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28/06/2012 | FRANCE | N°11/13481

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 28 juin 2012, 11/13481


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2012

FG

N° 2012/438













Rôle N° 11/13481







[ME] [E]

[NJ] [I]

[LO] [E] épouse [I]

[P] [G] épouse [E]





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[PU] [V]

[GU] [C] [V]

[FO] [V]

[PE] [V]

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Grosse délivrée

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SCP COHEN GUEDJ



Me Jean marie JAUFFRES



SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE







Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Juin 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/9664.







APPELANTS





Monsieur [ME] [E],

né le [Date naissance 11] ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2012

FG

N° 2012/438

Rôle N° 11/13481

[ME] [E]

[NJ] [I]

[LO] [E] épouse [I]

[P] [G] épouse [E]

C/

[PU] [V]

[GU] [C] [V]

[FO] [V]

[PE] [V]

[Z] [W]

[A] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP COHEN GUEDJ

Me Jean marie JAUFFRES

SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Juin 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/9664.

APPELANTS

Monsieur [ME] [E],

né le [Date naissance 11] 1949 à [Localité 40],

demeurant [Adresse 16]

Monsieur [NJ] [I],

né le [Date naissance 2] 2008 à [Localité 34] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 16]

Madame [LO] [E] épouse [I],

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 32],

demeurant [Adresse 16]

Madame [P] [G] épouse [E],

née le [Date naissance 5] 1926 à [Localité 21],

demeurant [Adresse 16]

représentés par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué (e) aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués, assistés de Me Muriel PIQUET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Madame [PU] [V]

née le [Date naissance 6] 1924 à [Localité 28] (TURQUIE),

demeurant [Adresse 25]

Madame [GU] [C] [V]

née le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 28] (TURQUIE) ,

demeurant [Adresse 30]

Monsieur [FO] [V]

né le [Date naissance 7] 1968 à [Localité 28] (TURQUIE),

demeurant [Adresse 30]

Monsieur [PE] [V]

né le [Date naissance 13] 1965 à [Localité 28] (TURQUIE),

demeurant [Adresse 30]

Monsieur [Z] [W]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 28] (TURQUIE),

demeurant [Adresse 36]

représentés par Me Jean marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés par Me Thomas KLIBANER, avocat au barreau de PARIS substituant la SCP P.D.G.B..

Maître [A] [O]

Notaire

[Adresse 15]

représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assisté de la SELARL CARISSIMI-PROVANSAL-D'JOURNO-GUILLET, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Béatrice DELESTRADE, avocat au barreau de MARSEILLE,

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Plusieurs contentieux ont opposé M.[ME] [E], M.[NJ] [I], Mme [LO] [E] épouse [I] et Mme [P] [G] épouse [E], aux héritiers [D] à propos de la propriété d'une maison d'habitation sise [Adresse 24].

Un acte de notoriété acquisitive a été établie au profit des consorts [E]-[I] par un notaire de [Localité 33], M°[A] [O].

Une assignation en annulation de cette acte de notoriété et mise en cause de la responsabilité du notaire a été délivrée le 5 août 2009 par les hoirs [D], à l'égard des consorts [E]-[I] et de M°[O] devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement en date du 3 juin 2011, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- rejeté les fins de non recevoir soulevées par les consorts [E] [I],

- annulé l'acte de notoriété acquisitive établi par M°[O], notaire à [Localité 33], le 19 avril 2005, au profit des consorts [I]-[E], publié au 3ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 33] le 9 mai 2005 et l'attestation rectificative du 23 juin 2005 publiée au 3ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 33] le 1er juillet 2005 sous le numéro 2005P5798,

- condamné Mme [LO] [E] épouse [I], M.[NJ] [I], Mme [P] [G] épouse [E] et M.[ME] [E] in solidum à verser à [PU], [GU], [PE], [FO] [V] et [Z] [W] pris ensemble la somme de 5.000 € de dommages et intérêts,

- condamné Mme [LO] [E] épouse [I], M.[NJ] [I], Mme [P] [G] épouse [E] et M.[ME] [E] in solidum à verser à [PU], [GU], [PE], [FO] [V] et [Z] [W] pris ensemble la somme de 2.000 € et à M°[O] la somme de 1.200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- mis l'intégralité des dépens à la charge des consorts [E]-[I], dont distraction au profit des avocats de la cause.

