COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 22 JUIN 2012
N° 2012/311
Rôle N° 11/10040
SAS FONCIA LIGURIE
C/
Syndicat des copropriétaires [Adresse 5]
Grosse délivrée
le :
à :la S.C.P. MAYNARD - SIMONI
la S.C.P. ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02197.
APPELANTE
SAS FONCIA LIGURIE, demeurant [Adresse 1]
représentée par la S.C.P. MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Yann STEMMER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Céline LALLI, avocat au barreau de NICE
INTIME
Syndicat des Copropriétaires [Adresse 6], pris en la personne de son syndic la S.A.R.L. ESPACE GESTION, [Adresse 2],
représenté par la S.C.P. ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Olivier TAFANELLI, avocat au barreau de NICE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur André FORTIN, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président
Monsieur André FORTIN, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 juin 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Magistrat rédacteur : Monsieur André FORTIN, Conseiller
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 juin 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
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Par jugement prononcé le 10 mars 2009, le Tribunal de grande instance de Nice a annulé, à la demande d'un certain nombre de copropriétaires, l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence dénommée '[Adresse 5]' réunie le 29 juin 2007, et ce, au motif, vu l'article 22 de la Loi du 10 juillet 1965, qu'un préposé du syndic, la SAS 'Foncia Ligurie', avait été désigné comme mandataire avec pouvoir de voter pour 14 copropriétaires avec lesquels il était lié par un contrat de gestion avec mandat général.
Il avait été interjeté appel de ce jugement.
Lors de l'assemblée générale des copropriétaires réunie le 12 mai 2009, les copropriétaires ont révoqué le syndic 'Foncia Ligurie' dont le mandat n'était pas achevé et procédé à la désignation d'un nouveau syndic.
Le syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]' devait, par la suite, le 25 mai 2009, se désister de son appel du jugement du 10 mars 2009.
Par exploit délivré le 1er avril 2008, la SAS 'Foncia Ligurie' a fait assigner le syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]' à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Nice pour, aux termes de ses conclusions ultérieures, le voir condamner à lui payer, à titre d'indemnisation, une somme égale aux honoraires auxquels il pouvait prétendre jusqu'à la fin de son mandat soit 36.670,55 €, outre celle de 15.000 € en réparation du préjudice moral subi.
Le syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]' s'étant opposé à ces demandes et ayant formulé lui-même un demande reconventionnelle en paiement de la somme de 4.616,53 € à titre de dommages et intérêts, par jugement prononcé le 26 mai 2011, le Tribunal de grande instance de Nice :
- déboutait la SAS 'Foncia Ligurie' de l'ensemble de ses prétentions formulées à l'encontre du syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]',
- la condamnait à lui payer la somme de 4.616,53 € à titre de dommages et intérêts,
- la condamnait encore à lui payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamnait enfin aux dépens.
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Par déclaration au greffe de la présente Cour le 6 juin 2011, la SAS 'Foncia Ligurie' a interjeté appel de ce jugement prononcé le 26 mai 2011 par le Tribunal de grande instance de Nice.
Elle entend :
- que le syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]' soit condamné à lui payer, à titre d'indemnisation, les honoraires auxquels elle pouvait prétendre jusqu'à la fin de son mandat soit une somme de 36.670,55€, outre 15.000 € au titre de son préjudice moral,
- qu'il soit débouté de toutes ses demandes,
- qu'il soit condamné encore à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- qu'il soit enfin condamné aux dépens de première instance et d'appel.
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Le syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]' demande à la Cour :
- de confirmer le jugement entrepris,
- de débouter la SAS 'Foncia Ligurie' de ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
De la condamner encore aux dépens d'appel.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
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Vu les moyens articulés par les parties au soutien de leurs prétentions,
Attendu qu'il n'est pas contesté que le motif de la révocation de la SAS 'Foncia Ligurie' par l'assemblée générale des copropriétaires '[Adresse 5]' réunie le 12 mai 2009 tenait au reproche fait à ce syndic d'avoir représenté, par l'un de ses préposés, quatorze copropriétaires lors de l'assemblée générale du 29 juin 2007, ce qui avait provoqué le prononcé de la nullité de cette assemblée par le Tribunal de grande instance de Nice au visa de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu qu'une assemblée générale de copropriétaires qui révoque un syndic avant la fin de son mandat, comme c'est le cas en l'espèce, doit le faire pour un motif légitime, faute de quoi le syndicat des copropriétaires commet une faute et est redevable du préjudice qui s'ensuit ;
Or attendu qu'en l'espèce, le fait, pour le syndic, d'avoir fait représenter par l'un de ses préposés quatorze mandants auxquels il était lié, dans le cadre de son activité de gestionnaire de patrimoine immobilier, par un contrat de mandat qui allait bien au-delà de la représentation aux assemblées générales, ne pouvait, au regard de la jurisprudence, être considéré comme une infraction aux prescriptions de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 et, à l'inverse, le fait pour le gestionnaire de biens, de déléguer à un tiers les votes de certains de ses mandants aurait pu contrevenir aux prescriptions du mandat de gestion dont il était titulaire ;
Attendu, en conséquence, que c'est à tort que le premier juge a considéré que l'annulation, par le Tribunal de grande instance de Nice, de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence '[Adresse 5]' réunie le 29 juin 2007 résultait d'une faute imputable au syndic de nature à rendre légitime sa révocation, étant observé au demeurant qu'en tout état de cause, en se désistant de son appel, le syndicat des copropriétaires a renoncé à faire juger le point de droit sur lequel il fondait le caractère fautif prétendu de la représentation litigieuse ;
Attendu qu'il en résulte que la révocation par l'assemblée générale des copropriétaires réunie le 12 mai 2009, du syndic 'Foncia Ligurie' dont le mandat n'était pas achevé, est illégitime et que c'est à bon droit qu'en conséquence de cette faute qui lui a fait perdre des honoraires, la SAS 'Foncia Ligurie' demande indemnisation de son manque à gagner qu'elle fixe au montant des honoraires qu'elle aurait dû percevoir soit 36.670,55 € ;
Attendu, toutefois, que ce manque à gagner ne saurait équivaloir aux honoraires prévus, puisque cette société n'a pas eu à fournir sa prestation et n'a donc pas engagé les dépenses correspondantes ;
Attendu, ainsi, que son préjudice matériel doit être évalué à la somme de 18.000 € ;
Attendu qu'elle se prévaut également d'un préjudice moral ;
Attendu, cependant, que la souffrance morale d'une société commerciale, par définition dénuée de sensibilité, mérite une analyse précise et circonstanciée en rapport avec des notions spécifiques applicables à de telles entités, analyse que l'on ne retrouve nullement en l'espèce ;
Attendu, ainsi, que ce chef de préjudice doit être écarté ;
Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, CONTRADICTOIREMENT, EN MATIÈRE CIVILE ET EN DERNIER RESSORT,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement prononcé le 26 mai 2011 par le Tribunal de grande instance de Nice,
Condamne le syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]' à payer à la SAS 'Foncia Ligurie' la somme de 18.000 € à titre de dommages et intérêts,
Le condamne encore à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne cependant encore le syndicat des copropriétaires '[Adresse 5]' aux dépens de première instance et d'appel, ordonne distraction de ceux d'appel dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
S. AUDOUBERTJ-P. ASTIER