COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 28 JUIN 2012
N° 2012/548
Rôle N° 11/07869
Association INSTITUT NATIONAL DE PLONGEE PROFESSIONNELLE
C/
[C] [P]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Henri TROLLIET, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Avril 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/2331.
APPELANTE
Association INSTITUT NATIONAL DE PLONGEE PROFESSIONNELLE agissant par son président en exercice domicilié au siège social sis, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Henri TROLLIET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [C] [P], demeurant [Adresse 4]
comparant en personne, assisté de Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Avril 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012 prorogé au 28 Juin 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2012.
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 août 2006, l'Institut national de plongée professionnelle (ci-après Inpp), entreprise employant habituellement plus de onze salariés, a embauché monsieur [P] en qualité de comptable, catégorie technicien hautement qualifié, niveau E1 de la convention collective nationale des organismes de formation et de l'accord d'entreprise du 13 avril 1993.
Le salarié a été licencié par lettre recommandée en date du 27 mai 2009 ainsi libellée :
'A la suite de notre entretien préalable du 11 mai 2009, je vous informe que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant.
Dans sa réunion du 21 novembre 2008, le Conseil d'Administration de l'INPP a émis un défavorable au budger prévisionnel 2009 qui lui a été présenté et a demandé la restructuration organisationnelle de l'Institut afin d'éviter son prochain état de cessation de paiements.
En effet à la clôture de l'exercice 2008, il est apparu un résultat d'exploitation déficitaire de 241.801 € et, si le bilan présente un excédent de 159.239 €, c'est en conséquence des 328.000 € de la subvention du Conseil Régional Provence - Alpes - Côtes d'Azur et d'une subvention de 15.000 € du Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire (MEEDDAT).
Le Conseil d'Administration de l'INPP a été informé que, après le désengagement de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Marseille - Provence, les Collectivités Territoriales n'accorderaient plus aucune subvention en 2009 : il est apparu dans ces conditions que, dans l'hypothèse où le chiffre d'affaires serait maintenu, les charges inchangées aboutiraient à un déficit de 183.761 € au terme de l'exercice 2009.
Tenu de préserver l'activité productive, il est apparu :
-d'une part, que le personnel administratif, comptable et financier était largement excédentaire, comportant 12 postes, soit plus du quart de l'effectif,
-d'autre part, que le Service « prévention des risques » créé en 2007 pour développer de nouvelles ressources était déficitaire.
La suppression du Service « prévention des risques » et de trois postes administratifs et financiers, avec externalisation de certaines tâches comptables, permettra à l'Institut, son chiffre d'affaires étant maintenu, de réduire le déficit à 59.000 € en 2009, à 11.700 € en 2010 et de présenter des comptes positifs (17.000 €) en 2011 malgré l'absence de toute subvention extérieure.
Comme nous l'avons indiqué au cours de l'entretien préalable, vous avez la possibilité d'adhérer à la Convention de Reclassement Personnalisée (CRP) pour laquelle nous vous avons remis et commenté une documentation d'information dont nous avons conservé le récipissé de présentation...'.
Par lettre recommandée en date du 26 avril 2011, postée le jour-même, l'Inpp a interjeté appel du jugement de départage du conseil de prud'hommes de Marseille en date du 13 avril 2011 qui a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de monsieur [P] et qui a condamné l'employeur à lui payer 19.190,88 euros à titre de dommages-intérêts et 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; l'Inpp demande à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de dire et juger que ses difficultés financières constituaient une cause économique justifiant la réduction des effectifs et le licenciement du salarié, qu'il n'a pas méconnu son obligation de reclassement ni l'ordre des licenciements et en conséquence de débouter monsieur [P] de toutes ses demandes et de le condamner à lui rembourser la somme perçue en exécution du jugement querellé.
Monsieur [P] forme appel incident et demande à la cour de condamner l'Inpp à lui payer les sommes suivantes avec intérêts à compter de la saisine du conseil et capitalisation :
- 58.000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- 10.000,00 euros de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre de licenciement,
- 15.000,00 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- 2.398,86 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 10.000,00 euros de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauchage,
- 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette affaire avait été mise en délibéré au 14 juin 2012, délibéré qui a été prorogé au 28 juin 2012 pour cause de surcharge de travail.
MOTIFS DE LA DECISION :
Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ; or, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.