Par déclaration de la SCP BOTTAI, GEREUX et BOULAN, avoués, en date du 27 juillet 2011, M.[ME] [E], M.[NJ] [I], Mme [LO] [E] épouse [I] et Mme [P] [G] épouse [E] ont relevé appel de ce jugement.

Par leurs conclusions, notifiées et déposées le 25 octobre 2011, M.[ME] [E], M.[NJ] [I], Mme [LO] [E] épouse [I] et Mme [P] [G] épouse [E] demandent à la cour d'appel, au visa de l'article 31 du code de procédure civile, des articles 28, 30 et 33 du décret du 4 janvier 1955, de :

- déclarer les consorts [I]-[E] recevables et bien fondés en leur appel,

- en conséquence, réformer le jugement,

- à titre principal, constater que l'assignation et les demandes qu'elle comporte est diligentée au nom et pour le compte d'une hoirie [D], laquelle ne dispose pas de la personnalité juridique, en conséquence, déclarer irrecevables lesdites demandes faute pour une hoirie de disposer de la capacité et de la qualité à agir,

- à titre subsidiaire, dire que l'acte de notoriété acquisitive du 19 avril 2005 et l'attestation rectificative du 23 juin 2005, dûment publiées à la conservation des hypothèques,

- dire en conséquence que les consorts [I]-[E] n'ont commis aucune faute susceptible d'engager leur responsabilité,

- condamner les intimés à leur payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les intimés aux dépens, avec distraction au profit de la SCP BOTTAI, GEREUX et BOULAN.

Les consorts [I]-[E] exposent qu'en 1957 ils ont remis une somme de 150.000 francs en chèque et de 150.000 francs en espèces à Mme [CO] pour l'acquisition du bien immobilier litigieux, mais qu'aucun acte de vente n'a jamais été passé.

Ils précisent être demeurés dans l'immeuble, ainsi occupé par eux depuis 1957.

Ils considèrent avoir été victimes d'une escroquerie au jugement du fait de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 23 novembre 1999 qui les a déboutés de leur action en revendication et de l'arrêt de ladite cour du 10 juin 2005 qui a les déboutés de leur demande d'annulation du commandement d'avoir à quitter les lieux.

Ils estiment que la demande formulée est irrecevable, faute de qualité à agir d'une hoirie.

Subsidiairement, ils font observer que l'arrêt du 23 novembre 1999 n'a pas été publié et qu'ils sont les premiers à avoir fait publier un titre à la conservation des hypothèques.

Ils estiment n'avoir commis aucune faute.

Par leurs conclusions, notifiées et déposées le 22 décembre 2011, Mme [PU] [V], Mme [GU] [V], M.[PE] [V], M.[FO] [V] et M.[Z] [W] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 815-2, 711, 544, 1319 et 1382 du code civil, 516 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a

- rejeté les fins de non recevoir soulevées par les consorts [E] [I],

- dit que l'acte de notoriété acquisitive établi par M°[O], notaire à [Localité 33], le 19 avril 2005, au profit des consorts [I]-[E], publié au 3ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 33] le 9 mai 2005 et l'attestation rectificative du 23 juin 2005 publiée au 3ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 33] le 1er juillet 2005 sous le numéro 2005P5798, sont nuls en ce qu'ils sont contraires à plusieurs décisions de justice ayant acquis force de chose jugée,

- condamné in solidum Mme [LO] [E] épouse [I], M.[NJ] [I], Mme [P] [G] épouse [E] et M.[ME] [E] à verser à [PU], [GU], [PE], [FO] [V] et [Z]

[W] pris ensemble la somme de 5.000 € de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il débouté les consorts [V] de leur demande de condamnation de M°[O], condamner M°[O], notaire à [Localité 33] , à réparer le préjudice qu'il a causé aux hoirs [V] en établissant un acte de notoriété acquisitive erroné, à hauteur de 20.000 €,

- en tout état de cause, condamner in solidum Mme [LO] [E] épouse [I], M.[NJ] [I], Mme [P] [G] épouse [E] et M.[ME] [E] in solidum à verser à [PU], [GU], [PE], [FO] [V] et [Z] [W] pris ensemble la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de M°JAUFFRES.

Les consorts [V]-[W] exposent que le bien immobilier litigieux avait été acquis le 8 mai 1926 par M.et Mme [OO] [D], lesquels sont décédés en 1939, laissant pour héritiers M.[PE] [V] et M.[BF] [D], qui sont décédés à leur tour en 1947 et 2006, que les héritiers indivis sont actuellement Mme [PU] [V], Mme [GU] [V], M.[PE] [V], M.[FO] [V] et M.[Z] [W]. Ils estiment que le bien immobilier est occupé sans droit ni titre depuis 1957 par les consorts [I]-[E]. Ils rappellent que ceux-ci ont été déboutés de leur action en revendication par arrêt définitif, que leur expulsion a été ordonnée, qu'ils ont été condamnés à payer 126.297,62 € d'indemnité d'occupation.

Les consorts [V]-[W] font observer que chaque indivisaire a le droit d'agir pour assurer la défense de ses droits sur la chose indivise.

Ils rappellent leurs titre de propriété. Ils estiment que l'acte de notoriété acquisitive dont se prévalent les consorts [I]-[E] a été obtenu en fraude, pour tenter avec mauvaise foi d'échapper à l'exécution des décisions de justice.

Ils considèrent que le notaire, M°[O], a agi avec légèreté et aurait dû, une fois connaissance prise des décisions rendues, prendre des mesures pour faire annuler son acte.

Par ses conclusions, notifiées et déposées le 21 décembre 2011, M°[A] [O], notaire demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, condamner les consorts [E]-[I] à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge en raison de leur attitude fautive envers le notaire,

- en toute hypothèse, condamner tout succombants à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Hervé COHEN Laurent COHEN & Paul GUEDJ.

M°[O] précise qu'il n'avait absolument pas été tenu au courant des différentes procédures judiciaires en cours ou ayant abouti entre les consorts [I]-[E] et les consorts [V]. Il relève que l'attestation immobilière dressée le 12 mars 1992 par M°[F], notaire à [Localité 33], n'avait pas été publiée en raison d'erreurs relatives à l'état civil de certaines parties intéressées. Il précise n'avoir été informé des contentieux opposant les parties que deux ans après avoir établi l'acte litigieux et que lorsqu'il a contacté les consorts [I]-[E] pour leur demander de renoncer à utiliser ce titre, ceux-ci ont refusé, que dès lors seule une annulation judiciaire permettait de l'anéantir.

L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close, après nouvelle constitution faisant suite à la suppression de la profession d'avoué, d'accord des représentants ainsi constitués des parties, le 31 mai 2012, avant les débats.

MOTIFS,

-Sur la recevabilité :

Les appelants estiment la demande irrecevable faute de capacité et qualité à agir des demandeurs, ceux-ci étant présentés comme 'l'hoirie'.

L'assignation introductive d'instance présente les demandeurs de la manière suivante:

' à la requête de l'hoirie [D] représentée par :

1° Mme [PU] [V], née le [Date naissance 6] 1924 à [Localité 28] (Turquie), de nationalité turque, sans profession, demeurant chez [Adresse 19],

2° Mme [GU] [C] [V], née le [Date naissance 14] 1939 à [Localité 28] (Turquie), de nationalité turque, demeurant [Adresse 31],

3° M.[PE] [V], né le [Date naissance 13] 1965 à [Localité 28] (Turquie), de nationalité turque, demeurant [Adresse 31],

4° M.[FO] [V], né le [Date naissance 7] 1968 [Localité 28] (Turquie), de nationalité turque, demeurant [Adresse 31],

5° M.[Z] [W], née le [Date naissance 9] 1940 à [Localité 28] (Turquie), de nationalité turque, demeurant [Adresse 37],..'.

Le terme 'hoirie' désigne les héritiers.

Ceux-ci sont dénommés. Il s'agit de cinq personnes physiques dont l'état civil et l'adresse sont précisément énoncés dans l'acte d'assignation et rappelés dans les conclusions.

L'assignation et les conclusions expliquent les liens de filiation :

-au départ, lors de l'acte d'acquisition du 8 mai 1926, se trouvaient M.[OO] [D] et son épouse.

