COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 05 JUILLET 2012
N°2012/486
Rôle N° 05/01259
[Z], [A], [X] [H]
[B] [G] [M]
S.C.P. [Y]
C/
[D] [V]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD
Me JAUFFRES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 15 Décembre 2004 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2004F00137.
APPELANTS
Madame [Z], [A], [X] [H]
née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 10], demeurant [Adresse 5]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Jean Pascal CHAZAL, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Sophie WATTEL, avocat au barreau de VALENCE
Maître [B] [G] [M],
intervenant volontairement en sa qualité d'administrateur judiciaire de Mme [H]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
S.C.P. [Y],
prise en la personne de Me [Y] [J], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme [H]-
intervenant volontaire,
demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Jean Pascal CHAZAL, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me Sophie WATTEL, avocat au barreau de VALENCE
INTIMEE
Madame [D] [V]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 7] (ALGERIE) (99), demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Jean marie JAUFFRES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président suppléant , et Madame Catherine DURAND, Conseiller,
Madame Catherine DURAND, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Guy SCHMITT,Président
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2012.
Signé par Monsieur Guy SCHMITT,Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [Z] [H] a acquis le 12 décembre 2002 un fonds de commerce de pharmacie de Madame [D] [V] au prix de 1.196.724 euros, outre le stock.
Le 6 février 2004 Madame [H] a assigné sa venderesse en réfaction du prix et expertise sur le fondement de l'article L 141-1 du code de commerce, qui elle-même l'a assignée en paiement du solde du prix de cession du stock.
Le Tribunal de commerce de NICE, par jugement du 15 décembre 2004, après jonction des procédures, a :
Débouté Madame [H] de ses demandes,
Condamné Madame [H] à payer à Madame [V] la somme de 28.814 euros outre intérêts contractuels au taux de 1,5 % l'an à compter du 2 janvier 2004, ainsi que la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Par acte du 20 janvier 2005 Madame [H] a interjeté appel de ce jugement.
Elle a été placée en redressement judiciaire le 27 avril 2006, Me [M] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Me [Y] de représentant des créanciers.
Ils sont intervenus volontairement à la procédure.
Par arrêt du 18 janvier 2007 la 2ème Chambre de la Cour de céans a infirmé le jugement, sauf en ce qu'il porte condamnation de la troisième échéance du stock,
Statuant à nouveau,
Dit que Madame [V] doit restituer une partie du prix de vente de la pharmacie objet de l'acte de cession,
Désigné Monsieur [P] et Monsieur [W] pour arbitrer le montant du prix de cession à restituer,
Condamné Madame [V] à verser à Madame [H] un somme de 10.000 euros à titre de provision.
Par arrêt du 6 mai 2008 la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt précité mais seulement en ce qu'il a dit que Madame [V] devait restituer une partie du prix de cession et ordonner une expertise, remettant sur ce point les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt, et les a renvoyées devant la Cour d'Aix-en-Provence autrement composée.
La Cour a relevé que l'arrêt n'avait pas recherché si les inexactitudes comptables relevées n'avaient pas déterminé l'acquéreur à accepter le prix auquel il avait contracté.
Par déclarations des 16 mai et 4 juin 2008, d'une part, Madame [H] et Me [T] de la SCP [Y] [T] ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de Madame [H] et, d'autre part, Madame [V] ont saisi la Cour en exécution de l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation.
Par arrêt mixte du 16 décembre 2010, auquel le présent de réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la 8ème Chambre A de la Cour de céans, autrement composée, a :
Mis hors de cause Me [M] ès-qualités d'administrateur judiciaire,
Infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [H] de sa demande de réfection du prix et d'expertise,
Statuant à nouveau,
Dit recevables les demandes de Madame [H],
Dit que Madame [V] devait restituer une partie du prix de cession,
Ordonné une expertise,
Désigné pour y procéder Messieurs [P] et [W], avec mission d'arbitrer le montant du prix de vente à restituer,
Condamné Madame [V] à payer à Madame [H] une provision de 15.000 euros,
Sursis à statuer sur la demande de paiement de la 4 ème échéance du stock et les frais irrépétibles,
Réservé les dépens.