En outre, selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, le reclassement devant s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent et, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Or, en l'espèce, si l'Inpp se livre dans ses conclusions à de longs développements pour expliquer à l'appelant et à la cour la différence fondamentale qui existe entre la 'subvention d'exploitation (ou de fonctionnement)' et la 'subvention d'investissement', il reste particulièrement discret sur la tentative de reclassement en interne de monsieur [P] (sa chemise est vide sur ce point et la lettre de licenciement n'y fait pas mention), reclassement interne qu'il n'a en réalité pas tenté d'effectuer puisqu'il se contente de faire état dans ses conclusions 'de l'improbabilité dans laquelle se trouve une entreprise contrainte de licencier pour motif économique de créer de nouveaux emplois concomitamment au licenciement' et qu'il ne fait état que de vaines tentatives auprès des sociétés et collectivités territoriales avec lesquelles il était en rapport.
En outre, et contrairement à ce que cherche à faire accroire l'Inpp, ses tentatives de reclassement du salarié à l'externe qu'il prétend avoir entreprises n'ont pas été faites de manière sérieuse et loyale ; en effet il résulte de ses propres pièces que les lettres de sollicitation d'employeurs potentiels, toutes datées du 7 mai 2009, n'ont en réalité été postées qu'à une date bien postérieure puisqu'en effet elles n'ont, pour la grande majorité d'entre-elles, été réceptionnées par leurs destinataires que les lundi 18 mai (cabinet Ayel, conseil général, communauté urbaine), mardi19 mai (Banque Bonnasse, conseil régional, La Méridionale), mercredi 20 mai (Onet, Ifremer, Cybernetix, chambre de commerce, Cgm, Socorec), jeudi 21 mai (Comex), le vendredi 22 mai (Sncm), le mercredi 27 mai (Euromed), le 4 juin 2009 (grand port maritime) ; le salarié ayant été licencié par lettre du 27 mai 2009 (un mercredi), il est ainsi établi que l'Inpp n'a pas même laissé le temps nécessaire aux destinataires de ses courriers pour leur permettre de rechercher sérieusement une possibilité de reclassement du salarié.
Ainsi, le licenciement de monsieur [P], qui n'a pas été précédé d'une recherche concrète et loyale de reclassement, notamment par la mise en oeuvre de formation ou d'adaptation à un nouvel emploi, est sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur [P] a été salarié de l'Inpp du 21 août 2006 au 27 mai 2009, ce non compris la période de préavis, et il était âgé de 34 ans au moment de la rupture ; il percevait un salaire brut moyen mensuel de 2.398,86 euros, somme justement calculée par le salarié et non utilement contestée dans son quantum par l'employeur ; il justifie avoir procédé à des recherches actives d'emploi et avoir été admis au bénéfice de l'allocation spécifique de reclassement à compter du 15 juin 2009 puis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 1er juin 2010 et enfin avoir été indemnisé à partir du 1er septembre 2011; son préjudice a en conséquence justement été évalué par le premier juge à hauteur de 19.190,88 euros, cette somme réparant intégralement son préjudice y compris le préjudice moral résultant de tout licenciement illégitime.
Monsieur [P] étant indemnisé du chef d'un licenciement non fondé ne saurait prétendre à l'indemnité de l'article L. 1235-2 au titre de l'irrégularité de la procédure.
Il n'est pas établi que l'employeur n'aurait pas respecté les critères d'ordre des licenciement de sorte que monsieur [P] sera débouté de sa demande de ce chef.
Le salarié avait fait connaître à l'employeur par courrier du 15 juillet 2009 qu'il souhaitait bénéficier de la priorité de réembauchage mais l'employeur ne justifie pas avoir tenu compte de cette demande ; il sera donc condamné à payer à monsieur [P] la somme de 2.000,00 euros.
Les sommes dues à titre indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les ordonne et il n'est pas justifié en l'espèce de faire remonter le point de départ des intérêts à la date de la demande en justice.
Les sommes allouées à monsieur [P] seront capitalisées conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
L'employeur devra remettre au salarié un solde de tout compte et une attestation pôle emploi rectifiés ; il remboursera à cet organisme les indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de 6 mois d'allocation.
L'Inpp qui succombe paiera à monsieur [P] 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 13 avril 2011 en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de monsieur [P],
L'infirme quant au montant des dommages-intérêts alloués au salarié et alloue de ce chef à monsieur [P], toutes causes de préjudice confondues, la somme de 21.190,88 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et bénéfice de l'anatocisme,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne l'Institut national de plongée professionnelle :
* à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de 6 mois d'allocation,
* à payer à monsieur [P] 1.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus,
* aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT