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05/07/2012 | FRANCE | N°10/10773

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 05 juillet 2012, 10/10773


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2012

HF

N° 2012/467



Rôle N° 10/10773



[TK] [G]





C/



[A] [HN]

[OA] [HN] épouse [X]

[I] [L]

[M] [O]

[V] [VP]

S.E.L.A.R.L. [F]

[H] [Z]

[S] [B]

[W] [J] épouse [B]

[D] [VP]

[R] [P] épouse [VP]

S.A. BANQUE MONETAIRE ET FINANCIERE

[TK] [T]

[Y] [U] [D] [C] [VP]

[FL] [CF] épouse [B]

[E] [O]



Grosse

délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON



SCP BOISSONNET ROUSSEAU



SCP MAYNARD SIMONI

SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY



SCP COHEN GUEDJ



Me Rachel SARAGA-BROSSAT



SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE



Décision déférée à...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2012

HF

N° 2012/467

Rôle N° 10/10773

[TK] [G]

C/

[A] [HN]

[OA] [HN] épouse [X]

[I] [L]

[M] [O]

[V] [VP]

S.E.L.A.R.L. [F]

[H] [Z]

[S] [B]

[W] [J] épouse [B]

[D] [VP]

[R] [P] épouse [VP]

S.A. BANQUE MONETAIRE ET FINANCIERE

[TK] [T]

[Y] [U] [D] [C] [VP]

[FL] [CF] épouse [B]

[E] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON

SCP BOISSONNET ROUSSEAU

SCP MAYNARD SIMONI

SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY

SCP COHEN GUEDJ

Me Rachel SARAGA-BROSSAT

SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 28 Mai 2002 enregistré au répertoire général sous le n° 95/8161.

APPELANT

Monsieur [TK] [G] né le [Date naissance 14] 1936 à [Localité 38], demeurant [Adresse 12]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués , assisté de Me Gérard ROMAIN, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Mademoiselle [A] [HN] née le [Date naissance 14] 1944 à [Localité 39], demeurant [Adresse 5]

Madame [OA] [HN] épouse [X] née le [Date naissance 15] 1939 à [Localité 40], demeurant [Adresse 6]

Maître Didier CARDON

demeurant [Adresse 7]

pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Melle [HN] [A] et Mme [OA] [X]

représentés par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés de Me Jean-Marie JOB, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [M] [O], né le [Date naissance 9] 1939 à [Localité 41] (TUNISIE) , demeurant [Adresse 19]

Madame [E] [K] épouse [O]

née le [Date naissance 11] 1945 à [Localité 36], demeurant [Adresse 20]

ès qualités de curatrice de Monsieur [M] [O].

représentés par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Claude BEGUE, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [D] [VP], décédé le [Date décès 10] 1998

Madame [R] [P] épouse [VP],

née le [Date naissance 1] 1915 à [Localité 24],

demeurant [Adresse 13]

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de feu [D] [VP]

Monsieur [V] [VP], né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 24],

demeurant [Adresse 13]

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de feu [D] [VP]

Monsieur [Y] [VP], né le [Date naissance 9] 1935 à [Localité 24],

demeurant [Adresse 16]

agissant en sa qualité d'héritier de feu [D] [VP]

représentés par la SELARL LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

S.E.L.A.R.L. [F],

[Adresse 17]

prise en la personne de son représentant légal en exercice

Maître [H] [Z],

né le [Date naissance 1] 1944,

[Adresse 18]

prise en son nom personnel et en qualité de liquidateur de la SARL [F]

Monsieur [TK] [T]

né le [Date naissance 1] 1952 ,

[Adresse 18]

pris en sa qualité de liquidateur de la SELARL [F]

représentés par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés de Me Olivier GRANDGERARD de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Monsieur [S] [B]

né le [Date naissance 8] 1943 à [Localité 24] - décédé le [Date décès 4] 2007

Madame [W] [J] divorcée [B]

née le [Date naissance 8] 1944 à [Localité 42],

demeurant [Adresse 37]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , assistée de Me Gérard BENTATA, avocat au barreau de GRASSE,

S.A. BANQUE MONETAIRE ET FINANCIERE B.M.F.,

demeurant [Adresse 21]

représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués

Madame [FL] [CF] épouse [B]

née le [Date naissance 15] 1960 à [Localité 27],

demeurant [Adresse 2]

ès qualités de feu [S] [B]

assignée en intervention forcée

Non comparante

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2012 et qu'à cette date le délibéré par mise à disposition au greffe était prorogé au 5 Juillet 2012.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 Juillet 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

Vu l'arrêt avant-dire-droit du 22 septembre 2011, auquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, ayant révoqué la clôture et ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à dire, en le justifiant, si la SNC Bagatelle (la SNC) existe toujours, au cas où une restitution en nature des parts sociales de ladite SNC ne serait plus possible, d'en tirer toute conclusion utile quant à la demande d'annulation de la cession desdites parts, à donner toutes informations, précises et actualisées, en communiquent l'ensemble des éventuelles décisions qui ont pu être prononcées, sur le sort des procédures fiscales et pénale intéressant encore ou ayant intéressé le litige;

Vu les conclusions notifiées :

- le 29 janvier 2003 par la BMF;

- le 19 juin 2007 par madame [R] [P], épouse [VP], agissant en son nom personnel et en qualité d'héritière de monsieur [D] [VP], monsieur [V] [VP], agissant en son nom personnel et en qualité d'héritier de monsieur [D] [VP], monsieur [Y] [VP], agissant en qualité d'héritier de monsieur [D] [VP];

- le 13 août 2007 par monsieur [TK] [G];

- le 7 février 2012, par monsieur [M] [O], et son épouse madame [E] [O], cette dernière ès qualités de curatrice de son mari;

- le 20 février 2012, par mademoiselle [A] [HN], madame [OA] [X], monsieur [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de mesdames [HN] et [X];

- le 25 avril 2012, par madame [W] [J], divorcée [B];

- le 26 avril 2012 par la Selarl [F], monsieur [TK] [T] ès qualités de liquidateur de la Selarl, dissoute le 31 décembre 1998, et madame [H] [Z], avocate, en son nom personnel et ès qualités de liquidateur de la Sarl [F];

Vu l'assignation en 2010 de madame [FL] [CF], veuve [B], son courrier du 14 juin 2010 signalant à la cour, manifestement à la suite de l'assignation, qu'elle avait renoncé à la succession de monsieur [B];

Vu la clôture prononcée le 31 mai 2012;

*

A ce stade de la procédure, la discussion porte sur :

- la recevabilité de l'appel à l'encontre de la Selarl [F], de monsieur [T], et de madame [Z],

- l'annulation du jugement au motif d'un défaut de motivation;

- la commission d'un dol au préjudice des consorts [HN]/[X], cessionnaires des parts de la Sarl Bagatelle, par l'ensemble ou seulement partie des cédants;

- l'étendue de la nullité des cessions de parts qui pourrait s'ensuivre, et le caractère solidaire de la responsabilité des cédants à cet égard;

- la possibilité d'une annulation des cessions de parts, alors qu'une restitution en nature est devenue impossible, la fixation d'un montant de restitution en valeur, et la question préalable de la recevabilité de la demande de restitution en valeur au regard des règles en matière de procédure collective, dérivée de celle d'une absence de déclaration de cette créance de restitution au passif de la liquidation judiciaire des consorts [HN]/[X], et de celle de la détermination de la date de naissance de cette créance (avant ou après le jugement d'ouverture de procédure collective');

- la compensation entre les créances réciproques de restitution du prix de cession et du montant de restitution en valeur des parts;

- le bien-fondé de la demande de dommages et intérêts formés par les consorts [HN]/[X] à l'encontre des cédants;

- la responsabilité de la Selarl [F] (la Selarl) et de madame [Z], et le préjudice qui en serait résulté pour les consorts [HN]/[X].

MOTIFS

1) Monsieur [G] estime que le jugement doit être annulé au motif qu'il n'a pas été motivé au regard des moyens qu'il avait développés pour sa défense et ne s'est pas prononcé sur sa responsabilité.

Mais sa demande doit être rejetée dès lors qu'il n'indique pas les moyens qu'il aurait développés pour sa défense et sur lesquels il n'aurait pas été répondu par le tribunal, et que le jugement explicite sa décision d'annulation, sur le fondement du dol, des cessions de parts, et sa décision de dommages et intérêts en étant résulté pour les cessionnaires, en constatant que les 'cédants', dont il faisait nécessairement partie, avaient 'tronqué la réalité de la situation comptable et financière de la Sarl Bagatelle', et, 'par leurs manipulations et leurs omissions' n'avaient pas 'permis aux cessionnaires d'apprécier l'état réel de l'actif et du passif, ainsi que la réalité de la situation comptable arrêtée au 17 novembre 1992, sur la base duquel le prix définitif de cession devait être calculée', et en relevant que 'les manoeuvres dolosives (avaient) conduit Mademoiselle [HN] et Madame [X] à acquérir une société dont la situation financière était obérée', qui 'ont donc dû faire face à d'importantes difficultés financières avant de prendre connaissance du dol (...) et d'entamer une procédure leur permettant d'obtenir l'annulation de la cession (...)'.

2) Les demandes de sursis à statuer, formulées en 2007par monsieur [G] et les consorts [VP], jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par les consorts [HN]/[X], n'ont plus d'objet puisqu'il est acquis aux débats que l'instance pénale est définitivement close par une ordonnance de non-lieu prononcée le 8 septembre 2008.

3) Il résulte de l'économie de la convention de cession de parts et de celle organisant les modalités de cette cession, et notamment la détermination du prix provisoire et définitif, que le principe de l'opération devait aboutir à ce que les cessionnaires (les consorts [HN]/[X]) fassent l'acquisition d'une valeur d'actif immobilisé de 8.000.000 francs, fixée forfaitairement et de façon immuable à ce montant, un montant d' 'actif circulant' devant par ailleurs servir à régler un montant quasi identique de 'dettes'.

Or il est établi par les productions, et en particulier le rapport d'expertise de monsieur [N], expert désigné dans le cadre de l'instruction de la plainte avec constitution de partie civile déposée par les consorts [HN]/[X] :

- que l'évaluation du fonds (8.000.000 francs) correspondait à un triplement de sa valeur réelle,

- que la Sarl Bagatelle, outre l'exploitation de son fonds de commerce (l'exploitation d'une maison de repos, de retraite et de convalescence), avait une activité s'apparentant à celle d'une holding, en détenant des parts dans un certain nombre de sociétés dont l'objet social n'avait rien à voir avec le sien (notamment des activités de restauration),

- que le montant de ses participations et de sa créance sur l'une d'elle (Royal Bar) figurant à 'l'actif circulant' sur la base duquel l'affaire a été conclue ne correspondait à rien, l'expert ayant au contraire démontré que ses filiales (et notamment Royal Bar) étaient en situation de cessation de leurs paiements, et qu'elle avait en réalité alimenté 'le débit de ses filiales',

- que les associés détenaient des comptes d'associés débiteurs,

- que les filiales (et notamment Royal Bar) détenaient des comptes débiteurs dans la Sarl Bagatelle,

- que des manipulations de chiffre d'affaires avaient permis de bonifier de façon fictive les comptes pour l'exercice 1991, l'expert ayant noté que la Sarl Bagatelle était elle-même en situation de cessation de ses paiements dès le début de 1991,

- que les comptes présentés à la date de la cession, ainsi que le relève également l'administration fiscale dans sa notification de redressement, étaient non sincères de façon extrêmement significative, puisque l'expert établit, à la date des cessions, une situation nette négative d'un peu plus de deux millions de francs, alors qu'elle était présentée comme équilibrée.

Ces faits sont constitutifs de manoeuvres déloyales, ayant eu pour effet de travestir la réalité comptable, économique, et financière, de la société cédée, qui, eu égard à l'ampleur du déficit, aurait conduit de façon certaine les consorts [HN]/[X], si elles l'avaient connue, et même en présence de la garantie de passif convenue, à ne pas contracter.

Les consorts [VP] estiment à tort que ces manoeuvre dolosives ne peuvent pas être retenues dans la mesure où les comptes n'ont pas pu être définitivement arrêtés, et ne pourraient être appréciées qu'après que la valeur des parts sociales ait été définitivement fixée, alors qu'indépendamment de l'arrêt définitif des comptes, elles ont permis l'engagement des consorts [HN]/[X] en leur laissant faussement croire à une situation en principe saine, méritant seulement un simple ajustement en fonction de l'établissement définitif des comptes.

Il est indifférent pour l'appréciation du dol, contrairement à ce que soutient monsieur [O], que les consorts [HN]/[X] n'aient pas respecté une obligation contractuelle selon laquelle elle devait le tenir informé de la mise en oeuvre de la procédure de contrôle fiscal.

Il ne peut non plus se défausser de son implication dans la commission des manoeuvres dolosives sur monsieur [B], dont il indique qu'il est établi qu'il tenait personnellement la comptabilité de la Sarl Bagatelle et qu'il est l'auteur des écritures mouvementées et contestées du bilan, et encore que c'est ce dernier qui a conduit et mené entièrement l'opération, en se portant fort pour les associés, alors qu'outre sa participation dans la Sarl Bagatelle, il était associé et administrateur dans la société Royal Bar, et encore président directeur général d'une société 'La Riviera', autre filiale de la Sarl Bagatelle, ayant une activité tournée vers la diététique, et que sa participation, plus que symbolique, dans différentes sociétés du 'groupe', n'ayant que peu de rapport ou pas de rapport du tout avec sa profession de médecin, marque l'intérêt qui était alors le sien pour des considérations, financières et lucratives, ne relevant pas du seul exercice de sa profession, et qu'il ne pouvait pas ne pas être au courant des difficultés très importantes des sociétés dudit groupe, et de la non sincérité de la présentation des comptes qui a été faite aux cessionnaires de ses parts.

Il en va de même pour monsieur [G], qui, outre qu'il était le gérant de droit de la Sarl Bagatelle, était associé et administrateur dans la société Royal Bar, et gérant d'une autre société du 'groupe', une société 'd'investissements' dénommée 'Univest'.

Il en va aussi de madame [J], divorcée [B], associée dans la Sarl Bagatelle, et qui, jusqu'à la cession de ses parts, occupait au sein de cette société un emploi, non pas de secrétaire, mais d''attachée de direction', avec un salaire important (218.690 francs perçu en 1991).

Il s'ensuit qu'il doit être fait droit à la demande des consorts [HN]/[X] et de leur liquidateur d'annulation de l'ensemble des cessions de parts de la Sarl Bagatelle.

4) La SNC (venue aux droits de la Sarl Bagatelle) étant dissoute, aucune restitution en nature desdites parts n'est possible.

Il y a donc lieu d'examiner la question de leur restitution en valeur, et au préalable celle de la recevabilité de la demande en restitution des cédants, contestée par les consorts [HN]/[X] et monsieur [L] ès qualités, eu égard à la détermination de la date à laquelle la créance de restitution a pris naissance.

Cette dernière n'a pu prendre naissance qu'à compter, au plus tôt, du jugement déféré du 28 mai 2002, ayant prononcé (avec exécution provisoire) l'annulation de la cession pour dol, soit postérieurement à l'ouverture des procédures collectives des consorts [HN]/[X].

Elle n'avait donc pas à être déclarée au passif de ces procédures collectives, et un défaut de déclaration en ce qui la concerne est sans emport, contrairement à ce que celles-ci soutiennent, sur sa recevabilité.

La valeur de restitution s'apprécie au jour de l'acte annulé, soit en l'espèce au 17 novembre 1992.

Les consorts [HN]/[X] et monsieur [L] ès qualités, débiteurs de la restitution, s'étant bornés à soulever (à tort) le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de restitution en valeur des parts, sans discuter le montant de ladite demande, fixé par madame [J] au prix versé pour l'acquisition, à savoir 8.000.000 francs, la cour ne peut que faire droit à cette demande.

Il y a donc lieu, comme le demande madame [J], d'ordonner la restitution en valeur des parts sociales de la Sarl Bagatelle pour une somme de 1.219.592 euros.

5) Madame [J] demande que soit ordonnée la compensation entre la créance de restitution de la valeur des parts, à hauteur de 8.000.000 francs, et celle de restitution du prix d'acquisition, qu'elle fixe, non pas à 8.000.000 francs, mais à 7.500.000 francs, en invoquant le fait que les consorts [HN]/[X] ont obtenu 'la rétrocession de la somme de 500.000 francs'.

Les consorts [HN]/[X] et monsieur [L] ès qualités s'opposent à cette demande en lui opposant, à tort, le moyen tiré de son irrecevabilité, motif pris de ce que, la créance de restitution en valeur des parts n'ayant pas été déclarée au passif des liquidations judiciaires, la 'compensation de créances connexes ne peut pas être prononcée', ce qui est sans portée puisque il a déjà été dit que la créance de restitution en valeur des parts n'avait pas à être déclarée.

En revanche, madame [J], débitrice de la restitution, fait valoir à tort que seul un prix de 7.500.000 francs a été versé, alors que la 'rétrocession' qu'elle invoque a en réalité donné lieu à l'établissement le 26 novembre 1992 par mademoiselle [HN] d'une reconnaissance de dette d'un montant de 500.000 francs au titre d'un prêt qui lui était consenti pour ce montant.

Il y a donc lieu de constater la compensation partielle entre les deux créances réciproques de 8.000.000 francs, et des intérêts moratoires au taux légal auxquels elles donnent lieu, soit, en l'absence de critique de part et d'autre, à compter du 6 octobre 1995, comme décidé par le tribunal, s'agissant de la créance de restitution du prix versé, et à compter du 17 novembre 1992, comme demandé par madame [J], s'agissant de la créance de restitution en valeur des parts.

6) Les consorts [HN]/[X] et monsieur [L] ès qualités demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné solidairement les cédants au paiement d'une somme de 610.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résulté des manoeuvres dolosives.

Il est fait droit à cette demande, sachant que lesdites manoeuvres, qui sont imputables à l'ensemble et à chacun des cédants, ont nécessairement entraîné pour les cessionnaires un préjudice économique et financier très important, d'un montant égal à la somme de 610.000 euros réclamée, ayant notamment découlé de l'ampleur du passif supplémentaire, non prévu, et non couvert par la garantie de passif, auquel elles ont dû faire face (estimé par l'expert à 344.095 euros), qui a conduit à leur mise en liquidation judiciaire, et du remboursement des intérêts du prêt de 8.000.000 francs, à un taux annuel de 11,75 % sur 10 ans, qui leur avait été consenti par la BMF pour l'acquisition des parts sociales.

7) L'intérêt pour les consorts [HN]/[X] et de monsieur [L] ès qualités à interjeter appel du jugement qui les a déboutés de leur demande en paiement contre la société d'avocats [F] et madame [Z] est évident, et la Selarl, monsieur [T], et madame [Z], ne peuvent qu'être déboutés de leur moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel à leur encontre.

8) Dans le dispositif de leurs dernières écritures, les consorts [HN]/[X] et monsieur [L] se bornent à réclamer la condamnation, solidairement avec les cédants, de la Selarl, de monsieur [T], et de madame [Z], à leur restituer le prix de cession de 1.219.592,10 euros, et à leur payer la somme de 610.000 euros de dommages et intérêts.

Mais la Selarl, monsieur [T], et madame [Z], ne peuvent être condamnés à la restitution d'un prix qu'ils n'ont pas perçu.

En revanche, les consorts [HN]-[X] et monsieur [L] sont fondés à soutenir que la Selarl et madame [Z] ont manqué à leur obligation de conseil à leur égard, en leur qualité de rédacteur de l'acte de cession de parts et de la convention organisant les modalités de la cession, en ne les invitant pas à faire vérifier, avant la cession, la situation comptable et financière de la Sarl Bagatelle par un expert comptable indépendant et extérieur aux parties (c'est-à-dire autre que monsieur [B]), sachant l'ampleur de l'opération, le caractère 'très sommaire'de la comptabilité (relevée par l'expert), l'évaluation 'forfaitaire' et 'immuable' de l'actif immobilisé à hauteur de la somme de 8.000.000 francs, l'activité de holding de la Sarl Bagatelle, sans rapport avec son activité principale, qui ne pouvait ou ne devait leur échapper, et qui devait les alerter sur le risque d'une opération frauduleuse, et ce, même si mademoiselle [HN] était à l'époque président directeur général d'une société anonyme, ayant une activité similaire à la Sarl Bagatelle, et si les parties avaient déjà arrêté entre elles seules les principes et les montants de l'opération, ce qu'ils contestent au demeurant avec pertinence, en faisant valoir que madame [Z], en son autre qualité de mandataire de la banque ayant consenti le prêt pour l'acquisition des parts, n'a pu manqué d'intervenir dans l'élaboration même du protocole de cession, auquel la banque était nécessairement intéressée.

Ils sont encore fondés à estimer que ce manquement a permis le dol dont ont été victimes les consorts [HN]/[X] (qui n'auraient pas manqué de suivre un tel conseil au regard de l'ampleur de l'opération et du risque objectif de celle-ci), de sorte qu'il doit être fait droit à la demande de monsieur [L] ès qualités (les consorts [HN]/[X] étant sans capacité propre à agir) de condamnation de la Selarl, de monsieur [T] ès qualités, de madame [Z] en son nom personnel et ès qualités, à lui payer, solidairement avec les cédants, la somme de 610.000 euros à titre de dommages et intérêts, mais avec intérêts au taux légal seulement à compter du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil.

9) Son grief d'un manque de loyauté des consorts [HN]/[X] dans le débat judiciaire n'étant pas retenu, madame [J] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le fait que son nom soit seulement cité dans la plainte avec constitution de partie civile déposée par les consorts [HN]/[X], alors qu'elle n'est pas nommément visée par la plainte, n'est constitutif d'aucune faute, et n'a entraîné aucun préjudice pour madame [Z], qui est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à cet égard.

Elle est encore déboutée de sa demande de dommages et intérêts reposant sur le fait que la demande de condamnation solidaire formée à son encontre, fondée sur un dol, aurait fait peser une grave accusation susceptible de la priver de toute garantie par son assureur de responsabilité civile professionnelle, et que dans ces conditions l'appel à son encontre serait abusif, dès lors qu'aucun dol n'est invoqué au fondement de la demande de condamnation à son encontre, et que par suite l'appel ne revêt aucun caractère abusif.

10) Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge solidaire de messieurs [TK] [G], [M] [O], [V] [VP], [Y] [VP], de mesdames [R] [P], [W] [J], et [H] [Z], et de madame [Z] et monsieur [T] en leurs qualités de liquidateur de la Selarl [F].

Il est équitable d'allouer à monsieur [L] ès qualités, à la charge solidaire des mêmes, une somme de 5.000 euros sur le fondement en première instance des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et une somme de 1.000 euros sur le même fondement en appel.

Il est équitable de débouter la BMF de sa demande sur le fondement en appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

*

Il suit de l'ensemble de ce qui précède que le jugement doit être confirmé sauf en ce qu'il a débouté mademoiselle [HN] et madame [X] de leurs demandes à l'encontre de la société d'avocats [F] et de maître [Z], condamné solidairement messieurs [G], [O], [V] [VP], [S] [B] et [D] [VP], ainsi que mesdames [W] [J], épouse [B], et [R] [P], épouse [VP], à payer à maître [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de mademoiselle [A] [HN] et de madame [OA] [HN], épouse [X], la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné in solidum maître [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de mademoiselle [A] [HN] et de madame [OA] [HN], épouse [X], à payer à la Selarl [F], société d'avocats, et à maître [Z], la somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce qu'il a fait masse des dépens et a condamné in solidum maître [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de mademoiselle [A] [HN] et de madame [OA] [HN], épouse [X], à payer la moitié des dépens, et condamné solidairement messieurs [G], [O], [V] [VP], [S] [B] et [D] [VP], ainsi que mesdames [W] [J], épouse [B], et [R] [P], épouse [VP], à en payer l'autre moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et mis à disposition au greffe

Déboute monsieur [G] de sa demande d'annulation du jugement.