Les expert ont déposé leur rapport le 25 octobre 2011, fixant à 272.254 euros le montant du prix devant être restitué à Madame [H] et ce au regard du chiffre d'affaires réellement réalisé dans les 12 mois précédents la vente et le pourcentage de 96,5 % du chiffre d'affaires retenu par les parties pour fixer le prix.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 décembre 2011 Madame [H] et Me [T], ès-qualités, demandent à la Cour de condamner Madame [V] au paiement de la somme de 272.254 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assigantion du 6 février 2004, et capitalisation, ainsi que de celle de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions au fond déposées et notifiées le 4 avril 2012 Madame [V] demande à la Cour de :
Vu les articles L 141-1 à L 141-4 du code de commerce,
Vu les articles 1134, 1582 et 1589 du code civil,
Constater que le collège d'experts valide les chiffres d'affaires présentés par Madame [V] pour la période du 1er octobre 2000 au 28 mars 2003,
Constater que l'accord sur la chose et sur le prix est intervenu le 4 octobre 2002 pour 1.196.724 euros,
Débouter par conséquence Madame [H] de ses demandes, fins et conclusions,
Dire et juger à titre très subsidiaire que la restitution peut être évaluée à la somme de 6.079 euros sur la base des travaux du collège expertal sur la base d'un chiffre d'affaires de 1.233.833 euros HT,
Condamner en tout état de cause Madame [H], Me [M] ès-qualités et la SCP TATTEI [T], ès-qualités, à restituer à Madame [V] le surplus de provision obtenue par l'arrêt du 28 mai 2010 ainsi que la somme de 70.306,16 euros correspondant au paiement du 4 ème échéance du stock (soit 28.814 euros outre intérêts contractuels hauteur de 40.492,16 euros du 2 avril 2004 au 2 avril 2012),
Ordonner la compensation de ces sommes avec celles éventuellement allouées à Madame [H],
Condamner Madame [H], Me [M] ès-qualités et la SCP TATTEI [T], ès-qualités au paiement de la somme de 70.000 euros au titre des divers frais de justice et assistance d'experts depuis l'origine de la procédure à titre de dommages et intérêts,
Condamner les mêmes au paiement de la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue en l'état le 9 mai 2012.
MOTIFS
Sur le prix de cession du fonds de commerce :
Attendu que la Cour de céans dans son arrêt mixte du 28 mai 2010 a jugé que la comptabilité au regard de laquelle le montant du prix de cession avait été arrêté, n'était pas probante, compte tenues des anomalie qu'elle présentait, caractérisées par un enregistrement irrégulier des recettes et de leur majoration fictive au moyen d'encaissements en espèce non établis ;
Attendu qu' en application de l'article L 141-3 du code de commerce la Cour, au regard de cette situation, a jugé que Madame [V], venderesse du fonds de commerce de pharmacie était garante des inexactitudes affectant ses énonciations dans l'acte de cession, qui avaient amené la cessionnaire à acquérir au prix fixé dans l'acte, et a désigné un collège d'expert aux fins d'arbitrer le montant du prix de cession a restituer ;
Attendu que Madame [V] conteste les conclusions du collège expertal aux motifs qu'il auraient dû se placer au jour de la promesse synallagmatique de cession valant vente, soit au 4 octobre 2002, pour apprécier le montant du prix de cession et fait valoir qu'il aurait validé les chiffres d'affaires présentés par la venderesse du 1er octobre 2000 au 28 mars 2003, date de l'acte définitif de cession et de transfert de propriété ;
Mais attendu que les experts ont précisé qu''à l'évidence les enregistrements comptables présentés un certain nombre d'anomalies' et que l'essentiel des 'distorsions' provenaient du fait que la vente du stock avait été considérée comme du chiffre d'affaires, alors que ce chiffre d'affaires constituait la base de la transaction et que le prix de cession convenu l'était 'outre les marchandises' ;
Attendu qu'il ne peut en conséquence être considéré que les experts ont 'validé' les chiffres d'affaires annoncés par la venderesse ;
Attendu que s'agissant d'arbitrer le prix, les experts se sont justement placés au 28 mars 2003, date à laquelle la cession est devenue 'entière, parfaite et définitive avec effet financier au 1er avril 2003', et à laquelle Madame [H] a eu la pleine propriété et la jouissance de l'officine de pharmacie cédée, alors qu'il est constant que l'officine cédée avait connu une mutation importante dans son activité en raison de la décision préfectorale de février 2002 rendant obligatoire la fermeture le dimanche, qu'antérieurement elle était ouverte 7 jours sur 7, et que cette fermeture dominicale a affecté son chiffre d'affaires et donc la valeur du fonds de commerce ;
Attendu qu'ils ont évalué le prix de cession selon les critères retenus par les parties elles-mêmes pour l'arrêter, soit 96,5 % du chiffre d'affaires HT 'des douze derniers mois glissants', selon les termes du négociateur, corroborés par ceux de l'offre d'achat proposée par Madame [H] le 29 septembre 2002 ;
Attendu qu'ils ont fixé à 958.000 euros HT le volume du chiffre d'affaires réalisé les douze mois précédents la vente au regard des éléments en leur possession et donc à 924.470 euros le prix de cession de l'officine de pharmacie ;
Attendu que Madame [V] sera condamnée en conséquence à verser à Madame [H] la somme de 272.254 euros, montant du prix devant lui être restitué tel qu'arbitré par les deux experts ;
Attendu que les intérêts au taux légal seront dus à compter de la date de la présente décision qui fixe le montant de la réfaction du prix de cession ;
Sur le solde du prix de cession des marchandises :
Attendu que le prix de cession des marchandises dû en plus du prix de cession de l'officine de pharmacie était payable en plusieurs versements ;
Attendu qu'il est constant que Madame [H] reste devoir la somme de 28.814 euros au titre de la 4ème échéance ;
Attendu que Madame [H] ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, elle ne peut être condamnée au paiement de cette créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu que la créance de Madame [V], déclarée au passif de Madame [H], sera fixée à cette somme en principal, les intérêts conventionnels n'ayant couru que du 2 avril 204 au 27 avril 2006, date d'ouverture de la procédure collective ayant arrêté leur cours ;
Attendu que cette créance s'élève donc 28.814 euros outre 10.373 euros en intérêts ;
Sur la compensation :
Attendu que les deux créances procédant du même contrat, elles sont connexes ;
Attendu que Madame [V] a déclaré sa créance au passif de Madame [H] ;
Attendu par suite que le paiement des créances peut intervenir par compensation, jusqu'à due concurrence de leurs quotités respectives et ce, nonobstant l'existence du plan de continuation dont bénéficie Madame [H] ;
Attendu que Madame [V] sera donc condamnée à verser à Madame [H] la somme de 233.067 euros, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour, lui revenant après compensation ;
Sur les dommages et intérêts :
Attendu que la résistance au paiement du solde du prix des marchandises opposée par Madame [H] ne revêt aucun caractère abusif ;
Attendu que Madame [V] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu que Madame [V] sera condamnée à payer à Madame [H] une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'elle sera condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Vu le rapport des deux experts [W] et [P],
Fixe à la somme de 272.254 euros, le montant du prix devant être restitué par Madame [V] à Madame [H] tel qu'arbitré par les deux experts,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Fixe la créance de Madame [V] au passif de Madame [H] au titre du paiement de la dernière échéance du stock vendu à la somme de 28.814 euros, outre celle de 10.373 euros au titre des intérêts conventionnels au taux de 1,5 % par mois du 2 avril 2004 au 27 avril 2006, date d'ouverture de la procédure collective ayant arrêté leur cours,
Ordonne la compensation des deux dettes procédant du même contrat jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives,
Condamne en conséquence Madame [V] à payer à Madame [H] la somme de 233.067 euros, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Déboute Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Condamne Madame [V] au paiement de la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
Condamne Madame [V] aux entiers dépens ,ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER. LE PRESIDENT.