-Mme [D] est décédée le [Date décès 18] 1939, laissant son mari pour lui succéder,

-M.[OO] [D] est décédé le [Date décès 10] 1939, laissant pour héritiers son frère M.[PE] [V] et son neveu M.[BF] [D],

-M.[PE] [V] est décédé le [Date décès 12] 1947, laissant pour héritiers sa fille, Mme [PU] [V], et les ayants droit de son fils décédé M.[S] [V], soit son épouse Mme [GU] [C] [V] et ses enfants M.[PE] [V] et M.[FO] [V],

-M.[BF] [D] est décédé le [Date décès 8] 2006, laissant pour lui succéder son épouse Mme [U] [D], laquelle est décédée le [Date décès 17] 2008, laissant pour lui succéder M.[Z] [W].

Au vu de toutes ces précisions, données dès l'assignation introductive d'instance, les défendeurs avaient clairement connaissance de qui étaient les demandeurs.

Les demandeurs, dits 'hoirie [D]' sont les cinq personnes physiques venant comme ayants droit de feus [OO] [D] et son épouse, propriétaires par acte du 8 mai 1926 du bien immobilier litigieux [Adresse 24].

Il ne peut être fait droit à la fin de non recevoir alléguée. Le jugement sera confirmé sur ce point, avec adjonction de motifs.

-Sur la demande d'annulation de l'acte de notoriété acquisitive et ses conséquences :

Cet acte a été établi le 18 avril 2005 par M°[A] [O], notaire associé à [Localité 33].

Il est ainsi libellé :

'A la requête de M.[NJ] [I] et Mme [LO] [T] [K] [E], son épouse, ....sur intervention de M.[R] [M]...M.[JE] [B]...M.[JE] [Y] [JU].....Mme [HJ] [H] [MU]...lesquels ont, par ces présentes, déclaré : parfaitement connaître M.[L] [J] [X] [E] ...et Mme [P] [KZ] [G], retraitée, son épouse.....et ils ont attesté, comme étant de notoriété publique et à leur parfaite connaissance : que depuis le courant de l'année 1957, soit depuis plus de trente ans (30 ans), M.et Mme [E] possèdent et habitent à titre de résidence principale une maison d'habitation avec terrain attenant sise dans le neuvième arrondissement de [Localité 33], [Adresse 24], élevée de deux niveaux. Figurant au cadastre quartier de [Localité 38], section [Cadastre 20] pour 6 ares 66 centiares. Que cette possession a eu lieu à titre de propriétaire, d'une façon continue, paisible, publique et non équivoque. Que notamment ils attestent que les époux [E] et les époux [I], ensemble ou séparément, ont réalisé les travaux suivants: réfection de la toiture, branchement au réseau public d'assainissement, ravalement de la façade, édification de la véranda, du garage, pose du portail, installation du chauffage central, installation de l'eau sous pression. Que par suite, toutes les conditions exigées par l'article 2229 du code civil pour acquérir la propriété par prescription trentenaire sont réunies au profit de M. [L] [J] [X] [E] et Mme [P] [KZ] [G], son épouse...ci-dessus nommés, qui doivent être considérés comme propriétaires du bien sus désigné...'.

Le 29 novembre 1995, M.[NJ] [I], Mme [E] épouse [I] et Mme [P] [E] avaient fait assigner 'l'hoirie [D]' aux fins de faire reconnaître leur propriété par usucapion du bien immobilier du [Adresse 24]. Ils ont été déboutés de cette demande par jugement du tribunal de grande instance de Marseille 30 juin 1997 qui a dit que les consorts [E] n'établissaient pas avoir possédé de façon continue, paisible, publique et non équivoque en qualité de propriétaire depuis plus de trente ans. Ils ont relevé appel de ce jugement. Par arrêt du 23 novembre 1999, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.

Cet arrêt précise : 'les consorts [E]-[I], entrés dans les lieux comme détenteurs précaires, après avoir réglé un pas de porte, savaient détenir la chose d'autrui, de sorte qu'ils ont commencé à posséder pour autrui et ne pouvaient établir la prescription acquisitive qu'ils invoquent qu'en démontrant que le titre de leur possession s'est trouvé interverti, depuis plus de trente ans avant la sommation de quitter les lieux qui leur a été délivrée le 8 novembre 1991; ...que pour être efficace l'interversion du titre prévue par l'article 2238 du code civil s'entend d'une contradiction opposée aux droits du propriétaire, se manifestant d'une façon apparente et mettant ce dernier en mesure de contester la volonté du détenteur originel à devenir possesseur ;...que les consorts [E]-[I] n'établissent pas avoir accompli de tels actes, alors qu'ils connaissaient par les mentions portées sur l'avertissement de la taxe foncière, notamment, l'adresse de la mandataire des propriétaires;'.

A la suite de cet arrêt, les héritiers [D] ont demandé l'expulsion des consorts [E]-[I] en référé. Par ordonnance de référé du 7 juillet 2000, le président du tribunal de grande instance de Marseille a ordonné leur expulsion.

Sur appel des consorts [E]-[I], la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 22 février 2001, a confirmé cette ordonnance.

Les héritiers [D] ont fait délivrer le 4 décembre 2001 aux consorts [E]-[I] un commandement de quitter les lieux et ont tenté de faire procéder à l'expulsion le 10 décembre 2001.

Les consorts [E]-[I] ont saisi le juge de l'exécution aux fins de faire annuler ce commandement. Par jugement du 19 décembre 2002, le juge de l'exécution les en a déboutés. Ils ont relevé appel. Par arrêt du 10 juin 2005, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement.

Par arrêt du 14 décembre 2004, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé à 126.297,62 € l'indemnité d'occupation due par les consorts [E]-[I] aux héritiers [D] pour l'occupation indue de ce bien immobilier. Les pourvois formés contre les arrêts du 23 novembre 1999 et 14 décembre 2004 ont été déclaré irrecevable pour le premier et fait l'objet d'un rejet pour le second.

Malgré un arrêt de cour d'appel du 23 novembre 1999 ayant jugé de manière définitive qu'aucune prescription acquisitive n'avait pu permettre aux consorts [E]-[I] de devenir propriétaires du bien immobilier litigieux, malgré une décision judiciaire définitive d'expulsion, malgré une validation définitive du commandement de quitter les lieux, malgré une condamnation définitive à payer un indemnité d'occupation, les consorts [E]-[I] se sont maintenus indûment dans les lieux.

Et non contents de se maintenir dans les lieux, ils ont réussi à persuader un notaire, de manière totalement frauduleuse, et avec une mauvaise foi patente, de leur établir un acte de notoriété acquisitive. Ce procédé n'avait d'autre but que d'empêcher l'exécution de la mesure d'expulsion.

Il importe peu que la publication des titres des consorts [V]-[W] aient été ou non correctement publiés à la conservation des hypothèques.

Cette publication présentait des difficultés de collationnement des éléments d'état civil qui l'ont ralentie.

En tout état de cause, les consorts [E]-[I], parties aux multiples procédures les ayant opposés aux héritiers [D], ne pouvaient effacer toutes ces décisions prises à leur égard, pour se comporter comme des tiers, ne tenant compte que des éléments publiés, ignorant tout ce qui avait été définitivement jugé à leur encontre.

Le rédacteur de cet acte, M°[O] lui-même, une fois informé de la vérité, a écrit le 15 novembre 2007 : 'je convoque (les époux [I]) dans les plus brefs délais en vue d'annuler l'acte de notoriété acquisitive', s'étant aperçu de l'erreur qu'il avait faite en établissant cet acte sur la seule foi des consorts [E]-[I] et des personnes amenées par eux.

La cour ne peut que confirmer le jugement d'annulation de cet acte et de condamnation des consorts [E]-[I] pour leur conduite frauduleuse, de violation des droits des propriétaires, en détournant les décisions de justice, causant un préjudice réel aux propriétaires, par le retard encore apporté à leur réintégration dans leurs droits.

-Sur la demande formée contre le notaire :

Lorsqu'il a été sollicité par les consorts [I] et [E] pour établir un acte de notoriété acquisitive, M°[O], notaire, se devait de faire preuve d'une particulière prudence. Il devait rechercher ce qui s'était passé depuis l'acte de vente du 10 mai 1926.

Cet acte, par lequel les époux [D] avaient acquis le bien litigieux des époux [KJ], dressé par M°[N] [NZ], notaire à [Localité 33], avait été publié à la conservation des hypothèques de [Localité 33], 2ème bureau, le 28 mai 1926, inscription portant la référence volume 239 numéro 33.

Cet acte de notoriété ne mentionne même pas cet acte de vente de 1926, que ce bien avait appartenu ainsi à M.et Mme [OO] [D] et ne mentionne aucune recherche pour en retrouver les ayants droit.

M°[O] s'est contenté d'affirmations des requérants et des personnes choisies par ceux-ci pour témoigner dans le sens qu'ils souhaitaient.

Il n'était certes pas facile de retrouver, au seul vu des éléments fournis par la conservation des hypothèques, la trace des propriétaires, mais le notaire aurait dû au moins justifier de ce qu'il avait tenté de le faire.

M°[O] a fait preuve de légèreté en se bornant à faire confiance aux déclarants sans procéder à aucune recherche préalable.

Cette faute a contribué à causer un préjudice aux consorts [V]-[W], en leur compliquant encore leurs démarches pour recouvrer la possession de leur bien.

Ce préjudice sera estimé à 5.000 €.

M°[O] sera condamné à leur verser une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité civile professionnelle.

M°[O] demande à être garanti par les consorts [E]-[I] qui l'ont trompé. S'il est vrai que ceux-ci ont abusé de la bienveillance de M°[O], c'est au titre de sa responsabilité civile professionnelle personnelle, pour la faute de légèreté commise par un notaire, que celui-ci est condamné. Il s'agit d'une faute qui lui est personnelle et dont il ne peut se faire garantir par les personnes intéressées à lui faire établir cet acte et dont il devait prendre les déclarations avec plus de réserve.

Pour la même raison, sans être tenu à payer les dépens des autres parties, M°[O] conservera les siens ainsi que ses propres frais irrépétibles.

-Sur les dépens et les frais irrépétibles :

C'est l'attitude des consorts [E]-[I] qui est à l'origine du procès.

Ils conserveront leurs dépens et seront condamnés à payer les dépens exposés par les consorts [V]-[W].

Ils indemniseront les consorts [V]-[W] de l'intégralité de leurs frais irrépétibles

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme partiellement le jugement rendu le 3 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a :

- rejeté les fins de non recevoir soulevées par les consorts [E] [I],

- annulé l'acte de notoriété acquisitive établi par M°[O], notaire à [Localité 33], le 19 avril 2005, au profit des consorts [I]-[E], publié au 3ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 33] le 9 mai 2005 et l'attestation rectificative du 23 juin 2005 publiée au 3ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 33] le 1er juillet 2005 sous le numéro 2005P5798,

- condamné Mme [LO] [E] épouse [I], M.[NJ] [I], Mme [P] [G] épouse [E] et M.[ME] [E] in solidum à verser à [PU], [GU], [PE], [FO] [V] et [Z] [W] pris ensemble la somme de 5.000 € de dommages et intérêts,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau pour le surplus,

Condamne M.[A] [O], notaire, à payer la somme de cinq mille euros (5.000 €) à titre de dommages et intérêts à Mme [PU] [V], Mme [GU] [V], M.[PE] [V], M.[FO] [V] et M.[Z] [W] pris ensemble,

Déboute M.[A] [O], notaire, de sa demande de garantie par les consorts [E] et [I],

Dit que M.[A] [O], notaire, conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne Mme [LO] [E] épouse [I], M.[NJ] [I], Mme [P] [G] épouse [E] et M.[ME] [E] in solidum à payer à Mme [PU] [V], Mme [GU] [V], M.[PE] [V], M.[FO] [V] et M.[Z] [W] pris ensemble, la somme de dix mille euros

(10.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus,

Dit que Mme [LO] [E] épouse [I], M.[NJ] [I], Mme [P] [G] épouse [E] et M.[ME] [E] conserveront leurs dépens et les condamne in solidum à payer les dépens de première instance et d'appel de

Mme [PU] KARAKAS, Mme [GU] [V], M.[PE] [V], M.[FO] [V] et M.[Z] [W], avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 11/13481
Date de la décision : 28/06/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°11/13481 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-28;11.13481 ?
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