Constate que les demandes de sursis à statuer sont devenues sans objet.

Dit recevable l'appel des consorts [HN]/[X] et de monsieur [L] ès qualités de liquidateur aux liquidations judiciaires de ces dernières interjeté à l'encontre de la société d'avocats [F] et de madame [Z].

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté mademoiselle [HN] et madame [X] de leurs demandes à l'encontre de la société d'avocats [F] et de maître [Z], condamné solidairement messieurs [G], [O], [V] [VP], [S] [B] et [D] [VP], ainsi que mesdames [W] [J], épouse [B], et [R] [P], épouse [VP], à payer à maître [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de mademoiselle [A] [HN] et de madame [OA] [HN], épouse [X], la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné in solidum maître [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de mademoiselle [A] [HN] et de madame [OA] [HN], épouse [X], à payer à la Selarl [F], société d'avocats, et à maître [Z], la somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce qu'il a fait masse des dépens et a condamné in solidum maître [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de mademoiselle [A] [HN] et de madame [OA] [HN], épouse [X], à payer la moitié des dépens, et condamné solidairement messieurs [G], [O], [V] [VP], [S] [B] et [D] [VP], ainsi que mesdames [W] [J], épouse [B], et [R] [P], épouse [VP], à en payer l'autre moitié.

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Ordonne la restitution en valeur des parts sociales de la Sarl Bagatelle pour une somme de 1.219.592 euros.

Constate la compensation partielle entre d'une part la créance de restitution du prix, soit la somme de 1.219.592 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 1995, et la créance de restitution en valeur des parts sociales de la Sarl Bagatelle, soit la somme de 1.219.592 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 1992.

Déboute mesdames [HN] et [X] et monsieur [L] ès qualités de leur demande de condamnation de madame [Z], en son nom personnel, de madame [Z] et monsieur [T], en leur qualité de liquidateur de la Selarl [F], et de ladite Selarl, à restituer le prix de cession de 1.219.592,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 1995.

Condamne madame [Z], en son nom personnel, madame [Z] et monsieur [T] en leurs qualités de liquidateur de la Selarl [F], et ladite Selarl, solidairement avec messieurs [G], [O], [V] [VP], [S] [B] et [D] [VP], ainsi que mesdames [W] [J], épouse [B], et [R] [P], épouse [VP], à payer à monsieur [L] ès qualités de liquidateur aux liquidations judiciaires de mesdames [HN] et [X], la somme de 610.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Déboute madame [J] de ses demandes de dommages et intérêts.

Dit que les dépens de première instance et d'appel sont supportés solidairement par messieurs [TK] [G], [M] [O], [V] [VP], [Y] [VP], mesdames [R] [P], [W] [J], [H] [Z], et madame [Z] et monsieur [T] en leurs qualités de liquidateur de la Selarl [F].

Dit qu'il sera fait application au profit des SCP d'avoués et d'avocats de la cause des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

Condamne solidairement messieurs [TK] [G], [M] [O], [V] [VP], [Y] [VP], mesdames [R] [P], [W] [J], [H] [Z], et madame [Z] et monsieur [T] en leurs qualités de liquidateur de la Selarl [F], à payer à monsieur [L] ès qualités de liquidateur aux liquidations judiciaires de mesdames [HN] et [X], la somme de 5.000 euros sur le fondement en première instance des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et la somme de 1.000 euros sur le même fondement en appel.

Déboute la Banque Monétaire et Financière de sa demande sur ce même fondement en appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 10/10773
Date de la décision : 05/07/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°10/10773 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-05;10.10773 ?
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