilisé, qu'elle doit bénéficier d'un reclassement professionnel sans port de charges et avec un poste de travail assis, ainsi qu'un second certificat médical de celui-ci en date du 7 février 2006 précisant que son état est stabilisé, sans station debout, sans port de charges, avec marche très réduite, qu'il est incompatible avec un travail régulier et justifie une mise en pré-retraite,

un courrier en date du 4 février 2006 par lequel elle sollicite sa mise en retraite pour invalidité, compte tenu de l'impossibilité d'un reclassement professionnel,

son admission le 6 juillet 2006, en disponibilité pour raisons médicales à compter du 4 novembre 2005 jusqu'à sa date d'admission à la retraite, pour inaptitude définitive et absolue à toutes fonctions,

sa mise à la retraite à compter du 1er mars 2007 pour invalidité non imputable au service.

Ces divers éléments permettent de retenir, sans qu'il y ait lieu à mesure d'expertise complémentaire, que suite à sa consolidation intervenue en mai 1979, madame [E] qui a alors fait le choix de faire des études d'infirmière, a exercé son métier à temps plein au centre hospitalier de [Localité 18] à compter de juillet 1982 jusqu'en décembre 1989 avec toutefois des aménagements à partir de 1988, puis a opté pour un mi-temps à partir de janvier 1990, sans que cela corresponde pour autant à une aggravation effective de son état séquellaire qui n'a pas été retenue par le docteur [Y] et dont l'analyse n'est contredite par aucun document pertinent ; qu'en effet les difficultés à la marche et le manque d'appui sur le pied gauche existaient déjà dès l'origine ;

qu'en revanche, comme l'avait envisagé le docteur [Y], l'intervention que madame [E] a subie en novembre 1991 a entraîné une aggravation de son état que le docteur [O] fait commencer le 12 septembre 1991, et cette aggravation n'a plus offert à madame [E] d'autre possibilité que de travailler à 50 ou 60% comme en justifie suffisamment le courrier en date du 17 décembre 1991 du chirurgien l'ayant opérée ;

que cette aggravation a conduit ensuite à la nécessité d'un reclassement professionnel qui n'a pu être effectué, de sorte que madame [E] a été dans l'obligation de solliciter sa mise à la retraite de façon anticipée.

Madame [E] est donc fondée à solliciter l'indemnisation de sa perte de gains professionnels actuels consécutive à l'exercice de son emploi à 50 % puis à 60% à partir du 12 septembre 1991 jusqu'à la date de consolidation fixée par le docteur [O], soit le 3 août 2003, ainsi que de sa perte de gains professionnels futurs de la consolidation jusqu'à la date à laquelle elle aurait normalement dû prendre sa retraite, et au-delà de cette date au regard du différentiel de retraite consécutif à sa mise à la retraite anticipée.

La Cour ne peut toutefois que constater que les pièces versées aux débats par madame [E] ne lui permettent pas de chiffrer ces chefs de préjudice, en raison de discordances entre d'une part, les cumuls nets imposables figurant sur les bulletins de paie produits au surplus de façon partielle ( absence de toute pièce justificative pour les années 1991 à 1998), d'autre part, la synthèse effectuée par le Centre hospitalier de [Localité 18] dont aucun élément ne permet de comprendre à quoi correspondent les sommes mentionnées qui différent tant des montants bruts que des montants nets des bulletins de salaire correspondant pour ceux existant, et enfin la pièce numérotée 25 dont l'auteur n'est pas précisé et qui reprend seulement partiellement les montants nets des cumuls salariaux apparaissant sur les bulletins de salaire correspondant et fait figurer pour le surplus des sommes n'étant étayées par aucune pièce ;

que madame [E] n'a pas estimé utile d'expliciter les sommes qu'elle sollicite dans ses conclusions ;

que les parties sont en désaccord sur l'âge auquel madame [E] aurait normalement dû prendre sa retraite sans fournir pour autant le moindre document à l'appui de leurs thèses respectives ( 55 ou 60 ans ) alors que la loi du 9 novembre 2010 a modifié l'âge légal de départ à la retraite et apparaît susceptible de s'appliquer, de sorte qu'aucun de ces âges ne serait à retenir.

La réouverture des débats doit en conséquence être ordonnée avec renvoi à la mise en état pour que madame [E] produise les pièces nécessaires à la détermination de ses pertes de gains professionnels actuelles et futures et que les parties justifient de l'âge légal auquel madame [E] aurait normalement dû prendre sa retraite, avec production par la Caisse des dépôts et consignations d'un décompte à la date la plus proche possible de l'arrêt à intervenir et si nécessaire en adéquation avec cet âge.

Les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par décision non susceptible de recours,

Ordonne la réouverture des débats, à l'effet :

- de voir produire par madame [E] les pièces justificatives de ses revenus nets imposables perçus depuis le 12 septembre 1991 et des revenus auxquels elle aurait pu prétendre en cas de travail à temps plein jusqu'à son départ à la retraite à l'âge légal de celui-ci,

- de voir les parties justifier de l'âge légal de la retraite pour madame [E] au regard de la législation applicable à celle-ci,

- de voir produire par la Caisse des dépôts et consignations un décompte calculé à la date la plus proche possible de l'arrêt à intervenir et tenant compte de l'âge légal de la retraite pour madame [E].

Réserve les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 10 septembre 2012.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 10/09792
Date de la décision : 19/07/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°10/09792 : Réouverture des débats


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-19;10.09792 ?
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